Blog éclectique & sans sujet précis - Temps et transformations<p>Si ça me passe par la tête, si ça n’intéresse que moi, alors c’est peut-être ici. Ou pas.</p>2024-02-13T09:44:49+01:00L'éditeur est le propriétaire du domaineurn:md5:bf83720a7189bba489682d945b972671DotclearLégendes & lasagnes culturelles : « Le Cycle du Graal » de Jean Markaleurn:md5:d3d95b043f44be08b20f24788aeda4d32016-01-06T00:00:00+01:002016-06-12T13:26:00+02:00ChristopheTemps et transformationsAntiquitéchristianismechâteauxcivilisationCroisadesculturefantasyGrandes Invasionsguerre saintehistoirelivres luslyrismemagieMoyen ÂgemulticulturalismemythemèmemémoireMérovingiensperspectivequêterecyclagereligionsignifiésociétés primitivestempsthéologieémerveillementévolution <p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_1.jpg" title="Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_1.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/.Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_1_s.jpg" alt="Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_1.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Markale">Jean Markale</a>, dans les années 90, a entrepris une réécriture dans un style moderne de <em>tout</em> le Cycle du Graal : au total deux pavés de mille pages dans mon édition incluant la Table Ronde, les vies d’Arthur & Merlin, Lancelot & Guenièvre, Yvain, Gauvain, Galaad, Bohort, Viviane, Morgane, Tristan & Yseult et j’en passe beaucoup.</p>
<p>Un travail titanesque donc, surtout qu’il ne s’agit pas d’une simple réactualisation du style d’une mythologie « achevée », mais aussi de l’arbitrage, la fusion, la synthèse, l’harmonisation de plusieurs versions dans différentes langues d’Europe de l’Ouest écrites et traduites sur plusieurs siècles dans différents contextes religieux et politiques, leur compilation, leur mise en cohérence.</p>
<p>L’ensemble se présente sous la forme d’une suite de nouvelles pleines de digressions, aux ambiances parfois très différentes, reliées de manière un peu lâches, malheureusement souvent répétitives (il y a <em>beaucoup</em> de jeunes filles à sauver d’un infâme méchant auquel le preux chevalier fera mordre rapidement la poussière). C’est parfois très primaire et binaire, sauf peut-être vers la fin.</p>
<p><a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8527589h/f13.item" title="La Table Ronde, de « Messire Lancelot du Lac » de Gautier Moap, 1470, Gallica via Wikimedia"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/.Table_ronde_Messire_Lancelot_du_Lac_de_Gautier_Moap_1470_Gallica_Wikimedia_Commons_Domaine_public_m.jpg" alt="Table_ronde_Messire_Lancelot_du_Lac_de_Gautier_Moap_1470_Gallica_Wikimedia_Commons_Domaine_public.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a></p>
<h3>Un gros patchwork culturel</h3>
<p>Il ne semble pas que les universitaires aient beaucoup porté Markale dans leur cœur donc on prendra ses interprétations avec des pincettes, mais il reste malgré tout clair que le Cycle du Graal agrège :</p>
<ul>
<li>des histoires issues de la mythologie celte, parfois si anciennes que l’on peut parler de chamanisme (notamment lors des transformation d’humains en animaux) ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des légendes celtes, bretonnes, armoricaines, galloises, irlandaises, souvent pré-chrétiennes, agrégées au mythe parfois brutalement ;</li>
</ul>
<ul>
<li>une version historiquement peu correcte de l’invasion romaine et des Empereurs à l’époque de l’arrivée du Graal en Bretagne ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des personnages historiques réels des alentours des années 475-500 : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Roi_Arthur">Arthur</a> aurait été un chef de guerre celto-romain, ou une synthèse de plusieurs chefs ayant effectivement combattu les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l'Angleterre_anglo-saxonne">Saxons lors des Grandes Invasions</a>, et des allusions montrent qu’il n’était pas très respectueux des biens de l’Église de l’époque ; <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Merlin">Merlin</a> aurait pu être un chef de tribu un peu plus tardif ; le poète <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Taliesin">Taliesin</a> ; le roi <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Urien">Urien</a> et son fils devenu le chevalier <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Owain_mab_Urien">Yvain</a> ; voire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fraimbault_de_Lassay">Lancelot / Saint Fraimbault</a> ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des histoires n’ayant pas forcément de liens avec le Graal à l’original ;</li>
</ul>
<ul>
<li>un vernis chrétien parfois très fin recouvrant à peine le fantastique celtique, parfois transposant des divinités celtiques en preux chevaliers (Lug / Lancelot) ou en magiciennes (Morgane), déplaçant l’Autre Monde celtique dans des royaumes imaginaires, ou transformant la quête du Graal originelle (sordide vengeance ? guérison d’une blessure du Roi Pêcheur dans ses parties sexuelles ?) en apologie de l’Eucharistie ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des réinterprétations médiévales du passé : Virgile passait pour un prophète ou un magicien ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des ajouts par des moines choqués par l’immoralité de ces chevaliers querelleurs, parfois pillards ou lubriques : Perceval/Peredur puant trop la mythologie païenne, il est remplacé par Lancelot comme nouveau roi du Graal ; mais Lancelot, ayant cocufié Arthur avec Guenièvre, ne pouvait décemment pas être le Bon Chevalier gardien du Graal, il a donc fallu inventer son fils Galaad, personnage transparent et fade, arrivé comme un cheveu sur la soupe et très vite débarqué ; les autres amants de Guenièvre ont été (mal) gommés, et les femmes globalement rabaissées ; tout est fait pour rendre les amours interdites inévitables <em>malgré</em> les personnages (filtre d’amour pour Tristan & Yseult, substitution de femme pour Lancelot et Brisane/Elaine) et l’on montre qu’elles mènent à la catastrophe : la guerre finale vient de l’adultère de Lancelot & Guenièvre enfin révélé ;</li>
</ul>
<p><a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2200046b/f3/" title="Chrétien de Troyes, Gravure de 1530, BNF"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/.Chrétien_de_Troyes_Gravure_1530_BNF_Domaine_public_s.jpg" alt="Chrétien_de_Troyes_Gravure_1530_BNF_Domaine_public.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a></p>
<ul>
<li>des réécritures à la mode de l’amour courtois par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chr%C3%A9tien_de_Troyes">Chrétien de Troyes</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_de_Boron">Robert de Boron</a>, au top des <em>playlists</em> des trouvères et troubadours du XIIè siècle (en plein renouveau médiéval, à l’apogée de la féodalité et au plus fort des Croisades), et par bien d’autres dans tout l’Occident chrétien (Italie, Allemagne, Angleterre des Plantagenêts, cour d’Aquitaine...), qui ont lié, remixé à divers degrés et inséré au chausse-pied beaucoup d’histoires existantes, à commencer par Lancelot, et connecté le Graal et Jésus ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des éléments typiques de la société médiévale telle que clercs et nobles l’idéalisaient : code de l’honneur chevaleresque, amour courtois, vassalité bien ordonnée, ignorance et mépris des vilains, assimilation des beautés physiques et morales, quelques mentions antisémites, un prosélytisme chrétien <em>très</em> agressif ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des échos des remous de la société de l’époque, comme des piques envers les chevaliers pilleurs, ou une allusion de Chrétien de Troyes à l’exploitation des ouvrières dans le textile en Champagne (plus d’un demi-millénaire avant Marx) ; des relents de l’affrontement de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Bouvines">Bouvines</a> entre Philippe Auguste et l’Empereur allemand ; des traces de besoins d’affirmation du pouvoir des Plantagenêt (les versions de leur époque affirment qu’Arthur est bien mort, inutile d’attendre son retour d’Avalon).</li>
</ul>
<h3>De quoi/qui parle-t-on en fait ?</h3>
<p>Ajoutons des confusions entre personnages : Arthur fait un enfant à sa sœur, mais est-ce Morgane ou Anne ? Perceval s'est vu dépouillé par Lancelot de bien des histoires. Combien de personnages, fées, sorcières, déesses différentes Morgane agrège-t-elle elle-même ? Et Viviane/Mélusine ? Et ne parlons pas de Merlin ! Markale a pas mal arbitré pour nommer les personnages.</p>
<p>Il y a même un mystère sur le concept même du Graal : chaudron ou corne d’abondance celtique pré-chrétienne, récipient du sang du Christ, vengeance, guérison symbolique, quête mystique de soi-même, tout cela à la fois ? Jean Markale a tranché pour la version chrétienne mais mentionne les autres interprétations.</p>
<h3>Le Moyen Âge n’était pas une période rose</h3>
<p>Certains traits médiévaux agacent. On fait peu de cas de la vie humaine. Les chevaliers s’entretuent à la moindre provocation, et le vainqueur épouse la femme du perdant trucidé (Uther Pendragon & Ygerne). Un sens de l’honneur disproportionné mène à des guerres fratricides et bien des morts inutiles. Les jeunes filles sont toutes les plus belles que l’on peut imaginer, à part une poignée de sorcières hideuses, dont la moitié se retransforment en magnifiques jeunes filles quand le jeune homme est chevaleresque.</p>
<p>En matière de religion, le niveau d’ouverture d’esprit approche celui de Daesh : qui ne se convertit pas est passé au fil de l'épée. Ces preux ne doutent pas un instant de l’aide de Dieu.</p>
<p>La misogynie règne : ces dames s’enflamment toutes pour un rien, parfois sans avoir vu le valeureux chevalier, n’ont d’yeux que pour les guerriers vainqueurs, sont hautement capricieuses (revers de la médaille de l’amour courtois) et ont souvent la cuisse légère. On sent que l’idéal de virginité avant le mariage et de monogamie n’est pas encore bien établi, et en tout cas allègrement ignoré par beaucoup. D’un autre côté, des personnages aussi exceptionnels ne peuvent avoir été conçus que de manière exceptionnelle, voire interdite : Merlin est fils d’un diable et d’une pieuse mortelle ; Arthur nait d’un adultère ; son fils maudit Mordret naîtra d’un inceste (dans les anciennes versions il n’ont pourtant aucune parenté.)</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_2.jpg" title="Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_2.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/.Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_2_s.jpg" alt="Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_2.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a></p>
<h3>En creusant un peu</h3>
<p>Les anciennes coutumes celtes surnagent et surprennent : le Graal n’est chrétien et médiéval que superficiellement.</p>
<p>Le couple Arthur/Merlin reprend la dualité roi/druide. Le roi n’est pas le moteur, juste le premier de pairs, et n’est pas le moteur de grand-chose dans toute la quête. Par tradition, il doit accorder presque à n’importe qui des « dons » sans savoir auparavant de quoi il retourne, d’où bien des dilemmes.</p>
