Blog éclectique & sans sujet précis - Mot-clé - Moyen Âge<p>Si ça me passe par la tête, si ça n’intéresse que moi, alors c’est peut-être ici. Ou pas.</p>2024-02-13T09:44:49+01:00L'éditeur est le propriétaire du domaineurn:md5:bf83720a7189bba489682d945b972671Dotclear« Géohistoire » de Christian Grataloupurn:md5:478cf37f9b6a32f203931aaeb6a7c9a92023-12-29T18:48:00+00:002023-12-29T18:48:00+00:00ChristopheHistoireAfriqueAmériqueAntiquitéauto-organisationcartescatastropheChinecivilisationclimatcolonisationcomplexitédémographiedéveloppementeffondrementEmpireEmpire romainesclavageEuropeguerregéographiegéologiegéopolitiquehistoireimpérialismeIndeMoyen Âgeorganisationperspectivepolitiquepouvoir d’acheterpétroleRenaissanceRussiesociétés primitivestempséconomieémerveillementénergieévolution<p>Les achats d’impulsion sont parfois les meilleurs. <em>Géohistoire</em> veut nous faire sentir <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/geohistoire">tout l’impact de la géographie sur la manière dont tourne le monde</a>. Christian Grataloup nous expose la trame sous-jacente à l’histoire de bien des Empires, plus liée aux vents de mousson ou aux flux de capitaux à l’échelle continentale qu’aux généraux et mouvements politiques. La domination européenne est en bonne partie une conséquence de sa géographie. Notes de lectures.</p>
<h2>Il était une fois l’humanité…</h2>
<p>Et ça commence très tôt, par <em>Homo erectus</em> et sa lente diffusion à travers le monde, du moins les parties habitables accessibles à pied sec. Dès cette époque, notre espèce montre une rare adaptation à tant de milieux différents, des savanes africaines aux forêts humides aux steppes neigeuses de l’ère glaciaire. Des bras de mer sont franchis. Nos atouts : le feu, la construction de maisons, l’aiguille à coudre.</p>
<p><a href="https://arenes.fr/livre/geohistoire-2/" title="Géohistoire (Christian Grataloup, Arènes, 2023)"><img src="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/images/livres/.Geohistoire-Christian_Grataloup-Arenes_2023_m.jpg" alt="Géohistoire (Christian Grataloup, Arènes, 2023)" class="media-right" /></a></p>
<p><em>Homo sapiens</em> va encore plus loin, et même l’Amérique est envahie. À la fin de la glaciation ne restent inoccupées que des îles du Pacifique ou l’Islande, conquises vers l’An Mil au plus tard, et des zones polaires comme l’Antarctique.</p>
<h2>Axe & périphéries</h2>
<p>L’essentiel de l’histoire, de la démographie, des échanges de l’humanité, et depuis l’Antiquité, sont regroupées autour d’un « Axe » de l’Eufrasie (terme qui inclue bien l’Afrique dans le monde). Au départ, l’Axe va grossièrement de Gibraltar à la Chine du Nord via les côtes méditerranéennes, la Perse et l’Inde. Avec le temps, l’Axe s’épaissit, en premier lieu en incorporant toute l’Europe jusque la Scandinavie et Îles britanniques.</p>
<p>Sur cet axe s’échangent des biens ou des monnaies, et aussi des métaux précieux, une spécificité de l’Axe. Les latitudes étant voisines, les méthodes de culture ou domestication diffusent. Les idées circulent aussi, à commencer par les religions (monothéismes, bouddhisme…). Mais aussi des agents pathogènes : la Peste Noire est l’exemple le plus flagrant. Au fil du temps, toute la population de l’Axe acquiert une immunité à des germes, souvent transmise par des animaux d’élevage, et que d’autres peuples isolés ne connaissent donc pas, bientôt pour leur plus grand malheur.</p>
<p>Les Empires sur l’Axe se créent et se renouvellent en réaction à des menaces externes : Rome face aux barbares, la Chine ou les Empires indiens face aux envahisseurs des steppes. On note que les capitales (Pékin, Delhi, Trèves…) ont tendance à être proches des frontières menacées.</p>
<p>Des régions restent à la marge. L’Afrique d’abord, peu intégrée, peu peuplée, en contact toutefois avec l’Axe via quelques routes au travers du Sahel, et surtout toute la côte est. L’Insulinde est une zone fragmentée mais bien connectée à dominante commerciale. Sont à peu près isolés l’Australie et tout le monde polynésien, de Taïwan à l’île de Pâques, malgré les talents de navigation de ses habitants. Surtout, le continent américain entier est isolé depuis des dizaines de millénaires. Géographiquement beaucoup plus segmenté que l’Axe, il est aussi sans grand mammifère domesticable (et mangeable), ce qui aura son importance pour le développement des sociétés.</p>
<h2>Économies-monde polycentriques</h2>
<p>Les Empires sont des blocs en partie nés des impératifs de la culture (notamment la riziculture) et des attaques des nomades. D’autres parties de l’Axe évoluent en « économies-mondes », faute d’ennemi contre lequel s’unir. Il s’agit de l’Insulinde et, plus encore, de l’Europe. Celle-ci, bien que déchirée entre d’innombrables entités une fois disparu l’Empire romain, conserve son unité. Les frontières de l’Europe médiévale, et leur évolution, se repèrent très vite par la carte des mariages royaux. L’Europe, tout au bout de l’Eurasie, ne craint pas vraiment un envahisseur à grande échelle. Les Mongols s’approchent mais sont trop loin de leurs bases.</p>
<p>Étonnamment, une excroissance de l’Europe exposée, elle, aux attaques des steppes, reproduit le schéma de la conquête impériale à l’ancienne : la Russie. Une double origine et un dilemme national dont les conséquences perdurent.</p>
<h2>Les vents, les épices et l’or</h2>
<p>Pendant des millénaires, l’essentiel des échanges entre grandes masses humaines se fait via l’Océan Indien, de l’Afrique à la Chine. Les latitudes propices à la mousson permettent d’aller d’est en ouest et de ouest en est, sans trop de danger. La Route de la Soie n’est qu’un chemin secondaire, terrestre, plus dangereux, et lent, même si la Chine tente systématiquement d’en sécuriser les tronçons proches quand elle n’est pas sur la défensive.</p>
<p>Les périphéries fournissent ce dont les autres ont besoin : esclaves africains notamment, et depuis des siècles ; des fourrures ; des métaux précieux. La Chine et l’Inde exportent des biens manufacturées, textiles en premier lieu (cotonnades indiennes, soie…), mais aussi thé ou porcelaine. L’Insulinde exporte ses fameuses épices, dont le sucre. De tout cela les Européens sont friands. Mais ils ne peuvent rien produire eux-mêmes, et surtout pas la canne à sucre qui craint l’hiver. Et l’Europe n’a pas grand-chose à exporter, à part un peu de verre.</p>
<p>Pendant deux millénaires, l’or et l’argent européens servent à acheter des biens manufacturés ou des épices asiatiques (à destination des plus riches, bien sûr), et ces métaux précieux restent en Asie. Puis les techniques de navigation atteignent un niveau permettant d’aller plus loin, et le monde commence à changer.</p>
<p>D’un côté, la Chine impériale n’a pas <em>besoin</em> d’aller chercher des ressources ailleurs. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Zheng_He">Flotte des Trésors de Zheng He</a> va peut-être loin, mais reste une exception trop coûteuse pour être renouvelée aux yeux de l’autorité centrale.</p>
<p>De l’autre, l’Europe a épuisé ses mines et manque de monnaie précieuse pour ses échanges. La multiplicité des acteurs, le rôle majeur des marchands, permettent les expériences. Le premier pas est la conquête de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Macaron%C3%A9sie">Macaronésie</a> par les Espagnols et les Portugais, un marche-pied dans l’Atlantique. On y inaugure le modèle de la plantation de canne à sucre avec esclaves africains. Les Portugais sont les premiers à dominer les vents et à acquérir les techniques pour arriver d’abord en Afrique noire, et acheter l’or du Mali sans intermédiaire. De comptoir en comptoir, les Portugais parviennent dans l’Océan Indien, profitent eux aussi des moussons, et mettent la main sur le très lucratif commerce des épices avec l’Asie.</p>
<p>Jusque là, pas de changement fondamental : l’Europe ouvre une voie d’accès périphérique (toujours lente et dangereuse) à l’Asie, mais l’on reste dans les échanges au sein de l’Axe. Le Portugal (1 million d’habitants) n’est démographiquement pas capable de tenir plus que des comptoirs, et craint plus ses rivaux européens envieux que les peuples « découverts ».</p>
<p>Christophe Colomb va tout changer. La connexion entre Ancien et Nouveau Monde était inévitable, et des contacts avaient déjà eu lieu (Vikings au nord et Polynésiens au sud). Une fois compris le régime des vents dans l’Atlantique et la nécessité de s’écarter de l’Afrique pour en profiter au mieux, il était fatal que les Européens accostent dans les Caraïbes ou au Brésil. Les Chinois ou les Japonais auraient pu le faire un jour ou l’autre, mais les Espagnols ont été les premiers à établir des colonies en Amérique, suivis par tous leurs voisins.</p>
<p>Ce qui intéresse les Européens, ce sont les contrées avec un climat sans hiver, en premier lieu pour la canne à sucre. Pour éviter la fuite des esclaves noirs, les îles sont privilégiées (et Louis XV sacrifiera pour elles bien les arpents de neige canadiens.) Les Anglais et les Français vont aussi au nord, à la recherche d’une voie directe vers l’Asie. Le prosélytisme, la curiosité scientifique ou le goût de l’exploration sont d’autres moteurs, mais annexes aux besoins commerciaux.</p>
<p>La conquête de l’Amérique du Centre et du Sud est rapide et facile. Les maigres effectifs hispaniques, avec à peine quelques chevaux et armes à feu, sont massivement aidés (involontairement, du moins au début) par les agents pathogènes inconnus des Amérindiens, et contre lesquels les habitants de l’Axe sont à peu près immunisés. L’effondrement de la population américaine (environ 90 % !) entraîne des troubles sociaux qui achèvent les sociétés. Tant de territoires sont libérés de l’agriculture (en Amazonie notamment) que le reboisement se traduit par une chute du CO₂ atmosphérique, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Little_Ice_Age#Destruction_of_native_populations_and_biomass_of_the_Americas">possible cause du Petit Âge glaciaire</a>. La main d’œuvre locale disparue, et faute de pouvoir motiver sa propre population à aller trimer dans les plantations, l’Europe se rabat sur la traite négrière à grande échelle, amplifiant la saignée du continent africain.</p>
<p>Grataloup se risque parfois à des uchronies. Parmi elles : des virus mortels auraient-ils pu traverser l’Atlantique dans l’autre sens ? Adaptés à une longue cohabitation avec beaucoup plus d’animaux d’élevage, les Eufrasiens avaient les probabilités pour eux… mais il n’aurait pas été impossible que nos ancêtres subissent une saignée symétrique à celle des Amérindiens.</p>
<h2>La domination européenne</h2>
<p>L’or et l’argent américain résolvent la crise monétaire européenne, on frôle même la surproduction. Parallèlement et grâce à ces ressources, le goût du sucre, du thé, du café, du tabac, du chocolat, se répand dans toute la société européenne, les besoins augmentent, justifiant la création des diverses Compagnies des Indes orientales. D’abord entreprises capitalistiques commerciales concurrentes destinées aux expéditions commerciales risquées, celles-ci finissent absorbées par leurs États respectifs, après avoir installé des ribambelles de comptoirs, devenus colonies ou protectorats. L’Europe exporte ses rivalités internes sur toute la planète. Colonies et protectorats changent de main, les guerres de la fin du règne de Louis XIV ont un impact sur tout le commerce mondial, et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Sept_Ans">Guerre de Sept Ans</a> est quasiment une guerre mondiale.</p>
<p>Enfin, l’accès des Européens à des territoires sans hiver leur permet de tenter de produire eux-mêmes ce qu’ils achetaient avant. Après les cultures de la canne à sucre, du café et du chocolat se déploie celle du coton en Amérique du Nord (toujours grâce à la traite), ce qui permet de ne plus acheter d’indiennes (le tissu indien). Le thé reste longtemps une denrée qu’il faut acheter cher à la Chine. Pour rééquilibrer les échanges, les Britanniques (d’abord, puis avec les Français) du XIX<sup>è</sup> siècle se font narcotrafiquants : ils imposent aux Chinois l’opium des Indes britanniques (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerres_de_l%27opium">Guerres de l’opium</a>).</p>
<h2>Révolutions</h2>
<p>Grataloup va jusqu’à suggérer que les nouvelles habitudes occidentales basées sur les productions tropicales ont alimenté la Révolution industrielle, qui a d’abord démarré par une meilleure alimentation : thé et chocolats sucrés représentent en effet quelques calories en plus. L’hévéa aussi en est un élément important.</p>
<p>La transition démographique commence en France, en partie grâce aux améliorations des routes au XVIII<sup>è</sup> siècle, éliminant les famines. Cumulant supériorité maritime, puis technologique et industrielle, et enfin démographique (¼ de la population mondiale en 1900), l’Europe impose son modèle d’États aux frontières délimitées, ce qui n’est pas une évidence partout. Surtout, les différents pôles européens créent chacun un Empire, d’un type nouveau puisqu’il associe une métropole dans le nord très éloignée de colonies, généralement tropicales. Certaines de ces colonies deviennent des États de culture européenne indépendants (États-Unis en premier lieu puis Australie, Afrique du Sud…).</p>
<p>La seconde vague de colonisation européenne au XIXè siècle tient plus de l’affrontement impérial qu’autre chose. Les nouvelles colonies, notamment africaines, ne rapportent pas autant qu’elles coûtent.</p>
<p>La domination européenne ne dure pas deux siècles. Le polycentrisme, qui a stimulé les découvertes et conquêtes, provoque le suicide de l’Europe dès 1914. Plus tard, le Tiers Monde reste centré sur ces régions tropicales tant convoitées par d’autres. La transition démographique rebat les cartes. Une autre géographie se met à influer sur les rapports de force dans le monde : celle du Carbonifère, dont nous brûlons les forêts fossilisées.</p>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/%C2%AB-G%C3%A9ohistoire-%C2%BB-de-Christian-Grataloup#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/877« Comment l'Empire romain s'est effondré » de Kyle Harper : climat, maladie et chute de Romeurn:md5:4f899faacaf05ab1676fc0a7561ba6062020-02-08T19:36:00+01:002020-12-06T22:46:13+01:00ChristopheHistoireadministrationAntiquitéapocalypseargentauto-organisationByzancecataclysmecatastrophechaoschristianismecivilisationclimatcommunicationdommagedysfonctionnementdécadencedémographiedéterminismeeauEmpire romainFrancsGrandes InvasionsgéographiegéologiegéopolitiquehistoireimpérialismeIndemortMoyen ÂgemulticulturalismeMérovingiensnatureorganisationperspectivepessimismereligionsociétés primitivestempsuchronievolcansécologieéconomie<p>Les causes et le processus de la chute de Rome font débat depuis des siècles, et les théories ne manquent pas. Le livre de Kyle Harper s'étend de l'apogée de l'Empire (milieu du IIè siècle sous <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Marc_Aur%C3%A8le" hreflang="fr" title="Marc Aurèle">Marc Aurèle</a>) à l'effondrement des Byzantins devant l'Islam conquérant. Kyle Harper, se fondant sur les recherches pluridisciplinaires de ces dernières années, insiste sur deux facteurs qui n'expliquent peut-être pas tout, mais beaucoup de choses : le climat, et les maladies. Finalement, on s'étonne que cet Empire ait tenu aussi longtemps.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/Kyle_Harper_Comment_l_Empire_romain_s_est_effondre.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/.Kyle_Harper_Comment_l_Empire_romain_s_est_effondre_s.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a></p>
<p>(<em>Comme d'habitude, les commentaires personnels sont en italique</em> ; le reste est prise de notes de ce dont je veux me souvenir.)</p>
<p>Kyle Harper est professeur à l'université d'Oklahoma. Le titre original <em><a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691166834/the-fate-of-rome" hreflang="en">The Fate of Rome</a></em> contredit un peu le propos, qui est, justement, que l'Empire romain a remarquablement tenu pendant le demi-millénaire couvert par le livre, malgré une suite de catastrophes sanitaires et la dégradation du climat,. La chute de Rome n'a rien eu d'un phénomène régulier. Après les pertes effroyables de la Peste antonine sous Marc Aurèle, la démographie et le commerce se rétablirent. Après la Peste de Cyprien, l'Empire fut envahi et sombra dans le chaos pendant une génération (crise du IIIè siècle), mais les Empereurs-soldats danubiens reprirent les choses en main, et tout semblait aller pour le mieux quand déferlèrent les Huns. Une fois l'Empire d'Occident dépecé, celui d'Orient partit à la reconquête, mais son élan fut brisé par l'apparition de la Peste, dont il ne se releva pas, facilitant la conquête arabe. Le reste ne fut qu'une agonie s'étalant sur des siècles, avec quelques hauts et beaucoup de bas (voir tous les détails dans d'anciens billets sur l'Empire byzantin : <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/10/25/11-byzance-i-formation-invasions">formation</a>, <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/10/26/19-byzance-ii-de-l-apogee-justinienne-a-la-castastrophe">apogée justinienne & catastrophe</a>, <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/10/27/21-byzance-iii-nouveau-redressement-et-agonie">nouveau redressement & agonie</a>).</p> <p>L'Empire qu'Auguste avait fondé devait compter de l'ordre de 70-75 millions d'habitants sous Marc Aurèle. Évidemment, tout ce qui ressort de la démographie de cette époque ne peut être qu'évalué indirectement : les sources précises ne sont généralement que locale, et si Rome comptait 1 million d'âmes et n'était pas la seule métropole, l'essentiel de la population restait paysanne. La paix, une certaine stabilité grâce à l'assimilation des élites locales, des routes commerciales sûres, le fameux génie civil romain, évitaient les famines généralisée. L'approvisionnement restait bon : Rome ne s'écroula pas sous la surpopulation. Par contre, l'hygiène était ignorée, et les habitants des villes devaient être victimes en permanence de maladies contagieuses, notamment oro-fécales, du paludisme... Le poids du bouillon de culture permanent se lit dans les squelettes, plus petits qu'avant et après l'Empire. En conséquence, mortalité infantile élevée et espérance de vie faibles ne pouvaient être compensés que par une natalité élevée.</p>
<p>Quoiqu'il en soit, cette population crût globalement pendant les deux premiers siècles après l’avènement d'Auguste, profitant d'un optimum climatique et de conditions plus favorables qu'actuellement. En conséquence, l'armée ne manquait pas de recrues, et les impôts permettaient de la payer : les frontières étaient tenues.</p>
<p>Des villes surpeuplées, un bouillon de culture permanent, des communications pas très rapides mais internationales, des armées en déplacement : c'est un environnement idéal pour une maladie infectieuse. En 165, au sortir d'une guerre victorieuse contre la Perse, apparut la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Peste_antonine" hreflang="fr">Peste antonine</a>, qui ravagea l'Empire depuis le Moyen Orient jusqu'à la Gaule. En suivant le témoignage de Galien, entre autres, Harper finit par l'associer à la variole, apparemment inconnue des médecins romains. (Une leçon au passage : si la vaccination a éradiqué la variole il y a peu, des réservoirs animaux de virus voisins existent toujours…) Pour Harper, les virus antiques n'étaient pas que ceux que l'humanité connaissait depuis le Néolithique ou avant, et notre époque n'a pas l'exclusivité des maladies émergentes : la nature n'arrête pas de nous jouer des tours.</p>
<p>Les pertes, peut-être 20 % de la population, effacèrent les gains démographiques depuis Auguste, mais la civilisation tint bon, les structures étatiques et commerciales subsistèrent, les frontière tinrent. Une conséquence fut le regain de religiosité, au profit du culte d'Apollon le guérisseur : même habitués aux épidémies, les Romains restèrent frappés par celle-ci.</p>
<p>L'Empire continua tant bien que mal, intégrant de plus en plus les élites des populations périphériques à son fonctionnement. Caracalla fit de tous les hommes libres de l'Empire des citoyens. Malgré les virus, la population effaça peu à peu les pertes. Mais, variabilité solaire aidant, l'optimum climatique méditerranéen, son humidité atypique, ses événements El Niño rares, était passés, le climat était plus sec. Il semble que les crues du Nil aient été moins hautes.</p>
<p>La « Peste de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cyprien_de_Carthage" hreflang="fr">Cyprien</a> » frappa de 249 à 262, juste après la célébration du millénaire de Rome. Il est difficile de savoir quelle était précisément l'agent. Harper penche pour un filovirus, du genre d'Ebola. Les conséquences furent funestes pour l'Empire : l'effondrement démographique et commercial, puis bancaire et fiscal rendit l'armée impuissante face à des attaques simultanées sur toutes les frontières. Les Perses occupèrent la Syrie, les Goths passèrent le Danube et descendirent en Grèce, Francs et Alamans se répandirent en Gaule, même l'Italie fut touchée. Des provinces firent sécession (Palmyre avec <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Septimia_Bathzabbai_Z%C3%A9nobie" hreflang="fr">Zénobie</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_des_Gaules" hreflang="fr">Empire des Gaules</a>), et les Empereurs connaissaient tous une mort violente : la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_du_troisi%C3%A8me_si%C3%A8cle" hreflang="fr">crise du IIIè siècle</a> dura 20 ans.</p>
<p>L'Empereur Aurélien redressa la situation et réunifia l'Empire. Comme bien d'autres après lui (jusqu'à Justinien) il provenait des zones frontières très militarisée du Danube. Les modifications structurelles furent nombreuses : élites sénatoriales écartées du pouvoir militaire, prédominance du rôle de l'armée (avec le besoin impérieux de la solder), villes de l'intérieur à nouveau fortifiées et plus petites qu'auparavant, recrutement militaire plus difficile, peuples barbares fédérés pour garder les frontières à la place de soldats trop rares, dont une partie accédera aux plus hautes places dans l'Empire.</p>
<p>Les religions antiques, faillies, ne se relevèrent pas de l'épidémie, elles furent supplantées par de nouvelles. Aurélien adorait le Sol Invictus, et les Chrétiens sortirent de la marginalité — à la grande horreur de ceux qui les accusaient d'être responsables des catastrophes en refusant de sacrifier aux dieux ; d'ailleurs, en prônant la compassion, et donc les soins aux malades, la maladie les frappaient moins violemment...</p>
<p>L'Empire survécut donc une fois encore, et l'Antiquité tardive commença. Le climat du IVè siècle entrait dans un cycle assez favorable mais inconstant, et la récupération dépendit beaucoup des provinces. La population continuait de subir les épidémies habituelles autant, sinon plus, que dans les siècles précédents. Par exemple, le climat instable et les disettes entraînaient un exode vers les villes, bouillon de culture fatal à bien des nouveaux arrivants.
