Très instructif ce numéro (qui n’est bien sûr plus en kiosque). Je vais me faire violence pour le résumer brièvement :

Recherche

pls_dossiers_82_langues.jpgLa recherche porte sur les modèles d’organisation communs, à grand renfort de concepts mathématiques : statistiques, réseaux, connectivité..., parallèlement à l’étude des formes rudimentaires : celles des enfants, celles des robots devant développer eux-mêmes une langue de communication.

Et l’on croise volontiers les résultats avec la génétique pour retracer des migrations sur tous les continents.

Le basque, langue des premiers Européens

Un chercheur allemand pose que le vascon (ancêtre du basque) serait la première langue d’Europe : on retrouve ses racines dans la toponomie (noms de lieux et fleuves) du Maroc aux pays baltes, en passant par Munich et toutes les vallées en aran d’Europe'. Appuyé entre autres par la génétique, Theo Vennemann suppose que les peuples réfugiés près des Pyrénées pendant la dernière glaciation ont recolonisé l’Europe ; puis les envahisseurs indo-européens ont conservé ces noms.

Le système numérique de base vingt serait aussi d’origine vasconne, et ses dernières traces (« quatre-vingt », Quinze-Vingts...) nous ont été léguées par les Gaulois.

Cette théorie ne fait pas l’unanimité mais attire l’attention sur les interactions entre les premières langues d’Europe.

L’invasion indo-européenne

Nos langues indo-européennes nous sont-elles parvenues par des cavaliers d’Asie Centrale il y a 6000 ans ou des agriculteurs d’Anatolie il y a 8000 ans ? Le débat n'est pas tranché ; la génétique s’en mêle, ainsi que des calculs pour dater les divergences des langues européennes, vers -8700 — trop tôt pour l’hypothèse des cavaliers, mais dans la période de l'arrivée de l’agriculture en Europe. Les contre-exemples abondent cependant (linéaire A crétois...) et « dans ce domaine, les hypothèses les plus simples ne sont pas forcément les meilleures ».

Créoles & pidgins

Langues parmi les plus récentes, les créoles se rencontrent partout et mélangent la « langue source » d’un colonisateur ou esclavagiste (en général européen, souvent français, exceptionnellement arabe) avec des principes grammaticaux différents : les créoles ressemblent plus à d’autres créoles qu’à leurs langues sources. Les créoles deviennent des langues maternelles, au contraire des pidgins (qui peuvent évoluer en créoles).

L’anglais, le yiddish ou le métchif sont des « langues mixtes », issues du mélange d’autres langues de manière continue sur plusieurs générations, et non des créoles.

Selon la théorie du « bioprogramme », les créoles se ressemblent car ils sont revenus à un dénominateur commun de toutes les langues, utilisé de manière innée par la première génération née dans cette langue. Cette théorie perd du terrain face aux théories « substratives », où les adultes tiennent le rôle principal : non guidés dans leur apprentissage de la langue source, ils utilisent un peu les mêmes stratégies pour en saisir une partie de la grammaire, expliquant les ressemblances.

Nombre de créoles sont en danger, notamment sous l’influence de la langue « standard ».

Création des langues de nos jours

Rares sont les exemples de création de langue sans influence d’une langue originelle, mais il peut suffire d’une poignée de personnes. En Israël, un village comporte un nombre important de sourds à cause d’une anomalie génétique courante : ils ont créé leur langue. Au Nicaragua à la fin des années 70, de jeunes sourds jusque là isolés ont été regroupés dans une école : ils ont spontanément créé une langue des signes commune, observés par des linguistes.

Ces derniers ont remarqué que l’ordre des mots se fige vite, et il n’est pas simplement transposé de la langue parlé voisine, mais plutôt en sujet-objet-verbe, comme dans la plupart des langues : pourquoi ? Serait-il un ordre « naturel » ?

Langues de cinéma

J.R.R. Tolkien a créé les langues artificielles les plus connues (notamment, mais pas seulement, les langues elfiques sindarin et quenya). D’autres exemples très fouillés en cinéma ou littérature :

L’évolution et l’extinction des langues

  • Le débit en syllabes varie fortement entre des extrêmes comme le japonais ou l’espagnol d’une part, et l’anglais, l’allemand ou le chinois d’autre part. Mais le débit en information reste constant !
  • La moitié des 6000 langues du monde vont disparaître avant 2100, car l'énorme majorité n’est parlé que par quelques locuteurs. Seule solution : le multilinguisme. Les enfants ne doivent pas être poussés (y compris par leurs parents !) à abandonner leur langue d’origine pour de simples raisons « utilitaires ».
  • Non, le SMS n’est pas un danger pour le français, car il correspond à des usages bien précis.