<p>On répand des joncs pour accueillir les invités (normal pour des Celtes, mais le Moyen-Âge utilisait déjà les chaises). Les moines cisterciens ont laissé passer quelques allusions à des liens ouvertement homosexuels entre preux chevaliers (à la manière de la Grèce antique). Les références aux nuits de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_de_Walpurgis">Walpurgis</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Samain_%28mythologie%29">Samain</a> abondent.</p>
<p>Les filiations celtiques sont plutôt matrilinéaires, il est donc normal que le neveu d’Arthur, Gauvain, soit son héritier. Les enfants sont confiés à d’autres familles pour être élevés. À la mode celtique, Lancelot ou Galaad ont été élevés par des femmes : chez la Dame du Lac pour le premier, chez des religieuses pour le second, plus tardif. On découvre que les femmes de l’époque se décoloraient déjà les cheveux en blond.</p>
<p>Quant aux mentions topographiques ou architecturales comme la forme des forteresses, elles remontent plus à l’Antiquité qu’à l’apogée du Moyen Âge.</p>
<p>Bref, un gros pavé pas très digeste, bien représentative de l’évolution culturelle occidentale, qui plaira aux fanas d’histoire.</p>
<p>Pour finir, <a href="http://boutdubois.blogspot.fr/2014/07/jean-markale.html">une interview de l’auteur</a></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Cycle-du-Graal-de-Jean-Markale#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/801Les blagues de l’ex-RDAurn:md5:0eb549900b7b07928376710c1b90b6fa2015-11-01T21:27:00+01:002015-11-01T21:32:00+01:00ChristopheTemps et transformationsAllemagnecommunismeEmpire soviétiquefoutage de gueuleGuerre FroidehistoirehumourmémoireperspectivepolitiqueRussietotalitarisme <p>J’ai eu la joie de constater que divers moteurs de recherches proposaient mon site dès la première page à propos d’un État : la République Démocratique Allemande<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Les-blagues-de-l-ex-RDA#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>... pour une compilation de blagues !</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/rda/bilder/drapeau_rda.gif" alt="Drapeau est-allemand" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<p>Pour les plus jeunes parmi nous, rappelons qu’il s’agissait de la partie de l’Allemagne occupée par les Soviétiques après la guerre, devenue une dictature communiste, frugale mais vivable tant qu’on se taisait, enfermant ses administrés derrière le fameux Mur de Berlin (qui les empêchait d’entrer à Berlin Ouest), jusqu’à 1989 et de nouvelles évasions massives<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Les-blagues-de-l-ex-RDA#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup> et des manifestations monstres, puis l’annexion en 1990 par le voisin de l’ouest. Pour une idée de l’ambiance, je conseille deux films connus : le glaçant <em><a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=111643.html">La vie des autres</a></em> et la comédie <em><a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=52715.html">Goodbye Lenin!</a></em></p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/DDR_Verwaltungsbezirke_farbig-427px-Wikimedia.svg.png" title="DDR_Verwaltungsbezirke_farbig-427px-Wikimedia.svg.png"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/.DDR_Verwaltungsbezirke_farbig-427px-Wikimedia.svg_s.png" alt="DDR_Verwaltungsbezirke_farbig-427px-Wikimedia.svg.png" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Carte administrative de RDA, Wikimedia, CC-BY-SA 4" /></a>J’ai vécu un an là-bas, quelques années après la Réunification qui n’avait pas encore effacé les différences. Je m’étais amusé à traduire en français certaines des blagues de l’époque communiste, publiées en recueils après 1989 aux début de la vague de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ostalgie">Ostalgie</a>. Certaines sont des transpositions locale de blagues universelles ; d’autres sont applicables à tout le bloc communiste ; certaines se fichent gentiment des dirigeants ; d’autres sont beaucoup plus grinçantes quand on connaît un peu le régime stalinien des débuts de la RDA, le flicage généralisé, le trucage des élections ; beaucoup détournent la langue de bois de l’époque. Beaucoup d’entre elles ne font plus rire, mais renseignent sur ce qui désespérait les gens de l’époque.</p>
<p>La collection complète est sur le « vieux site » <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Les-blagues-de-l-ex-RDA#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup>: <a href="https://www.coindeweb.net/rda/rda.html">sommaire</a>, blagues d’<a href="https://www.coindeweb.net/rda/rda40.html">après-guerre</a>, des <a href="https://www.coindeweb.net/rda/rda50.html">années 50</a>, <a href="https://www.coindeweb.net/rda/rda60.html">années 60</a>, <a href="https://www.coindeweb.net/rda/rda70.html">années 70</a>, <a href="https://www.coindeweb.net/rda/rda80.html">années 80</a>, de <a href="https://www.coindeweb.net/rda/rda80.html#1989">1989</a>, d’<a href="https://www.coindeweb.net/rda/rda90.html">après la Réunification</a>. En prime : <a href="https://www.coindeweb.net/blagues_lada.html">quelques blagues sur les Ladas</a>, des voitures soviétiques, à la mode dans les années 80 et 90 (les blagues, pas les voitures, du moins de notre côté du Mur). Il faudrait que je relise et corrige pas mal de maladresses.</p>
<p>Quelques extraits :</p>
<h4>Période stalinienne</h4>
<blockquote><p><em>Staline fait un discours à l’Académie Militaire de Moscou. Silence absolu dans l’auditoire.<br />Soudain quelqu’un éternue violemment dans l’assistance. <br />Staline s’interrompt : « Qui a éternué ? »<br />L’assistance est pétrifiée de peur. Personne ne répond. Tout le monde se voit déjà en Sibérie.<br />Staline demande alors à ceux du premier rang si l’un d’entre eux éternué. Aucun n’avoue. Staline les fait tous fusiller sur le champ.<br />Puis c’est au tour du deuxième rang.<br />Puis du troisième.<br />Soudain quelqu’un se lève et crie : « Camarade Staline, c’est moi qui ait éternué ! »<br />Alors Staline :<br />« À tes souhaits, Camarade ! »<br />Et il continue son discours. </em></p></blockquote>
<h4>Années 50</h4>
<blockquote><p><em><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Walter_Ulbricht">Ulbricht</a> [Secrétaire Général du PC est-allemand de l’époque] convoque son ministre de la sûreté et lui demande : <br />« Deux et deux, ça fait combien ? <br />— Cinq, Camarade Président. »<br />Ulbricht sort un revolver et l’abat. <br />D’autres camarades, alertés par le bruit, arrivent aussitôt et s’étonnent : <br />« Mais pourquoi l’as-tu tué ??!! <br />— Il en savait trop ! »</em></p></blockquote>
<p>...à rapprocher du <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/2_%2B_2_%3D_5" hreflang="en">2+2=5</a> évoqué par George Orwell dans <em>1984</em>, et sa conséquence :</p>
<blockquote><p><em>Freedom is the freedom to say that two plus two make four. If that is granted, all else follows.</em><br /> <br />La liberté, c’est la la liberté de dire que deux et deux font quatre. Une fois cela accordé, tout le reste suit.</p></blockquote>
<h4>Années 60</h4>
<blockquote><p><em>— Pourquoi les Égyptiens ont-ils perdus contre les Israéliens pendant la Guerre des Six Jours ? <br />— Parce qu’ils ont suivi les conseils des Soviétiques, leurs alliés : d’abord laisser l’ennemi s’enfoncer profondément dans son territoire, puis attendre l’hiver. </em></p></blockquote>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/Trabant_P50_front.burts.Wikimedia.jpg" title="Trabant_P50_front.burts.Wikimedia.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/.Trabant_P50_front.burts.Wikimedia_s.jpg" alt="Trabant_P50_front.burts.Wikimedia.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="Trabant P50, la voiture locale en plastique qu’il fallait attendre des années, burts, Wikimedia" /></a></p>
<blockquote><p><em>Deux policiers est-allemands, un vieux expérimenté et un jeune qui débute à peine, sont chargés de contrôler l’alcoolémie des automobilistes et autres usagers du bitume et des pavés. Une mobylette approche, elle fait des zigzags.<br />« En voilà un ! dit le jeune policier, qui veut l’arrêter.<br />— Mais non, laisse-le passer », dit le policier expérimenté.<br />Le jeune s’étonne mais obéit.<br />Une voiture alors arrive, qui va aussi en zigzags. Une deuxième fois, le policier expérimenté dit à l’impétueux jeune de ne pas l’arrêter.<br />Une autre voiture arrive. Le jeune la regarde à peine, mais le policier expérimenté bondit.<br />« Hé celui-là, faut l’arrêter, il est complètement fait !<br />— Comment le sais-tu ? demande le jeune, étonné. Il roule bien droit !<br />— Oui, mais sans éviter les trous dans la chaussée ! »</em></p></blockquote>
<p>Il est vrai qu’après la chute du Mur et pendant toutes les années 90, les routes est-allemandes ont été un gigantesque chantier...</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/Stamps_of_Germany_%28DDR%29_1969%2C_MiNr_1508.Wikimedia.jpg" title="Stamps_of_Germany_(DDR)_1969,_MiNr_1508.Wikimedia.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/.Stamps_of_Germany_(DDR)_1969,_MiNr_1508.Wikimedia_s.jpg" alt="Stamps_of_Germany_(DDR)_1969,_MiNr_1508.Wikimedia.jpg" style="display:block; margin:0 auto;" title="Timbre de 1969, Wikimedia" /></a></p>
<h4>Années 70</h4>
<blockquote><p><em>Un ange vient visiter l’ancien chef du parti tchécoslovaque <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexander_Dub%C4%8Dek">Dubcek</a> [destitué par les Russes après l’écrasement du printemps de Prague en 1968].<br />« Tu es un vrai communiste, Dubcek, et j’ai recu l’ordre de te récompenser. Tu as droit à trois vœux. »<br />Dubcek n’a pas besoin de réfléchir longtemps avant de répondre :<br />« D’abord je veux que l’armée chinoise vienne jusqu’en Tchécoslovaquie, l’occupe quelques jours, puis reparte.<br />— Et le second vœu ?<br />— La même chose !<br />— Et le troisième ?<br />— Encore la même chose !<br />— Tu es sûr d’avoir bien réfléchi ? demande l’ange un peu surpris.<br />— Certain. Comme ça les Chinois devront passer six fois à travers toute l’Union Soviétique ! »</em></p></blockquote>
<blockquote><p><em>Deux policiers arrêtent une Trabant qui a commis un excès de vitesse. Il y a dans la voiture un homme, sa femme et sa mère. Les flics demandent son permis au conducteur :<br />« Désolé, répond-il, je n’en ai pas.<br />— Ne l’écoutez pas, messieurs les policiers, interrompt sa femme, il est complètement saoul. »<br />La grand-mère : « Je savais qu’on aurait des problèmes dans une voiture volée ! »<br />Et le grand-père, dans le coffre : « On est déjà à l’Ouest ? »</em></p></blockquote>
<p>Fernand Raynaud a aussi utilisé cette blague (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Qn_cFnDihv0">premier sketch de cette vidéo</a>), à la chute finale près.</p>