Mais on ne relève pas de pandémie.</p>
<p>Pendant les années 300, la civilisation romaine subit d'innombrables transformations, de la christianisation à la centralisation, et à l'amorce de la séparation en deux ensembles distincts. Rome n'était plus depuis longtemps la résidence du pouvoir, l'Empereur étant souvent aux frontières, comme à Trèves. En conséquence, Constantinople était situé parfaitement entre les deux principales menaces, sur le Danube et sur l'Euphrate.</p>
<p>Selon le scénario d'Harper, les évolutions climatiques continuèrent de créer de nouvelles menaces pour Rome. La première, l'assèchement des steppes asiatiques, provoqua la migration des Huns (véritables réfugiés climatiques !) et par ricochet le déplacement des Ostrogoths, puis Wisigoths, peuple fédéré qui demanda l'asile à Constantinople. Accueillir en-deça du Danube un peuple qui guerroierait pour lui semblait d'abord une aubaine pour l'Empire, mais l'incompétence romaine mena à leur révolte, une guerre ouverte, et la pire défaite romaine depuis Hannibal à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Andrinople_(378)" hreflang="fr">Andrinople en 378</a>. Leur soumission par Théodose ne fut que partielle.</p>
<p>Ce ne fut que le premier coup de boutoir. L'armée de l'Antiquité tardive n'était plus celle des siècles précédents, faute de volontaires, pas seulement pour des raisons démographiques. Elle comptait pourtant un demi-million d'hommes qui auraient dû tenir le choc — si Orient et Occident était arrivés à s'entendre. Les Wisigoths déjà installés se rebellèrent ; d'autres arrivèrent de l'extérieur, notamment lors de la fameuse traversée du Rhin en 406. Il ne s'agissait pas de raids mais de migration de peuples sous la pression des Huns. Quand en 410 les Goths d'Alaric firent le siège de Rome pour rançonner l'Empire, puis pillèrent la ville, un symbole tomba. Incapable de conserver sa coordination avec l'invasion ou la sécession de ses provinces, l'Empire d'Occident ne put reprendre la main ni se défendre dans les années suivantes contre les attaques des Huns d'Attila. L'Empire d'Orient dut y faire face également dans les Balkans. Ironiquement, les maladies locales qui avaient tué tant de Romains brisèrent parfois l'élan d'envahisseurs peu protégés contre le paludisme ou les bouillons de culture des villes.</p>
<p>L'Empire d'Occident n'était plus (officiellement en 476), chose facile à tracer dans les constructions de <em>villae</em>, la disparition des flux commerciaux ou l'effondrement de la population des villes. En ville, la saisonnalité des décès change : autrefois, nombre d'adultes, immigrés de fraîche date, tombaient en masse l'été, victimes des virus locaux ; ceux-ci semble disparaître. Économiquement, une entité surnage : l'Église.</p>
<p>L'Empire d'Orient, lui, était sorti à peu près intact de l'épreuve, encore politiquement stable, riche de son commerce, de ses métropoles Constantinople, Alexandrie, Antioche... À partir de 527, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Justinien" hreflang="fr">Justinien</a>, Empereur énergique, entama de grandes réformes, bâtit beaucoup, fit la paix avec la Perse, lança ses troupes à la reconquête de l'Afrique puis de l'Espagne, de l'Italie. Tout semblait alors lui sourire, quand la nature frappa.</p>
<p>Alors qu'après 450 avait commencé un « petit âge glaciaire de l'Antiquité tardive » (jusque 700), en 535 commença une série d'éruptions volcaniques (en 2005, j'avais rapporté ici un <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/11/03/23-le-krakatoa-et-l-histoire-du-monde" hreflang="fr">documentaire accusant le Krakatoa des malheurs des Byzantins</a>). Partout 536 fut l'« année sans été », et les décennies 530 et 540 furent les années les plus froides depuis des siècles.</p>
<p>Pendant le IIIè siècle le commerce avait allègrement repris, ainsi que le crédit bancaire, permettant des échanges lointains, jusqu'en Inde et en Orient : j'ai appris que la Route de la Soie (et du poivre) passait aussi par la Mer Rouge et l'Océan Indien. Constantinople en profitait encore sous Justinien. Le cataclysme suivant provint probablement de là : en 541, Péluse, en Égypte, est la première ville touchée par la peste.</p>
<p>L'ADN a montré que la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Peste_de_Justinien" hreflang="fr">Peste justinienne</a> de 541-543 a été provoquée par le bacille <em>Yersinia pestis</em>. Il allait saper la démographie de l'Europe pour deux siècles, avant de revenir frapper à la fin du Moyen Âge (Peste noire du XIVè siècle), et régulièrement jusqu'au XIXè siècle. La bactérie parasite des puces, elles-mêmes parasites de rongeurs, et en premier lieu les rats noirs. L'Empire romain était pour eux un pays de cocagne : des villes et des réserves de grains partout pour soutenir une natalité galopante, de nombreuses voies de communications sur terre et mer pour se répandre partout. Certes, le virus et les puces ne s'attaquent que faute de mieux aux humains (et à d'autres espèces qui ont pu servir de vecteur) ; mais une fois les rats eux-mêmes décimés, la promiscuité de l'époque favorisait la transmission des puces et des virus. Pourtant, le rat noir était bien connu des Romains. Mais le climat du VIè siècle plus froid a pu favoriser la végétation, l'explosion des populations de rongeur, favoriser la diffusion du virus.</p>
<p>Si la peste avait déjà frappé localement dans la passé dans des variantes moins virulentes, la peste de Justinien valait bien la Peste noire. De plus la population romaine était affaiblie par les problèmes climatiques et son lot de virus habituel. Résultat : un taux de mortalité de 80 % et la disparition de peut-être 50 % de la population. La peste dépeupla Constantinople et Alexandrie, frappa jusqu'en Bretagne et en Bavière, épargna sans doute plus les zones désertiques (Maures, Arabie...) et les nomades. Faute de bras, on ne récolte plus, la famine s'installe. Suite à la dépopulation, le cours du blé s'effondre et le système bancaire aussi, puis les finances de l'Empire.</p>
<p>Justinien se maintint mais l'élan était brisé. La Peste revint régulièrement dans les décennies suivantes dans toute la Méditerranée, jusqu'après la conquête arabe, à chaque fois violemment, profitant des flux commerciaux. Partout l'archéologie indique une population en décroissance et une économie anémiée sur le long terme. Une bonne crue du Nil provoqua des inondations dans le delta, faute de bras en amont pour gérer l'irrigation. Justinien ne put qu'à grand peine contenir les Avars (eux-mêmes réfugiés climatiques selon le documentaire susnommé ?). Tout autour de la Méditerranée l'économie des divers États périclitait et la population des villes descendit à des niveaux ridicules. En Italie, le royaume ostrogoth reprenait la route de la prospérité, mais l'attaque des Byzantins et la peste entraînèrent l'effondrement des restes de la civilisation romaine. Les nouveaux États qui se formeraient, comme l'Empire franc, seraient plus continentaux.</p>
<p>Les années suivantes, l'Empire romain d'Orient épuisé, toujours à la recherche d'argent et de soldats, dut poursuivre sa guerre inexpiable contre les Perses, et perdit du terrain dans les Balkans et en Italie.</p>
<p>Le coup de bambou final fut religieux. Comme pour les crises précédentes, la crise climatique, la peste, l'effondrement de la civilisation, provoquèrent une poussée de croyances apocalyptiques. Le pape Grégoire le Grand pensait la fin du monde proche. Les Chrétiens n'étaient pas les seuls touchés, au contraire, et le thème est majeur dans l'Islam, apparu au VIIè siècle. Les Arabes profitèrent de la guerre qui épuisait les Perses et les Byzantins pour s'attaquer aux deux, et en peu d'années les Romains perdirent Égypte et Orient, ne sauvant leur capitale que de justesse.</p>
<p>Kyle Harper arrête là son histoire. L'Empire romain d'Orient, réduit à un bout de Grèce, romain uniquement que de nom à présent, ne disparut formellement qu'en 1453. Il eut entretemps quelques belles années (par exemple <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/10/27/21-byzance-iii-nouveau-redressement-et-agonie">vers l'an 1000</a>). Peut-être aurait-il pu survivre jusqu'à nous sous une forme ou une autre.</p>
<p>Sur le fond, rigoureusement, je ne suis pas qualifié pour juger de la pertinence. Il y a eu de nombreuses théories sur la fin de l'Empire romain, celle-ci a le mérite de s'appuyer sur les dernières recherches scientifiques en démographie antique, climatologie, biologie... Je trouve parfaitement plausible qu'une civilisation urbaine, ignorante des règles de base de l'hygiène, paie un tribu effroyable aux maladies. Basée sur l'agriculture, elle était forcément soumise aux caprices du ciel, lequel s'est détérioré pendant cette période. Et de tout temps, faute de rentrées fiscales, les limites de l'organisation d'un État apparaissent de manière fragrante, et il peut difficilement contenir le chaos social ou les agressions extérieures. L'impact du climat a joué un rôle dans la Révolution française, peut-être en Syrie récemment.</p>
<p>Il n'y a pas de déterminisme là-dedans. L'Empire a réagi différemment à trois épidémies massives en quatre siècles, et Harper montre bien ce qui a résisté et les évolutions sociales en conséquence. Au bout d'un certain temps, épidémies, climat, menaces extérieures et problèmes intérieurs se conjuguent, « les étoiles s'alignent », les problèmes s'accumulent jusqu'à la rupture — mais changer un des facteurs aurait pu modifier la donne.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/%C2%AB-Comment-l-Empire-romain-s-est-effondr%C3%A9-%C2%BB-de-Kyle-Harper-%3A-climat%2C-maladie-et-chute-de-Rome#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/856Légendes & lasagnes culturelles : « Le Cycle du Graal » de Jean Markaleurn:md5:d3d95b043f44be08b20f24788aeda4d32016-01-06T00:00:00+01:002016-06-12T13:26:00+02:00ChristopheTemps et transformationsAntiquitéchristianismechâteauxcivilisationCroisadesculturefantasyGrandes Invasionsguerre saintehistoirelivres luslyrismemagieMoyen ÂgemulticulturalismemythemèmemémoireMérovingiensperspectivequêterecyclagereligionsignifiésociétés primitivestempsthéologieémerveillementévolution <p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_1.jpg" title="Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_1.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/.Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_1_s.jpg" alt="Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_1.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Markale">Jean Markale</a>, dans les années 90, a entrepris une réécriture dans un style moderne de <em>tout</em> le Cycle du Graal : au total deux pavés de mille pages dans mon édition incluant la Table Ronde, les vies d’Arthur & Merlin, Lancelot & Guenièvre, Yvain, Gauvain, Galaad, Bohort, Viviane, Morgane, Tristan & Yseult et j’en passe beaucoup.</p>
<p>Un travail titanesque donc, surtout qu’il ne s’agit pas d’une simple réactualisation du style d’une mythologie « achevée », mais aussi de l’arbitrage, la fusion, la synthèse, l’harmonisation de plusieurs versions dans différentes langues d’Europe de l’Ouest écrites et traduites sur plusieurs siècles dans différents contextes religieux et politiques, leur compilation, leur mise en cohérence.</p>
<p>L’ensemble se présente sous la forme d’une suite de nouvelles pleines de digressions, aux ambiances parfois très différentes, reliées de manière un peu lâches, malheureusement souvent répétitives (il y a <em>beaucoup</em> de jeunes filles à sauver d’un infâme méchant auquel le preux chevalier fera mordre rapidement la poussière). C’est parfois très primaire et binaire, sauf peut-être vers la fin.</p>
<p><a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8527589h/f13.item" title="La Table Ronde, de « Messire Lancelot du Lac » de Gautier Moap, 1470, Gallica via Wikimedia"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/.Table_ronde_Messire_Lancelot_du_Lac_de_Gautier_Moap_1470_Gallica_Wikimedia_Commons_Domaine_public_m.jpg" alt="Table_ronde_Messire_Lancelot_du_Lac_de_Gautier_Moap_1470_Gallica_Wikimedia_Commons_Domaine_public.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a></p>
<h3>Un gros patchwork culturel</h3>
<p>Il ne semble pas que les universitaires aient beaucoup porté Markale dans leur cœur donc on prendra ses interprétations avec des pincettes, mais il reste malgré tout clair que le Cycle du Graal agrège :</p>
<ul>
<li>des histoires issues de la mythologie celte, parfois si anciennes que l’on peut parler de chamanisme (notamment lors des transformation d’humains en animaux) ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des légendes celtes, bretonnes, armoricaines, galloises, irlandaises, souvent pré-chrétiennes, agrégées au mythe parfois brutalement ;</li>
</ul>
<ul>
<li>une version historiquement peu correcte de l’invasion romaine et des Empereurs à l’époque de l’arrivée du Graal en Bretagne ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des personnages historiques réels des alentours des années 475-500 : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Roi_Arthur">Arthur</a> aurait été un chef de guerre celto-romain, ou une synthèse de plusieurs chefs ayant effectivement combattu les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l'Angleterre_anglo-saxonne">Saxons lors des Grandes Invasions</a>, et des allusions montrent qu’il n’était pas très respectueux des biens de l’Église de l’époque ; <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Merlin">Merlin</a> aurait pu être un chef de tribu un peu plus tardif ; le poète <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Taliesin">Taliesin</a> ; le roi <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Urien">Urien</a> et son fils devenu le chevalier <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Owain_mab_Urien">Yvain</a> ; voire <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fraimbault_de_Lassay">Lancelot / Saint Fraimbault</a> ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des histoires n’ayant pas forcément de liens avec le Graal à l’original ;</li>
</ul>
<ul>
<li>un vernis chrétien parfois très fin recouvrant à peine le fantastique celtique, parfois transposant des divinités celtiques en preux chevaliers (Lug / Lancelot) ou en magiciennes (Morgane), déplaçant l’Autre Monde celtique dans des royaumes imaginaires, ou transformant la quête du Graal originelle (sordide vengeance ? guérison d’une blessure du Roi Pêcheur dans ses parties sexuelles ?) en apologie de l’Eucharistie ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des réinterprétations médiévales du passé : Virgile passait pour un prophète ou un magicien ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des ajouts par des moines choqués par l’immoralité de ces chevaliers querelleurs, parfois pillards ou lubriques : Perceval/Peredur puant trop la mythologie païenne, il est remplacé par Lancelot comme nouveau roi du Graal ; mais Lancelot, ayant cocufié Arthur avec Guenièvre, ne pouvait décemment pas être le Bon Chevalier gardien du Graal, il a donc fallu inventer son fils Galaad, personnage transparent et fade, arrivé comme un cheveu sur la soupe et très vite débarqué ; les autres amants de Guenièvre ont été (mal) gommés, et les femmes globalement rabaissées ; tout est fait pour rendre les amours interdites inévitables <em>malgré</em> les personnages (filtre d’amour pour Tristan & Yseult, substitution de femme pour Lancelot et Brisane/Elaine) et l’on montre qu’elles mènent à la catastrophe : la guerre finale vient de l’adultère de Lancelot & Guenièvre enfin révélé ;</li>
</ul>
<p><a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b2200046b/f3/" title="Chrétien de Troyes, Gravure de 1530, BNF"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/.Chrétien_de_Troyes_Gravure_1530_BNF_Domaine_public_s.jpg" alt="Chrétien_de_Troyes_Gravure_1530_BNF_Domaine_public.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a></p>
<ul>
<li>des réécritures à la mode de l’amour courtois par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chr%C3%A9tien_de_Troyes">Chrétien de Troyes</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_de_Boron">Robert de Boron</a>, au top des <em>playlists</em> des trouvères et troubadours du XIIè siècle (en plein renouveau médiéval, à l’apogée de la féodalité et au plus fort des Croisades), et par bien d’autres dans tout l’Occident chrétien (Italie, Allemagne, Angleterre des Plantagenêts, cour d’Aquitaine...), qui ont lié, remixé à divers degrés et inséré au chausse-pied beaucoup d’histoires existantes, à commencer par Lancelot, et connecté le Graal et Jésus ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des éléments typiques de la société médiévale telle que clercs et nobles l’idéalisaient : code de l’honneur chevaleresque, amour courtois, vassalité bien ordonnée, ignorance et mépris des vilains, assimilation des beautés physiques et morales, quelques mentions antisémites, un prosélytisme chrétien <em>très</em> agressif ;</li>
</ul>
<ul>
<li>des échos des remous de la société de l’époque, comme des piques envers les chevaliers pilleurs, ou une allusion de Chrétien de Troyes à l’exploitation des ouvrières dans le textile en Champagne (plus d’un demi-millénaire avant Marx) ; des relents de l’affrontement de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Bouvines">Bouvines</a> entre Philippe Auguste et l’Empereur allemand ; des traces de besoins d’affirmation du pouvoir des Plantagenêt (les versions de leur époque affirment qu’Arthur est bien mort, inutile d’attendre son retour d’Avalon).</li>
</ul>
<h3>De quoi/qui parle-t-on en fait ?</h3>
<p>Ajoutons des confusions entre personnages : Arthur fait un enfant à sa sœur, mais est-ce Morgane ou Anne ? Perceval s'est vu dépouillé par Lancelot de bien des histoires. Combien de personnages, fées, sorcières, déesses différentes Morgane agrège-t-elle elle-même ? Et Viviane/Mélusine ? Et ne parlons pas de Merlin ! Markale a pas mal arbitré pour nommer les personnages.</p>
<p>Il y a même un mystère sur le concept même du Graal : chaudron ou corne d’abondance celtique pré-chrétienne, récipient du sang du Christ, vengeance, guérison symbolique, quête mystique de soi-même, tout cela à la fois ? Jean Markale a tranché pour la version chrétienne mais mentionne les autres interprétations.</p>
<h3>Le Moyen Âge n’était pas une période rose</h3>
<p>Certains traits médiévaux agacent. On fait peu de cas de la vie humaine. Les chevaliers s’entretuent à la moindre provocation, et le vainqueur épouse la femme du perdant trucidé (Uther Pendragon & Ygerne). Un sens de l’honneur disproportionné mène à des guerres fratricides et bien des morts inutiles. Les jeunes filles sont toutes les plus belles que l’on peut imaginer, à part une poignée de sorcières hideuses, dont la moitié se retransforment en magnifiques jeunes filles quand le jeune homme est chevaleresque.</p>
<p>En matière de religion, le niveau d’ouverture d’esprit approche celui de Daesh : qui ne se convertit pas est passé au fil de l'épée. Ces preux ne doutent pas un instant de l’aide de Dieu.</p>
<p>La misogynie règne : ces dames s’enflamment toutes pour un rien, parfois sans avoir vu le valeureux chevalier, n’ont d’yeux que pour les guerriers vainqueurs, sont hautement capricieuses (revers de la médaille de l’amour courtois) et ont souvent la cuisse légère. On sent que l’idéal de virginité avant le mariage et de monogamie n’est pas encore bien établi, et en tout cas allègrement ignoré par beaucoup. D’un autre côté, des personnages aussi exceptionnels ne peuvent avoir été conçus que de manière exceptionnelle, voire interdite : Merlin est fils d’un diable et d’une pieuse mortelle ; Arthur nait d’un adultère ; son fils maudit Mordret naîtra d’un inceste (dans les anciennes versions il n’ont pourtant aucune parenté.)</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_2.jpg" title="Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_2.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/.Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_2_s.jpg" alt="Jean_Markale_Le_Cycle_du_Graal_2.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a></p>
<h3>En creusant un peu</h3>
<p>Les anciennes coutumes celtes surnagent et surprennent : le Graal n’est chrétien et médiéval que superficiellement.</p>
<p>Le couple Arthur/Merlin reprend la dualité roi/druide. Le roi n’est pas le moteur, juste le premier de pairs, et n’est pas le moteur de grand-chose dans toute la quête. Par tradition, il doit accorder presque à n’importe qui des « dons » sans savoir auparavant de quoi il retourne, d’où bien des dilemmes.</p>
<p>On répand des joncs pour accueillir les invités (normal pour des Celtes, mais le Moyen-Âge utilisait déjà les chaises). Les moines cisterciens ont laissé passer quelques allusions à des liens ouvertement homosexuels entre preux chevaliers (à la manière de la Grèce antique). Les références aux nuits de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nuit_de_Walpurgis">Walpurgis</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Samain_%28mythologie%29">Samain</a> abondent.</p>
