Nous avions laissé la Gaule de l’an 400 dépeuplée et mal protégée, sous la menace de nombreux peuples germaniques, dont paradoxalement beaucoup étaient déjà intégrés dans le système défensif de Rome.

(Pour suivre, on trouvera une bonne carte de l’an 400 chez Euratlas, avant les Invasions donc.
La carte de l’an 500 est un instantané pris peu après la chute de l’Empire d’Occident, au milieu du règne de Clovis.)

J’avais déjà signalé ici un site dédié aux invasions barbares, année par année.

Comme une meute de chiens dans un jeu de quille

Peuple d’origine assez floue, en tout cas venu d’Asie via les steppes russes (comme bien plus tard les Avars puis les Mongols), les Huns se taillent un Empire en quelques décennies autour de l’actuelle Hongrie. Leur atout militaire principal est leur cavalerie légère (à l’opposé de celle, lourde, des Goths).

Soumettant de nombreux peuples germaniques alentours (notamment les Alains), qui leur paient tribut, ils en font fuir d’autres, et seront la cause principale de l’accélération du jeu de billard en Europe, donc des invasions des alentours de 400, aussi bien sur le Rhin que dans les Balkans.

Le règne d’Attila marque l’apogée de l’Empire hun. Après la soumission de l’essentiel de l’Europe orientale, l’Empire semble à sa portée. Ses troupes se retrouvent alors en Gaule[1].

Völkerwanderung

Il est difficile de résumer des mouvements de population étalés sur presque un siècle. On notera principalement :

  • Repoussés par les Huns, les Wisigoths passent le Danube dès 376 et écrasent l’Empire en Thrace. Constantinople les ménage comme tampon face aux Huns, puis les renvoie vers l’ouest. Les Wisigoths traversent tout l’Empire d’est en ouest, en pillant Rome au passage (410), et forcent l’Empereur d’Occident à leur céder l’Aquitaine.
    Puis leur royaume se fixera en Espagne pour des siècles, avant d’être submergé par les invasions musulmanes des années 700.
  • Délogés d’Ukraine par les Huns, les Ostrogoths suivent leur cousins wisigoths, mais bien plus lentement. Également manipulés par l’Empire d’Orient qui veut se débarasser d’Odoacre, un chef de guerre qui a conquis l’Italie et déposé le dernier Empereur, ils fondent un puissant royaume en Italie.
    Il sera détruit quelques décennies plus tard quand Byzance reconquerra une partie de l’Empire.
  • Les Vandales, depuis le Rhin, iront s’implanter en Tunisie via l’Espagne ! (Et de là iront eux aussi piller Rome à l’occasion).
    Eux aussi seront victimes des Byzantins.
  • Les Francs, fidèles à Rome, mais tenus en respect tout de même, soutiennent finalement l’Empire jusque dans ses derniers instants. Païens mais déjà notablement romanisés, ils s’étendent peu à peu vers le sud depuis la Belgique actuelle au moment où Clovis monte sur le bouclier.
    Leur royaume est le seul à avoir une postérité actuellement (la France bien sûr, mais aussi l’Allemagne, toutes deux nées de la scission de l’Empire franc de Charlemagne).
  • Enfin, les Huns, stoppés en Gaule mais pas défaits, continuent leurs pillages, et se dispersent à la mort d’Attila, avant même la chute de l’Empire.

Aetius

Aetius est surnommé le « dernier des Romains ». Généralissime possédant un pouvoir quasi-absolu, il fait partie de la poignée de dirigeants qui fournissent un sursis à l’Empire et le sauvent des Huns, en tentant de trouver un arrangement avec les Barbares. Sa politique est de fixer les différents peuples, Wisigoths, Alains, Francs, Burgondes notamment. Ce sursis permet également aux Barbares de se christianiser et romaniser.

Les Huns sont arrêtés aux Champs catalauniques par Aetius et ses alliés. Mais on peut remarquer que dans les deux camps de cette gigantesque et sanglante bataille, figurent majoritairement des Germains, alliés de Rome (Francs, Wisigoths...) ou soumis aux Huns (Ostrogoths...) ! Même Aetius s’appuit sur des mercenaires huns. La situation géopolitique de l’époque n’est pas simple du tout.

Aetius meurt assassiné par l’Empereur Valentinien III qui craint pour son trône. C’est une catastrophe pour la Gaule, débarassée des Huns, mais divisée entre trois peuples barbares et sa population gallo-romaine. Les Goths mènent le jeu des nominations au trône impérial pendant les deux dernières décennies de l’Empire d’Occident, pendant que la surface de celui-ci se réduit comme peau de chagrin.

Après l’Empire

L’Empire disparaît et emporte avec lui toute forme de légalité. La Gaule sombre alors dans le chaos géopolitique :

  • les Wisigoths d’Aquitaine, dominants, sont ariens et leur loi est dure ;
  • les Burgondes, ariens aussi, se montrent plus tolérants avec les catholiques ;
  • une partie de la Gaule romaine entre Loire et Belgique devient de fait indépendante (avec Aegidius puis Syagrius), mais s’allie aux Wisigoths par réalisme ;
  • déjà les Francs, au nord, païens mais pro-Romains, semblent un recours possible aux ecclésiastiques gallo-romains, catholiques et nostalgiques de l’unité impériale, comme Geneviève à Paris ou Remi de Reims...

C’est alors que Clovis entre en scène.

Notes

[1] On situe à ce moment l’épisode de Sainte Geneviève persuadant les Parisiens de ne pas fuir, et détournant les Huns. En fait, Geneviève était d’une famille bien informée, et elle a pu apprendre que le but immédiat des Huns était de soumettre les Wisigoths, principale puissance de la Gaule en décomposition ; Paris n’était donc pas vraiment sur leur chemin. Geneviève sera un grand soutien de Clovis.