<blockquote><p><em>— Quelle est la différence entre la RDA et l’ancien dieu grec de l’amour Cupidon ?<br />— Aucune. Tous les deux sont petits, nus, et armés. </em></p></blockquote>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/Bundesarchiv_Bild_183-U1007-0019%2C_Berlin%2C_30._Jahrestag_DDR-Gr%C3%BCndung%2C_Parade.jpg" title="Défilé militaire pour les 30 ans de la RDA, Bundesarchiv via Wikimedia, CC-BY-SA 3.0"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/.Bundesarchiv_Bild_183-U1007-0019,_Berlin,_30._Jahrestag_DDR-Gründung,_Parade_s.jpg" alt="30 ans de la RDA" style="display:block; margin:0 auto;" title="Défilé militaire pour les 30 ans de la RDA, Bundesarchiv via Wikimedia, CC-BY-SA 3.0" /></a></p>
<h4>Années 80</h4>
<blockquote><p><em>Les membres du syndicat polonais Solidarnozc sont divisés en deux tendances :<br />— les optimistes pensent qu’on va les flanquer dans un train et les envoyer au fin fond de la Sibérie ;<br />— les pessimistes pensent qu’ils devront y aller à pied.</em></p></blockquote>
<blockquote><p><em>Trois chirurgiens, un Américain, un Russe, un Allemand de l’Est se rencontrent :<br />« Chez nous en Amérique, nous avons dû un jour soigner les jambes broyées d’un accidenté, et on a si bien réussi qu’il est maintenant coureur de marathon de niveau international.<br />— Chez nous, dit le Russe, on a si bien soigné les mains écrasées d’un blessé qu’il a pu devenir un pianiste réputé.<br />— Chez nous, dit le chirurgien de RDA, il y a eu un grave accident de la route ; du blessé il ne restait que le cul, on a pu lui greffer ce qui restait de ses oreilles ; il est maintenant notre chef. »</em></p></blockquote>
<blockquote><p><em>— Pourquoi le capitalisme est-il au bord du gouffre ?<br />— Parce qu’il regarde le communisme qui est au fond.</em></p></blockquote>
<blockquote><p><em>Période de campagne électorale en RDA. Le secrétaire du Parti local arrive un jour devant la mairie de sa commune et voit plein de policiers.<br />« Que se passe-t-il ? demande-t-il à l’un d’eux, une manifestation ?<br />— Non. Mais on a volé quelque chose à la mairie.<br />— Et quoi ?<br />— Les résultats de l’élection de dimanche prochain. »</em></p></blockquote>
<h4>1989 : la chute du Mur</h4>
<blockquote><p><em>Honecker fait son dernier discours au congrès du Parti.<br />« Qui est votre mère ? demande-t-il.<br />— La RDA ! répond l’assistance.<br />— Et votre père ?<br />— Toi, cher Honecker !<br />— Et que voulez-vous devenir ?<br />— Orphelins ! »</em></p></blockquote>
<h4>Après la Réunification</h4>
<blockquote><p><em>— Après la chute du mur et la dissolution de la police politique, comment les agents de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Minist%C3%A8re_de_la_S%C3%A9curit%C3%A9_d'%C3%89tat">Stasi</a> [redoutable police politique] se sont-ils reconvertis ?<br />— Comme chauffeurs de taxis de nuit. Si, après une fête, vous êtes trop bourré pour dire où vous habitez, ils sortent votre fiche et vous ramènent chez vous.</em></p></blockquote>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/Reunification.Wikimedia.296px.svg.png" title="Reunification.Wikimedia.296px.svg.png"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/rda/.Reunification.Wikimedia.296px.svg_s.png" alt="Carte de la réunification, Wikimedia" style="display:block; margin:0 auto;" title="Carte de la réunification, Wikimedia" /></a></p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Les-blagues-de-l-ex-RDA#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Un État disparu depuis plus longtemps que certains mes lecteurs majeurs n’existent, certes ; et c’est une des plus anciennes pages du site, ce qui n’est pas très motivant pour l’avenir de ce blog. Mais tout de même ça fait du bien à l'ego.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Les-blagues-de-l-ex-RDA#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] <em>À l’époque les Autrichiens et les Allemands ne se posaient pas la question de savoir si tous ces milliers d’Allemands de l’Est </em>devaient<em> être accueillis, et la mode était plutôt à la destruction des murs.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Les-blagues-de-l-ex-RDA#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] <em>L’apparence spartiate n’est pas qu’un hommage à l’ambiance de l’époque, mais à mes compétences en HTML des années 90 :-)</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Les-blagues-de-l-ex-RDA#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/654« Rêves de gloire » de Roland C. Wagnerurn:md5:914631f8e7dbe13b9edc5319b1d6460d2014-06-21T16:32:00+02:002019-09-01T17:37:54+02:00ChristopheTemps et transformationsuchronie <p>Il n’y a pas des tonnes d’uchronies françaises de haute volée. La <a href="http://www.scifi-universe.com/critiques/4853/la-trilogie-de-la-lune-la-lune-seule-le-sait-1-2000-jules-l-anarchiste">trilogie de la Lune</a> de Johan Heliot restait assez utopique et légère. J’ai récemment parlé ici de deux autres, sympathiques mais manquant d’ampleur : <em><a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Françatome-de-Johan-Heliot">Françatome</a></em>, toujours d’Heliot, et le <em><a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Dernier-des-Francs-de-Michel-Pagel">Dernier des Francs</a></em> de Michel Pagel. Enfin, les deux tomes déjà parus de <em><a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continué-la-guerre">La France continue la guerre</a></em>, fouillés et passionnants, ne relèvent pas de la littérature.</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/RolandCWagner-R%C3%AAve_de_Gloire.jpg" alt="RolandCWagner-Rêve_de_Gloire.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" />La dernière œuvre <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/R%C3%AAve-de-gloire-de-Roland-C.-Wagner#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup> de <a href="http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2012/08/14/roland-c-wagner-une-vie-de-musique-et-de-science-fiction_1745939_3382.html">Roland C. Wagner</a> relève brutalement le niveau. Le pavé pèse son poids, le monde est vaste, le sujet original, le style travaillé. Le point de divergence est flou : il est antérieur à l’assassinat de De Gaulle en 1960. Par exemple, von Braun va travailler non pour les Américains comme dans la réalité, non pour les Français comme dans <em>Françatome</em>, mais pour les Soviétiques (et Béria !), d’où une course à la Lune différente, et une Guerre Froide qui évolue différemment, ce qui aura son importance pour Alger.</p>
<p>Car c’est à Alger que tout va se passer, une Alger restée française après l’indépendance de l’Algérie, transformée en <em>melting-pot</em> où vont se retrouver les <em>vautriens</em>, version française des <em>hippies</em>, une ville d’Alger qui en 1977 proclame purement et simplement son indépendance... et la Commune.</p>
<p>Mais Alger n’est qu’un arrière-plan, terriblement important, et un point de convergence des nombreux fils narratifs. Ceux-ci concernent un nombre mal défini de personnage souvent secondaires, Algériens, Français et Algérois, rarement nommés, dont les histoires évoluent par flash, même pas en ordre chronologique strict, entre la Guerre d’Algérie et le XXIè siècle. Si les plus importants fils (la quête du personnage principal, la « tante » de Mélusine, la révolution) se suivent assez bien, pour d’autres c’est plus flou. Je mentirais en disant que ça ne gêne pas la lecture, mais ça en fait un peu le charme.</p>
<p>Et ce charme il vient aussi du sentiment de dépaysement d’une bonne uchronie, et je ne parle pas que des mille détails techniques et de vocabulaire, comme les « minifiles » qui menacent de remplacer les platines laser lectrices de vinyles, le « mulot », l’évolution fédérale de l’Algérie indépendante, le putsch militaire de 1973 en France, l’arrivée de Shepard sur la Lune, une fédération israélo-palestinienne, un vieil Albert Camus qui pense écrire une uchronie, ou la référence obligatoire au <em><a href="http://www.actusf.com/spip/Le-Maitre-du-Haut-Chateau,13079.html">Maître du Haut-Château</a></em> de Philip K. Dick. Non, l’arrière-plan capital, c’est celui des <em>vautriens</em>, et des adeptes de la <em>Gloire</em> — dans notre fil temporel : <em>hippies</em> et LSD. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Timothy_Leary">Timothy Leary</a> lui-même débarque à Paris et la répression policière fait le reste. Toute cette faune non violente d’une époque à présent disparue se retrouve dans l’Algérois pas encore indépendant, déportée ou attirée par le joyeux bordel de la casbah, avec ses utopies, ses dérapages et son déclin. <a href="http://petebondurant.over-blog.com/article-reves-de-drogue-de-rock-et-d-algerie-78657052.html">Un chroniqueur</a> a justement parlé de « contre-histoire de la contre-culture » : même pour moi trop jeune pour l’avoir connue, c’est un des attraits du livre.</p>
<p>L’autre, c’est une histoire alternative de la musique. Elle a toujours tenu une grande place chez Roland C. Wagner, et là il s’en donne à cœur joie. Le héros, incarnation uchronique de l’auteur (lui aussi né en Algérie d’un père légionnaire), collectionne et vend des disques, et traque une perle rare introuvable de « rock psychodélique » algérois autoproduit, <em>Rêves de Gloire</em> par les Glorieux Fellaghas. Un disque dont la quête s’avère finalement très dangereuse : on ne remue pas impunément un passé qui remonte au Prophète de l’Aurès, sur fond de barbouzeries et de menaces d’une invasion française d’Alger. Mais le bouillon culturel algérois devient le refuge des musiciens français, les chroniques et histoires de groupes qui n’ont jamais été, ou qui auraient dû être, foisonnent, quitte à tuer Johnny Hallyday au passage. On regrettera de ne jamais pouvoir entendre Dieudonné Laviolette (une sorte de Jimi Hendrix). Ce bouquin manque terriblement d’une bande son, Wagner n’a pas eu le temps de l’écrire.</p>
<p>Uchronie personnelle, uchronie proche comme lointaine, culturelle comme politique, et fouillée sur 700 pages (qu’on a envie de relire sur le champ pour remettre en place les pièces du puzzle laissées un temps de côté) : une belle réussite.</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/R%C3%AAve-de-gloire-de-Roland-C.-Wagner#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Définitivement dernière, Roland C. Wagner nous ayant quitté récemment pour un monde qu’on espère meilleur.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/R%C3%AAve-de-gloire-de-Roland-C.-Wagner#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/772« Le Dernier des Francs » de Michel Pagelurn:md5:d9e0517622a6f86a186c49dd0d14bb052014-04-20T00:00:00+02:002016-06-06T17:58:36+02:00ChristopheTemps et transformations <p>Dans une uchronie on cherche toujours la petite bête. L’auteur a trop fait évoluer la société ici, pas assez là, tel comportement est anachronique, etc. Ça fait partie du jeu et n’enlève rien aux qualités de ce petit roman fort sympathique et riche en action, et qui aurait gagné à prendre de l’épaisseur (en pages, et en intrigue en conséquence).</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/Le_Dernier_des_Francs.jpg" alt="Le_Dernier_des_Francs.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /> César a été assassiné à Alésia. Suite à leur victoire, les Celtes se sont unis. Huit cent ans plus tard, coincé entre entre les empires hun, celte et parthe, l’Empire romain de la dynastie des Pompée n’a pas la toute-puissance que nous lui avons connue.</p>