<p>Les filiations celtiques sont plutôt matrilinéaires, il est donc normal que le neveu d’Arthur, Gauvain, soit son héritier. Les enfants sont confiés à d’autres familles pour être élevés. À la mode celtique, Lancelot ou Galaad ont été élevés par des femmes : chez la Dame du Lac pour le premier, chez des religieuses pour le second, plus tardif. On découvre que les femmes de l’époque se décoloraient déjà les cheveux en blond.</p>
<p>Quant aux mentions topographiques ou architecturales comme la forme des forteresses, elles remontent plus à l’Antiquité qu’à l’apogée du Moyen Âge.</p>
<p>Bref, un gros pavé pas très digeste, bien représentative de l’évolution culturelle occidentale, qui plaira aux fanas d’histoire.</p>
<p>Pour finir, <a href="http://boutdubois.blogspot.fr/2014/07/jean-markale.html">une interview de l’auteur</a></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Cycle-du-Graal-de-Jean-Markale#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/801« Guerres & Histoire » n°15 d’octobre 2013 : l’assassinat de la Luftwaffe, les châteaux forts japonais, Andrinople, la guerre du Kippoururn:md5:40afaf14fbe55fb16c3b8e60eed27eea2013-10-25T16:56:00+02:002016-07-07T13:24:48+02:00ChristopheHistoireAfriqueAllemagneAntiquitébon senscatastrophechâteauxcoup bascynismedommagedéshumanisationEmpire romainespionnageEuropegigantismeGrandes InvasionsguerregéopolitiquehistoireHistoire de FranceimpérialismeLibérationlivres luslogistiquemercenairemobilitéMoyen ÂgeorganisationperspectivePremière Guerre MondialeprovocationpétroleracléesaturationSeconde Guerre MondialespéculationsécuritétotalitarismeténacitéuchronieÉtats-Unis <p>Avec « l’assassinat de la Luftwaffe » en gros titre, <em>G&H</em> fait dans le racolage digne de ces revues militaires qui bavent devant le matériel, surtout celui avec croix gammée. Si je ne connaissais pas le sérieux de la revue et son manque d’admiration pour la Wehrmacht <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, je me serais méfié.</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/GuerreEtHistoire_13.jpg" alt="GuerreEtHistoire_13.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>
<p>En fait, point d’hagiographie des ailes allemandes, mais la description de l’opération soigneusement planifiée visant à briser la chasse allemande début 1944, en utilisant les bombardements sur l’Allemagne comme appât, et dans le but de conquérir la maîtrise du ciel avant le Débarquement.</p>
<p>À part ça, excellent numéro, avec les analyses de fond habituelles. Je suis à chaque fois fasciné par les tendances de fond ou les modèles mentaux des différents adversaires qui expliquent bien des événements. Et en même temps, bien d’autres choses ont tenu à si peu...</p>
<p><em>Comme d’habitude, les remarques personnelles sont en italique.</em></p>
<h3>Le prisonnier miraculé</h3>
<p>Le soldat soviétique Sacha Volkov raconte sa terrible odyssée dans l’interview qui ouvre le numéro. Prisonnier à <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Koursk">Koursk</a> en 1943, il subit les terribles marches vers les camps de prisonniers, eux-mêmes souvent des mouroirs <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup>, pour finir à Buchenwald. Il a survécu, mais il insiste sur sa chance.</p>
<h3>La guerre des Boers</h3>
<p>Entre 1899 et 1902, les Anglais en ont bavé pour mettre au pas et annexer deux États sud-africains fondés par d’anciens immigrants néerlandais (et français, des huguenots chassés par Louis XIV !). Ces teigneux fermiers, bien équipés en matériel allemand, n’ont été mis au pas que grâce au blocus naval, à la terreur, à la déportation des familles dans des camps de concentration au taux de mortalité effroyable. Un avant-goût des horreurs du XX <sup>è</sup> siècle...</p>
<h3>Opération Pointblank</h3>
<p>En 1943, les Alliés décident de se débarrasser de la Luftwaffe, condition <em>sine qua non</em> pour tenter un débarquement l’année suivante. L’année 1943 montre aussi que les bombardements massifs ne suffiront pas à faire plier le Reich, une illusion longtemps entretenue avant guerre (<em>en 1940, le Blitz avait pourtant montré que bombarder les villes ne cassait pas le moral des agressés, au contraire</em>). Pire, ils ont un coût humain effroyable pour l’attaquant : les forteresses volantes (B 17) ont beau être hérissées de mitrailleuses et voler en formation, mais sans escorte, elles se font souvent hacher menu (parfois plus de 30% de pertes).</p>
<p>La solution : escorter ces bombardiers par une chasse capable de les accompagner jusqu’à Berlin. Étonnamment, ce n’était pas prévu jusqu’ici : les réservoirs d’essence largables, pas si faciles à mettre au point sans altérer les capacités de l’avion, ne seront prêts que fin 1943, et l’avion idéal (P-51 Mustang) en 1944.</p>
<p>Cette escorte ne sert en fait pas à protéger les bombardiers. Début 1944 sa mission devient la destruction de la chasse allemande : les bombardiers ne sont plus qu’un appât. Les missions s’enchaînent, toujours plus massives (culminant en une bataille aérienne entre 2000 appareils le 24 février 1944 !). Les Allemands sont obligés d‘affecter des ressources énormes à la défense aérienne de leurs villes, et en quelques semaines de pilonnage intensif, la chasse allemande est laminée.</p>
<p>Göring n’avait pas prévu ces escortes lointaines et les chasseurs lourds allemands ne sont pas prêts face à la chasse allié. Ils deviennent la cible principale alors qu’eux-mêmes visent d’abord les bombardiers. Puis le cercle infernal s’enchaîne pour la Luftwaffe : pénurie de chasseurs, peu favorisés jusque là par la Luftwaffe au profit des bombardiers ; appareils pas assez vite construits par des usines elles-même cibles majeures, certes pas aussi gravement touchées que le pensent les Alliés, mais dispersées par crainte des bombardements ; pénurie de pilotes, de plus en plus vite et mal formés <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup> ; siphonnage de tous les appareils disponibles pour la défense aérienne ; réquisition par la DCA de nombreux gros canons et de précieuses munitions qui manqueront sur le front...</p>
<p>L’opération Pointblank se révèle un succès total : en quelques semaines la Luftwaffe a perdu ses meilleurs pilotes de chasse et des milliers d’appareils, et peine à remplacer les avions quand les usines américaines tournent à plein. Les bombardiers se concentrent alors sur les voies de communications vers la zone du Débarquement, et le pétrole. La chasse allemande, dispersée sur trois fronts, laisse la totale maîtrise du ciel aux Alliés jusqu’à la fin de la guerre, ce qui facilitera grandement leur victoire.</p>
<p>Pointblank ne sera jamais rééditée. L’US Air Force acquiert son indépendance, et se concentre sur le bombardement, notamment atomique, revenant ainsi aux erreurs des débuts de la guerre. Le Vietnam et l’amélioration des défenses sol-air (guerre du Kippour) montrent que la supériorité aérienne n’est jamais un acquis. Surtout, les États-Unis considèrent le ciel comme leur chasse gardée et la base de leur puissance : on peut les considérer comme une <em>ouranocratie</em> <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#wiki-footnote-4" id="rev-wiki-footnote-4">4</a>]</sup>.</p>
<h3>Guerre du Kippour</h3>
<p>Les espions annonçaient une attaque imminente, l’ennemi cachait à peine ses préparatifs, et ils avaient une connexion discrète sur ses communications : pourquoi la guerre du Kippour de 1973 fut-elle une telle surprise pour les Israéliens ? L’article rejette l’essentiel de la faute sur un péché d’orgueil (sous-estimer les Arabes après les victoires précédentes, et considérer que les Égyptiens n’attaqueraient pas tant qu'ils ne disposeraient pas de certains moyens de bombardements), et le refus du chef des renseignements extérieurs de ne pas activer ses « moyens spéciaux » (cette bretelle sur les communications égyptiennes) de peur de les griller. Israël croit à un exercice jusqu’au dernier moment, et passe à deux doigts de la catastrophe.</p>
<p>(<em>Cette peur de trahir ses sources au point qu’on ne les utilise même plus est courante chez tous ceux qui sont sur la défensive et ont peu d’atouts, comme les Anglais avec Enigma pendant la Seconde Guerre Mondiale.</em>)</p>
<h3>Andrinople</h3>
<p>Cette bataille marque peut-être la fin de l’Antiquité : les Goths écrasent l’armée romaine tout prêt de Constantinople. Pourtant les Goths étaient déjà des alliés (fédérés), venaient en réfugiés pacifiques, et on leur avait promis des terres en Thrace. La cupidité d’un gouverneur et l’incompétence de l’administration les poussent à la révolte <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#wiki-footnote-5" id="rev-wiki-footnote-5">5</a>]</sup>.</p>
<p>Sous-estimation de l’adversaire (en partie déjà formé à la romaine !), incapacité de l’Empire à lever de grandes armées, stratégie inadaptée, indiscipline de troupes, et rôle décisif de la cavalerie lourde goth : c’est un désastre et l’empereur Valens y laisse la vie. Les conséquence directes sont finalement faibles (les Goths n’arrivent pas exploiter leur victoire, et le nouvel empereur d’Orient, Théodose, leur donne ce qui avait été promis au départ), mais symboliquement tout a changé : ni le prestige ni l’armée de Rome ne s’en remettront jamais, les Goths iront finalement piller les Balkans, Rome... et la cavalerie lourde dominera à présent les champs de bataille, comme tout au long du Moyen-Âge.</p>
<h3>Les châteaux forts japonais</h3>
<p>Même cause, mêmes effets : le Japon du XVè siècle se fragmente en seigneuries en guerre permanente, et comme en Europe un demi-millénaire plus tôt apparaissent des châteaux forts, à la fois résidence d’une lignée, centre de pouvoir et point de résistance majeur. Pourtant, le Japon connaît déjà l’artillerie, qui est à l’origine de la disparition des châteaux forts en Europe au même moment !</p>
<p>Le château fort japonais diffère cependant par sa structure. En raison des tremblements de terre, il se rapproche déjà plus de la cité fortifiée aux très épaisses murailles, quasiment des bastions, que des hauts châteaux élancés. L’artillerie ou la sape se révèlent donc beaucoup moins efficace. La conquête de ces châteaux pleins de pièges coûte très cher aux assaillants. (<em>Vauban aurait été ravi.</em>)</p>
<h3>Divers</h3>
<ul>
<li>Le <strong>colonel Brémond</strong> devrait être aussi connu que Lawrence d’Arabie. Il commandait les quelques troupes françaises qui ont rendu de fiers services à la rébellion arabe de 1916. Mais la métropole lui accorda peu de moyens, et son talent littéraire était plus faible. (<em>J’adore les faces cachées des légendes.</em>)</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Projet Habbakuk</strong> : en 1942, un projet de porte-avion géant insubmersible, à base de glace mélangée à de la pâte à papiers, enthousiasme Lord Mountbatten et Churchill. Le projet capote, à cause des difficultés techniques, et surtout parce qu’en 1943 les Alliés reprennent déjà le contrôle de l’Atlantique. <br />(<em>Encore un de ces projets fous pour les amateurs d’uchronie. D’un autre côté, si certains projets ont échoué, c’est effectivement qu’ils étaient vraiment infaisables ou avec un rapport bénéfice/coût trop faible. Un des avantages des Alliés sur les nazis était de savoir arbitrer en faveur du fiable/pas cher/facile à maintenir face au monstrueux/prestigieux/coûteux.</em>)</li>
</ul>
<ul>
<li><strong><em>Joukov, l’homme qui a vaincu Hitler</em></strong> : les chroniqueurs m’ont donné l’envie de me ruer sur cette biographie du maréchal soviétique (<strong>2014</strong> : <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Joukov-l-homme-qui-a-vaincu-Hitler">chroniquée ici</a>) . Il n’avait reçu aucune instruction mais s’est révélé plus doué que les généraux allemands pour la guerre moderne ; il a survécu à toutes les guerres de la Russie et de l’URSS, et même au stalinisme. <br />(<em>Seul bémol : l’auteur comme le rédacteur de la critique font tous les deux partie du comité éditorial de la revue. Même si c’est ouvert, ça fait quand même un peu mauvais mélange des genres.</em>)</li>
</ul>
<ul>
<li>J’aime bien la chronique dialoguée de Charles Turquin, à la fin : Waterloo et Bir Hakeim sont des victoires anglaise et française, mais... d’où venaient en fait les troupes ? <br />(<em>Rien de neuf sous le soleil. Aux Champs catalauniques, les Germains étaient majoritaires dans les troupes d’Attila comme dans celles d’Aetius.</em>)</li>
</ul>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Un des numéros précédents avait décrit les lacunes fondamentales de l’armée allemande, notamment la recherche systématique des batailles décisives, un concept anachronique au XXè siècle. Les gaffes stratégiques majeures des nazis (guerre sur deux fronts, fascination pour le gros matos invulnérable mais trop coûteux à produire...) n’a été qu’une seconde couche.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] <em>Le traitement des prisonniers de guerre soviétiques relevait de l’extermination : 3,3 millions de morts, notamment de faim, et surtout en 1941-42 avant que les nazis se disent qu’il faudrait plutôt les faire travailler.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] <em>Pendant ce temps les Américains développent des moyens de formation considérables, retirent leurs pilotes expérimentés du front et les utilisent comme formateurs.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#rev-wiki-footnote-4" id="wiki-footnote-4">4</a>] <em>Terme forgé sur le modèle de la thalassocratie athénienne. C’est logique puisque les transports sont forcément aériens à l’échelle d’une superpuissance planétaire. Google ne connaît bizarrement qu’une occurrence du mot — comme quoi il n’indexe pas tout. Et je me demande si un jour il y aura une spatiocratie ou une cosmocratie ?</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#rev-wiki-footnote-5" id="wiki-footnote-5">5</a>] <em>Je sens comme une résonance avec notre époque...</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerres-et-Histoire-n15-octobre-2013#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/754« Guerre & Histoire » n°10 de décembre 2012 : Guerre de Cent Ans, Crimée, Pologne, Maison Blanche brûléeurn:md5:fae08c2dd2296d59b49fc4da560252912013-02-04T22:13:00+01:002016-03-21T12:59:32+01:00ChristopheHistoireAllemagneAntiquitécatastrophechâteauxEmpire romainGrandes InvasionsguerreGuerre de Cent AnsgéopolitiquehistoireHistoire de FranceMoyen ÂgemythemémoirenationalismeperspectivepolitiquePremière Guerre MondialesaturationSeconde Guerre Mondialeuchronieévolution <p><img src="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/images/livres/GuerreEtHistoire_10.jpg" alt="GuerreEtHistoire_10.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Guerre & Histoire n°10" /></p>
<p>J’aime bien ce magazine : à l’école ou dans les livres, on parle très peu de la science militaire alors que son rôle été capital. De plus, les auteurs ne se limitent pas à admirer les « gros tanks de la Wehrmacht qui auraient gagné la guerre si les Alliés avaient gentiment attendu 10 ans qu’ils les construisent en série », comme d’autres magazines, mais traitent aussi d’économie et de société : un précédent numéro parlait du rôle du pétrole dans la Seconde Guerre Mondiale<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerre-Histoire-n-10#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>. Ici, ce sont les évolutions sociales pendant la Guerre de Cent Ans, avec les conséquences jusqu’à nos jours, qui font la couverture.</p>
<h3>Kippour, Crimée, Pologne, Maison Blanche cramée</h3>
<p>Rapidement, ce dont parle aussi ce numéro :</p>
<ul>
<li><strong>Un ancien jeune tankiste israélien</strong> raconte comment en 1973, surpris dans le Golan par l’attaque syrienne, son petit groupe de 13 chars a tenu tête, sans perte, à 450 tanks syriens, et en a détruit la moitié ! La formation, la motivation, et 6° de différence dans l’orientation du canon vers le bas, peuvent littéralement faire des miracles.</li>
</ul>
<ul>
<li>En France, la <strong>guerre de Crimée</strong> (1853-56) a été zappée de la mémoire collective, oblitérée par la défaite de 1870. Il ne reste que quelques noms de lieux, de stations, à Paris. Et pourtant, ce fut le premier conflit photographié. Les clichés présentés ici semblent surréalistes.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>La cavalerie polonaise n’a jamais été assez stupide pour charger les panzers de la Wehrmacht en 1939 !</strong> Elle combattait normalement à pied, les chevaux n’étant que des moyens de transport adaptés à un pays aux mauvaises routes. Quelques rencontres imprévues ont été grossies par la propagande allemande, et le mythe perdure encore de nos jours.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>La Guerre de 1812 entre États-Unis et Angleterre</strong> marqua sans doute le premier acte impérialiste américain, et ça a plus mal fini encore qu’en Irak. À cause notamment du blocus napoléonien et des mesures de rétorsion anglaises, et voulant « libérer » le Canada sous-peuplé, des « faucons » poussent le Président Madison à l’attaque au nord. Mais l’armée américaine n’est pas organisée, alors que les Canadiens, bien que majoritairement francophones, restent fidèles à la couronne britannique, ainsi que leurs alliés indiens ; enfin la Royal Navy domine les mers. Humiliation, la Maison Blanche flambe. En 1815, les deux camps signent le match nul, la chute de Napoléon éteignant la cause du conflit (et libérant nombre de ressources anglaises...).</li>
</ul>
<ul>
<li>En 451, la célèbre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_des_champs_Catalauniques_%28451%29">bataille des Champs Catalauniques</a>, mythique sauvetage par le « dernier des Romains », <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aetius">Aetius</a>, des reste de l’Empire romain face aux hordes hunniques d’Attila, a plutôt ressemblé à une bataille entre d’une part des Germains soumis aux Huns (Ostrogoths surtout, Hérules, Gépides, Francs...) et d’autre part des Germains alliés aux Romains (Wisigoths, Alains, d’autres Francs...), sans beaucoup de légions romaines par contre, mais quelques mercenaires huns avec Aetius. Au final, Aetius laisse filer Attila pour éviter une hégémonie wisigothe en Gaule. Attila ira encore piller l’Italie et Aetius, trop puissant, sera liquidé par l’Empereur en personne.</li>
</ul>
<ul>
<li>L’Angleterre a connu au XVIIè siècle sa période républicaine, d’un puritanisme extrême assez difficile à comprendre de nos jours (est-ce qu’on pourrait rapprocher ce mélange de théocratie et de parlementarisme avec l’Iran d’aujourd’hui ?). Cromwell, homme fort du Parlement, a pu s’imposer et écraser l’armée royale grâce à sa <em>New Model Army</em>. Sans stratégie vraiment originale, elle se fondait d’abord sur le mérite et non le sang bleu, sur une base nationale et non régionale, et enfin une part de fanatisme puritain. Assez pour prendre le pouvoir, pas assez pour consolider un régime pérenne qui ne survivra pas à Cromwell.</li>
</ul>
<ul>
<li>Les <strong><em>Liberty ships</em></strong> : ces milliers de bateaux de transport identiques construits à la chaîne en quelques dizaines de jours parfois sont l’exemple parfait de la toute-puissance industrielle américaine au service des Alliés.</li>
</ul>
<ul>
<li>Le <strong>Plan Schlieffen de 1914</strong> n'aurait pas été, comme on le pensait, vraiment conçu pour éviter la guerre sur deux fronts, mais était à l’origine le plan allemand contre... l’Angleterre (et non la Russie). Avec dans les deux cas la France comme adversaire secondaire à éliminer rapidement <em>via</em> la Belgique.</li>
</ul>
<h3>La Guerre de Cent Ans</h3>
<p>C’est une période charnière, chaotique, pleine de transformations douloureuses : une époque donc « intéressante » selon les critères de la vieille malédiction chinoise. Toutes les cicatrices ne sont pas refermées d’ailleurs, les vagues d’anglophobie et francophobie persistent encore parfois. (Rappelons qu’<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/03/18/318-les-guerres-oubliees-2">on peut considérer qu’il y a eu trois Guerres de Cent Ans</a>...)</p>
<h4>Chronologie</h4>
<p>Rappelons les grandes lignes de ce long massacre entre 1328 et 1453, en soulignant que les campagnes au Moyen Âge étaient brèves et entrecoupées de nombreuses trèves, d’où la durée.</p>
<ul>
