Commentaires purement personnels en italique, comme à l’accoutumée.

La langue façonne la pensée.

Le débat sur le lien entre pensée et langage ne date pas d’hier. Il est à présent évident que la langue et la culture influencent la pensée de manière profonde. L’article regorge d’exemples fascinants :

  • Le tri de photos dans l’ordre chronologique se fait de gauche à droite pour l’Occidental moyen, de droite à gauche pour un hébreu, et c’est lié au sens de l’écriture (et pour les enfants qui ne savent pas écrire ? y a-t-il imitation des parents ?)…
  • …et de l’est vers l’ouest pour certains aborigènes australiens ! Ces gens sont donc capables de s’orienter systématiquement par rapport aux points cardinaux.
  • Les degrés de parenté sont décrits de manière plus ou moins fine entre les langues : le mandarin a des mots différents pour les oncles paternels ou maternels, par alliance ou par le sang…
  • Pour les Occidentaux, le passé est derrière eux, le futur devant ; mais pour les Aymaras dans les Andes c’est l’inverse (cet article explique cela viendrait de la nécessité de préciser si le locuteur a été témoin ou pas d’un fait.).
  • Certaines langues ne connaissent pas les nombres supérieurs à 4.
  • En anglais ou en français les tournures directes sont privilégiées (« Pierre a renversé le vase »), alors que beaucoup d’autres langues (espagnol, japonais) ont des tournures indirectes (« le vase s’est cassé ») : les locuteurs de ces dernières langues mémorisent moins bien les événements accidentels, les anglophones s’expriment plus de façon causale.
  • Les capacités en calcul mental sont directement influencées par le nombre de syllabes des nombres !
  • J’ajouterai : la dyslexie dépend de la langue, ou plutôt de son orthographe, mais jusqu’à quel point peut-on séparer les deux ?
  • La langue utilisée a un impact sur les préjugés à un moment donné (testé sur des bilingues hébreu-arabe) !
  • La définition exacte des couleurs dépend de la langue.

Bref, la langue semble participer à la plupart des activités cognitives humaines, et est un reflet de la capacité d’adaptation humaine à de nombreux milieux.

Dans un commentaire, Pierre Pica remarque que ces variations sont liées aussi aux « connaissances noyau », acquises par un enfant avant même qu’il sache parler : les différences viennent-elles des langues ou des connaissances noyau ? Tous les humains parlent une langue, en créent une entre eux au besoin, et s’appuient sur les différences d’usage, éducation… de leur milieu.

Ce que je me demande, c’est dans quelle mesure on peut distinguer dans les exemples ci-dessus ce qui relève de la langue et ce qui est plus lié à la culture dans son ensemble. La langue étant elle-même la manifestation et le vecteur de cette culture, les deux sont forcément massivement entremêlées. Tout nouveau concept devant être exprimé dans la langue, les limites de celle-ci deviennent donc des obstacles à ce qui n’entre pas dans son cadre. Je suppose qu’un critère serait la facilité d’assimilation d’un nouveau concept en introduisant simplement quelques mots supplémentaires — pas forcément si simple…

Rigolo : l’autrice a une page web relativement atypique : nos goûts esthétiques s’ont-ils influencés par notre façon de penser, ou l’inverse ?

Question encore : qu’est-ce que les langues dominantes actuelles oublient qui serait fondamental ? Pourrait-on ajouter tous les concepts issus d’autres langues dans une langue synthétique dont le but serait d’ouvrir au maximum l’esprit humain ?

Enfin : une langue dominante (l’anglais actuellement mais ça vaudrait pour n’importe laquelle) n’est-il alors pas en soi une catastrophe ? Non seulement elle donne un avantage matériel à la nation qui la domine (les États-Unis essentiellement), puis culturel (beaucoup d’auteurs non anglophones se font traduire en anglais pour être connus ensuite dans les pays tiers, ce qui fait filtre), mais l’article ci-dessus implique que s’impose le système de pensée anglo-saxon au reste du monde. Bref, vive le multilinguisme.