<p>Le narrateur, malheureux bossu peu porté sur les armes, accompagne son oncle, un sénateur romain, à Gergovie, pour son mariage, prétexte bidon au déplacement. Évidemment il tombe amoureux de sa future épouse, une belle Cananéenne (de religion non pas chrétienne, car Judas ne s’est pas pendu, mais « judassique »). Dans l’escorte figure un jeune Germain, le « dernier des Francs » <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Dernier-des-Francs-de-Michel-Pagel#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, ceux-ci ayant été exterminés par les Huns. La mission secrète à l’ampleur géopolitique tourne au vinaigre, et s’ensuit une odyssée au sein de l’Empire celte.</p>
<p>Dans les premières pages je pensais redécouvrir une version romaine du grand classique de Silverberg, <em><a href="http://a-c-de-haenne.eklablog.com/la-porte-des-mondes-de-robert-silverberg-w-a2349372">La Porte des Mondes</a></em>, roman-d’initiation-d’un-jeune-par-le-voyage, qui a fait découvrir à plus d’un ado ou pré-ado les délices de l’uchronie. Si le héros est bien jeune et un peu niais au début, beaucoup moins à la fin, j’ai vite changé d’avis : le voyage en question tourne court, et la violence de bien des scènes <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Dernier-des-Francs-de-Michel-Pagel#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup> l’interdit aux plus jeunes.</p>
<p>Comme je disais, on peut ergoter : les Huns avaient plus tendance à soumettre les Germains qu’à exterminer totalement <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Dernier-des-Francs-de-Michel-Pagel#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup> ; la civilisation gauloise n’avait peut-être pas la cohésion nécessaire pour créer un État unifié capable de faire plier Rome ; les Parthes auraient-ils tenu cinq ou six siècles de plus avec une Rome affaiblie ? Le christianisme a été remplacé par une autre version et surtout ne s’est pas répandu dans l’Empire romain, et d’ailleurs l’Islam est passé à la trappe aussi (conséquence ? il manque un passage là-dessus), mais les anciennes religions romaines auraient-elles perduré encore des siècles ? Ce monde n’est-il pas une version figée des environs de l’an 500 ?</p>
<p>Ça n’a pas d’importance et ça ne gâche pas le plaisir — comme je disais, ça aurait été encore mieux avec quelques pages de plus.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Dernier-des-Francs-de-Michel-Pagel#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Référence évidente au </em>Dernier des Mohicans<em>, mais n’ayant pas lu celui-là, je ne sais jusqu’où va le parallèle.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Dernier-des-Francs-de-Michel-Pagel#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] <em>Manque de valeur de la vie humaine, abondance de sang qui gicle, mais aussi du genre de ce qui se passe entre soudards et donzelles capturées.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Dernier-des-Francs-de-Michel-Pagel#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] <em>Certains ont décrit la célèbre bataille des Champs catalauniques comme un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_des_champs_Catalauniques_%28451%29#Les_forces_en_pr.C3.A9sence">affrontement entre Germains</a>, soumis aux Huns d’une part, alliés à Rome d’autre part.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Dernier-des-Francs-de-Michel-Pagel#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/768« Françatome » de Johan Helioturn:md5:2482633561d76228fce7171931c61c752014-03-23T00:00:00+01:002016-06-05T19:36:19+02:00ChristopheTemps et transformations <p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/.Françatome_m.jpg" alt="Françatome.gif" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /> Johan Heliot sort régulièrement des uchronies à forte inspiration feuilletonesque (à commencer par <em><a href="http://www.scifi-universe.com/critiques/4853/la-trilogie-de-la-lune-la-lune-seule-le-sait-1-2000-jules-l-anarchiste">La Lune seule le sait</a></em>), et la dernière répond en partie à ceux qui se demandent « où sont les fusées, les stations orbitales, promises dans les années 1950 ? », celles de <em>2001</em>, ou moins récemment celle imaginée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wernher_von_Braun">von Braun</a> :</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/.Von_Braun_1952_Space_Station_Concept_9132079_original_s.jpg" alt="Von_Braun_1952_Space_Station_Concept_9132079_original.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" /></p>
<p>Justement, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Point_de_divergence">point de divergence</a> imaginé par Johan Heliot traite de von Braun : et s’il était venu travailler en France avec son équipe, au lieu de partir aux États-Unis après la Seconde Guerre Mondiale ? (En toute franchise, la divergence devrait être antérieure, pour que la France réussisse à mettre la main sur von Braun avant les Américains dans le chaos de l’Allemagne de 1945, le garde, et se permette un programme spatial). Et surtout, si on lui avait donné les moyens de ses ambitions, au lieu de le limiter à construire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Saturn_V">Saturn V</a> pour une course à la Lune sans lendemain ?</p>
<p>Hélas, les conséquences sont beaucoup moins riantes que ne le laissent présager les personnages hilares de la couverture : si la France devient une superpuissance grâce à ces nouvelles technologies et les armes correspondantes, elle vire aussi à la dictature militaire qui ne veut pas lâcher son Empire colonial (De Gaulle aurait-il si mal évolué ?).</p>
<p>Vers 1988, le fils du premier adjoint scientifique de von Braun, brouillé avec son père, revient dans une France en pleine décomposition, et tombe en plein sac de nœud politico-familial. L’action s’entremêle avec les flashbacks sur son enfance, dans le désert algérien d’où partaient fusées et éléments de station orbitale.</p>
<p>Un bon cru, à la lecture facile (ce n’est pas péjoratif), même si j’ai trouvé la fin également facile. Ce n’est pas un livre optimiste.</p>
<p>PS : Livre découvert grâce à une conférence organisée par mon précieux <a href="http://www.illauxtresors.com/">libraire</a> à Fegersheim il y a quelques jours, à laquelle Johan Heliot participait. Encore une soirée pleine de titres qui vont me coûter cher en temps de lecture !</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Fran%C3%A7atome-de-Johan-Heliot#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/766« 1941-1942 : Et si la France avait continué la guerre… »urn:md5:6044450b72d481d1becc7d092454558a2013-05-18T00:00:00+02:002016-07-05T12:35:57+02:00ChristopheTemps et transformationsAllemagneAmériqueapocalypsechaoscommunismecomplexitéconquête de l’inutilecouragedéterminismeEmpire soviétiqueEuropegéopolitiquehistoireHistoire de Franceimpérialismelivres lusmémoirenationalismeperspectiveracismeracléeRussieSeconde Guerre MondialesimulationspéculationtempstotalitarismeténacitéuchronieémerveillementÉtats-Unis <p>Ceci est la suite d'une uchronie que j'avais pas mal appréciée, <em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre">la France continue la Guerre</a></em>, issue d'une <a href="http://www.1940lafrancecontinue.org/forum/">réflexion collective</a>.</p>
<p>Le point de divergence avec notre histoire portait sur le refus d'un armistice en juin 1940. <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continué-la-guerre">Dans le premier tome était conté comment le Grand Déménagement emmène gouvernement et armée en Afrique du Nord</a>. La France entière est envahie, et la Royale et l'aviation continuent le combat vaille que vaille aux côtés des Britanniques. Ceux-ci connaissent une bataille d'Angleterre moins violente, et la Lybie italienne puis la Sardaigne tombent tout de suite aux mains des Alliés. Le théâtre des opérations se centre autour de la Méditerranée bien plus que dans la trame historique réelle. Le premier tome finissait fin 1940.</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/lafrancecontinue-2.jpg" alt="lafrancecontinue-2.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /><em>1941-1942</em> prend la suite immédiate, pendant presque un an et demi. Presque jour par jour s'écoulent les opérations en Sardaigne, Corse puis Grèce (similaires mais différentes de ce qui s'est réellement passé en 1941) ou dans l'Empire italien ; en Asie et à Pearl Harbor ; et enfin en Russie. Les grosses différences concernent l'Indochine (menacée par les Japonais, alors que Vichy avait coopéré avec eux) et Barbarossa.</p>
<p>Ce livre se lit avec Wikipédia à côté pour goûter toute les différences entre la trame réelle et celle-ci fantasmée, bien similaire mais souvent subtilement différente. Accessoirement on apprendra des choses (qui se souvient qu'en 1941 nous avons mené une guerre contre la Thaïlande, ou que les Britanniques ont envahi l’Irak et l’Iran par précaution ?). Petites friandises : les allusions à des personnages dont le destin a basculé ou des films qui se seront inspiré des événements (que devient <em>Un taxi pour Tobrouk</em> dans un monde où Rommel sévit dans une Grèce enneigée ?).</p>
<p>C'est dans la postface que réside l'intérêt majeur. Jacques Sapir et ses confrères décrivent les choix qu'ils ont fait, leurs réflexions, leurs simulations. Tout en reconnaissant une part d'arbitraire, et que la probabilité de tomber juste se réduit au fur et à mesure que s'éloigne le point de divergence avec le réel, ils défendent les positions adoptées.</p>
<p>Économiquement tout d’abord : la France, forte de ses réserves d’or, pouvait se réarmer auprès du gigantesque « arsenal des démocraties » américain. Peinant encore à sortir de la crise de 1929, celui-ci ne demandait que cela, et l'argent et les ingénieurs français auraient stimulé la montée en puissance des États-Unis encore plus que dans la réalité : les nombreuses commandes de 1939 ou 1940 auraient été poursuivies, les Britanniques, soulagés d’une partie de l’effort, auraient pu rétrocéder des avions, et d'autres notables investissements auraient pu être faits pour les Français.</p>
<p>Les points de discussion principaux portent évidemment sur l'attaque japonaise généralisée de décembre 1941 sur les possessions occidentales (et accessoirement Pearl Harbor). Il n’y a pas de raison que les relations entre Japon et États-Unis, exécrables à cause des exactions en Chine, soient meilleures. Quel que soit le prétexte (ici l’intimidation des Japonais envers une France qui n’abandonne pas l’Indochine), étaient inéluctable l’embargo américain, puis l’affrontement armé : attaque des possessions occidentales en Asie, et raid sur Pearl Harbor. La Guerre du Pacifique commence de manière similaire, mais on nous promet une fin bien différente.</p>