<li><strong>Contexte</strong> : Les Capétiens, plus puissante monarchie d’Europe, devaient fatalement un jour rentrer en conflit ouvert avec les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Plantagen%C3%AAt">Plantagenêt</a>, qui en plus de l’Angleterre possèdent de gros morceaux de la France (Normandie et Guyenne surtout). Il y avait déjà eu pas mal d’explications musclées avant que Philippe Auguste ne montre qui était le patron un siècle plus tôt. Finalement, des raisons économiques (Flandres) s’ajoutent, et ce sera une querelle dynastique qui déclenchera les festivités. Pour les détails, se référer à <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis//index.php?post/2005/11/21/34-les-rois-maudits-contexte-ii">mon billet sur le contexte des Rois maudits</a>.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Phase I</strong> : Les Anglais ne cherchent qu’accessoirement la conquête, ils sont d’abord là pour piller. À Crécy les archers anglais écrasent l’armée de Philippe III. À Poitiers c’est carrément le fils de ce dernier, Jean II, qui se fait capturer, et comme rançon doit abandonner la moitié de son royaume à l’Anglais (mais il garde son trône). Autre catastrophe, la Peste Noire emporte un tiers de la population.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Phase II</strong> : Plus fûté que son chevalier de père, Charles V délègue au célèbre Du Guesclin les opérations militaires. Celui-ci préfère guérilla et harcèlement aux grandes chevauchées, et le résultat est là : les Anglais reperdent tout leurs gains. Fin du premier round et trève de quelques décennies.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Phase III</strong> : Le nouveau roi de France, Charles VI, devient progressivement fou. Les querelles pour sa tutelle mènent à une guerre civile entre ses oncles, cousins, et leurs descendants, divisés entre Armagnacs et Bourguignons. Le nouveau roi anglais Henri V en profite, s’allie aux Bourguignons, et prouve que les nobles français n’ont rien retenu de Crécy en les massacrant à Azincourt. La moitié de la France est occupée, et Henri V se fait reconnaître comme héritier de Charles VI, lequel déclare le Dauphin illégitime. Les deux rois meurent en même temps.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Phase IV</strong> : Le Dauphin et son « royaume du Bourges » résistent un temps à l’envahisseur, puis arrive le catalyseur : Jeanne d’Arc. Charles VII sacré à Reims, la réconciliations avec les Bourguignons signée, la reconquête commence, pendant que l’Angleterre connaît à son tour la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Deux-Roses">guerre civile</a>. Les Anglais ne gardent que Calais. Fin du Moyen Âge.</li>
</ul>
<h4>Évolutions sociétales</h4>
<p>En un siècle, les armées féodales (temporaires, dominées par la chevalerie, peu soudées) sont devenues professionnelles (permanentes), puis modernes (disciplinées, avec beaucoup d’infanterie, de l’artillerie...).</p>
<p>Les Anglais innovent avec leurs fameux archers, issus des rangs des petits propriétaires. Malgré un entraînement étalé sur des années, ils étaient beaucoup moins chers que les lourds chevaliers français, forcément nobles, et beaucoup plus nombreux (l’Angleterre était bien moins peuplée que la France à l’époque).</p>
<p>L’entraînement d’autant d’archers et leur équipement nécessitaient une logistique, une planification, une proto-industrie et une quasi-conscription assez incroyables pour l’époque. Voilà pourquoi il y a tant de gens nommés Archer ou Stringer outre-Manche. Cette <em>gentry</em> a en conséquence gagné en poids fiscal puis politique : sont apparus alors les <em>Commons</em>, à côté des <em>Lords</em>, qui constituent encore aujourd’hui les deux chambres du Parlement britannique.</p>
<p>La France n’a pas compris ni cherché cette évolution. La levée en masse n’a jamais été à l’ordre du jour. La noblesse méprisait et la piétaille et ses ennemis, et était allergique au commandement unique : cela mena à Crécy, Poitiers puis finalement au massacre d’Azincourt.</p>
<p>L’armée permanente avait bien été inventée par Charles V, mais c’est l’élimination physique de nombreux nobles à Azincourt qui permet à Charles VII de moderniser le fonctionnement de l’ost royal, y compris son financement (la taille devient annuelle) et son recrutement (« gens d’arme » rattachés directement au roi, puis « francs archers » recrutés dans la population).</p>
<p>Enfin c’est l’artillerie qui fonde la puissance du roi de France : la noblesse n’a pas les moyens de se l’offrir, et ses châteaux ne résistent pas aux boulets. Bien qu’enrôlé, le peuple n’a toujours rien à dire. La suite, en caricaturant : absolutisme et Révolution violente.</p>
<p>Noter que cette émergence du peuple comme force militaire et politique était déjà ancienne et générale (milices italiennes qui fondent l’indépendance des cités ; communes des Flandres qui flanquent la pile à Philippe le Bel en personne ; cantons suisses...), et se poursuivra encore longtemps. Au passage, cela mènera à des batailles bien plus saignantes : fini l’esprit chevaleresque où on voulait d’abord des prisonniers à rançonner. (À rapprocher des Aztèques attaquant les Espagnols avec le même esprit...)</p>
<h4>Le nationalisme</h4>
<p>On savait déjà que le sentiment national français date de cette époque. Je me disais aussi que toute uchronie où les Anglais gagnaient impliquait une assimilation de l’Angleterre par la France : la noblesse anglaise étant parfois plus française qu’anglo-saxonne, ses conquêtes françaises auraient accentué le phénomène, et la différence démographique aurait fait le reste.</p>
<p>J’ai appris par contre que le sentiment national anglais a joué aussi, et contre eux : une victoire et la fusion des deux royaumes aurait mené à l’absorption par des Français honnis. J’aurais aimé plus de détails sur ce point...</p>
<h4>Évolutions technologiques</h4>
<p>L’armée anglaise est organisée autour de leur fameux arc, l’arme de destruction massive de l’époque, adapté à l’attaque par « saturation ». En face, les archers génois engagés par les Français misent sur la précision de leurs arbalètes, mais leur lenteur de réarmement les rend en fait plus adaptées aux sièges et aux batailles maritimes. L’arc perdra cependant de son importance suite à l’amélioration des cuirasses françaises à la toute fin de la guerre et plus tard à cause des armes à feu (plus chères mais plus faciles à maîtriser).</p>
<p>En face, les Français n’utilisent sérieusement l’artillerie qu’à la toute fin.</p>
<h4>La fin</h4>
<p>Quand Bordeaux tombe, Charles VII met fin à trois siècles d’affrontement entre Capétiens et Plantagenêt. Et c’est aussi par l’artillerie qu’au même moment les Turcs prennent Constantinople et achèvent l’Empire romain. Aux deux extrémités de l’Europe sonne ainsi la fin la fin du Moyen Âge.</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerre-Histoire-n-10#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Article d’ailleurs qui noie dans l’huile la crédibilité de toute uchronie où le Japon ou l’Allemagne gagne la guerre : dans une guerre archi-mécanisée, Américains et Russes avaient quasiment tout le pétrole, et ce que l’Axe a pu ou aurait pu atteindre était trop loin pour le ramener.</em> </p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Guerre-Histoire-n-10#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/728« L’Empire khazar » (collectif, dirigé par Jacques Piatigorsky & Jacques Sapir)urn:md5:2594ef318356e88cc9967c27669860352010-06-24T00:00:00+02:002015-08-19T16:28:17+02:00ChristopheHistoireByzanceconquête de l’inutilegéopolitiquehistoireimpérialismeMoyen ÂgemulticulturalismeperspectivereligionRussiethéologie<p>L’Histoire connue du grand public, même intéressé comme moi, comprend des trous parfois monstrueux : par exemple le détail du demi-millénaire du Haut Moyen-Âge, entre la chute de Rome (vers 500) et la stabilisation de la géographie politique européenne (vers 1000). Entre Clovis et Hugues Capet émergent vaguement les rois francs fainéants, Charles Martel, les invasions arabes ou Charlemagne. Et chez les peuples voisins ? Heu...</p> <p>C’est encore pire dans certaines zones géographiques comme cette gigantesque steppe qui va de l’Ukraine au nord de la Chine, de la Sibérie à l’Afghanistan, bourrée de peuples nomades mal définis, aux noms parfois imprononçables, et dont la civilisation tournait autour du cheval. Pourtant certains des plus grands bouleversements mondiaux viennent de là, et les ethnies et les empires issus plus ou moins directement des steppes sont légion : les Huns, les Mongols de Gengis Khan, les Magyars (devenus hongrois), les Turcs (les actuels ne sont que les descendants d’une des innombrables ethnies), les Bulgares (qui sont à la Bulgarie actuelle ce que les Francs sont à la France, un nom sur un substrat presque intact)…</p>
<p><strong>Les Khazars</strong> ? Personne ne connaît. Et pourtant, entre 600 et 1000, ils ont fondé un Empire respectable dans la Caucase et le sud de la Russie et de l’Ukraine actuelles, tenu en respect des Arabes partis à la conquête du monde, ainsi que les Byzantins. Ces guerriers fondaient leur richesse sur le racket du commerce entre Danube, Mer Noire, Caspienne, Don et Dniepr, et multipliaient les peuples clients autonomes mais payant tribut.</p>
<p>Une caractéristique les distingue : <strong>les Khazars étaient juifs</strong>. Loin d’être une tribu perdue d’Israël, ils sont plutôt un des rares exemples de conversion au judaïsme de peuples païens. La cause en semble purement politique : frontalier à la fois de Byzance et du Califat, l’Empire khazar ne pouvait se permettre d’adopter le christianisme ou l’Islam et ainsi se placer sous la sujétion indirecte de l’un ou l’autre.</p>
<p>L’étendue de la conversion des Khazars fait encore débat. Il est possible qu’elle se soit limitée à la haute noblesse, le peuple et les tribus tributaires gardant le paganisme ou se convertissant au deux autres religions monothéistes. Au final, la société khazare s’est en tout cas montrée très tolérante, les différentes religions cohabitant dans ses villes (chose extrêmement rare en cette époque de prosélytisme massif des deux côtés).</p>
<p>Originellement soumis à l’Empire turqüte<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/L-Empire-khazar#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, les Khazars profitèrent de la destruction de ce dernier par les Chinois pour affirmer leur indépendance puis soumettre les peuples voisins... du Caucase au Danube !</p>
<p>Peu à peu, les fiers cavaliers se sédentarisèrent, fondèrent leur sécurité de plus en plus sur des mercenaires (Turcs...). Ainsi, leur puissance militaire s’effrita, les peuples tributaires devenant de plus en plus remuants. Ce ne fut ni Byzance ni le Califat qui eut raison des Khazars, mais une nouvelle puissance émergente, encore païenne, la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Rus'_de_Kiev">Rus’</a> du prince <a href="http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/sviatoslav-de-kiev-souverain-73234">Sviatoslav de Kiev</a>, précurseur direct de la Russie.</p>
<p><strong>Qui sont les descendants actuels des Khazars ?</strong> On trouvera certes quelques tribus peu connues du Caucase ; mais certains ont, un peu rapidement, imaginé que les Juifs des pays de l’Est, les <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Ashkénaze">Ashkénazes</a> (soit la majorité des Juifs actuels !) descendent des Khazars. La théorie est hardie, probablement fausse.</p>
<p>Un chapitre s’étend sur le rôle de l’histoire khazare dans la politique soviétique : sous Staline, montrer qu’un grand peuple asiatique avait participé à l’histoire russe n’était pas spécialement bien vu, en pleine période d’instrumentalisation du nationalisme russe puis d’antisémitisme latent.</p>
<p>Au final, un livre intéressant, en partie grâce à l’exotisme né de l’évocation de peuples à peu près inconnus dans nos contrées : Bulgares Noirs, Petchenègues, Ossètes (Alains)...</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/L-Empire-khazar#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Oui, moi aussi j’ignorais son existence jusque là.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/L-Empire-khazar#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/618« Atlas de Paris, évolution d’un paysage urbain » de Danielle Chadych & Dominique Leborgneurn:md5:514e2c3417b2cd0e7e8adc56743f14732009-04-07T00:00:00+02:002011-06-03T08:40:53+02:00ChristopheSur mes étagères alourdiesAntiquitécartesdéveloppementGauloisHistoire de Francelivres lusMoyen ÂgeorganisationParistempsévolution<p>Non, cet <em>Atlas de Paris</em> n’est pas un énième guide touristique avec rues et adresses des musées et restaurants, mais d’un bon résumé de l’histoire de la Capitale, des Gaulois à Delanoë. Il y a plein de cartes et j’aime ça.</p> <h3>Les traces du passé</h3>
<p>Le plan de la capitale, et bien des noms de lieux ou de rues archi-connus, prennent tout leur sens à la lumière de l’histoire du développement. Le plus flagrant est l’influence des différentes lignes de fortifications encore visibles dans le paysage : c’est évident pour le périphérique (ancienne enceinte de Thiers, au XIXè), très net pour les Boulevards des Maréchaux (qui longent cette même ancienne enceinte), ou les boulevards plus intérieurs qui ont remplacé les murailles de Philippe Auguste puis Charles V. Certaines rues un peu biscornues tout près du périphérique proviennent des limites d’anciens bastions. À l’inverse, il reste assez peu de marques évidentes de l’enceinte des Fermiers généraux (fin du XVIIIè).</p>
<p>Cette évolution concentrique, chaque enceinte se retrouvant débordée par le développement des faubourgs, est une constante de l’histoire parisienne. Je ne verrai plus les Champs-Élysées avec le même œil : anciennement c’était juste une grande allée en forêt à la sortie des Tuileries. D’autres pans entiers de la ville viennent de lotissements massifs sous François Ier, Richelieu, etc.</p>
<p>De nombreux quartiers ont été modelés par des bâtiments aujourd’hui disparus, par exemple le quartier du Temple (bâti autour de la gigantesque commanderie des Templiers... en banlieue sous Philippe Auguste).</p>
<p>Je suis resté rêveur devant le plan de Paris... sans Paris, avec les altitudes, et l’ancien méandre de la Seine : on fait vite le lien avec les zones inondables. Ou celui des toutes premières rues : <del>Paris</del> Lutèce au début de notre ère, c’était la Cité, les rues Saint-Honoré, Saint-Denis et Saint-Martin rive droite, plus trois rues dans l’actuel Quartier Latin rive gauche ; l’axe historique Saint-Jacques-Saint Denis étant <del>l’antique</del> la protohistorique route des Pyrénées au Rhin. L’île de la Cité a une histoire mouvementée également, puisque c’est le cœur de Lutèce, et longtemps le passage obligé pour traverser la Seine.</p>
<p>J’ai bien aimé l’histoire des ponts : montés souvent par des entrepreneurs privés qui voulaient rentabiliser, ils étaient garnis de maisons. À l’heure où l’on apprécie la disparition des frontières grâce à l’Europe, on oublie que franchir la Seine fut très longtemps soumis à péage...</p>
<p>Certaines peintures ou photographies reproduites dans le livre (dont une bonne partie du Musée Carnavalet, après tout dédié à la ville ; il faudra que j’y fasse un tour...) semblent surréalistes par l’impression bucolique qui en ressort ! La plus fascinante ouvre même le livre : une vue en ballon depuis l’observatoire en 1855 : la couronne des arrondissements extérieurs (en gros, entre l’enceinte des Fermiers généraux et celle de Thiers ) tient plus du village clairsemé que de la mégalopole !</p>
<p>Et au fil des pages tombent les petites perles de savoir : une rue se « perce », et effectivement c’est parfois comme creuser un tunnel ; les passages couverts attiraient magasin et clients plus que les rues habituelles... car il n’y avait simplement pas de trottoir dans les rues jusque tard dans le XIXè ; les guinguettes hors les murs n’étaient pas seulement conviviales, mais aussi bon marché car les marchandises importées dans Paris étaient soumises à l’octroi (les enceintes étaient aussi, sinon surtout, fiscales !) ; le premier rond-point de l’histoire fut aussi le plus grand (la Place de l’Étoile en 1907) ; etc.</p>
<h3>Deux petits regrets</h3>
<ul>
<li>Il n’y a pas de carte détaillée du Paris actuel, et il faudra se munir d’un plan (celui pour touriste en 30 pages avec index des rues suffira) pour voir le tracé de toutes les rues évoquées et les visualiser l’agencement ; cependant la plupart des cartes portent en surimpression les tracés actuels.</li>
</ul>
<ul>
<li>Pas un mot sur la Tour Eiffel<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2009/02/02/Atlas-de-paris#pnote-532-1" id="rev-pnote-532-1">1</a>]</sup> ! Mais soyons honnête : du point urbanistique, elle n’a rien changé, ayant été plantée sur un terrain de l’École militaire à un moment où la ville avait quasiment atteint son expansion actuelle.</li>
</ul>
<h3>Bref</h3>
<p>Un ouvrage indispensable pour les Parisiens, et très intéressant pour les autres.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2009/02/02/Atlas-de-paris#rev-pnote-532-1" id="pnote-532-1">1</a>] <em>Là je fais mon provincial...</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2009/02/02/Atlas-de-paris#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/532Les marges des déserts, berceaux des civilisationsurn:md5:f3bcdc86b231032268e0de808418bd012009-01-01T12:14:00+01:002009-04-13T10:40:06+02:00ChristopheHistoireAfriqueAmériqueAntiquitéauto-organisationcatastrophecivilisationclimatcomplexitéeaueffet de serreEmpire romainEuropeexaptationGrandes InvasionshistoireMoyen Âgeoptimismeparadoxesciencesociétés primitivestempsthéorietravailténacitéécologieéconomieéonsévolution<p>Une révé­la­tion sur la simul­ta­néité de l’appa­ri­tion de l’agri­cul­ture et de la civi­li­sa­tion dans les dif­fé­ren­tes par­ties du monde.</p> <h3>Simul­ta­néité du génie humain</h3>
<p>La révé­la­tion m’est venue grâce à un arti­cle du der­nier <em>Pour la Science</em> (n°375 de jan­vier 2009) : <em>Les mar­ges de désert, ber­ceaux des civi­li­sa­tions</em> de Bern­hard Eitel.</p>
<p>Jusqu’ici je m’étais tou­jours demandé com­ment il se fai­sait que les dif­fé­ren­tes civi­li­sa­tions humai­nes aient évo­lué sépa­ré­ment jusqu’à des sta­des pas trop dif­fé­rents les unes des autres, alors que l’huma­nité (<em>Homo sapiens</em>) a pres­que 200 000 ans au comp­teur. Cer­tes, au début, elle fut long­temps con­cen­trée en Afri­que<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/12/29/Les-marges-des-deserts-berceaux-des-civilisations#pnote-504-1" id="rev-pnote-504-1">1</a>]</sup>. Mais l’agri­cul­ture, l’écri­ture sont appa­rues en fait très récem­ment (je trouve des dates dif­fé­ren­tes sur le web, mais on tourne autour de 10 000 av. J.-C.). Un peu avant (-16 000), les chas­seurs déco­raient Las­caux.</p>
<p>Et atten­tion, on ne parle pas d’une décou­verte qui a donné un tel avan­tage à ses décou­vreurs qu’ils se sont répan­dus par­tout sur la pla­nète : l’agri­cul­ture a été décou­verte plu­sieurs fois, et l’écri­ture aussi. Si en Europe tout cela est bien de l’impor­ta­tion (il a même fallu pas mal de siè­cle depuis l’Ana­to­lie jusqu’à l’Atlan­ti­que), les Amé­ri­ques ont évo­lué indé­pen­dam­ment. Et mayas, aztè­ques, incas… con­nais­saient agri­cul­ture et écri­ture. Même si leurs civi­li­sa­tions ont été balayées par les Euro­péens, ces peu­ples n’avaient au plus « que » quel­ques siè­cles de retard sur l’Eura­sie. C’est un petit écart sur de tel­les durées.</p>
<p>Sans avoir trop réflé­chi à la ques­tion, je ne voyais que trois pos­si­bi­li­tés :</p>
<ul>
<li>une com­mu­ni­ca­tion entre les dif­fé­rents grou­pes : très dou­teux à l’échelle de plu­sieurs con­ti­nents, du moins avant l’inven­tion de la « civi­li­sa­tion », et cette com­mu­ni­ca­tion se fai­sait plu­tôt par migra­tion lente comme le néo­li­thi­que en Europe ;</li>
<li>une sorte de « fata­lisme », un groupe humain suf­fi­sam­ment impor­tant décou­vrant fata­le­ment l’agri­cul­ture au bout de tant d’années maxi­mum, et la masse cri­ti­que a été atteinte à peu près simul­ta­né­ment à plu­sieurs endroits à la fois car il y avait de nom­breux endroits où cela était pos­si­ble, et les pre­miers ont « étouffé » les autres ;</li>
<li>une cause exté­rieure glo­bale qui menait à l’agri­cul­ture et/ou la séden­ta­ri­sa­tion (laquelle est appa­rue la pre­mière ?), puis en cas­cade à l’explo­sion démo­gra­phi­que, les socié­tés, les États, etc. Mais quelle serait cette cause ?!?</li>
</ul>
<h3>La cause cli­ma­ti­que à dou­ble détente</h3>
<p>Selon l’arti­cle, c’est lumi­neux. La rai­son est cli­ma­ti­que : d’une part le réchauf­fe­ment de la pla­nète mar­que le pas après la fin de la gla­cia­tion ; d’autre part et assez con­tre-intui­ti­ve­ment, ce réchauf­fe­ment aug­mente la plu­vio­mé­trie dans les déserts.</p>
<ul>
<li>Nos ancê­tres se répan­dent un peu par­tout pen­dant les diver­ses gla­cia­tions et pério­des inter­gla­ciai­res jus­que la fin de la der­nière vers -18 000.</li>
<li>Il y a 8000 ans le cli­mat est devenu très clé­ment pour les chas­seurs-cueilleurs, et les déserts ont qua­si­ment dis­paru : le Sahara notam­ment est deve­nue une savane pleine de gibiers, sans qu’y sévis­sent les mala­dies tro­pi­ca­les. Eitel sug­gère que l’accrois­se­ment démo­gra­phi­que con­sé­quent y est la cause de l’inven­tion de l’éle­vage.</li>
<li>Après cette période de réchauf­fe­ment un léger refroi­dis­se­ment pro­vo­que un nou­veau dés­sè­che­ment des déserts. Les popu­la­tions, pié­gées, se réfu­gient dans les oasis - par exem­ple la plus grosse d’entre elles, le Nil ! Popu­la­tion impor­tante et néces­sité de s’adap­ter mènent à l’agri­cul­ture, l’irri­ga­tion, des sur­plus, du com­merce, des guer­res, une orga­ni­sa­tion crois­sante, des royau­mes, bref la société. Eitel note que ces royau­mes appa­rais­sent d’abord dans les endroits les plus secs et dif­fi­ci­les au bord du Nil, au sud !<br />Le phé­no­mène se repro­duit à d’autres endroits, notam­ment le Crois­sant fer­tile (au bord d’un désert et près de grands fleu­ves). Eitel détaille l’exem­ple récem­ment décou­vert du sud du Pérou : le désert de l’Ata­cama devenu humide est colo­nisé (plus tard qu’en Afri­que), puis s’assè­che et la popu­la­tion se regroupe dans des oasis flu­via­les. La den­sité de popu­la­tion a le même effet qu’ailleurs : séden­ta­ri­sa­tion, éle­vage, céra­mi­que, société, etc. <br />Un regret : l’arti­cle ne détaille pas l’évo­lu­tion dans les autres grands cen­tres de civi­li­sa­tion qui nais­sent à la même épo­que : la Chine, l’Indus, le Niger (même si ces deux der­niers sont là aussi des fleu­ves au bord d’un désert).</li>
