Au milieu d’une discussion de Slashdot sur la disparition de la politesse élémentaire dans les mails échangés en entreprise, j’ai trouvé cette perle d’un certain Confuse, que je m’en vais traduire/trahir/résumer et (forcément) commenter :

« D’abord, inutile de chercher à changer les gens, c’est futile.

Ensuite, ne mettez jamais par écrit ce que vous ne voudriez pas dire devant un tribunal. Faites comme vous voulez au téléphone ou face-à-face, mais par écrit soyez la voix de la raison — vous ne savez pas qui lira. »

La voix de la raison, effectivement.

« Ignorez les courriers dont vous n’êtes qu’en copie (CC:). Si vous deviez le lire, vous seriez en destinataire (To:). Les courriers en copie “perdus” sont à mettre au compte du filtre anti-spam. Et plus vous ignorerez de mails, moins les gens supposeront que vous les lirez. »

J’ai déjà vu cette ligne de défense en place, plus ou moins consciemment et innocemment, comme défense contre l’avalanche de courriers. Trier automatiquement les courriers CC: vers un autre répertoire soulage la boîte aux lettres principale. J’ai aussi vu des responsables débordés devenus injoignables par mail — et donc de fait ignorés/contournés sauf lorsque perfidement on veut obtenir implicitement leur accord.

« Si vous êtes destinataire, êtes-vous le seul ? Si non, et que ce mail contient des choses à faire, supposez qu’un autre destinataire s’en chargera : sinon ça n’aurait été adressé qu’à vous. Si vous ne pouvez éviter le travail, demandez une réunion de planification avec toutes les personnes présentes dans la discussion, éventuellement d’autres aux agendas non incompatibles. Cela repousse suffisamment le travail pour le rendre inutile. »

Ne pas se précipiter sur du travail est un bon moyen de le voir disparaître spontanément (perte d’utilité, changement de priorité, nouvelle lubie du chef ou du top management). De là à le repousser délibérément... Parfois, attention, ce n’est que reculer pour mieux sauter, la deadline ne changeant pas (en général c’est même la seule chose fixe et précise, définie en premier avant toute analyse).

« Ignorez les compte-rendus de réunion auxquelles vous n’étiez pas, ça n’est pas productif. Vous auriez été invité sinon. »

Au risque de laisser passer d’importantes infos...

« Tout cela semble brutal et ne devrait s’appliquer qu’à ce qui ne vous intéresse pas, mais marche bien dans la réalité.

À propos des citations sans fin dans les échanges de courrier, l’idéal est de ne jamais tout citer. Ne gardez que ce que à quoi vous répondez : les correspondants ne verront que ce que vous voudrez qu’ils voient, la plupart n’iront pas chercher l’original dans leur boîte. Réduisez le nombre de destinataires de vos réponses, cela multiplie les groupes avec différents niveaux d’information, ce qui est toujours utile en cas de recherche de coupable.

Évitez les mails courts si cela ne vous arrange pas directement. Présentez des options avec avantages et inconvénients. Commencez les mails avec un résumé à votre sauce avant de citer les mails suivants. Cela influencera ceux dont le délai d’attention ne sera pas d’entrée dépassé. »

Personnellement, j’ai effectivement tendance à tartiner dans les mails. Mais je suis un pur produit de l’école française thèse/antithèse/[syn/fou]thèse. Je suis conscient qu’effectivement certains de mes correspondant font un brain overflow au-delà de quatre lignes de texte, mais bon, j’aurai fait mon devoir.

« Pour se débarrasser de projets embarassants, impliquez les juristes, la sécurité, la qualité, des règlements et des lois : étonnament peu de gens sont prêts à mettre par écrit qu’ils ne veulent pas que les choses soient faites dans les règles. »

Conclusion :

« Ainsi, à moyen terme, vous aurez toute latitude pour ignorer les courriers que vous voudrez, et on hésitera à venir vous demander votre aide. Comme bénéfice secondaire, vous vous ferez une collection de courriers très prisés en cas de perquisition. »

Si tout est loin d’être faux, et si chaque règle peut fournir une arme contre la saturation, les excès d’un chef ou de l’organisation dans son ensemble, il ne faut pas faire attention à en faire une règle et tomber dans le travers du très surfait Bonjour paresse, vision totalement cynique restreinte aux services de support de grandes entreprises, où éviter le boulot et les jeux de politique mesquine peut devenir l’unique sport de gens totalement désabusés.