<p>En Europe, la stratégie des Alliés est contrainte : ils sont forcés de contre-attaquer, et ne peuvent le faire qu’en Méditerranée, qui devient le champ de bataille principal, et en espérant détacher l’Italie de l’Axe. Même s’ils n’ont pas les moyens de leur ambition, cela ne fait pas l’affaire d’Hitler qui, lui, ne pense qu’à l’attaque de l’URSS.</p>
<p>C’est dans le premier tome que Sapir & compagnie avaient justifié le maintien de Barbarossa : la psychologie d’Hitler doit rester la même. La conquête du <em>Lebensraum</em> aux dépens de ces sous-hommes de Slaves <em>est</em> le but fondamental de sa guerre. Les Anglais et Français laisseraient tomber quand il aurait à sa disposition toutes les ressources de l’URSS, et ce n’était pas ces Américains enjuivés et négrifiés qui allaient changer grand-chose...</p>
<p>Toujours est-il que même le Führer doit se rendre à l’évidence : les combats en Méditerranée mobilisent trop de moyens et l’attaque doit être reportée d’un an <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1941-1942-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>. Une année qui, la postface le décrit fort bien, a réellement manqué justement à <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Joukov-l-homme-qui-a-vaincu-Hitler">Joukov</a> pour réorganiser l’Armée Rouge et la préparer au combat. Une Allemagne plus fatiguée attaquant une URSS bien mieux préparée : on nous promet des conséquences « cataclysmiques » pour le Reich.</p>
<p>Pour la forme, on retrouvera les mêmes défauts que pour le premier tome : une action trop détaillée quant aux opérations militaires et aux événements politiques au jour le jour, qui ne laisse pas assez de place pour les réflexions de fond, la vie des civils, les évolutions technologiques, l’impact du maintien des Français sur les opérations. Il est vrai que le pavé est déjà assez lourd... Les cartes manquent, et celles présentes renseignent peu. On aimerait plus de moyens de détecter les variations avec la réalité que la lecture parallèle de livres ou de Wikipédia.</p>
<p>Les premières salves de Barbarossa démarrent dans les dernières pages, et j’attends le tome 3. Par rapport à la réalité, comment les lignes de front finales se positionneront-elles ? Les Russes à Strasbourg, et les Japonais soumis <em>avant</em> de recevoir des bombes atomiques sur la tête ? Comme les habitants de ce monde fantasmé, il faudra patienter encore quelques temps...</p>
<p>PS : Voir aussi la <a href="http://alias.codiferes.net/wordpress/index.php/et-si-la-france-avait-continue-la-guerre-tome-2-1941-1942/">critique d’Alias</a>, fan du projet.</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1941-1942-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Rappelons que cela n’est qu’une extension de la trame historique : les Italiens ont réellement attaqué la Grèce fin 1940, et se sont fait raccompagner à la frontière. Ce qui motiva une intervention allemande en 1941, incluant l’invasion de la Yougoslavie. Militairement un succès foudroyant, mais <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Barbarossa#Plans_.C3.A9labor.C3.A9s_d.C3.A8s_1940">tout cela retarda de quelques semaines l’attaque de l’URSS...</a>, semaines qui manquèrent peut-être pour prendre Moscou, atteint et raté trop tard dans l’hiver. La ténacité grecque a peut-être fait perdre la guerre à l’Allemagne.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1941-1942-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/739“Life After People”urn:md5:eebdf1a12cb562d150c76a0daf652e712013-03-20T00:00:00+01:002016-06-02T10:36:59+02:00ChristopheTemps et transformationsAmériqueapocalypseautodestructioncataclysmecatastrophechaoscivilisationcomplexitédommagedécadenceentropieexaptationgéologiehistoirelyrismemortnatureperspectivepollutionrecyclagesciencesimulationspéculationtempsécologieémerveillementéonsévolution <p><em>Welcome to Earth, population zero.</em></p>
<p><img src="http://ecx.images-amazon.com/images/I/51xtluUbvcL._SL500_AA300_.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /> Cette série américaine de documentaires a manifestement été inspirée par <em>The World without us</em> (en français, <em>Homo disparitus</em>, <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2008/08/25/530-homo-disparitus-the-world-without-us-dalan-weisman">déjà chroniqué et apprécié ici en 2008</a>), d’ailleurs l’auteur du livre fait des apparitions.</p>
<p>Elle en reprend l’hypothèse de départ : toute présence humaine disparaît du jour au lendemain, comme par magie, et sans détruire le reste de la planète qui évolue alors sans nous. Que deviennent le monde et nos villes ?</p>
<p>Bon point, la série utilise comme le livre la mise en perspective historique : la déliquescence de Washington désertée est rapprochée de celle d’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Angkor">Angkor</a>, abandonnée à la jungle il y a un demi-millénaire. Mine de rien, il existe de nos jours flopée de cités abandonnées, même récemment, même dans les pays riches.</p>
<p>Nombre d’épisodes rappellent la puissance des éléments : la pluie, la foudre, les inondations mais aussi la neige, les racines des arbres, les fientes des oiseaux, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pueraria_montana#Le_kudzu_en_tant_qu.27esp.C3.A8ce_exotique_envahissante">kudzu</a>, la rouille, les ultra-violets solaires... Notre société a incroyablement modifié le paysage, détourné des fleuves, prélevé et déplacé des masses d'eau gigantesques, asséché des marais, et installé des piscines dans des déserts. Los Angeles retournera au désert quand les pompes s’arrêteront, et les monuments de Washington finiront fossilisés sous le niveau de la mer.</p>
<p>Ce ne sont pas les constructions les plus apparemment solides qui survivront forcément : tout ce qui est en béton armé, bunkers du Mur de l’Atlantique y compris, sera vite rongé par la corrosion. Dans deux-trois siècles, il ne restera plus grand-chose de visible de nos villes ; et dans deux mille ans, peut-être Notre-Dame et sûrement les pyramides. Les derniers témoignages de l’humanité seront des coffres-forts enterrés plein d’or, des sondes dans l’espace, et un rover sur la Lune. La question n’est
pas de savoir si mais quand et comment un pont, un navire de guerre, une statue, la Joconde... disparaîtront.</p>
<p>Le monde que nous laisserons derrière nous ne sera pas le même que celui où nous sommes apparus. Après nous prospérerons peut-être des plantes invasives venues d’autres continents, tenues péniblement sous contrôle (comme le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pueraria_montana">kudzu</a> aux états-Unis), des chiens retournés à l’état sauvage, des chimpanzés lâchés dans des villes vides pleine d’opportunités pour les plus fûtés...</p>
<p>Quelques touches d’humour surnagent au sein d’un commentaire évidemment catastrophiste, par exemple le sort des <a href="http://www.kelchien.com/races/welsh-corgi.php">corgys</a> d’Élisabeth II, obligés de piller Buckingham Palace avant de s’échapper dans le vaste monde.</p>
<p>Des bémols ? Un ton très sensationnaliste, une certaine lassitude après le énième immeuble effondré à cause de l’assaut de l'eau et de la foudre et faute de maintenance ; beaucoup d’effets faciles ; des redites à cause des coupures pubs <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Life-After-People#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, et une vision très centrée sur l’Amérique (on voit quand même la Tour Eiffel s’émietter). Ça n’en reste pas moins passionnant.</p>
<p>Attention, c’est uniquement en anglais, sans sous-titre ! Je n'ai cependant eu aucun problème pour comprendre, à part quelques Texans, et pourtant j’écoute peu d’anglais ces temps-ci. Gaffe au zonage si vous vous offrez le DVD.</p>
<p>Site de la série (deux saisons) : <a href="http://www.history.com/shows/life-after-people" hreflang="en">http://www.history.com/shows/life-after-people</a>.</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Life-After-People#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Mais comment font les Américains pour supporter de la pub toutes les cinq minutes ? Pour le moment ils n’en mettent pas sur les DVDs, Dieu merci.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Life-After-People#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/715« Accelerando » de Charles Strossurn:md5:eb4427869313da63a74811df0071328c2012-05-13T22:41:00+02:002012-05-13T22:41:00+02:00ChristopheTemps et transformations <p>« Rend les hallucinogènes obsolètes » aurait dit <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Cory_Doctorow">Cory Doctorow</a> à propos de ce livre.</p>
<p>Effectivement, j’ai rarement lu SF plus allumée que celle-là : une idée par paragraphe, un million de références à des concepts informatiques ou scientifiques (oracles de Turing, <a href="http://cm.bell-labs.com/who/ken/trust.html">faille de Thompson</a>...), jargon de <em>geeks</em> (<em>to slashdot</em> — lire le <a href="http:/slashdot.org/" hreflang="en">site éponyme</a> dans le texte pendant dix ans m’a fourni la culture nécessaire), pendant 400 pages (en poche en version originale) et un nombre mal défini de siècles.</p>
<p>Difficile de parler de la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Singularité_technologique">Singularité</a> : elle concerne l'émergence d’intelligences supérieures à l’homme, de niveau quasi-divin. Mais Stross ne s’en sort pas mal, en se concentrant sur les humains qui cherchent justement à lui échapper. Enfin, quand je dis humains… Le premier, dès les premières pages qui se déroulent à notre époque, a déjà une bonne partie de son identité hors de lui-même, sur Internet. Les suivants vivent dans l’équivalent de la Matrice, avec les avantages qui vont avec en cas de mauvais rencontre (« <em><a href="http://www.youtube.com/watch?v=Y70vcs3oV14" hreflang="en">Guns. Lots of guns</a></em> ») (quoiqu’au final les habitants semblent bien conservateur au regard de leur quasi-omnipotence dans cet univers numérique).</p>
<p>Le concept de personnage en prend un coup : « <em>How many of me are there?</em> » se demande l’un, réincarné à partir de sa sauvegarde, après avoir rechargé et fusionné diverses versions de lui-même (numérisées donc duplicables à l’infini), notamment le double numérique adulte de son clone encore enfant…</p>
<p>Stross ne parle pas de la Singularité juste sous l’aspect technique, mais aussi (surtout ?) économique et légal, avec quelques échos des turpitudes actuelles et un bout d’utopie (économie de la surabondance, économie du don). Même l’aspect religieux est abordé.</p>
<p>J’ai peur que le temps rattrape très vite <em>Accelerando</em> : vocabulaire, nouveautés imprévues réelles, et grand optimisme quant à la vitesse à laquelle la Singularité arrive (dans les toutes prochaines décennies). Nous sommes encore loin de la numérisation complète d’un esprit ou du début du démantèlement de Mercure pour en faire du <a href="http://www.internetactu.net/2008/09/08/prochain-arret-la-singularite-34-de-la-realite-intelligente-au-computronium/">computronium</a>, les nanotechnologies ne progressent pas si vite.</p>