</ul>
<h3>Pers­pec­tive</h3>
<p>Bref : expan­sion démo­gra­phi­que due à un cli­mat clé­ment, re-déser­ti­fi­ca­tion, con­cen­tra­tion, et inven­tion donc pres­que simul­ta­née de la civi­li­sa­tion à divers endroits.</p>
<p>Nous dépen­dons du cli­mat, ce n’est pas nou­veau. En marge de l’arti­cle, une courbe mon­tre que, plus récem­ment, celui-ci a joué un rôle : des opti­mums cli­ma­ti­ques ont vu l’apo­théose romaine ou l’expan­sion du Moyen Âge (entre l’An Mil et la Peste Noire, la popu­la­tion fran­çaise a plus que dou­blé !), et un refroi­dis­se­ment a mar­qué l’effon­dre­ment de l’Empire romain.</p>
<p>La ques­tion se pose quant à savoir si nous serons capa­bles de <em>nous</em> adap­ter au chan­ge­ment cli­ma­ti­que accé­léré actuel. Savoir qu’une période chaude n’est pas for­cé­ment syno­nyme de déser­ti­fi­ca­tion géné­rale redonne de l’espoir, encore ne fau­drait-il pas déboi­ser ni faire mon­ter le ther­mo­mè­tre trop haut trop vite…</p>
<p>Une leçon de morale pour finir : la « civi­li­sa­tion » (agri­cul­ture, société…) n’a pas été inven­tée par les peu­ples situés aux endroits les plus favo­ra­bles, mais par ceux qui, accu­lés par leur nom­bre et la raré­fac­tion des res­sour­ces, ont dû évo­luer pour ne pas dis­pa­raî­tre. « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » et « c’est au pied du mur qu’on apprend à grim­per. »</p>
<p><strong>PS</strong> : Bonne année ! L’année 2009 pourra dif­fi­ci­le­ment déce­voir, ce sera son bon côté.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/12/29/Les-marges-des-deserts-berceaux-des-civilisations#rev-pnote-504-1" id="pnote-504-1">1</a>] <em>À moins que la théo­rie de l’évo­lu­tion simul­ta­née d’</em>Homo erec­tus<em> en </em>Homo sapiens<em> sur tous les con­ti­nents à la fois soit la bonne, mais j’ai cru com­pren­dre qu’elle était en perte de vitesse.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/12/29/Les-marges-des-deserts-berceaux-des-civilisations#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/504“The Da Vinci Code” de Dan Brownurn:md5:b7db22d90cfb7fa09ec8b9d7ee3b66da2008-07-24T19:26:00+00:002011-06-01T13:11:22+00:00ChristopheSur mes étagères alourdiesAntiquitéchristianismefoutage de gueulehistoirelatinMoyen Âgemythereligionémerveillement<p><em>The Da Vinci Code</em> ne restera pas dans les annales comme le livre du millénaire, mais le polar est honnête et prenant, j’ai eu du mal à le lâcher.</p>
<p>Si Brown pioche lourdement dans toutes les références religieuses « alternatives » autour de cette nouvelle quête du Saint Graal, il sait jusqu’où ne pas aller trop loin (pas de Cathares ou de Petits Hommes Verts à l’horizon, ni de Grande Conspiration totalement incroyable finalement).</p> <p>(Je sais, ce livre n’a pas besoin de publicité, et il est un peu tard pour en faire la critique. Ceux que ça gêne n’ont pas besoin de lire plus loin.)</p>
<p>Le mélange entre réalité historique « officielle », réalité moins connue, théories alternatives contestées, bancales, voire fantaisistes, ne doit pas induire le lecteur en erreur : il s’agit bien d’un roman, pas d’une attaque en règle contre le Vatican ou l’<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Opus_Dei">Opus Dei</a>. L’œuvre n’a pas du tout été appréciée par l’Église qui a en général réagi par le mépris et la pédagogie, quelques cardinaux outrés mis à part. Entre autres, <a href="http://insidecatholic.com/Joomla/index2.php?option=com_content&task=view&id=157&pop=1&page=0&Itemid=12" hreflang="en">un article</a> du magazine catholique américain <em><a href="http://insidecatholic.com/Joomla/index.php?option=com_magazine" hreflang="en">Crisis</a></em> flingue délicieusement le livre en relevant toutes les erreurs factuelles (<a href="http://www.catholiceducation.org/articles/persecution/pch0058.html" hreflang="en">miroir de l’article ici</a>) — dont certaines que j’avais relevées.</p>
<p>Le découpage a été prévu pour Hollywood : petits chapitres, accroche en fin pour forcer à tourner la page, dans la plus pure tradition des feuilletonistes. Certains « trucs » de l’écrivain de <em>thriller</em> chevronné finissent par énerver à la longue : Brown multiplie les allusions à des événements passés, ou à des découvertes des personnages, mais attend deux cent pages pour y revenir et développer. Point positif, la course-poursuite n’est qu’un prétexte : Brown s’intéresse plus aux symboles cachées et aux théories mystiques alambiquées qu’aux scènes d’action ou de romance, et je lui en sais gré. Même les « méchants » criminels ne sont pas des tarés psychopathes complets comme c’est si souvent le cas.</p>
<p>Fatalement, dans une quête aussi mythique, la fin déçoit à coup sûr. On fera avec. Je me suis tout de même fait avoir sur l’identité du <em>Teacher</em> (« le Maître » en VF ?).</p>
<p>Donc un polar bien foutu basé sur du vent et qu’on ne prendra pas plus au sérieux qu’une bonne uchronie. C’est même l’occasion de se renseigner sur les circonstances de la mise en place de l’Église et des choix des Évangiles dans les premiers siècles de la Chrétienté. (Mon livre de chevet actuel consiste justement en une analyse par de vrais historiens de tout ce qui est évoqué dans le <em>Da Vinci Code</em> et sépare le sûr du douteux et du pipeau complet. J’en parlerai peut-être ici.)</p>
<p>Mais tout de même : c’est bien Marie-Madeleine, pas Jean, assise à la droite de Jésus dans <em><a href="http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/08/Leonardo_da_Vinci_(1452-1519)_-_The_Last_Supper_(1495-1498).jpg">La Cène</a></em> de de Vinci...</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/07/24/527-the-da-vinci-code-de-dan-brown#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/469« Les Croisés du Cosmos » de Poul Andersonurn:md5:68c3b23496938c3eb473d772fef09cdf2007-06-09T19:38:00+00:002011-04-11T20:09:52+00:00ChristopheSur mes étagères alourdiesguerrehistoirelivres lusMoyen Âgescience-fiction<p>Ce petit livre de 1960 se classe à première vue dans la bonne science-fiction à l’ancienne de série B, et à deuxième vue aussi d'ailleurs. Mais il est plus subtil qu’il n’y paraît.</p> <p>Le thème est simple : en 1345, un astronef extra-terrestre débarque dans la campagne anglaise. Ses occupants, tout agressifs qu’ils soient eux-mêmes, se font massacrer par la soldatesque anglaise locale. Sir Roger, exemple parfait du petit féodal imaginatif et retors, imagine débarquer en France avec ses troupes grâce à cet astronef ; ses victoires lui permettraient de se faire bien voir de son roi. Mais l’unique prisonnier extra-terrestre détourne le vaisseau, et emmène l’armée de ses geôliers sur une des planètes de sa civilisation. Le choc des épées et des cultures entre les rustres médiévaux et l’empire interstellaire ne va pas forcément tourner à l’avantage du plus « évolué ».</p>
<p>On n’y croit pas une seconde ; l’auteur non plus d’ailleurs. Mais la justification des succès d’un féodal ignorant qui découvre l’univers, et s’y taille sa place sans vraiment changer de schéma mental - <em>justement</em> parce qu’il a gardé son schéma mental médiéval - tient à peu près la route. Une bonne dose de culot, une fuite en avant digne de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Hernán_Cortés">Cortés</a><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/09/345-les-croises-du-cosmos-de-poul-anderson#pnote-309-1" id="rev-pnote-309-1">1</a>]</sup>, les problèmes de communication de cet empire immense mais vide, une agressivité et une habitude du combat au corps à corps que tous les « civilisés » ont perdu, une chance démoniaque, et une grosse dose de suspension d’incrédulité<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/09/345-les-croises-du-cosmos-de-poul-anderson#pnote-309-2" id="rev-pnote-309-2">2</a>]</sup> rendent l’histoire presque plausible.</p>
<p>Le narrateur, un moine, confronte ses découvertes à la vision du monde médiévale. Même si, comme souvent en pareil cas, l’écrivain du XXè siècle a tout de même du mal à rendre la réelle mentalité du Moyen-Âge, l’exercice est parfois savoureux. (Mine de rien, on se demande comment se déroulerait dans <em>notre</em> civilisation qui se croit toute-puissante l’irruption d’une bande de guerriers agressifs et futés.)</p>
<p>Bref, à offrir sans réserve à un gamin (petit ou grand ;-) qui aime la SF et l’histoire.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/09/345-les-croises-du-cosmos-de-poul-anderson#rev-pnote-309-1" id="pnote-309-1">1</a>] <em>Et plus j’y pense, plus je me dis que Cortés a fait un peu la même chose, sans retard technologique toutefois.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/09/345-les-croises-du-cosmos-de-poul-anderson#rev-pnote-309-2" id="pnote-309-2">2</a>] Suspension of disbelief.</p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/09/345-les-croises-du-cosmos-de-poul-anderson#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/309« L’Histoire universelle des chiffres » de Georges Ifrah (9) : la difficile transmission à l’Occident chrétienurn:md5:839f3495543d18d4739115d47583f12a2007-05-21T18:47:00+00:002011-04-05T05:29:20+00:00ChristopheScience et consciencechiffreshistoireHistoire de FranceMoyen Âge<p>Comment les chiffres indiens ont finalement percé en Europe, un millénaire après leur invention.</p> <h3>La difficile transmission à l’Occident chrétien</h3>
<p>L’Europe de la fin du Haut Moyen Âge, en pleine recomposition après le chaos des Invasions, avait tout à réapprendre des sciences. Les rares personnes cultivées étaient instruites d’abord en lecture, grammaire, rhétorique, dialectique, parfois musique. En mathématiques, on en était resté, au mieux, aux techniques romaines : système numérique bancal ne servant qu’à mémoriser des résultats, et calcul au moyen des doigts ou de tables à jetons selon des procédés pour nous assez tordus.</p>
<h4>Les anciennes techniques</h4>
<p>On l’a vu, la généralisation des techniques indiennes s’est heurtée à quelques résistances à Bagdad, mais en Europe, elle nécessita des siècles ! « <em>Or, je ne sçay compter ny a get ni a plume</em> » a écrit Montaigne : ce riche et cultivé aristocrate de la Renaissance ne savait utiliser ni l’abaque à jeton romaine ni les techniques écrites au moyen des chiffres arabes ; il ne savait donc pas compter ! Au Moyen-Âge, l’apprentissage des divisions représentait l’équivalent d’un doctorat dans des universités italiennes. Les calculateurs représentaient une caste admirée. Les administrations occidentales, haut lieu du pire conservatisme, utilisèrent les techniques à base de jetons parfois jusqu’au XVIIIè siècle !</p>
<h4>L’An Mil</h4>
<p>Pourtant, Gerbert d’Aurillac (devenu pape en l’An Mil sous le nom de Sylvestre II), moine très porté sur les sciences, profita d’un séjour en Espagne (alors essentiellement musulmane) pour apprendre les techniques indiennes de calcul depuis longtemps connues des Arabes. Enseignant à Reims, il tenta de transmettre cette technique étrangère - en vain. Par conservatisme, ses contemporains ne cherchèrent pas à remplacer les méthodes éprouvées léguées par Rome : au mieux ils simplifièrent l’utilisation de l’abaque en notant les nouveaux symboles sur les pions, et en laissant de côté zéro et calcul manuscrit. Certains allèrent jusqu’à suspecter Sylvestre II de sorcellerie, et ce pendant des siècles. L’Occident n’était pas mûr.</p>
<h4>Les Croisades</h4>
<p>Les Croisades marquèrent la véritable entrée des chiffres arabes en Europe. Aux XIè et XIIè siècle, l’Occident chrétien était nettement plus structuré, en pleine croissance démographique et dans une phase de reconquête territoriale face à l’Islam. Les universités se multipliaient et redécouvraient la philosophie gréco-romaine, et les besoins commerciaux et administratifs grandissant rendaient la situation plus propice à l’importation des techniques de calcul modernes. Les Croisés, pendant deux siècles de présence en Terre Sainte, eurent le temps d’apprendre ou réapprendre bien des choses des Arabes. Simultanément, la multiplication des contacts en Espagne permettait aux Occidentaux de traduire et récupérer tout l’héritage scientifique grec, arabe, et indien.</p>
<h3>Lente diffusion</h3>
<p>À cette époque se fixa la graphie des chiffres que nous connaissons, graphie entérinée plus tard par l’imprimerie. Le zéro fut enfin utilisé. Un des grands mathématiciens italiens, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Fibonacci">Léonard de Pise</a>, dit Fibonacci, grand promoteur des techniques arabo-indiennes, lança le mouvement par son ouvrage <em>Liber Abaci</em>. La résistance fut effroyable, par simple conservatisme, mais aussi obscurantisme et fanatisme : ces signes venus des infidèles ne pouvaient être que démoniaques !</p>
<p>Cette mise à l’index explique une curiosité étymologique : le <em>sifr</em> arabe (zéro) donna en français <em>cyfre</em> (pour zéro) puis « chiffre » (pour « zéro » puis dans son acception actuelle) ; <em>cipher</em> en anglais (conservé encore en cryptographie : <em>to cipher</em> ) ; <em>zephirum</em> en latin ; <em>zephiro</em> en italien qui redonna le « zéro » français et le <em>cero</em> espagnol ; et <em>Zyphra</em> puis <em>Ziffer</em> (chiffre) en allemand.</p>
<p>L’utilisation d’un dérivé de <em>sifr</em> pour indiquer n’importe quel symbole de nombre date de la Renaissance. Au départ prédominait le latin <em>figuris</em> (resté en anglais sous la forme <em>figure</em>) ; mais la méfiance de l’Église, craignant de voir son influence dans l’enseignement réduite, et le conservatisme des calculateurs professionnels, limitèrent l’extension chez les lettrés. Le système se répandit alors dans le peuple qui apprécia son utilisation, et donna improprement le nom de l’invention-clé, le zéro, à tout le système. Quant au terme de « chiffre » comme synonyme de « cryptographie », il provient des techniques de codage de messages sous forme de suite de nombres.</p>
<p>La diffusion fut dont très lente, des premières tentatives vers l’An Mil, à l’importation du système au Bas Moyen-Âge, en passant par Montaigne encore incapable de compter, pour arriver au XVIIIè siècle au système actuel répandu et connu des moins portés sur les mathématiques. Les savants passèrent très vite au calcul écrit ; les commerçants et les fonctionnaires furent beaucoup plus prudents - et le coup de grâce porté à l’abaque à jetons ne date chez nous que de la Révolution Française !</p>
<p>Plan :<br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/04/30/329-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-1">Partie 1 : Super-résumé</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/02/330-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-2">Partie 2 : Les premiers décomptes</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/09/331-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-3">Partie 3 : Les bases</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/10/332-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-4">Partie 4 : Le système sumérien</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/11/333-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-5">Partie 5 : Les systèmes égyptiens, chinois, alphabétiques</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/14/334-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-6">Partie 6 : Le système maya</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/15/335-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-7">Partie 7 : Le système indien</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/18/336-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-8">Partie 8 : Les chiffres indiens en terre d’Islam</a></em><br />
<em>Partie 9 : La difficile transmission à l’Occident chrétien</em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/22/338-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-10">Partie 10 : L’impact des chiffres sur le développement mathématique</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/23/339-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-11">Partie 11 : La mécanisation</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/24/340-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-12">Partie 12 : Les calculateurs électriques et électroniques</a></em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/05/21/337-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-9#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/302« L’Histoire universelle des chiffres » de Georges Ifrah (8) : les chiffres indiens en terre d’Islamurn:md5:c326dc9b08e6d75b218efb5f57ce1e362007-05-18T20:48:00+00:002011-04-04T20:13:21+00:00ChristopheScience et consciencechiffreshistoireMoyen Âge<p>Les chiffres indiens sont passés par la civilisation arabo-musulmane avant de nous parvenir.</p> <h3>Les chiffres indiens en terre d’Islam</h3>
<p>Les Indiens ont inventé leurs chiffres avant le Vè siècle (donc pour nous, à l’époque où s’effritait l’Empire Romain d’Occident), mais l’Europe a attendu quasiment un millénaire avant de les utiliser massivement aussi.</p>
<p>Le premier maillon dans la chaîne de transmission a été le monde arabo-musulman. L’Empire bâti par Mahomet et ses successeurs, apparu dans les années 700, ne se réduisait pas qu’aux Arabes : il était l’héritier et la fusion de plusieurs civilisations avancées (mésopotamiennes, syrienne, perse, juive, grecque, romaine, etc.), et se trouvait en contact avec nombre d’autres (indienne bouddhiste ou hindou, chinoise, byzantine...). <br />L’âge d’or de la science orientale naquit du brassage, de la relecture, de la compilation, de la traduction et de l’approfondissement de toutes ces influences dans un empire relativement stabilisé et prospère, avec l’établissement d’une langue culturelle commune (l’arabe). <br />Une des contributions les plus importantes de ce monde fut la démonstration que la science n’était pas liée à une civilisation (grecque, perse...), mais pouvait être transmise à tous les peuples - conséquence des politiques d’assimilation et de relative tolérance, sans qui cet Empire apparu si rapidement n’aurait même pas pu perdurer.</p>
<p>Avant l’an 800, l’astronomie indienne, et par ricochet les techniques de calcul associées, parvinrent à la cour de Bagdad. Le grand mathématicien perse <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Khwarizmi">Al Khuwarizmi</a><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/05/18/336-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-8#pnote-301-1" id="rev-pnote-301-1">1</a>]</sup> décrivit ces méthodes dans un livre aux environs de 825. La planchette à calcul (recouverte de poussière, où l’on dessinait les chiffres) s’imposa. Cependant, des décennies après, certains maîtres préconisaient toujours d’enseigner aux scribes le calcul sur les doigts et les articulations plutôt que les techniques de calcul indiennes (manifestation de la crainte de fonctionnaires redoutant la démocratisation de leur savoir, mais aussi conservatisme culturel).</p>
<p>En n’hésitant pas à mélanger des méthodes, les Arabes ont su allier la rigueur et la systématisation grecque à l’aspect pratique hérité des Indiens. Astronomie et mathématiques firent d’énormes progrès à cette époque.</p>
<p>La forme des chiffres, d’abord copiée des graphies indiennes, évolua sous l’influence du style et des contraintes matérielles des copistes arabes (notamment par un changement d’orientation due à l’écriture sur rouleau de papyrus). Ces formes sont encore utilisées au Proche-Orient (۱ ۲ ۳ ۴ ۵ ۶ ۷ ۸ ۹ <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/05/18/336-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-8#pnote-301-2" id="rev-pnote-301-2">2</a>]</sup>).</p>
<p>Par le jeu du commerce, les Arabes occidentaux (Afrique du Nord, Espagne) adoptèrent aussi rapidement les chiffres indiens, mais ils adaptèrent le graphisme au style local et obtinrent une notation différente (dite « ghubar , « poussière »). C’est cette forme que les Occidentaux apprirent via l’Espagne musulmane.</p>
<p>Plan :<br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/04/30/329-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-1">Partie 1 : Super-résumé</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/02/330-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-2">Partie 2 : Les premiers décomptes</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/09/331-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-3">Partie 3 : Les bases</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/10/332-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-4">Partie 4 : Le système sumérien</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/11/333-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-5">Partie 5 : Les systèmes égyptiens, chinois, alphabétiques</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/14/334-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-6">Partie 6 : Le système maya</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/15/335-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-7">Partie 7 : Le système indien</a></em><br />
