pls_442.jpg Espérons que les kiosques le présenteront encore quand je publierai ceci. Pour une fois, je vais tenter de faire court. Avis personnels en italique comme d’habitude.

La généalogie des mythes

En cataloguant les mythes de nombreux peuples, Julien d’Huy a trouvé des liens très surprenants, et constitué un arbre phylogénétique qui recouvre bien ce qu’on sait des migrations humaines anciennes.

Un grand classique : la Chasse Cosmique. Le mythe grec de Callisto transformée en Grande Ourse a des équivalents un peu partout dans le monde, y compris chez les Indiens d’Amérique, mais pas en Papouasie ou Australie : ce mythe daterait donc d’avant la conquête de l’Amérique. Julien d’Huy esquisse même un rapport (discutable) avec certaines scènes de la grotte de Lascaux.

Pour prouver tout cela, il a fallu décomposer les légendes en « mythèmes » élémentaires, montrer les divergences progressives, traquer les chaînons manquants, et appliquer des algorithmes utilisés à l’origine pour tracer la diffusion des gènes.

Exemple frappant : l’évolution du conte de Cendrillon, méconnaissable il y a 4000 ans au Moyen-Orient (une vache est tuée par une marâtre et devient un arbre nourricier !), devenu celui que nous connaissons vers l’An Mil en Scandinavie, en passant les Balkans dans l’Antiquité (une jeune fille peut aller au bal grâce à l’arbre nourricier).

Ulysse a échappé au Cyclope en se cachant sous les moutons de son troupeau sortant de la grotte : une version existe en Amérique, où deux compagnons enfermés échappent à Corbeau en se cachant sous des bisons. Le mythe de Pygmalion, sous diverses variantes, semble aussi universel.

L’Anthropocène

L’historien des sciences J.-B. Fressoz explique ce qu’est l’Anthropocène, c’est-à-dire l’ère géologique actuelle, marquée d’abord par l’homme avant même la nture. Cette ère n’est pas encore reconnue par les définitions officielles internationales qui nous situent encore dans l’Holocène.

Le début pourrait en être la Révolution Industrielle (à partir de 1750), et les marqueurs géologiques majeurs seraient bien sûr l’explosion du taux de CO2, mais aussi de bien d’autres gaz, parfois absents auparavant comme les CFC ; puis l’évolution climatique accélérée actuelle ; et enfin les extinctions d’espèces massives ; mais aussi la perturbation du cycle de l’eau (drainages, barrages...), de l’azote (pollutions, engrais), et même du phosphore !

La perspective est intéressante : nous en sommes arrivés là d’abord par un système inégalitaire, les nations dominantes des deux derniers siècles (Grande-Bretagne et États-Unis au premier chef) accaparant les ressources de leur empire. La France y a participé aussi, à un coût moindre en émissions.

L’Anthropocène n’était pas inéluctable. Une bonne partie des émissions est due à un système basé sur le pétrole, lequel a été (et est encore...) encouragé par des intérêts pétroliers. Une publicité de 1892 pour un chauffe-eau solaire est fascinante : c’est l’électrique qui l’a tué. Les canaux ont été remplacés par le chemin de fer, les lampes à huile par les lampes à gaz, les millions d’éoliennes américaines de 1900 par l’électrification rurale, les tramways par la voiture (des lignes ont été rachetées pour être fermées...), les banlieues « rouges » concentrées par des banlieues périurbaines très étendues. (NB : ne pas y voir systématiquement une volonté délibérée derrière. La recherche d’un profit ponctuel, l’efficacité économique à l’échelle de quelques années, la recherche de tous du confort et d’un meilleur cadre de vie expliquent une bonne partie de tout cela sans recourir à des théories de la conspiration comme seul moteur.)

Les alertes environnementales sont aussi anciennes, par exemple à propos de la déforestation (et on pourrait noter que le problème, en Occident, a été en partie résolu... et grâce au charbon !), ou même de l’industrie de l’époque (dans les cahiers de doléances de 1789 !). Si la science de l’époque se trompait, la conscience du danger existait.

Bref, la manière dont nous sommes entrés dans l’Anthropocène doit nous donner une idée sur les leviers à activer pour en réduire l’impact. (C’est pas gagné...)

Indécidabilité et complexité

L’article de Jean-Paul Delahaye se situe à la limite de mes capacités de compréhension, catégorie vertigineux. Depuis Gödel, on savait que tous les théorèmes n’étaient pas démontrables, quelques axiomes que l’on rajoute. Il semble qu’une bonne partie de l’incomplétude puisse être comblée (au moins pour les besoins pratiques, du genre de tous les théorèmes « pour tout x, on a telle propriété », conjectures de Goldbach et Riemann comprises) en rajoutant un certain nombre (parfois aléatoire, potentiellement infini...) d’axiomes liés à la complexité de Kolmogorov des suites finies.

La complexité de Kolmogorov correspond au plus petit programme nécessaire pour écrire une suite de chiffres. La complexité d’un milliard de zéros est ridicule, celle de π est très faible (il existe des programmes très courts), celle d’une suite aléatoire est proche de la longueur de la suite, et la majorité écrasante des suites ont une grande complexité.

Philosophiquement : « ce qui manque dans une théorie formalisée, c’est essentiellement de l’information sur la complexité et le hasard ».

Je n’ai pas fouillé la bibliographie pour les applications en psychologie (!!). Et non, je n’ai pas tout compris. Il y a des choses qui sont assez merveilleuses pour qu’on ne cherche pas à creuser plus.

Divers

  • New York serait la ville la plus écologique des États-Unis, en terme d’émissions de CO2, et le bucolique Vermont est de ce point de vue catastrophique. En effet, concentration urbaine signifie transports en communs efficaces et chauffage plus économe. S’éloigner des villes est la pire décision écologique qui soit... (Du moins en gardant le mode de vie actuel avec les technologies présentes.)
  • Les Tibétains ont hérité de gènes des hommes des Denisova.
    Après les Européens qui descendent de Néandertal, voici une preuve de plus que l’arbre généalogique de l’homme est touffu et complexe. Et vus les gènes de certains ancêtres du côté de ma belle-famille, mes enfants descendent probablement des Denisova et des Neandertaliens.
  • Des images de filaments liquides visqueux qui s’empilent me rappellent bien des souvenirs de DEA.
  • La « course aux armements acoustique » décrit le sonar des chauve-souris et des cétacés, et les contre-mesures des papillons de nuit (le F117 n’a pas inventé la furtivité !).
  • Les astronomes attendent la prochaine supernova galactique (proche) avec impatience. Les neutrinos, émis peu avant l’explosion, annonceront peut-être l’événement assez tôt pour que les télescopes soient pointés à temps. En 1987, la première supernova observée dans notre galaxie depuis que le télescope existe avait permis de valider cela. Les détecteurs sont prêts à lancer l’alerte, en espérant que ce sera plus demain que dans un siècle.

    (Rappelons que le fait que l’on puisse comprendre l’explosion d’une supernova, phénomène hors norme où toutes les sciences se trouvent rassemblées, constitue un des plus grands prodiges de la science moderne, et la preuve de sa cohérence.)
  • La paléontologie est en partie une affaire de chance, on creuse parfois sans rien trouver. La détection des sites fossilifères par satellites, en fonction de signatures spectrales bien particulières et avec l’aide de réseau de neurones, dans chaque type de terrain, pourrait économiser énormément de temps aux chercheurs. Premiers tests réussis dans le Wyoming.
  • Dernière estimation du nombre de planètes dans la galaxie : entre 100 milliards et 2000 milliards ! Dont des dizaines de milliards de super-Terres en zone habitable...