<p>Il faudra lire avec un cerveau actif : je suis témoin qu’<em>Accelerando</em> n’est pas compatible avec l’état de fatigue du à une récente paternité, j’ai dû à regret le remettre sur l’étagère au bout de cent pages à l’époque. Ce n'est pas un reproche — j’ai adoré ce livre, comme tous ceux qui repoussent mon horizon et dynamitent les habitudes !</p>
<p><a href="http://alias.codiferes.net/wordpress/index.php/accelerando-de-charles-stross/">Alias est un peu moins laudatif</a>. <a href="http://wiesmann.codiferes.net/wordpress/?p=8335" hreflang="en">Thias a plus aimé</a>. Je partage la remarque sur le rythme qui ralentit à la fin, il est vrai que tenir ce rythme d’enfer jusqu’au bout aurait été miraculeux.</p>
<p>Le livre est <a href="http://manybooks.net/titles/strosscother05accelerando-txt.html" hreflang="en">en ligne gratos</a> pour ceux qui sont passé au papier numérique et lisent l’anglais <em>geek</em>. Je ne connais pas de traduction française.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Accelerando-de-Charles-Stross#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/692« 1940 : Et si la France avait continué la guerre… »urn:md5:aed425ec34c8fff3b98038f2b817097a2011-06-01T08:08:00+02:002015-09-02T12:57:32+02:00ChristopheTemps et transformationsAllemagnebombe atomiquecatastrophecolonisationcouragedémocratieguerregéopolitiquehistoireHistoire de FranceimpérialismeLibérationracléeSeconde Guerre Mondialespéculationtempstotalitarismeuchronie<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/lafrancecontinue-1.jpg" alt="lafrancecontinue-1.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" />Etait-il réaliste pour un gouvernement traumatisé d’abandonner la métropole, où la situation était désespérée, et de continuer la lutte depuis l’Algérie et l’Afrique, avec les appuis anglais et américain ? Le débat avait à l’époque fait rage entre les « défaitistes » (Pétain, Weygand…) pas mécontents de voir la République abattue, ou simplement inconscients de la différence de nature du IIIè Reich par rapport à l’Allemagne qu’ils avaient affrontée en 1914-18, et le groupe emmené par de Gaulle.</p> <p>J’ai chroniqué ici l’excellent livre sur la défaite de 1940, <em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/11/17/440-comme-des-lions-le-sacrifice-heroique-de-l-armee-francaise-mai-juin-1940-de-dominique-lormier-1">Comme des lions</a></em>, de Dominique Lormier, dont <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/11/21/448-comme-des-lions-le-sacrifice-heroique-de-l-armee-francaise-mai-juin-1940-de-dominique-lormier-4">un passage traite d’un repli français dans l’Empire, sans capitulation</a>.</p>
<p>Récemment, un groupe mené entre autres par <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Sapir">Jacques Sapir</a> n’a pas résisté à la tentation de l’uchronie sur ce point. Le choix du <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Point_de_divergence">point de divergence avec notre histoire</a> fut délicat : il fallait que le Président du Conseil <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Reynaud">Paul Reynaud</a> ne renonce pas au pouvoir en faveur de Pétain (alors que paradoxalement il tenait à continuer la guerre) ; c’est donc en avançant de quelques semaines le décès accidentel d’Hélène de Portes, sa maîtresse, défaitiste elle, que cette histoire se met à diverger. (<a href="http://www.delpla.org/article.php3?id_article=69">Certains ne sont pas d’accord sur le poids de l’influence d’Hélène</a>. Détail, on pourrait trouver d’autres divergences menant au même résultat.)</p>
<p>Le livre reprend l’essentiel, sous une forme aussi plus agréable à lire, du site web <a href="http://www.1940lafrancecontinue.org/">1940lafrancecontinue.org</a>. Il ne couvre que 1940, jour par jour voire d’heure en heure. Le site a quelques cartes et des mentions sur les années suivant 1940.</p>
<h3>Le Grand Déménagement</h3>
<p>Reynaud tient bon, soutient de Gaulle, écarte Pétain puis Weygand, enrôle Mandel, Zay, Blum... et lance le Grand Déménagement de l’armée française (enfin, ce qu’il en reste...) vers l’Algérie, alors française.</p>
<p>La plausibilité fait l’objet de l’introduction : oui, cela était jouable. Evidemment, en Afrique du Nord, il n’y a aucune industrie digne de ce nom, et la France devient dépendante de l’Angleterre et des États-Unis. Il lui reste des atouts : la flotte, les ressources de l’Empire, de grands stocks d’or.</p>
<h3>Ce qui change</h3>
<p>Alors, par rapport à notre réalité, quelle différence peut faire une France dont les reins sont brisés ?</p>
<ul>
<li>On pense d’abord à la flotte : sa neutralisation était le premier but d’Hitler en acceptant l’armistice, et mettre la main dessus (en tout cas éviter qu’elle ne passe aux Allemands) une obsession de Churchill. Si la France continue, pas de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Mers_el_Kebir">Mers el-Kébir</a>, la Méditerranée reste aux Alliés, et les convois dans l’Atlantique seront mieux escortés.</li>
</ul>
<ul>
<li>L’Empire reste intégralement aux Alliés. Alors qu’en réalité de Gaulle a mis des années à le récupérer bout par bout, que les Anglais ont dû envahir Madagascar puis les Américains l’Algérie, que l’Afrika Korps de Rommel a pu s’y baser, si la France continue il devient aussitôt une base de départ, par exemple contre la Lybie.</li>
</ul>
<ul>
<li>Au lieu de l’humiliante débandade et de la reddition en masse après que Pétain a dit de déposer les armes sans même avoir négocié l’armistice, l’armée française réussit à tenir avec une direction claire. Certes, il est impossible de conserver longtemps la France continentale : le sacrifice de nombreuses unités ne sert qu’à couvrir le Grand Déménagement. Nos uchronistes voient Marseille tomber en août. Mais cela fait pas mal de prisonniers en moins... et beaucoup de combats destructeurs en plus dans toute la France. Des scénarios impliquant un réduit breton (irréaliste) ou provençal (plus plausible) ont été jugés un peu trop optimistes. Que la France tienne encore deux mois contre la Wehrmacht est jugé par certains même conservateur : la logistique de la Wehrmacht était très étirée (d’où une pause forcée à mi-chemin), les Français ont très vite appris de leurs erreurs, etc.</li>
</ul>
<ul>
<li>Les Français peuvent se rééquiper auprès des Américains grâce à leurs (énormes) réserves d’or.</li>
</ul>
<ul>
<li>Dans la réalité, l’armée allemande avait quand même souffert (même et surtout après Dunkerque), et les avions perdus en France ont manqué pendant la Bataille d’Angleterre. Par contre la Luftwaffe avait récupéré ses pilotes prisonniers après l’armistice. Si la France continue, la Wehrmacht s’use à finir la conquête, ne récupère pas ses pilotes prisonniers : la Bataille d’Angleterre (pour commencer) est moins intense.</li>
</ul>
<ul>
<li>Dès 1940 les Alliés peuvent penser à des contre-attaques. Et le livre ne s’en prive pas : l’Italie ayant courageusement déclaré la guerre à une France en pleine débâcle (et comme dans la réalité, impréparation et artillerie de montagne française aidant, l’armée italienne n’ira pas loin dans les Alpes), elle prend le premier choc, avec la conquête alliée immédiate de la Lybie, de la Sardaigne, de Rhodes (ces deux dernières jamais conquises dans la réalité). Les Alliés ont donc gagné deux ans en Afrique, évité l’Afrika Korps, attiré la Grèce dans leur camp (que Mussolini aurait attaqué sinon dès la fin 1940, sans succès), protégé Suez, et menacent immédiatement la Sicile.</li>
</ul>
<ul>
<li>Pétain a dans la réalité réussi à obtenir une légitimité grâce aux pleins pouvoirs octroyés par les députés. Si la France continue, ceux-ci s’enfuient, et commencent à bâtir quelque chose qui s’orientera plutôt vers notre Vè. Et si les auteurs ont tenu à maintenir Laval, Doriot, Déat… au pouvoir (à Paris, pas Vichy), ce n’est qu’une bande d’arrivistes à la légitimité nulle.</li>
</ul>
<ul>
<li>L’Empire français (et le belge également par contrecoup) sortira socialement complètement transformé de la guerre, grâce aux centaines de milliers de personnes (soldats, techniciens, politiques…) déplacés en Algérie mais aussi aux lois donnant la citoyenneté aux « sujets »<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup> s’enrôlant et à leur famille. D’intéressantes perspectives pour l’après-guerre…</li>
</ul>
<ul>
<li>De même, des milliers de Républicains espagnols sont enrôlés par l’armée française.</li>
</ul>
<h3>Ce qui ne change pas :</h3>
<p>Les auteurs n’ont pas osé trop s’éloigner de la trame temporelle réelle, de manière logique pour 1940, de manière plus discutable (et même frustrante, mais c’eut été un saut dans l’inconnu) pour la suite :</p>
<ul>
<li>Franco reste au pouvoir en Espagne avec son jeu d’esquive envers Hitler (j’avais parlé ici du <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/10/03/427-biographie-de-l-amiral-canaris-par-andre-brissaud-3">double jeu du fascinant amiral Canaris</a>).</li>
</ul>
<ul>
<li>Le livre s’arrête à la Saint-Sylvestre 1940, donc bien avant l’attaque de l’URSS. Mais l’introduction précise bien que le maintien de la France dans la guerre ne change rien aux intentions d’Hitler. Sa nature (et celle de son régime dirait Hannah Arendt) impose de passer vite à autre chose quand les difficultés se font jour, et une France exsangue ne l’inquiétera pas beaucoup plus que la seule Angleterre dans notre réalité. Les nazis attaqueront donc les Soviétiques.</li>
</ul>
<ul>
<li>De même, dès les premières pages on sait que l’Occupation durera peu ou prou quatre ans. Au passage, quelques clins d’œils font référence à des événements bien postérieurs, légèrement « décalés ».</li>
</ul>
<p>Quelques reproches tout de même :</p>
<ul>
<li>Sur la forme, les récits au jour le jour recensant la moindre escarmouche au fond du désert lybien peuvent un peu lasser. Les opérations sont tellement détaillées que certaines parties se lisent en diagonale.</li>
</ul>
<ul>
<li>C’est le lot de la plupart des uchronies, mais il est frustrant de savoir que l’on passe à côté de nombre de références. Il faut quasiment avoir Wikipédia à portée de main pour se renseigner sur le champ sur chaque personnage qui apparaît : Guillaumet a un rôle dans l’évacuation (au lieu, dans la réalité, de se faire tuer dès 1940) ; Mendès France ne finit pas condamné comme déserteur ; Blum ne finit pas en prison sous Vichy ; Weygand se fait tuer au front ; le serment de Lybie remplace celui de Koufrah ; par contre l’ambassadeur japonais prend toujours des notes après le <a href="http://www.secondeguerre.net/articles/evenements/ou/40/ev_raidtarente.html">raid allié sur Tarente</a> qui inspira celui sur Pearl Harbor ; etc.</li>
</ul>
<ul>
<li>Les avis des civils manquent cruellement. Le gouvernement a fui avec une partie de l’armée : qu’en pense le civil de base resté en France sous Occupation ? Que disent les habitants qui voient leur ville détruite juste pour des combats de retardement ?</li>
</ul>
<ul>