<em>Partie 8 : Les chiffres indiens en terre d’Islam</em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/21/337-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-9">Partie 9 : La difficile transmission à l’Occident chrétien</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/22/338-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-10">Partie 10 : L’impact des chiffres sur le développement mathématique</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/23/339-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-11">Partie 11 : La mécanisation</a></em><br />
<em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/05/24/340-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-12">Partie 12 : Les calculateurs électriques et électroniques</a></em></p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/05/18/336-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-8#rev-pnote-301-1" id="pnote-301-1">1</a>] <em>Son nom a donné « algorithme ».</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/05/18/336-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-8#rev-pnote-301-2" id="pnote-301-2">2</a>] <em>Symboles Unicode « arabo-hindi » codes 0660 à 0669.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/05/18/336-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-8#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/301Les guerres oubliées (2)urn:md5:10c294bd826822998ad09342a340ffaa2007-03-18T18:42:00+00:002011-03-28T19:56:40+00:00ChristopheHistoireAmériqueguerrehistoireHistoire de FranceLéandriMoyen ÂgeRealpolitikRenaissancesurréalisme<p>Suite des boucheries et massacres peu connus.</p> <h3>Les boucheries européennes oubliées</h3>
<p>Les cours d’histoire n’enseignent plus trop les différentes guerres, et se concentrent sur la civilisation, ce qui en gros se comprend. Cependant, certains carnages qui valent bien les passages les plus saignants du XXè siècle tombent alors dans l’oubli collectif :</p>
<p>La <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Trente_Ans">Guerre de Trente Ans</a></strong> (1618-1648, en gros sous Louis XIII et Richelieu) démarre comme un conflit religieux entre États allemands. Elle dégénère entre deux camps dominés respectivement par la France et l’Autriche à l’échelle européenne - et presque en guerre mondiale à cause des Empires coloniaux. Cependant, le principal champ de bataille est le Saint Empire Romain Germanique. <br />Des peuples de nos jours aussi pacifiques que les Suédois, les Danois ou les Néerlandais participent joyeusement à cette boucherie où la <em>Realpolitik</em> règne en maître (avec par exemple le très catholique Richelieu s’alliant aux Suédois luthériens pour contrer l’Empereur Habsbourg catholique).<br />Le bilan est apocalyptique, certaines régions (dont l’Alsace) perdant la moitié de leur population à cause des pillages, disettes, combats, etc. On estime le total des victimes à trois ou quatre millions : pas mal vus les moyens de l’époque.<br />Accessoirement, cette guerre entérine le déclin de l’Espagne, l’indépendance des Pays-Bas, la montée en puissance de la France et de la future Prusse (Brandebourg) et autres <a href="http://de.wikipedia.org/wiki/Drei%C3%9Figj%C3%A4hriger_Krieg#Der_Westf.C3.A4lische_Friede_und_die_Kriegsfolgen" hreflang="de">innombrables conséquences politiques et économiques</a>.</p>
<p>Les traités de Westhalie qui marquent la fin de la Guerre de Trente Ans marquent aussi la fin de la <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Quatre-Vingts_ans">Guerre de Quatre-Vingt Ans</a></strong>, en gros la guerre d’indépendance des Pays-Bas par rapport à l’Espagne.</p>
<p>La <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Sept_Ans">Guerre de Sept Ans</a></strong> a aussi été comparée à une Guerre Mondiale par la variété des théâtres d’opération, notamment dans les colonies. Entre 1757 et 1763 (sous Louis XV donc), la France alliée à l’Autriche et la Russie affronte l’Angleterre et la Prusse. De nombreux États entrent en lice par la suite dans les combats où les civils ne sont pas épargnés (on est loin des « guerres en dentelles »). La France perd à cette occasion une bonne partie de son Empire colonial, Québec et comptoirs indiens compris. <br /><em>Résultat : victoire anglaise par KO, accessoirement prussienne.</em></p>
<h3>Trois fois Cent Ans</h3>
<p>Les Français et les Anglais détiennent le record de durée d’un conflit, avec bien sûr la <strong>Guerre de Cent Ans</strong> qui en a duré cent seize (1337-1453). <br />Il est moins connu qu’il y a eu <strong>trois Guerres de Cent Ans</strong> !</p>
<p>La <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Premi%C3%A8re_Guerre_de_Cent_Ans">première Guerre de Cent Ans</a></strong> (1159-1299) oppose les Plantagenêt, rois d’Angleterre, mais encore culturellement français, principalement Henri II et ses fils Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, aux Capétiens en pleine conquête de leur royaume.<br />À l’origine, le roi de France Louis VII, respecté plus qu’obéi hors d’Île-de-France, commet la pire bourde du Moyen-Âge en répudiant son épouse, la duchesse d’Aquitaine <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Ali%C3%A9nor_d%27Aquitaine">Aliénor d’Aquitaine</a>, trop frivole au goût de son pieux mari. L’union du trône et de l’Aquitaine (quasiment indépendante) avait pourtant été une superbe occasion pour les Capétiens d’étendre leur domaine au sud de la Loire.<br />La jeune duchesse se jette alors dans les bras du duc de Normandie <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_II_d%27Angleterre">Henri Plantagenêt</a>, également comte du Maine, d’Anjou, et héritier du roi d’Angleterre (possession de la famille ducale normande depuis moins d’un siècle). Avec l’Aquitaine d’Aliénor, l’« Empire Plantagenêt » a tout pour dominer totalement la France.<br />Il faut un roi exceptionnel comme Philippe Auguste et une véritable guerre entre Aliénor et ses fils d’une part, et Henri II d’autre part, pour établir définitivement la domination capétienne. La paix définitive est signée par Saint Louis. Les Anglais restent cependant en France (Normandie, Guyenne).<br /><em>Résultat : victoire française par KO.</em></p>
<p>La <strong>seconde Guerre de Cent Ans</strong> est la plus connue. Elle a comme origine des querelles de succession (voir l’histoire des « <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2005/11/21/34-les-rois-maudits-contexte-ii">Rois Maudits</a> »). <br />Deux vagues anglaises sont repoussées respectivement par Charles V et Du Guesclin, et Charles VII et Jeanne d’Arc.<br /><em>Résultat : victoire française </em>in extremis<em>.</em></p>
<p>La <strong>troisième Guerre de Cent Ans</strong> désigne les affrontements perpétuels entre France et Angleterre entre 1688 et 1815 : les guerres de Louis XIV, celle de Sept Ans, la Guerre d’Indépendance américaine et les guerres napoléoniennes n’en sont que des épisodes. La dénomination est contestable et contestée. <br /><em>Résultat : Victoire anglaise au </em>finish<em> par KO.</em></p>
<p>Pendant toutes ces guerres, l’Angleterre n’est quasiment jamais le champ de bataille, à part une expédition avortée du fils de Philippe Auguste.</p>
<h3>Guerres civiles</h3>
<p>La <strong> <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Wars_of_the_Roses" hreflang="en">Guerre des Deux Roses</a></strong> est peu connue en France, mais c’est un chapitre capital de l’histoire du Royaume-Uni. Guerre civile entre les deux maisons royales (Lancastre et York) prétendant au trône d’Angleterre, elle est une des raisons de la victoire française à la fin de la Guerre de Cent Ans. Les Plantagenêt sont remplacés par les Tudor, la noblesse est décimée et perd du terrain face au monarque et aux marchands, portant un coup fatal au système féodal d’outre-Manche.</p>
<p>Cela semble surréaliste et pourtant cela s’est passé : une <strong>guerre civile en Suisse</strong> ! En 1847, la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Sonderbund">Guerre du Sonderbund</a> dure quatre jours, entre catholiques et radicaux. La constitution de la Suisse en est issue.<br /><em>Résultat : Victoire écrasante de l’État fédéral.</em></p>
<p><em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/03/21/319-les-guerres-oubliees-3">À suivre...</a></em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/03/18/318-les-guerres-oubliees-2#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/290Clovis (4) : L’unification inachevéeurn:md5:61d049832a8456b564d73b750719a4612006-11-29T20:50:00+00:002010-11-16T21:32:24+00:00ChristopheHistoireAntiquitéchristianismeFrancsGrandes InvasionshistoireHistoire de FranceMoyen ÂgeMérovingiens<p>Clovis a éliminé nombre de ses parents. Ces actes sont « justifiés » par le système dynastique germanique.</p> <h3>La liquidation de la famille de Clovis</h3>
<p>Clovis semble à nos yeux un barbare sanguinaire pour certaines actions déjà peu reluisantes à l’époque : <strong>l’élimination systématique de tous ses parents</strong>, même lointains, qui auraient pu constituer une menace pour ses enfants.</p>
<p>Comme déjà exposé, la civilisation germanique ne donne pas de droit particulier aux aînés, et les héritages se déroulent plus latéralement que verticalement (principe de la <em><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Tanistry">tanistry</a></em>). Les veuves épousent souvent le frère de leur défunt mari, les unions incestueuses sont courantes, et la société explose en groupes endogamiques fermés unis par le sang.</p>
<p>Le massacre de sa parentèle permet donc à Clovis de garantir que ses fils hériteront, et non un oncle ou un cousin quelconque, et d’établir un début de transmission patriarcale. L’échec est cependant total puisque les Mérovingiens s’entredéchireront en permanence, et le principe du règne simultané des frères perdurera jusqu’au IXè siècle. Le <em>Regnum Francorum</em> sera cependant réunifié brièvement sous <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Clotaire_Ier">Clotaire</a> puis <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Dagobert_Ier">Dagobert</a>.</p>
<h3>La consolidation</h3>
<p>Clovis vainqueur est également actif au niveau légal : la <strong>remise à plat de la loi salique et la promulgation du <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bréviaire_d'Alaric">bréviaire d’Alaric</a></strong> tentent d’une part de supprimer certaines coutumes franques déplorables, notamment la <em>faide</em> (remplacée par des tribunaux et des amendes), ou les mariages incestueux (affirmation du patriarcat et des transmissions de père à enfant), d’autre part de supprimer les barrières entre Francs et Gallo-Romains pour une fusion ultérieure des deux ethnies (début d’État de droit à la romaine, maintien ou adaptation de lois romaines de l’époque impériale).</p>
<p>Le <strong>concile d’Orléans</strong> également constitue une étape importante : Clovis ne se pose pas comme chef de l’Église comme le ferait un roi arien, il coopère avec celle-ci et n’intervient pas dans les décisions des évêques (même s’il les a convoqués, leur pose des questions, et promulgue les canons du concile).<br />Ce concile vise à remettre de l’ordre dans l’épiscopat du royaume franc, à faciliter la conversion et l’assimilation des Francs convertis et des ariens, à limiter les incestes, à partager les tâches entre administration et Église, à restaurer les liens avec la papauté.</p>
<h3>Royaume inachevé</h3>
<p>Le royaume de Clovis est inachevé mais les base sont là : levée de la menace des ariens, des Goths, des Alamans..., unification religieuse, remise en état de la hiérarchie épiscopale, alliance avec l’Empire qui reconnaît Clovis comme son représentant en Occident... Mais il reste beaucoup à faire.</p>
<p>Clovis meurt en 511 à Paris, sa capitale définitive, et ce seront ses fils qui, malgré leur querelles internes, complèteront le travail : défense des frontières, conquête de la Burgondie, fusion des civilisations.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/11/29/284-clovis-4-l-unification-inachevee#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/253Clovis (3) : La gaffe de Théodoricurn:md5:861c3f972b0a10e4c3b34ffb74d777122006-11-28T22:36:00+00:002010-11-16T21:27:24+00:00ChristopheHistoireAntiquitéByzancechristianismeEmpire romainFrancsGrandes InvasionshistoireHistoire de FranceMoyen ÂgeMérovingiens<p>Les Ostrogoths dominaient l’Europe post-romaine. Mais leur roi Théodoric laissa filer l’alliance avec Byzance.</p> <h3>La gaffe de Théodoric</h3>
<p>Clovis à son baptême a déjà certes bien accru son royaume d’origine, entre Rhin et Loire, mais celui-ci reste fragile. De plus, le baptême n’améliore pas les relations avec les voisins ariens. Un début de conquête de la Burgondie est un échec, la solidarité entre ariens joue à plein, mais pas entre catholiques : les Gallo-Romains locaux se satisfont d’un Gondebaud qui lève au maximum les freins à la fusion entre Burgondes et Gallo-Romains (mariages mixtes, partage des terres, permis de port d’arme aux Gallo-Romains...) et laisse même ses fils devenir catholiques : ce royaume ne cèdera qu’après la mort de Clovis.</p>
<p>L’autre raison du succès final de Clovis est le <strong>soutien de l’Empire d’Orient</strong>.</p>
<p>Après la chute de Rome, le roi ostrogoth <strong>Théodoric</strong> domine l’Italie et les pourtours de l’Adriatique. D’une manière très paternaliste, il tente de maintenir l’équilibre entre les autres rois barbares plus jeunes que lui, et limite les frontières communes grâce à des royaumes tampons ; et malgré les différences religieuses il veut garder de bonnes relations avec l’Empire romain d’Orient, dont la puissance est intacte. Il doit évidemment aussi compter avec sa propre population romaine.</p>
<p>Mais <strong>Théodoric a effrayé l’Empereur</strong>. Les Byzantins n’ont pas oublié la raclée infligée par les Wisigoths à <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d'Andrinople">Andrinople</a>, un siècle auparavant ; et une incursion ostrogothe en Illyrie déclenche un réflexe d’autodéfense de l’Empereur <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Anastase_Ier_(empereur_byzantin)">Anastase</a> : la flotte impériale menace les côtes italiennes.</p>
<p>Immédiatement se forme un axe Empire d’Orient - royaume franc.</p>
<h3>La fin des Wisigoths en Gaule</h3>
<p>Sa faiblesse relative n’empêche pas Clovis d’<strong>écraser les Alamans</strong> une deuxième et dernière fois (506), au point que Théodoric doit protéger et accueillir les survivants, et appelle Clovis à la clémence. Le roi ostrogoth apprécie peu la disparition de ce peuple qui faisait tampon entre lui et les Francs, et pousse d’autres peuplades (notamment les Thuringiens) à attaquer préventivement les Francs, sans succès notable.</p>
<p>L’année suivante, pendant que les troupes de Théodoric sont clouées par Byzance, Clovis passe une alliance avec les Burgondes de Gondebaud (qui, au final, jouent sur les deux tableaux entre puissances ariennes et catholiques) et envahit l’Aquitaine wisigothe. <br />La bataille décisive à <strong>Vouillé</strong> (507) voit la mort du roi wisigoth (<a href="http://www2.toulouse.iufm.fr/defi/citoyenn/instit/chrono/clovis1.htm">voir les détails sur ce site de l’IUFM de Toulouse</a>). Théodoric l’ostrogoth devient également régent du royaume wisigoth et contre-attaque : il récupère la Provence et des parties du royaume burgonde. Mais le mal est fait : <strong>Clovis est devenu l’égal de Théodoric</strong>.</p>
<p><em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2006/11/29/284-clovis-4-l-unification-inachevee">À suivre...</a></em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/11/28/283-clovis-3-la-gaffe-de-theodoric#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/254Clovis (2) : Le risque du baptêmeurn:md5:edde53b8692768142a7aebac988cad3f2006-11-27T20:50:00+00:002010-11-16T21:18:22+00:00ChristopheHistoireAntiquitéchristianismeFrancsGrandes InvasionshistoireHistoire de FranceMoyen ÂgeMérovingiensreligion<p>Pour un roi barbare, se convertir au catholicisme ne se fait pas à la légère.</p> <h3>Le risque du baptême</h3>
<p>Dans la mentalité germanique, <strong>le roi est un chef de guerre, inspiré et protégé par les dieux</strong> (<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Wotan">Wotan</a> en particulier). Un chef abandonné par les dieux est vite vaincu et abandonné par les siens. <br />Pour Clovis, abandonner ses dieux est un risque énorme, car <strong>ses soldats ne le suivront plus</strong>, voire le détrôneront.</p>
<p>Il n’est donc pas innocent que son fameux appel à l’aide du Dieu chrétien se déroule en 496 lors de la bataille de Tolbiac (contre une invasion des Alamans), alors que le roi franc est au bord de la défaite et <strong>se croit abandonné par ses dieux</strong>. La conversion ne se fera que trois ans plus tard, mais le Dieu catholique a prouvé sa « valeur militaire » pour Clovis. Pas suffisamment cependant pour ses soldats, qui auraient sans doute penché plus volontiers vers l’arianisme.</p>
<p>Ajoutons que la famille royale franque se voit aussi d’origine divine, et le baptême est un renoncement à cette prestigieuse lignée.</p>
<p>Effectivement, Michel Rouche pense qu’après la conversion de Clovis et de sa garde rapprochée (trois mille hommes tout de même), à <strong>Noël 499</strong>, ses conquêtes se ralentissent, en partie par faute de levées de troupes franques suffisantes : elles ne voient plus en Clovis ce protégé de Wotan. Heureusement pour lui, nombre de Gallo-Romains se rallient alors au nouveau baptisé, notamment les <strong>Armoricains</strong>, peuple indépendant en Bretagne (l’actuelle) - ce qui permet à leurs ennemis, les clans alains de l’Orléanais, de se soumettre aussi à Clovis. Ce dernier dispose aussi des restes de l’ancienne armée de Syagrius.</p>
<p><em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2006/11/28/283-clovis-3-la-gaffe-de-theodoric">À suivre...</a></em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/11/27/282-clovis-2-le-risque-du-bapteme#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/252Clovis (1) : Le dernier des rois païensurn:md5:656b49cd155cd14ada1869efc2cbff752006-11-25T22:48:00+00:002010-11-16T21:16:18+00:00ChristopheHistoireAntiquitéByzancechristianismeEmpire romainFrancsGrandes InvasionshistoireHistoire de FranceMoyen ÂgeMérovingiensreligionthéologie<p>Notes sur le livre <em>Clovis</em> de Michel Rouche : au-delà des clichés, Clovis était un roi déjà sous influence gallo-romaine et chrétienne, mais sa conversion au catholicisme (et non à l’arianisme) a été culturellement délicate pour lui.</p> <p>Suite de ma lecture du passionnant <em>Clovis</em> de Michel Rouche. Tout ce qui suit provient de ce livre, à mes erreurs de compréhension près. Certaines dates et certains lieux semblent cependant discutés...</p>
<p>Plus que sur les exploits militaires, l’auteur insiste sur l’ensemble des raisons de la victoire de Clovis, pourquoi son royaume s’impose aux trois quarts de la Gaule, puis à la totalité avec ses fils.</p>
<p>J’ai parlé de la <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2006/11/09/262-les-grandes-invasions-en-gaule-resume">situation après les Invasions jusqu’à l’avènement de Clovis</a> dans une Gaule divisée en quatre. Et <a href="http://www.euratlas.net/AHP/histoire_europe/carte_europe_0500.html">cette carte de l’an 500</a> est un instantané pris peu après la chute de l’Empire d’Occident, au milieu du règne de Clovis.</p>
<h3>Chrétien</h3>
<p>La mémoire collective retient que Clovis se convertit après avoir appelé Dieu à l’aide sur un champ de bataille, et vaincu ; il gagne alors le soutien des Gallo-Romains et surtout de l’Église catholique, et conquiert la Gaule.</p>
<p>En fait, parmi les différents princes dans la Gaule immédiatement post-impériale, <strong>Clovis est initialement le seul non-chrétien</strong> ! <br />Les <strong>Wisigoths</strong> et les <strong>Burgondes</strong> sont par contre déjà chrétiens... mais <strong>ariens</strong>, adeptes d’une variante du christianisme considérée comme hérétique par la papauté, l’Empire d’Orient, et nombre de Gallo-Romains influents comme Remi de Reims ou Geneviève de Paris. Les Wisigoths, alliés aux <strong>Ostrogoths</strong> de <strong>Théodoric</strong>, ariens eux aussi, dominent la situation depuis l’Aquitaine et l’Espagne ; ils sont moins tolérants que les Burgondes (sud-est de la Gaule).</p>
<p>De plus, les <strong>Gallo-Romains</strong>, depuis la mort d’<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Aetius">Aetius</a>, le vainqueur d’Attila, et la fin de l’Empire, sont en quasi-guerre civile, même entre catholiques : certains sont plus ou moins alliés aux Wisigoths (comme <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Syagrius">Syagrius</a>, « Roi des Romains » entre Somme et Loire, vaincu à Soissons puis égorgé par Clovis), d’autres aux Francs (Geneviève à Paris).</p>
<p>Quant au <strong>corps épiscopal</strong>, exilé par les Wisigoths, ou décimé, ou pas renouvelé, il n’a qu’une faible influence. Et la papauté à Rome, empêtrée entre les influences de Théodoric et de l’Empereur d’Orient et diverses hérésies, pense peu à la Gaule.</p>
