J’ai failli écrire que ce livre était un exemple de SF africaine, hélas Richard Canal (qui est français) a à présent quitté le continent noir. L’influence africaine se devine tout de même en filigrane.

Deloria est une planète colonisée depuis trois siècles par les humains, sans que la communication ait réellement pu s’établir avec l’espèce intelligente locale, les Geyns. Ces derniers possèdent une philosophie de la vie (ou plutôt de la Mort) tout à fait opposée aux hommes, et le conflit couve - puis éclate. L’ambassadeur terrien dans la plus petite implantation terrienne, au milieu d’autochtones de plus en plus hostiles, est seul parvenu à un début de contact, sans succès concret hélas. Puis l’enfer se déchaîne sur la petite communauté.

Ce n’est pas un roman très optimiste, la plupart des personnages cherchant à sauver leur peau dans un monde qui rejette la présence humaine. Les Geyns, aussi tournés vers le mysticisme qu’ils soient, ne sont pas des non-violents. Leurs armes, sont des Mots que les prêtres font prononcer aux élus dotés de ce don, mais ce sont des armes de destruction massive.

Rien de cartésien là-dedans, et je me méfie souvent de ces romans où la science le dispute au fantastique et aux super-pouvoirs paranormaux, moyen souvent efficace mais décevant de justifier un peu n’importe quelle fin.
Ce n’est pas le cas ici, en partie grâce à la séparation nette entre les trois histoires qui se croisent, nettement séparées : les Geyns vivent dans leur monde apparemment primitif, où chacun attend sa Résurrection, et les humains, bardés d’une nanotechnologie qui devrait les rendre tous-puissants, ne comprennent rien à ce qui leur tombe dessus.
En leitmotiv planent les devises pessimistes ironiques de Cioran.

Si le démarrage a été un tant soit peu délicat (toujours ce côté mystique), j’ai eu du mal à lâcher le livre avant la fin.

Une interview disponible en ligne de Canal donne d’autres clés, notamment le lien avec l’Afrique - qui lui a semble à jamais insaisissable. Il nous promet aussi une suite que la fin du livre laisse entrevoir.