<li>Sur le fond, on pourrait reprocher au livre de trop se baser sur la ligne temporelle réelle sur le long terme (on sait que l’Occupation durera quatre ans, que l’URSS sera attaquée…) alors que les opérations imaginées pour 1940 n’ont plus rien à voir avec celles de la réalité. Le maintien de la France dans la guerre n’aurait-il qu’un si faible impact ? Il faudra attendre pour voir. En fait l’effet serait sans doute majeur sur l’après-guerre : sur l’Algérie (pleine de nouveaux citoyens arabes avec droit de vote) et l’Empire ; sur le maintien de la France comme puissance majeure sur le papier ; sur la manière dont l’Europe est libérée ; le rôle final de l’URSS… J’aurais rêvé d’un basculement majeur : par exemple, les Empires occidentaux ayant mieux encaissé, le Japon décide ne pas s’y frotter, renonce à Singapour, au Vietnam et à Pearl Harbor et (<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-3-%3A-Pearl-Harbor">le choix fut paraît-il discuté à Tokyo</a>) préfère croquer l’URSS par l’Est : celle-ci s’effondre rapidement avec les conséquences que l’on imagine (aussi bien stratégiquement pour le plus grand bénéfice des nazis que par le maintien prolongé de la non-belligérance américaine) (<strong>Ajout de 2015</strong> : D’un autre côté, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Khalkhin_Gol">les Japonais s’étaient déjà cassé les dents contre les Soviétiques en Sibérie</a>).</li>
</ul>
<p><strong>PS de septembre 2011</strong> : <a href="http://alias.codiferes.net/wordpress/index.php/et-si-la-france-avait-continue-la-guerre/comment-page-1/?gseaftercommentingmodal#comment-5069">Alias a aussi aimé ce livre</a>.</p>
<p><strong>PS de 2013</strong> : Le second tome, <em>1941-1942</em> est paru ! (<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1941-1942-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre">et je l’ai chroniqué ici</a>)</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Rappelons que la devise </em>Tous les hommes sont égaux<em>, dans la France de la IIIè et de la IVè république, ne valait ni pour les femmes ni pour les Arabes...</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/647Changer d’heure et de montreurn:md5:288c89817b29f87629e12ad16cc8bc602009-10-24T22:25:00+02:002009-10-24T21:26:02+02:00ChristopheTemps et transformationsbon senscomplexitécynismedysfonctionnementdécadenceergonomiehumourpessimismeprécisiontempséconomie de l’attention <p>La pub est omniprésente à la radio (du moins celle que j’écoute) : « changez d’heure, changez de montre ! »</p>
<p>Le niveau intellectuel du Français de base baissait inexorablement, ça je le savais. Mais est-il déjà tombé si bas que tant de gens ne sachent plus régler leur montre au changement d’heure ?</p>
<p>Ou sommes-nous devenus si fainéants que nous préférons avoir deux montres plutôt que de nous embêter à la régler deux fois dans l’année ?</p>
<p>Ou encore les montres actuelles (je ne les connais pas, j’en achète une par décennie, au plus) sont-elles devenues aussi complexes qu’un magnétoscope ou Windows, pour qu’on ne sache plus les régler ? (Je connais des gens qui ont abandonné en ce qui concerne l’horloge de la voiture.)</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Changer-d-heure-et-de-montre#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/591 « La Terre avant les dinosaures » de Sébastien Steyer et Alain Bénéteau (ou : de l’ascension des tétrapodes du Dévonien au Secondaire, des sarcoptérygiens aux sauropsides et mammaliens)urn:md5:f347c74a610f959b2eb28349e1ab34a32009-04-12T20:12:00+02:002011-06-03T11:12:39+02:00ChristopheTemps et transformationsapocalypsecataclysmecatastrophecomplexitédinosauresdéveloppementeauexaptationexpertisegigantismegénéalogiegéologiemythemèmeorganisationtempsténacitévolcansécologieéonsévolution<p>Commençons par le principal reproche à faire à ce livre par ailleurs très intéressant : le titre est une escroquerie. Celui qui, alléché par le <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/09/19/405-l-extinction-du-permien">docu-fiction de la BBC qui m’avait enthousiasmé</a> cherche à retrouver les araignées géantes et les évolutions climatiques en sera en parti pour ses frais. Il est clair d’entrée que l’auteur ne s'intéresse guère qu’à nos ancêtres, les <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Tetrapoda">tétrapodes</a>.</p> <p>Nous sommes des tétrapodes, au même titre que les crapauds, les tortues, les poulets, les diplodocus, et les héritiers de quelques animaux à l’air ichtyen<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Terre-avant-les-dinosaures-de-S%C3%A9bastien-Steyer-et-Alain-B%C3%A9neteau#pnote-549-1" id="rev-pnote-549-1">1</a>]</sup> et d’une invention géniale : les papattes !</p>
<h3>Exaptation</h3>
<p>Contrairement aux idées reçues, et à ce que je lisais dans les livres de ma jeunesse, les pattes ne sont pas apparues comme conséquence d’une sortie des eaux d’un poisson aux nageoires charnues (type <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Cœlacanthe">cœlacanthe</a><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Terre-avant-les-dinosaures-de-S%C3%A9bastien-Steyer-et-Alain-B%C3%A9neteau#pnote-549-2" id="rev-pnote-549-2">2</a>]</sup>) mais bien dans l’eau avec une fonction marine dans des milieux côtiers (stabilisation, pagaie...), <em>puis</em> ont été détournées comme pattes par les tétrapodes.</p>
<p>De même, le poumon a peut-être d’abord servi de stabilisateur (sinon pourquoi des poissons en auraient-ils eu besoin ?) avant d’acquérir une fonction respiratoire. Les poissons à poumons existent encore (<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Dipnoi">dipneustes</a>), ou bien se débrouillent très bien pour bouger avec de simples nageoires (<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Periophthalmus">poissons grenouilles</a>).</p>
<p>Ce bricolage évolutif, où un organe est détourné pour une autre fonction se nomme <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?tag/exaptation">exaptation</a>, et j’adore ce mot. Autres exemples : les plumes apparues chez certains dinosaures comme isolant thermique, puis utilisées pour faciliter le vol (lequel vol est possible sans plumes : <em>cf</em> les animaux planeurs, les chauves-souris ou les <a href="http://www.dinosoria.com/volant_general.htm">ptérosaures</a>) ; ou le sixième doigt du panda qui est un os du poignet déformé.</p>
<h3>La sortie des eaux</h3>
<p>Dans les livres de ma jeunesse (et même de celle de mes grands-parents...) le cheminement de « la sortie des eaux » était clair, je me souviens des images : dans un monde désertique livré à la sécheresse, un poisson « costaud des nageoires » et, coup de chance, doté d’un poumon, errait de flaque en flaque. Sélection naturelle aidant, les nageoires sont devenues des pattes et le règne des tétrapodes commençait. Certains ne restèrent que batraciens ; d’autres inventèrent l’œuf pour pondre loin de l’eau et devinrent reptiles, dont certains devinrent mammaliens puis mammifères, etc.</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/animaux/Devonien/Ichthyostega_BW_d_apresAhlberg2005_ArthurWeasley_licenceGNU_320.jpg" alt="Ichthyostega_BW_d_apresAhlberg2005_ArthurWeasley_licenceGNU_320.jpg" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="Ichtyostega, un des premiers tétrapodes au Dévonien. Dessin d’Arthur Weasley d’après une reconstitution d’Alhberg. Licence documentation libre GNU ; trouvé sur Wikipédia." />Ce livre dynamite le vieux mythe (déjà moisi depuis longtemps chez les paléontologues je suppose). D’une part, « la » sortie des eaux est illusoire, puisque le phénomène a eu lieu de nombreuses fois : quand, au Dévonien, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Ichthyostega">Ichtyosthega</a>, pourtant loin d’être le premier tétrapode, se déplaçait comme un phoque sur les berges des fleuves où il passait son temps, la végétation avait déjà atteint une forme aussi complète qu’à présent, et les arthropodes (scorpions, mille-pattes métriques, et des crustacés occupés à devenir des insectes, tous au format géant) se répandaient déjà.</p>
<p>À l’Ère suivante, au Carbonifère, toute cette diversité explose, et pas seulement celle des tétrapodes cantonnés aux environnements marins. Certains d’ailleurs retourneront complètement dans l’eau, éventuellement en y perdant leur pattes (et ce ne sont pas les ancêtres des serpents). De manière générale, ce livre rend plus clair que les taxons actuels que nous connaissons (reptiles, batraciens, mammifères, dinosaures dont les oiseaux) ne sont qu’une infime partie de ce que les tétrapodes ont pu créer. Des embranchements entiers ont disparu au fur et à mesure des crises écologiques ou plus simplement de la bataille pour la vie.</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/animaux/Permien/Diplocaulus_BW_Arthur_Weasley_licenceGNU_320.jpg" alt="Diplocaulus_BW_Arthur_Weasley_licenceGNU_320.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Diplocaulus, un léponspondyle du Permien. Dessin d’Arthur Weasley. Licence documentation libre GNU, trouvé sur Wikipédia." />Le passage sur la lutte entre <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Temnospondyli">temnospondyles</a> et <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Lepospondyli">lépospondyles</a> paraîtra un peu oiseuse au non-spécialiste, ainsi que la question de savoir comment se rattachent à l’arbre de la vie les « lissamphibiens » (grenouilles, salamandres, anoures, etc.). Ces derniers ont en fait tellement évolué depuis le Carbonifère que les spécialistes s’étripent encore sur leur arbre généalogique.</p>
<h3>Régulation</h3>
<p>Un long passage détaille les mécanismes de formation des doigts. Selon le bon (et faux) vieux proverbe « <a href="http://lecerveau.mcgill.ca/flash/capsules/outil_bleu12.htm">l’ontogénie résume la philogénie</a> », on peut l’observer sur les fœtus de poulet ou de souris. Il s’agit bien d’une innovation complète propre aux tétrapodes et pas d’une exaptation. On sera surpris d’apprendre que le nombre de cinq doigts n’a pas vraiment de « justification » ; <em><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Acanthostega">Acanthosthega</a></em> en avait huit !</p>
<p>C’est l’occasion d’un petit cours sur les gènes de régulation de la croissance : autant que les gènes eux-mêmes, la manière dont ils s’expriment mène à des animaux très différents. Nos gènes de régulation sont fort voisins de ceux de la mouche !</p>
<h3>La crise</h3>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/09/19/405-l-extinction-du-permien">La crise du Permien</a> fait l’objet d’un chapitre. L’auteur ne tranche pas entre les hypothèses, qui ne s’excluent d’ailleurs pas mutuellement : régression océanique, volcanisme massif, météorite tueuse... Le résultat, je le rappelle, fut une extinction massive d’espèces bien pire que la crise suivante (celle qui a été fatale aux médiatiques dinosaures).</p>
<p>Qui dit extinction massive dit niches écologiques à remplir, et radiation évolutive. L’auteur insiste bien sur le fait que les espèces qui profitent de la crise existaient en général <em>avant</em>, mais étaient concurrencées par les genres dominants : la plus grande partie de l’existence des mammifères (héritiers du dimétrodon) s’est déroulée à l’ombre des dinosaures.</p>
<h3>Bref</h3>