<h3>Clotilde</h3>
<p>L’influence majeure sur Clovis est exercée par son épouse <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Clotilde_%28465-545%29">Clotilde</a></strong>. Il n’est pas exagéré de dire que la fondation de la France lui doit autant qu’à Clovis.</p>
<p>Clotilde est une princesse burgonde et catholique, nièce de Gondebaud, roi de Burgondie, qui est aussi le meurtrier de ses parents ! Cette jeune fille est également liée au clan des <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Amales">Amales</a>, très prestigieuse famille dont la généalogie remonte à quatorze générations, et le jeune roi franc a besoin de ce <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Hypergamie">mariage hypergamique</a>. Gondebaud est réticent, mais cède.</p>
<p><strong>Clotilde est le moteur de la conversion de Clovis</strong>. Elle est la première à s’attaquer aux dieux germaniques, pour elle simples icônes de pierre ou de bois. <br />Viennent ensuite <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Remi_de_Reims">Remi</a> (évêque de Reims, un nostalgique de l’Empire et un anti-arien convaincu) et <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Sainte_Geneviève">Geneviève</a> (maîtresse de Paris, de père franc).</p>
<p>Une particularité de leur couple, selon Rouche, est que <strong>ce couple casse la logique barbare matriarcale et polygame</strong>. Même si Clovis a eu avant Clotilde une épouse barbare inconnue (la mère de Thierry, son premier fils), un mariage monogame stable, finalement catholique, va à l’encontre de la mentalité des Germains. <br />Michel Rouche insiste beaucoup sur ce matriarcat germain, où la mère est toute-puissante et détient une sorte de pouvoir, car elle désigne le père de ses enfants ; où les frères sont égaux et règnent ensemble ; et où les mariages incestueux sont fréquents.<br />Ce mariage monogame constitue un nouveau pas vers la romanité. L’intérêt d’un roi barbare aurait été de multiplier épouses et alliances, mais Clovis s’en abstient.</p>
<p>Assez connu est l’épisode du baptême dès la naissance des enfants du couple royal : le premier meurt très jeune, et Clovis en tient responsable Jésus ; trois fils (Clodomir, Childebert, Clotaire) et une fille (Clotilde) survivent : l’argument du « mauvais Dieu » tombe.</p>
<h3>La conversion</h3>
<p>Michel Rouche s’étend sur le chemin de Clovis sur la route du baptême. <strong>Pour un chef germanique comme lui, le processus de conversion est long et culturellement difficile</strong>.</p>
<p>L’<strong>influence de la société gallo-romaine</strong>, dans son royaume et ses environs, est le second facteur après Clotilde. Remi dès le départ prend contact avec le jeune roi et plus tard participe à sa catéchèse. Clovis n’oublie pas qu’il a hérité de titres officiels romains qui ne signifient plus grand-chose en pratique, mais indiquent une certaine continuité de la légalité romaine. <strong>Les Francs, depuis un siècle, sont dans l’orbite romaine</strong>.</p>
<p>Geneviève de Paris était déjà en contact avec Childéric, le père de Clovis. Anti-arienne également, à moitié franque, vite liée à Clotilde, elle est celle qui réussit lentement à réunir les Gallo-Romains à la faveur de l’avancée franque.</p>
<p>L’évolution mentale du chef franc est difficile sur un point : <strong>le rôle que lui octroient l’Église et Dieu</strong>. La doctrine est encore mouvante, et les discussions et luttes sur ce point continueront en gros tout le Moyen-Âge. Mais il est clair qu’il faut <strong>renoncer à la toute-puissance</strong> inspirée par un dieu : le Dieu chrétien ne règne pas par la force, et a même laissé crucifier son fils, chose inconcevable pour Clovis. Sa phrase d’indignation célèbre (« Si j’avais été là avec mes Francs, j’aurais vengé cette injure. ») est d’ailleurs révélatrice d’une autre tradition germanique, que le pardon cher au Christ n’a pas remplacé : la <em>faide</em>, <strong>la vengeance obligatoire</strong> entre familles, qui sera encore source de tant de sang versé entre Mérovingiens. (Et d’ailleurs même chez la très chrétienne Clotilde cette tradition ressurgira : elle enverra ses fils conquérir la Burgondie pour venger la mort de ses parents.)</p>
<p>D’autre part, la principale distinction entre catholiques et ariens se fait jour précisément sur ce sujet. <strong>Le dogme de la Trinité</strong>, chez les catholiques, sous-entend un partage des pouvoirs dans l’harmonie ; alors que le Dieu « unique » des ariens rend en quelque sorte le roi (choisi par Dieu) tout-puissant, et en fait aussi le chef de l’Église - optique parfaitement en phase avec la mentalité germanique païenne, et qui explique que Goths, Vandales, Burgondes... soient devenus ariens et non catholiques.<br />Les catholiques par contre s’attachent à un héritage du droit romain : l’<strong>État de droit</strong>, où un Empereur, aussi puissant soit-il, est tenu par les lois de l’État qu’il édicte lui-même. Cette notion est déjà bien présente à l’époque, et Clovis saura l’assimiler et la respecter.</p>
<p>Autre distinction entre ariens et catholiques : le <strong>culte des saints</strong>. Le commerce des reliques bat déjà son plein en ces temps, et les récits de miracles sont légions. L’illumination finale de Clovis se déroule peut-être lors de la visite au tombeau de Saint-Martin de Tours, un des principaux saints en Gaule en l’époque.</p>
<p><em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2006/11/27/282-clovis-2-le-risque-du-bapteme">À suivre...</a></em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/11/25/269-clovis-1-le-dernier-des-rois-paiens#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/241« Le Sang des Astres » (de Nathalie Henneberg)urn:md5:2a5708242787d1e780585cc6813743002006-09-14T00:00:00+00:002016-09-10T09:55:24+00:00ChristopheSur mes étagères alourdiesCroisadeslivres luslyrismeMoyen Âgemythepessimismescience-fictionspace opera<p>Un bon petit livre de l’époque héroïque de la SF française.</p> <p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/N_Henneberg_Le_Sang_des_astres.jpg" title="N_Henneberg_Le_Sang_des_astres.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/N_Henneberg_Le_Sang_des_astres.jpg" alt="N_Henneberg_Le_Sang_des_astres.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a>Ce livre provient des collections de la jeunesse de mon père, il n’est pas si jeune (1963), et apparemment il est épuisé. (Seuls sont encore édités chez l’Atalante le meilleur livre de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Nathalie_henneberg’">Henneberg</a>, <em><a href="http://www.editions-l-atalante.com/pages/auteurs/dentelle/henneberg.htm’">la Plaie</a></em> (<strong>Mise à jour</strong> : un de mes livres préférés, <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/11/30/396-la-plaie-et-le-dieu-foudroye-de-nathalie-c-henneberg">chroniqué et loué sur ce blog</a>) <em>Le sang des astres</em> n’est pas un bijou immortel, ni même le meilleur de l’auteur, donc pourquoi un billet ? Parce qu’à part le titre et des annonces de bouquinistes, on ne trouve rien sur le web au sujet de cette œuvre, et je n’aime pas que se perde quoi que ce soit.</p>
<p>Henneberg aimait mélanger les <strong>thèmes mythologiques avec la science-fiction</strong> de son époque (encore très orientée « astronaute-superman tueur de monstres et donneur de leçons aux extra-terrestres »). Ici, Salamandre (connue aussi comme Lilith), nouvelle incarnation pure d’un Élément, ici le Feu, quitte la Terre hyper-civilisée de l’an 2700, et atterrit sur Anti-Sol, une lointaine planète, clone quasi-parfait de la Terre avec quelques siècles de retard : elle devient partie intégrante de l’histoire locale des Croisades.</p>
<p>Un Élément pur possède cependant l’inconvénient de provoquer des catastrophes en chaînes sur son chemin, de façon totalement involontaire : les chevaliers s’entretuent pour cette beauté démoniaque (dont Gilbert, un explorateur terrien dont on se demande ce qu’il fait là justement ce jour-là), la météo devient folle, la guerre éclate, les pogroms se succèdent, la terre tremble, le sang coule.</p>
<p>La société policée des civilisations galactiques ne peut tolérer cela, ni les Elms (les êtres « magiques », comme les Lutins), qui ont toujours vécu sur Terre et entamaient une migration vers la plus naturelle Anti-Sol. Un Chasseur (surhomme métis avec une bonne dose d’Élément Eau en lui) est envoyé traquer la belle.</p>
<p>Nathalie Henneberg rend bien la déliquescence de la haute société du royaume croisé quand apparaît Salamandre, et les angoisses de celle-ci, innocente et incapable d’empêcher de brûler et consumer tous ceux qui l’approchent. Le Chasseur semble un peu trop parfait, mais la partie intéressante et tourmentée du personnage est rendue par Gilbert d’Este, le preux mais faillible envoûté. Il aurait fallu fusionner ces deux Terriens, ils occupent le premier rôle masculin successivement.</p>
<p>Le mélange entre fantastique et science-fiction se fait sans peine — même si le milieu est plutôt médiéval de toute manière. Le comportement des astronautes (genre <em>boy-scout</em>) est un peu suranné et date le livre.</p>
<p>Au final une lecture mineure mais agréable qu’on peut dénicher chez un bouquiniste.</p>
<p><strong>2016</strong> : Voir <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Nathalie-Henneberg">le billet sur Nathalie Hennerberg</a>, et le <a href="http://www.galaxies-sf.com/sommaire.php?id_revue=42">dossier que Galaxies lui avait consacré</a>. On verra que Pierre, dans les commentaires, avait raison de rattacher cette histoire à la biographie de Nathalie Henneberg.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/09/14/238-le-sang-des-astres-de-nathalie-henneberg#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/210« Les Croisades vues par les Arabes » d’Amin Maaloufurn:md5:e27923317d302ff8839e661815a102532006-07-11T16:37:00+00:002014-02-26T10:52:04+00:00ChristopheSur mes étagères alourdieschristianismeCroisadesdommageEuropegéopolitiquehistoireimpérialismelivres lusMoyen Âgeperspectivepessimismereligion<p>Les Croisades ont été un bain de sang et un traumatisme durable pour les Arabes. L’invasion franque s’étala sur deux siècles pleins de péripéties.</p> <p>L’enseignement des Croisades en France, du moins en mon temps, adoptait essentiellement le point de vue croisé : ferveur religieuse qui expliquait, sinon justifiait, l’invasion, et différentiation peu nette des adversaires.</p>
<h3>Contexte et résumé-éclair des Croisades</h3>
<p>Résumons l’époque : la période concernée est en gros <strong>1100-1300</strong>, la seconde moitié du Moyen-Âge et son apogée. <br />Avant 1100, les principaux royaumes européens se sont formés, et la croissance démographique et économique de l’Europe occidentale lui permet de lancer des opérations loin de ses frontières. <br />Au même moment, l’<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2005/10/25/11-byzance-i-formation-invasions">Empire byzantin</a> cherche à attirer des mercenaires dans sa lutte perpétuelle contre l’effritement de ses territoires. L’Église catholique de Rome cherche, elle, à diriger l’énergie de ces chevaliers querelleurs contre les infidèles.</p>
<p>La Première Croisade culmine en 1099 avec la prise de Jérusalem (et le massacre des habitants, traumatisme durable). <br />Les Croisés établissent des royaumes indépendants sur toute la côte, d’Antioche au Sinaï, organisent plusieurs autres Croisades pour maintenir leur positions, liquident l’Empire byzantin au passage (<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Quatri%C3%A8me_croisade">détournement de la Quatrième Croisade</a> et sac de Constantinople, autre acte de barbarie) ; les Arabes et Turcs auront ainsi besoin de deux siècles pour rejeter définitivement l’envahisseur à la mer (1291), après bien des conflits.</p>
<p><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Croisade">Wikipédia, comme d’habitude, est un bon point de départ pour se rafraîchir les connaissances</a>.</p>
<h3>Peuples en présence</h3>
<p>Le livre d’Amin Maalouf (paru il y a déjà quelques années) prend le contrepied de la vision classique, et cela change tout.</p>
<p>Les Croisés ne sont plus que des « <strong>Franjs</strong> » (déformation de « Francs »), mélangeant ainsi sans distinction tous ces peuples barbares et exotiques : Français de langue d’hoc et d’oïl, Allemands, Anglais... <br />Les Arabes les distinguent des « Roums » (« Romains », c’est-à-dire les Byzantins, chrétiens orthodoxes), qu’ils connaissent et affrontent depuis des siècles.</p>
<p>L’apparente unité arabe éclate ; d’ailleurs il n’y a pas que des Arabes musulmans au Moyen-Orient (Syrie, Liban, Palestine, Égypte) à cette époque, loin s’en faut.</p>
<ul>
<li>Les Arabes sont majoritaires, mais il ne sont pas tous musulmans : <strong>un bon nombre sont chrétiens</strong>, et souvent de rite oriental, copte... (C’est d’ailleurs encore le cas de nos jours au Liban, en Palestine...)<br /> <br /></li>
<li>Les Musulmans (arabes ou pas) se distinguent entre chiites et sunnites (distinction toujours valable de nos jours).<br /> <br /></li>
<li>La région entière est tombée tout récemment sous la coupe des <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Seldjoukides">Turcs seldjoukides</a></strong>. Les différents roitelets turcs se font cependant la guerre mutuellement, et l’empire seldjoukide ne brille donc pas par sa cohésion.<br /> <br /></li>
<li>Il y a pléthore d’<strong>autres communautés</strong> installées depuis longtemps, notamment les Kurdes (Saladin était kurde, même si son empire se centrait sur l’Égypte), les Juifs, les Arméniens...<br /> <br /></li>
<li>L’<strong><a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis//index.php?post/2005/10/25/11-byzance-i-formation-invasions">Empire byzantin</a></strong> est sur la défensive (il vient de perdre l’Anatolie face aux Turcs) mais n’a pas renoncé à reconquérir une partie de ses anciens territoires, notamment Antioche.<br /> <br /></li>
<li>Les <strong>Mongols</strong>, sur la fin, étendent leur empire jusqu’au Moyen-Orient, et les Franjs les voient comme des alliés potentiels.<br /> <br /></li>
<li>La <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Assassins">secte des Assassins</a>, par sa capacité de nuisance, joue un rôle majeur pendant des décennies.<br /> <br /></li>
<li>Les Franjs se divisent entre princes et barons, petits chevaliers occidentaux fraîchement débarqués et fanatisés, « poulains » nés en Terre Sainte et ayant adopté nombre de coutumes locales, marchands italiens ne cherchant qu’à commercer, etc...<br /> <br /></li>
</ul>
<h3>Invasion</h3>
<p>L’invasion franje est une surprise pour les Musulmans. La première vague, celle des pauvres gens menée par Pierre l’Ermite, est aisément repoussée dès l’entrée en Anatolie. La seconde, une véritable armée bien organisée, avance comme un rouleau compresseur. Les chevaliers occidentaux lourdement cuirassés sont une arme efficace, et les roitelets turcs et arabes sont incapables de surmonter leurs divisions pour s’opposer à l’invasion. Au contraire, certains profiteront de l’avancée franj pour abattre leur rival du moment.</p>
<p>Plus les Croisés approchent de Jérusalem, plus les habitants de la région découvrent que les nouveaux venus, loin d’être une énième armée de mercenaires au service des Roums, sont décidés à s’installer. Plusieurs villes font leur soumission immédiate pour éviter un siège.</p>
<p>La <strong>prise de Jérusalem en 1099</strong> reste dans la mémoire collective orientale comme le summum de la <strong>barbarie franj</strong>. <strong>Toute la population non chrétienne est passée au fil de l’épée</strong>, musulmans, juifs et chrétiens orientaux compris. Le contraste avec la mansuétude de Saladin lors de la reprise de la ville un siècle plus tard est frappant.</p>
<h3>Les Franjs en Orient</h3>
<p>Les petits royaumes franjs d’Orient se distinguent assez vite par leurs querelles mutuelles<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#pnote-136-1" id="rev-pnote-136-1">1</a>]</sup>.<br />(Une chose qui m’a frappée : parmi les causes figure notamment la rareté des héritiers mâles et les luttes de pouvoir qui s’ensuivent, et la raison profonde en serait le manque d’hygiène des Franjs dans une région où cela ne pardonne pas, et donc la mortalité infantile élevée.)<br />L’Empereur byzantin est le premier à faire les frais de cette indiscipline : il doit faire une croix sur les territoires conquis, qui en théorie auraient dû lui revenir.</p>
<p>La primauté du roi de Jérusalem sur les autres rois latins n’empêche pas les divisions, et au gré des renversements d’alliances, musulmans comme chrétiens peuvent se retrouver dans les deux camps d’une bataille. Les frontières changent relativement peu pendant un siècle, les Franjs tenant toute la côte, et les villes d’Alep et Damas et le Sinaï servant de frontières. Les incursions franjs en Égypte sont un échec<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#pnote-136-2" id="rev-pnote-136-2">2</a>]</sup> et leur extension est stoppée.</p>
<h3>Reflux</h3>
<p>Le XIIè siècle voit apparaître un phénomène nouveau : l’unification sous un même chef des forces arabes. D’abord autour de <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Nur_ad-Din">Noureddin</a></strong><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#pnote-136-3" id="rev-pnote-136-3">3</a>]</sup>. Celui-ci, depuis Mossoul, unifie peu à peu la Syrie. Il provoque lui-même des résistances, notamment à Damas. Enfin, il conquiert l’Égypte, contrecarrant les plans des Franjs. Il y installe comme vizir un de ses jeunes lieutenants, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Saladin">Saladin</a>, kurde qui doit comme son père sa carrière à Noureddin.</p>
<p>Saladin et Noureddin finissent peu à peu par s’opposer ; le premier, quasiment indépendant, se refuse cependant à affronter ouvertement son maître. Noureddin meurt avant une véritable guerre, et Saladin unifie Syrie et Égypte à son profit. Les Croisés sont quasiment encerclés.</p>
<p>Après quelques échecs, Saladin parvient à s’emparer de pans entiers des royaumes latins, dont Jérusalem. En réaction, il doit affronter <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Troisi%C3%A8me_croisade">la Troisième Croisade</a>, menée par <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_Barberousse">Frédéric Barberousse</a> (qui se noie en chemin), <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Auguste">Philippe Auguste</a> et <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Coeur_de_Lion">Richard Cœur de Lion</a><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#pnote-136-4" id="rev-pnote-136-4">4</a>]</sup>. Saladin tient bon, prêt à accepter la présence franque et les pélerins, mais intransigeant sur Jérusalem même. En dehors de ce problème, les négociations et la coexistence entre les deux communautés sont toujours empoisonnées par les extrémistes des deux camps<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#pnote-136-5" id="rev-pnote-136-5">5</a>]</sup>.</p>
<p>Certains personnages se détachent de cette période : <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_de_Lusignan">Guy de Lusignan</a>, incapable roi de Jérusalem, libéré par Saladin après une promesse de ne plus l’affronter, et qui ne tient pas parole ; <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Renaud_de_Ch%C3%A2tillon">Renaud de Châtillon</a>, seigneur brigand responsable de la dégradation des relations entre Latins et Arabes, que Saladin va jusqu’à exécuter personnellement ; <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_de_J%C3%A9rusalem">Isabelle de Jérusalem</a>, malheureuse reine obligée d’épouser successivement les différents prétendants au trône, locaux ou étrangers, choisis par les barons.</p>
<p><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_II_du_Saint-Empire">Frédéric II Hohenstaufen</a>, Empereur germanique, est un personnage assez étonnant, notamment par son intérêt pour les sciences, son peu de respect du pape et de la religion, et par les bonnes relations qu’il entretient longtemps avec un successeur de Saladin, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Kamel">al-Kamel</a>, lui aussi peu religieux. L’Allemand négocie ainsi la récupération de Jérusalem sans un combat en 1229, à la fureur de l’opinion arabe. Ce n’est que pour une quinzaine d’années avant une nouvelle chute de la ville.</p>
<h3>Les Mongols</h3>
<p>L’<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_mongol">Empire mongol</a> commence à étendre son influence au Moyen-Orient à peu près à cette époque. Saint-Louis tente de négocier une alliance avec eux lors de son passage en Terre Sainte après son invasion ratée de l’Égypte. Cela échoue toujours, en partie parce que les Mongols ne voient pas dans les Franjs des alliés mais d’abord des vassaux ; et leur brutalité effraie bien des Franjs.</p>
<p>Le péril mongol est pire que celui des Franjs. En 1258, Bagdad est rasée, et sa population exterminée. Les villes arabes tombent ou se soumettent, jusque Gaza. Le monde musulman doit sa survie à la mort du Khan et aux querelles de succession, et à une contre-offensive des Mamelouks d’Égypte, de Palestine jusqu’aux portes de la Perse.</p>
