J’ai récemment reçu et feuilleté le catalogue d’une entreprise alsacienne spécialisée dans la vente par correspondance d’un peu tout et n’importe quoi (beaucoup de n’importe quoi d’ailleurs) dans le domaine du périphérique informatique (et de tout ce qui est périphérique à l’informatique et susceptible d’intéresser le geek, le nerd, le gamer ou le simple a- ou décérébré abruti, forcément mâle), fournisseur chez qui je me suis épisodiquement fourni, bien que souvent peu satisfait de la qualité parfois très approximative des produits. Il faut savoir sélectionner.

USB USB USB

Et j’ai repéré une tendance plus qu’évidente, et loin d’être nouvelle : l’USB est devenu le connecteur universel (Intel, Microsoft, HP et compagnie l’ont créé pour ça après tout). Il sert à tout et n’importe quoi quand il s’agit de relier quelque chose au PC : claviers USB, souris USB, imprimantes USB d’abord, puis appareils photo numériques USB, ensuite microscopes USB, téléphones Skype USB, caméras USB, clés USB de tous les formats et tailles, pavés numériques USB, télécommandes PC avec récepteur infrarouge USB...

Quelque part et un peu partout, des brain-stormings ont accouché d’une conclusion : on prend un produit banal, on rajoute « USB » derrière, et on voit après si ça a un sens. Ce sens peut être très ténu. Faute de mieux, on intègre un hub USB à l’objet. Sont donc nés les pèse-personnes USB, les lampes avec hub USB, les calculatrices-hub USB...

Parallèlement, la démocratisation de l’informatique et le « je me prends pas la tête à ouvrir la machine », renforcés par la généralisation des ordinateurs portables qu’on ne peut ouvrir, ont entraîné le passage de certains produits vendus sous forme de cartes d’extension à la connectique USB. Pain béni pour les marketeux, puisqu’ils pouvaient alors jouer en plus sur l’apparence du produit.

Les clés offrant l’accès wi-fi ou Bluetooth à un ordinateur datent de cette époque, mais le reste des extensions a suivi : cartes son USB, cartes vidéo USB, cartes tuner télé USB (TNT ou pas), docking stations USB, et enfin, grâce à la norme USB2, graveurs externes USB, disques durs externes USB.

Ça c’était la première étape, où le connecteur est utilisé pour ce à quoi il est censé servir.

Écosystème

La seconde a suivi, et c’est celle des gadgets qui facilitent l’utilisation de l’USB en tant que connecteur USB dans sa mission de tous les jours : il y a pléthore de modèles de hubs USB pour connecter la myriade de périphériques USB, ainsi que de façades pour ordinateurs avec de nouveaux périphériques USB, des rallonges USB, des coudes pour endroits difficiles d’accès, des adaptateurs USB entre norme A, norme B et micro USB, entre USB et normes périmées (USB/PS2, USB/série, etc.), des câbles rétractables...

De même, l’USB devient un moyen de conversion efficace : les lecteurs de cartes 53 en 1 (Compact Flash, SD, MMC...) USB en témoignent.

Bref, un véritable petit écosystème qui fleurit autour de la norme, comme cela se produit autour de chaque norme (le pire exemple étant celui de la connectique pour cinéma privé).

Perversion

Vient ensuite la troisième étape, celle de la perversion : l’USB n’est plus qu’une source d’énergie, certes pas énorme, mais déjà conséquente, surtout quand le gadget se contrefiche de la limite de 500 mA sous 5 V. Qu’il y ait un ordinateur à l’autre bout du câble est un détail, seuls comptent les 500 mA qui en sortent.

Ont fleuri alors ventilateurs USB pour les canicules, chauffe-tasses USB, chaussons chauffants USB, lampes de poche de chemise rechargeables par USB, lance-missiles USB pour collègues déconneurs, pointeurs laser USB pour leur chef en réunion, taille-crayons USB, ouvre-lettres USB, diffuseurs de parfums USB, horloges USB (qui font certes hub USB), aspirateurs à clavier USB, etc. Les LEDs, très économes, permettent une orgie de lampes USB de formes diverses et variées. Et, forcément, sont apparus des chargeurs pour portables ou PDA sur USB (et ils sont même souvent livrés par le fabricant dudit bout d’électronique).

Abstraction

Étape suivante : l’USB n’est alors qu’une source d’énergie, et après tout on n’a pas toujours un ordinateur sous la main. Et ces gadgets et chargeurs, on aimerait bien les utiliser partout. La suite est inéluctable : transformateurs 220V vers USB, allume-cigares vers USB, batteries portatives avec sortie USB.

(Mise à jour du 7 septembre 2007 : La boucle est bouclée, il existe des accumulateurs sous forme de piles R6/AA, qui s’ouvrent et dévoilent un connecteur USB pour être rechargés.)

Il est techniquement réalisable (et éco-énergétiquement débile) de connecter un appareil à chargement USB sur un convertisseur allume-cigare-USB branché sur un transformateur 220V-allume-cigare. Il doit y avoir des commerciaux et autres techno-dingues nomades friqués possédant une telle chaîne, simple conséquence des années passées à collectionner transformateurs, chargeurs... d’abord orientés autour de l’allume-cigare, et à présent de l’USB. Les années 2010, avec ses voitures hybrides bourrées de batteries pleines de kWh, devraient être intéressantes de ce point de vue. Il faut espérer que le rechargement du véhicule sur le secteur sera aussi généralisé ; sinon l’alimentation permanente de PC portables suçant des centaines de watts avec l’essence ou le diesel va ruiner tous les efforts de réduction du CO2. (Quoiqu’à la vitesse où s’envole la consommation des PC, il y a plutôt un risque que la voiture hybride se recharge à partir des accumulateurs du PC. Bref.)

Généralisation

Une chose m’énerve dans notre civilisation consumériste, aussi bien en tant que consommateur qu’ingénieur ou qu’écolo : la pléthore des connecteurs pour téléphone portables et autres. Un connecteur différent pour chaque marque, et souvent pour chaque modèle, un transformateur différent à l’autre bout. Les autorités européennes s’en contrefichent manifestement, et les constructeurs ont décidé que les marges engrangées sur les remplacements de ces périphériques ne contrebalançaient pas la joie d’un consommateur qui n’aurait pas à racheter chargeur de secours ou chargeur sur allume-cigare en passant de Noksy à Sonia. Je désespérais qu’un connecteur universel apparaisse un jour.

La solution est évidente : tout cela doit passer en USB. Et je parie que la norme éclatera à ce moment-là, avec des connecteurs USB Noksy, des connecteurs Sonia, des Phirola et des Motolips.