Il y a sept ans je faisais l’acquisition de deux machines de bureau HP d’occase, construites avant la fin du millénaire dernier, destinées à servir comme serveur de mail/sauvegarde/VPN/versioning/web/juge Diplomacy… au sein de mon placard, la deuxième machine servant de remplaçant à la première. Vu le tarif, elles m’ont plus coûté en électricité qu’en matériel.

Deux machines semblent un luxe, mais cela permettait de mutualiser les composants et de remplacer très vite la machine défaillante. L’une a donc vampirisé disque et mémoire (256 Mo au total, ouaouh !) de la seconde, et vécu deux ans dans un placard avant de migrer dans la cave de la maison. À son décès, une partie de son silicium a rejoint son clone qui a vaillamment pris la relève. « Karma » je l’avais appelée, ne me demandez pas pourquoi.

Elles en ont vues, des versions de Debian, ces machines : Sarge, Etch, Lenny, Squeeze. Je crois me souvenir qu’il y a eu une réinstallation de zéro au milieu à cause d’un décès de disque dur. Mais à chaque itération le nombre de paquet augmentait, et chaque aptitude update ; aptitude safe-upgrade prenait plus de temps.

Pendant ces années le monde, la technologie et mes besoins changeaient. Ma bureautique passait sur Mac, et l’ancien desktop Linux plus puissant (dual core !) migrait dans une cave où je n’avais jamais le temps de me réfugier, reprenant de plus en plus le rôle de serveur. Les services finalement ont tous migré sur cette dernière machine, ou disparu, faute de besoin réel, de curiosité ou de temps. Les machines virtuelles sont devenues enfin pratiques sous Linux (KVM), mais inutilisables sur Karma. Dans mon infrastructure personnelle les contraintes tournaient à présent autour de la consommation électrique, du choix entre service hébergé (d’un prix à présent ridicule) et auto-hébergé (limité en bande passante), et de la réduction du temps de maintenance (finie l’époque héroïque où je compensais la nullité de Cybercable en gérant domaine et serveur de mail chez moi) .

La technologie continuait de galoper, et le pauvre karma, incapable d’évoluer en RAM, limité à des disques IDE trop petits et à présent hors de prix, devenait de moins en moins utile. Mon Raspberry Pi, tellement peu cher que ce fut un achat d’impulsion, a un peu plus de puissance de calcul — mais pas de carte Gbit ni de mémoire de masse, ok. Le présent site tourne sur la machine virtuelle la plus minimaliste que vend Gandi, avec dix fois plus de bogomips et cent fois plus de bande passante — mais moins de disque et hors de mon réseau.

Est arrivé ce qui devait arriver : l’existence de karma, encore fonctionnel, ne peut plus se justifier, surtout s’il coûte du courant, surtout s’il prend une étagère dans une cave totalement saturée. Mon manque de temps chronique et ma procrastination naturelle n’ont fait que repousser l’inéluctable agonie. La fin de Squeeze força les choses, la machine était en général éteinte depuis l’automne.

J’ai récupéré les dernières données hier, et éteint définitivement karma. L’étagère va être libérée pour du stockage quelconque. J’ai du mal à jeter, donc je garderai sans doute karma quelque temps, au cas où quelqu’un ait besoin d’un disque dur IDE un jour.

Tous les PC n’ont pas la chance de servir quatorze ans.