<p>À part la faute du titre trompeur, on obtient là un bel exemple de ce qu’est la paléontologie, et une belle leçon d’évolution. Il faut aimer (ou au moins accepter de) engranger quelques termes « techniques » : <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Sarcopterygii">sarcoptérygiens</a><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Terre-avant-les-dinosaures-de-S%C3%A9bastien-Steyer-et-Alain-B%C3%A9neteau#pnote-549-3" id="rev-pnote-549-3">3</a>]</sup>, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Amniote">amniotes</a>, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Synapside">synapsides</a>... (Ces trois termes, difficiles à recaser lors d’un dîner, nous désignent tous, ainsi que le chat du voisin ou un <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Dimetrodon">dimetrodon</a>.) Celui prêt à fournir l’effort se fera plaisir, et enrichira sa culture après avoir oublié beaucoup de termes ; celui doté de la ténacité intellectuelle d’un George Bush regardera les images et les légendes. Le livre ne conviendra <em>pas</em> à un enfant (à moins que vous ne pensiez qu’il ne soit la réincarnation du regretté <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Stephen_Jay_Gould">Stephen Jay Gould</a>.)</p>
<p>L’auteur se met lui-même en situation et décrit son travail de paléontologue : fouilles sous le soleil de plomb du désert nigérien, analyse de fossiles aux rayons X, simulation numérique de contraintes sur les os, etc.</p>
<p>Sur la forme, la réalisation est parfaite, notamment avec les rabats de couverture reprenant l’un l’arbre phylogénétique des bestioles décrites dans le livre (et l’on voit que les mammifères sont notés tout en bas au bout d’une sous-sous-sous-branche), et l’autre la liste des périodes géologiques impliquées (car si le commun des mortels sait que le Jurassique et le Crétacé sont l’âge des dinosaures, il a plus de mal à situer le Carbonifère et le Dévonien, et j’avais de gros doutes sur la situation du Frasnien et du Famennien).</p>
<p>Les illustrations de <a href="http://www.paleospot.com/">Alain Bénéteau</a> sont superbes et réalistes. J’aurais tendance à regretter qu’elles « lissent » un peu les différences de représentations qu’auraient pû donner plusieurs artistes, mais je pinaille. (<a href="http://www.paleospot.com/pdf/promo_dinos.pdf">Voir le PDF de présentation pour un échantillon.</a>)</p>
<p><strong><a href="http://www.paleospot.com/actualite.php?actu=19">NB pour les Parisiens : les auteurs dédicacent chez Gibert samedi prochain !</a></strong></p>
<p><img src="http://www.paleospot.com/image_une/Projet_paleospot_promo.jpg" alt="" style="display:block; margin:0 auto;" /></p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Terre-avant-les-dinosaures-de-S%C3%A9bastien-Steyer-et-Alain-B%C3%A9neteau#rev-pnote-549-1" id="pnote-549-1">1</a>] <em>Ça sonne mieux que « poissonneux ».</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Terre-avant-les-dinosaures-de-S%C3%A9bastien-Steyer-et-Alain-B%C3%A9neteau#rev-pnote-549-2" id="pnote-549-2">2</a>] <em>Vous saviez qu’un cœlocanthe avait plus en commun avec vous qu’avec un requin ou une truite ?</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Terre-avant-les-dinosaures-de-S%C3%A9bastien-Steyer-et-Alain-B%C3%A9neteau#rev-pnote-549-3" id="pnote-549-3">3</a>] <em>Aucun rapport avec Celui-qui-ne-peut-être-nommé-sans-finir-dans-les-fichiers-des-Renseignements-Généraux.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Terre-avant-les-dinosaures-de-S%C3%A9bastien-Steyer-et-Alain-B%C3%A9neteau#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/549« Homo disparitus » (“The World Without Us”) d’Alan Weismanurn:md5:195abc6a98ec3bab0e66fd2540de41da2008-08-25T19:36:00+00:002011-06-01T13:34:58+00:00ChristopheTemps et transformationsautodestructioncataclysmeeffet de serreentropiegaspillageguerregéologiehistoireperspectivepessimismepollutionsciencescience-fictionspéculationécologieéonsévolution<p>Et si l’humanité disparaissait du jour au lendemain, quelles traces laisserions-nous ? Alan Weisman décrit la désintégration progressive des restes de notre civilisation. Le plus durable n’est pas le plus évident. Et on ne le devinera pas sans de gros efforts de perspective historique.</p> <p><em>Homo disparitus</em> frappe plus que le titre original (<em>Le monde sans nous</em>) mais relève du mensonge : dans le monde que décrit l’essai d’Alan Weisman, il ne reste <em>aucun</em> membre du groupe <em>homo</em>.</p>
<p>La cause possible de notre anéantissement soudain n’est pas creusée et reste en exercice au lecteur, il suffit que l’apocalypse nucléaire ne vitrifie pas la planète.</p>
<p>La disparition des traces de l’homme progresse <em>crescendo</em> : si le chapitre 2 s’étend sur la décrépitude en quelques décennies de simples maisons sous le coup des cycles gel-dégel, des spores, et d’entreprenantes racines, l’effondrement rapide d’un New York tributaire des pompes qui protègent son sous-sol suit vite. Un passage sur les masses monstrueuses de plastique non biodégradables que nous laisserons derrière nous précède un résumé assez apocalyptique de ce qui attend la ribambelle de barrages, raffineries et centrales nucléaires réparties sur la planète. Le final s’étend sur ce qui témoignera le plus longtemps de notre civilisation : des statues de bronze parfois déjà millénaires, des grottes et tunnels, les montagnes que nous avons façonnées (<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Mont_Rushmore">mont Rushmore</a> ou collines décapitées pour leur charbon), les ondes et quelques sondes qui ont quitté la Terre voire le Système solaire.</p>
<p>Mais la description jouissivement morbide de la déliquescence de notre civilisation est une partie relativement maigre. La perspective historique semble plus lourde au premier abord : Weisman s’étend longtemps sur la conquête de l’Amérique par l’homme, l’écosystème de Manhattan avant la ville, les troglodytes turcs, l’histoire des engrais, celle du canal de Panama, l’effondrement de la civilisation maya, les avicides perpétrés plus ou moins volontairement par l’homme par sa seule présence, etc.</p>
<p>Cependant, ce n’est pas vain, le passé nous renseigne sur ce que sera le futur. En effet, des villages abandonnés retournés à la forêt primitive existent déjà : j’ai bien aimé le passage où un pommier au sein d’une forêt de chênes indique une ancienne habitation proche avalée par la forêt en quelques siècles ; après tant de temps il ne restera d’ailleurs de villes entières que les bouches d’incendie en fonte et des canettes d’aluminium. Nous pouvons même étudier en temps réel la déliquescence de <a href="http://www.jjkphoto.ch/photo_pripyat.htm">Pripiat</a> la radioactive ou de <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Varosha_(Famagusta)" hreflang="en">Varosha</a> à Chypre, deux cités fantômes encore debout mais où le travail de sape végétal a commencé.</p>
<p>Une autre leçon du passé est la description comparée de l’action de l’homme préhistorique en Amérique (où la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Mégafaune">mégafaune</a> a disparu) et en Afrique (où l’homme cohabite avec l’éléphant), obtenant des paysages très différents au final. Si le super-prédateur qu’est l’homme disparaît, le paysage changera à nouveau, même dans les contrées encore rurales. (Voir comme exemple <a href="http://www.zuneo.net/2004/06/quand-les-loups-font-pousser-les.html">la réintroduction du loup dans le parc de Yellowstone qui en a modifié paysage et écosystème</a>.)</p>
<p>La question de ce qui restera après nous pose immédiatement celle de ce qui est <em>déjà</em> détruit ou en voie de l’être, ou des destructions visibles que laissera notre civilisation. Un des passages les plus effrayants, car décrivant une catastrophe <em>en cours</em> concerne le plastique : il se fragmente mais les bactéries sont encore incapables de le dégrader, et ses morceaux de plus en plus minuscules finissent par étouffer des espèces de plus en plus petites. L’océan est un vaste dépotoir où flottent des millions de sacs, bouteilles... jamais dégradés.</p>
<p>Moins tragique, Weisman évoque les espèces animales qui nous regretteront : nos parasites (poux...), les cafards qui ne passeront plus d’hiver au chaud, les rats qui n’auront plus nos déchets, et devront se battre avec tous les chats redevenus sauvages...</p>
<p>Le signet fourni avec le livre contient une échelle temporelle égrenant la disparition de nos traces :</p>
<ul>
<li>2 jours après la disparition : sans stations de pompage, l’eau commence à saper New York par son métro ;</li>
<li>à 7 jours, l’arrêt de nombre de génératrices de secours dans diverses centrales et installations chimiques fait débuter les feux d’artifices nucléaires et les pollutions massives ;</li>
<li>dans les décennies qui suivent, les immeubles sans entretien ni chauffage disparaissent sous les assauts de la végétation, les mouvements du sol, les cycles gel-dégel ; les légumes et plantes que nous connaissons redeviennent sauvage ;</li>
<li>au bout de quelques siècles, les ponts les plus solides ont trop rouillé pour tenir (les plus récents et « optimisés » s’effondrent les premiers), les barrages cèdent tous, les fleuves retrouvent leur cours naturel, des deltas se remplissent ; les forêts ont effacé la présence humaine dans la plupart des endroits ;</li>
<li>les millénaires suivants éradiquent les traces visibles au-dessus du sol (notamment si les glaciations reviennent et broient tout) ;</li>
<li>après 100 000 ans, le CO2 que nous avons injecté dans l’atmosphère aura enfin été digéré par Gaïa ;</li>
<li>dans le million d’années qui suit devraient disparaître le plutonium et le plastique digéré (enfin) par les microbes ;</li>
</ul>
<p>En dernier recours, notre civilisation laissera un joli stock d’uranium 238 qui sera encore là quand la Terre disparaîtra, et pas mal de saletés genre PCB ou objets en fonte ou bronze qui se retrouveront peu à peu compressés dans des strates géologiques.</p>
<p><a href="http://culturedesfuturs.blogspot.com/2008/08/vestiges-dhier-et-de-demain.html">Voir aussi une critique enthousiaste du même livre par l’auteur de SF canadien Jean-Louis Trudel.</a></p>
<p>Sur le même thème on trouvera aussi <a href="http://environment.newscientist.com/article/mg19225731.100.html" hreflang="en">un article du New Scientist en ligne</a> avec quelques informations supplémentaires, et <a href="http://science.slashdot.org/article.pl?sid=06/10/18/2138247" hreflang="en">quelques réactions sur mon site geekesque favori</a>.</p>
<p>Entre autres remarques :</p>
<ul>
<li>les civilisation qui pourraient venir après nous auront bien du mal à décoller techniquement car nous aurons éliminé toutes les sources faciles d'accès de pétrole ou minerai ;</li>
<li>d’un autre côté, nos anciennes décharges, ou les ruines de nos cités, contiendront des métaux et autres matériaux sous forme assez concentrée ;</li>
<li>des extraterrestres débarquant 100 000 ans après nous ne verraient rien au premier abord... jusqu’à la découverte d’une extinction massive de nombre d’espèces à notre époque.</li>
</ul>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/08/25/530-homo-disparitus-the-world-without-us-dalan-weisman#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/472