Dans une uchronie on cherche toujours la petite bête. L’auteur a trop fait évoluer la société ici, pas assez là, tel comportement est anachronique, etc. Ça fait partie du jeu et n’enlève rien aux qualités de ce petit roman fort sympathique et riche en action, et qui aurait gagné à prendre de l’épaisseur (en pages, et en intrigue en conséquence).

Le_Dernier_des_Francs.jpg César a été assassiné à Alésia. Suite à leur victoire, les Celtes se sont unis. Huit cent ans plus tard, coincé entre entre les empires hun, celte et parthe, l’Empire romain de la dynastie des Pompée n’a pas la toute-puissance que nous lui avons connue.

Le narrateur, malheureux bossu peu porté sur les armes, accompagne son oncle, un sénateur romain, à Gergovie, pour son mariage, prétexte bidon au déplacement. Évidemment il tombe amoureux de sa future épouse, une belle Cananéenne (de religion non pas chrétienne, car Judas ne s’est pas pendu, mais « judassique »). Dans l’escorte figure un jeune Germain, le « dernier des Francs » [1], ceux-ci ayant été exterminés par les Huns. La mission secrète à l’ampleur géopolitique tourne au vinaigre, et s’ensuit une odyssée au sein de l’Empire celte.

Dans les premières pages je pensais redécouvrir une version romaine du grand classique de Silverberg, La Porte des Mondes, roman-d’initiation-d’un-jeune-par-le-voyage, qui a fait découvrir à plus d’un ado ou pré-ado les délices de l’uchronie. Si le héros est bien jeune et un peu niais au début, beaucoup moins à la fin, j’ai vite changé d’avis : le voyage en question tourne court, et la violence de bien des scènes [2] l’interdit aux plus jeunes.

Comme je disais, on peut ergoter : les Huns avaient plus tendance à soumettre les Germains qu’à exterminer totalement [3] ; la civilisation gauloise n’avait peut-être pas la cohésion nécessaire pour créer un État unifié capable de faire plier Rome ; les Parthes auraient-ils tenu cinq ou six siècles de plus avec une Rome affaiblie ? Le christianisme a été remplacé par une autre version et surtout ne s’est pas répandu dans l’Empire romain, et d’ailleurs l’Islam est passé à la trappe aussi (conséquence ? il manque un passage là-dessus), mais les anciennes religions romaines auraient-elles perduré encore des siècles ? Ce monde n’est-il pas une version figée des environs de l’an 500 ?

Ça n’a pas d’importance et ça ne gâche pas le plaisir — comme je disais, ça aurait été encore mieux avec quelques pages de plus.

Notes

[1] Référence évidente au Dernier des Mohicans, mais n’ayant pas lu celui-là, je ne sais jusqu’où va le parallèle.

[2] Manque de valeur de la vie humaine, abondance de sang qui gicle, mais aussi du genre de ce qui se passe entre soudards et donzelles capturées.

[3] Certains ont décrit la célèbre bataille des Champs catalauniques comme un affrontement entre Germains, soumis aux Huns d’une part, alliés à Rome d’autre part.