<h3>La chute</h3>
<p><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Baybars">Baibars</a> devient peu après le nouvel homme fort d’Égypte. Il reprend la guerre contre les anciens alliés des Mongols (comme l’Arménie) et les Franjs. Antioche est détruite en 1268. <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Huitième_croisade">Saint-Louis meurt devant Tunis</a>, et l’alliance entre Franjs et Tatars (Mongols) ne peut reprendre le terrain perdu.</p>
<p>Acre aurait pu rester un comptoir reliant les deux mondes, pour le plus grand profit des marchands des deux camps, mais l’extrémisme de certains Croisés fraîchement débarqués rallume la guerre. Le sultan Qalaoun règle la question, et Acre tombe en 1291. Les Franjs ne sont pas loin (notamment à Chypre), mais ne redébarqueront jamais en Terre Sainte.</p>
<h3>Épilogue</h3>
<p>La victoire des Musulmans sur les Croisés ne semble que le début d’une longue marche victorieuse poursuivie par les Turcs ottomans, dont l’Empire s’enfonce par la suite en Europe jusque Vienne en 1529.</p>
<p>Paradoxalement, les Arabes du Moyen-Orient ne sont jamais vraiment les acteurs de cette période, pendant ou après les Croisades : Turcs, Kurdes, Mongols, Tatars, Arméniens... fournissent les élites dirigeantes. Les instables royaumes arabes ou turcs ne leur permettent pas non plus d’être maîtres de leur destin. Le problème est toujours d’actualité... Pendant que l’Occident tire parti des contacts avec les Arabes, ceux-ci se recroquevillent, et continuent encore à parler d’une histoire terminée depuis sept siècles<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#pnote-136-6" id="rev-pnote-136-6">6</a>]</sup>.</p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#rev-pnote-136-1" id="pnote-136-1">1</a>] <em>Comme quoi ils s’intégraient parfaitement à la région...</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#rev-pnote-136-2" id="pnote-136-2">2</a>] <em><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_IX_de_France">Saint-Louis</a> tente lors de la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Septi%C3%A8me_croisade">Septième Croisade</a> de prendre l’Égypte ; il y laisse son armée.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#rev-pnote-136-3" id="pnote-136-3">3</a>] <em>Ce nom est francisé, l’arabe serait plus proche de Nour ad-Din. Ne soyons pas trop puriste, la francisation des noms est inévitable, surtout à propos de personnages historiques, notamment quand l’alphabet n’est pas le même. On dit bien « Léonard de Vinci » pour « Leonardo da Vinci », « Saladin » pour « Salâh Ad-Dîn », et « Clovis » ou « Louis » pour quelque chose en réalité plus proche de « Chlodwig ».</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#rev-pnote-136-4" id="pnote-136-4">4</a>] <em>Dans la plus pure tradition chevaleresque, c’est-à-dire en s’échangeant cadeaux et médecin entre rois, pendant que leurs troupes se charcutent mutuellement.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#rev-pnote-136-5" id="pnote-136-5">5</a>] <em>Comme quoi rien ne change sous le soleil de Palestine.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#rev-pnote-136-6" id="pnote-136-6">6</a>] <em>Et que George Bush parle volontiers de </em>croisade<em> est très mal reçu notamment à cause de ce contexte.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/11/154-les-croisades-vues-par-les-arabes#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/136Le Bug de l’An Zérourn:md5:df6fc872a40b595844ff38de0ed91b6b2006-05-31T22:33:00+00:002010-10-29T18:07:23+00:00ChristopheBug de l’An 2000 et d'autres tempsAntiquitéastronomiebugchiffreschristianismedysfonctionnementEuropeinformatiquemathématiquesMoyen ÂgemémoireMérovingienstemps<p>Il n’y a jamais eu d’année Zéro. Quoique.</p> <h3>Le changement de millénaire en 2001</h3>
<p>Je sais que cela fait un peu réchauffé, et le débat a été moins vif à l’approche de l’an 2000 qu’aux siècles précédents, paraît-il. Mais il y a une raison très simple pour laquelle le XXIè siècle et le IIIè millénaires ont commencé en 2001 et pas en 2000, et elle me fascine par sa simplicité<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/31/96-annee-zero#pnote-91-1" id="rev-pnote-91-1">1</a>]</sup>.</p>
<p><strong>Il n’y a pas d’année 0, ni dans le calendrier julien, ni dans le grégorien.</strong></p>
<p>Et pourquoi ?</p>
<p>Parce que le <strong>zéro n’existait pas quand on a « inventé » le calendrier chrétien</strong> ! On remonte là au moine <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Dionysius_Exiguus">Denys-le-Petit</a> en <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/532">532</a>. <br />En Gaule, les descendants de Clovis s’étripaient joyeusement, l’Europe s’enfonçait dans la semi-barbarie, l’<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2005/10/26/19-byzance-ii-de-l-apogee-justinienne-a-la-castastrophe">Empire byzantin était à son apogée</a>, et l’Islam n’existait pas. <br />Ces gens-là évidemment ignoraient qu’ils étaient en 500 et quelques, de même que les Romains sous Auguste n’ont pas vu passer le début de l’Ère chrétienne (sauf <a href="https://www.coindeweb.net/humour/y2k.html#An0">ceux-là</a>).</p>
<p>Que Denys ait fait une erreur de trois, quatre ou six ans dans la date de naissance du Christ est ici un détail<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/31/96-annee-zero#pnote-91-2" id="rev-pnote-91-2">2</a>]</sup>. La numérotation des années qu’il étrennait ne pouvait commencer qu’à <strong>1</strong>.</p>
<p>Ironie du sort, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Zéro">les Indiens inventaient le zéro-nombre à peu près au même moment</a>. Si la papauté avait attendu quelques siècles de plus pour numéroter les années, peut-être aurions-nous fêté le IIIè millénaire à la Saint-Sylvestre 1999.</p>
<h3>Quoique</h3>
<p>Les calendriers occidentaux (au contraire de certains orientaux) comptent les années en cours, et pas écoulées (comme on compte un âge). <br />Donc la première année était la <code>1</code>, et il s’était écoulé un an depuis la naissance théorique du Christ à la fin de cette année-là. <br />Il s’était écoulé neuf ans à la fin de l’année <code>9</code>, et quatre-vingt-dix-neuf ans pleins à la fin de l’année <code>99</code>. <br />Pour faire un siècle (une durée de cent années) il a fallu attendre encore un an, à la <em>fin</em> de l’an <code>100</code>. Le second siècle ne commença qu’après, en <code>101</code>. Etc. jusqu’à nos jours. <br />Et à chaque approche d’un nombre rond, il a fallu rééduquer la population (totalement renouvelée depuis le précédent réveillon de changement de siècle).</p>
<h3>Mais l’année Zéro existe !</h3>
<p>Pour les astronomes, la situation est un peu différente. Pour faciliter les calculs astronomiques, un zéro est quand même bien pratique, assimilé à l’an <code>-1</code> du calendrier « classique ». En toute rigueur, un astronome pourrait effectivement parler de début du IIIè millénaire le 1er janvier 2000, mais il n’utilise pas alors les mêmes conventions que l’essentiel de l’humanité...</p>
<p>Tous les détails sur <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Ann%C3%A9e_z%C3%A9ro">Wikipédia, article Année Zéro</a>.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/31/96-annee-zero#rev-pnote-91-1" id="pnote-91-1">1</a>] <em>Beaucoup de choses me fascinent que les autres trouvent pénibles ou sans intérêt. C’est mon côté contemplatif.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/31/96-annee-zero#rev-pnote-91-2" id="pnote-91-2">2</a>] <em>Et vues les conditions de travail, voyage, communication, archivage... de l’époque, et le demi-millénaire écoulé entretemps, une belle réussite tout de même.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/31/96-annee-zero#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/91« Le Nom de la Rose » d’Umberto Ecourn:md5:a1e02076d525464c8064ed80f6eb59c52006-05-18T00:00:00+00:002021-08-16T08:40:28+00:00ChristopheSur mes étagères alourdieschristianismeEuropehistoireintelligencelivres lusMoyen ÂgepolitiqueRealpolitikreligion<p>Cet excellent livre très connu est aussi une bonne leçon d’histoire et de civilisation.</p> <p><em>(Ceci est déjà paru sur la liste de diffusion <a href="http://fr.groups.yahoo.com/group/Quoide9/">Quoide9</a> en mars 2002.)</em></p>
<p><strong><em>Le Nom de La Rose</em>, Umberto Eco, 1980</strong></p>
<p>Vous avez peut-être vu le film. Si oui, vous l’avez sans doute aimé. Comme d’habitude, le livre est encore meilleur, plein de détails, de pans entiers que le film a dû sabrer. Je me souviens du film comme d’une enquête policière médiévale essentiellement, mais le livre n’en traite que superficiellement. Ce n’est qu’un prétexte.</p>
<p>L’adaptation hollywoodienne est finalement réussie, dans le sens où l’histoire se tient et que les parties supprimées n’en sapent pas la cohérence.</p>
<p>Le vrai intérêt du livre est ailleurs : dans <strong>l’évocation de la civilisation médiévale à son apogée</strong>, dans la mentalité et les raisonnements des gens de cette époque. Les motivations du coupable du crime nous sont totalement étrangères ; le rôle du monastère au sein de la « société » des alentours n’a rien en commun avec notre époque.</p>
<p>On retrouve aussi les premiers balbutiements du raisonnement logique et scientifique actuel (point commun entre le héros inquisiteur et nous), l’importance de l’héritage gréco-romain comme source principale de savoir, l’omniprésence de la religion, et surtout tout ce qui tourne autour des hérésies, des guerres théologiques qui déchiraient l’Église à cette époque.</p>
<p>Querelles qui nous semblent, à nous, totalement vaines, mais qui en fait, masquaient surtout deux choses :</p>
<ul>
<li>la <strong>révolte des faibles</strong>, attirés parfois par des courants qui voulaient changer le monde (notre époque n’a pas inventé les sectes) ;</li>
<li>et les <strong>oppositions fréquentes entre l’Empereur et le Pape</strong><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/18/150-le-nom-de-la-rose#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, chacun ayant ses partisans. La <a href="http://fr.wiktionary.org/wiki/t%C3%A9trapilectomie">tétrapilectomie</a> juridique et l’exhumation de textes oubliés pour justifier les intérêts de tel ou tel grand ne datent pas d’hier<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/18/150-le-nom-de-la-rose#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup>.</li>
</ul>
<p>Bref, un classique, chaudement conseillé.</p>
<p>Umberto Eco a écrit d’autres livres passionnants. Le meilleur est sans doute <em>Le Pendule de Foucault</em> (assez ésotérique et touffu) ; se lisent également bien <em>Baudolino</em> (plus épique et historique) et ses recueils de chroniques (<em>Comment voyager avec un saumon</em>).</p>
<p>NB : Certains passages nécessitent que vous révisiez votre latin ;-) mais ils ne gênent en rien la compréhension de l’intrigue.</p>
<p><strong>Mise à jour de 2021 suite aux commentaires</strong> : pour les parties en latin, <a href="http://nomina-nuda-tenemus.fr/" hreflang="fr">nomina-nuda-tenemus.fr</a> semble toujours hors ligne, mais <a href="https://www.lenomdelarose.fr/" hreflang="fr">lenomdelarose.fr</a> vient d'ouvrir.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/18/150-le-nom-de-la-rose#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Le premier voulant interdire toute influence dans le domaine temporel au second. On retrouve le thème dans l’affrontement des familles dans </em>Roméo et Juliette<em> par exemple.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/18/150-le-nom-de-la-rose#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] <em>Une des heureuses conséquences en fut la mise en place de l’État de droit, une des meilleures inventions occidentales.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/18/150-le-nom-de-la-rose#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/133« La Guerrière oubliée » (« Le Livre de Cendres », tome 1) de Mary Gentleurn:md5:f8f5fa0172fb71b87de1cabfb35c50552006-03-24T08:50:00+00:002010-10-28T17:58:22+00:00ChristopheSur mes étagères alourdieslivres lusMoyen Âgeuchronieémerveillement<p>Une émule mercenaire de Jeanne d’Arc dans une aventure assez inclassable.</p> <p>Voilà un livre (épais) que je ne sais pas encore dans quelle catégorie classer<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/03/24/125-la-guerriere-oubliee#pnote-114-1" id="rev-pnote-114-1">1</a>]</sup> : uchronie ? histoire secrète ? <em>fantasy</em> pure ? Cela fait partie de son charme.</p>
<p>L’ancrage dans notre réalité semble pourtant bien assuré dès le départ : Cendres est une jeune fille, chef d’une compagnie de <strong>mercenaires</strong>, à l’extrême fin du Moyen-Âge, dans les années <strong>1470</strong>. Cinquante ans après Jeanne d’Arc, Cendres aussi entend des <strong>voix</strong> qui la conseillent dans ses manœuvres militaires (le parallèle entre les deux héroïnes est explicite).</p>
<p>Dès les premières pages, le livre est présenté comme une compilation de <strong>documents médiévaux sur la vie de Cendres</strong>, traduite par un érudit de notre époque. Ses échanges d’e-mails avec son <strong>éditrice</strong> s’intercalent régulièrement entre les différents chapitres des péripéties de Cendres, et décrivent leur désarroi respectif grandissant face au déroulement du récit.</p>
<p>Car si Cendres commence par côtoyer des personnages historiques comme le dernier grand duc de Bourgogne <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_le_Téméraire">Charles le Téméraire</a>, ou l’empereur <a href="http://de.wikipedia.org/wiki/Friedrich_III._%28HRR%29" hreflang="de">Frédéric de Habsbourg</a>, la suite est plus étonnante : au détour d’une page, on croise un ambassadeur wisigoth.</p>
<p>Je répète : un ambassadeur <strong>wisigoth</strong>. <br />Au <strong>XVè</strong> siècle.<br />De plus il vient de <strong>Carthage</strong>.</p>
<p>(Pour ceux qui n’ont pas encore tilté, je rappelle que les <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Wisigoths">Wisigoths</a> ont participé aux côtés des Francs, Ostrogoths, Burgondes, Alains, et autres Vandales, au dépeçage de l’Empire Romain dans les années 400.<br />Leur grand royaume en Espagne a tenu assez longtemps, jusqu’à la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Wisigoths#Chute_soudaine_du_Royaume">conquête musulmane au début du VIIIè siècle</a>.<br />Quant à <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Carthage">Carthage</a>, cette ancienne capitale (située non loin de Tunis) d’un empire rival de Rome, a été annexée après les invasions barbares non par les Wisigoths mais par les Vandales (qui avaient laissé leur place en Espagne aux Wisigoths). Puis l’Empire romain d’Orient <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Vandales">annexe la région en 533</a>, et les Arabes prennent à leur tour la ville un bon siècle plus tard.<br />Bref, à l’époque de Cendres, deux tiers de millénaire plus tard, on ne devrait plus entendre parler ni de Wisigoths, ni de Carthaginois.)</p>
<p>L’érudit et son éditrice s’étonnent de cela, mais après tout, les manuscrits médiévaux mélangent facilement réalité et légende, et font peu de cas de la précision chronologique ; et d’ailleurs pourquoi ne serait-il pas resté une cité germanique en Afrique du Nord qui aurait disparu entre-temps ? L’éditrice et le lecteur avalent péniblement la théorie. Soit.</p>
<p>Puis apparaît le <strong>golem</strong>.</p>
<p>Pas celui de la <em>Kabbale</em>, un véritable robot.</p>
<p>Et tout ceci précède une <strong>invasion wisigothe</strong> généralisée de l’Europe par le sud (avec beaucoup de golems).</p>
<p>L’éditrice comme le lecteur s’étonnent ! Ce livre de Cendres, au départ description réaliste des années 1470, se déconnecte totalement de la réalité. <br />Ce n’est qu’un tome 1 donc impossible de savoir comment la contradiction va être résolue. Histoire secrète ? Uchronie ? Changement de ligne temporelle des personnages, leur passé étant modifié et le monde de Cendres devenant légendaire ? Je n’en sais fichtre rien, et je ne veux pas le savoir avant de commencer le tome 2. En filigrane apparaissent quelques questions sur le fonctionnement de la recherche historique et ses lacunes.</p>
<p>Une piste sérieuse sur les thèmes cachés du livre est l’importance donnée à la <strong>Bourgogne</strong>. À la fin du Moyen-Âge, pendant la Guerre de Cent Ans, celle-ci était devenu un État quasi-indépendant, extrêmement riche, s’étendant de la Franche-Comté aux Pays-Bas. Et c’est justement à l’époque de Cendres que le roi de France Louis XI réussira à la détruire. <br />Cette importance de la Bourgogne de Cendres, constitue un des fils du livre, de concert avec l’empilement de mystères sur les origines de Cendres et de ses « voix ».</p>
<p>Une fois acceptés les coups de <del>canif</del> sabre à la trame historique, l’histoire se tient. Cendres vient des bas-fonds et a toujours vécu chez les mercenaires, et la vie de l’époque n’était pas rose du tout, surtout pour une gamine seule. La description est sans complaisance, et d’ailleurs de manière générale réaliste (les personnages font <em>vraiment</em> dans leur froc quand le danger arrive, les dents brisés doivent être limées, on en apprend sur le vocabulaire des armures médiévales, et la relative moralité de l’époque est bien rendue). <br />Cendres n’est pas un personnage très moral aux yeux d’un occidental du XXIè siècle, sa principale motivation est l’argent que rapportent les contrats de sa compagnie de mercenaires - pour survivre, et peu importe le commanditaire. <br />Les personnages secondaires ont tous leurs traits distinctifs et sont un minimum fouillés. La fin du premier tome ne révèle pas grand-chose des motivations de tout ce monde-là.</p>
<p>Au final, un bon tome d’exposition d’une histoire qui change des « tolkienneries » si communes. Le seul reproche que je ferais tient à la taille des pavés que la tétralogie représente, relativement digeste toutefois. Je vais acquérir le second tome...</p>
<p>(<strong>Mise à jour de septembre 2006</strong>) Les trois autres tomes sont du même tonneau. Au final, la tétralogie est un peu longue (un tome en trop en gros) mais si le premier tome a plu, la suite plaira. On comprendra enfin d’où sortent ces Wisigoths anachroniques, et quelle version de l’Histoire est la bonne.</p>
<p>Il existe deux autres critiques (une pour, une contre) sur le Cafard cosmique, qui révèlent plus (trop ?) sur l’intrigue que je ne fais :
<a href="http://www.cafardcosmique.com/Critik/critik/g/Gentle.Mary/Gentle.Cendres1.html">http://www.cafardcosmique.com/Critik/critik/g/Gentle.Mary/Gentle.Cendres1.html</a>.</p>
<p>La copie du présent blog sur la liste Tif a donné lieu à <a href="http://groups.yahoo.com/group/tif/message/7806">une discussion qu’on pourra lire à partir d’ici</a>. Y participe notamment Patrick Marcel, le traducteur du livre !</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/03/24/125-la-guerriere-oubliee#rev-pnote-114-1" id="pnote-114-1">1</a>] <em>Certains diront que classer des livres dans des petites cases est une aberration. Ce n’est pas le débat.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/03/24/125-la-guerriere-oubliee#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/114Mon damoiseauurn:md5:653c04decbcacc321c0d37cfc10135da2006-01-10T13:06:00+00:002013-02-06T20:59:44+00:00ChristopheDes formes des motsadministrationAllemagneconquête de l’inutilediscriminationdécadencedéfense du françaisenfantsincohérencelanguesMoyen Âgemèmeperspectiveprécisionévolution<p>Pourquoi cette discrimination dans les prénoms ?</p> <p>On parle beaucoup de lutte contre les discriminations. Une très courante est qu’on appelle les femmes mariées « Madame » et les célibataires « Mademoiselle ». À l’inverse, « Monsieur », marié, sera toujours « Monsieur ». Pour quelle raison ? Une femme non mariée est-elle incomplète ? Un homme toujours disponible ?</p>
<p>Quel serait l’équivalent masculin de « Mademoiselle » ? « Mondamoiseau » serait logique et une restauration de la grandeur du bon vieux français d’autrefois. Mais je ne le « sens pas » ; il y a comme une ironie sous-jacente. Une autre idée ?</p>
<p>À l’inverse, en Allemagne, le « Fraülein » aurait disparu. Là c’est l’égalité par appauvrissement de la langue.</p>
<p>Constatons également que la paperasse administrative n’est pas au goût du jour : il est actuellement possible pour un couple de choisir le nom de la dame comme nom de famille commun, mais en pratique aucun papier ne m’a demandé mon « nom de jeune homme ».</p>
<p>Les Espagnols ont peut-être raison, dans le sens où Madame peut ne jamais prendre le nom de son mari — ce qui ne simplifie pas certaines relations, mais a des avantages à une époque où l’on peut enchaîner plusieurs mariages dans sa vie (le cas le plus tordu étant la divorcée qui garde le nom de l’ex-mari pour des raisons professionnelles — mais je digresse).</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/01/10/63-mon-damoiseau#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/69« Les Rois Maudits »: Contexte (III)urn:md5:d810ce02bd1843f42221834bd0bbaf0e2005-11-22T18:41:00+00:002010-05-16T19:53:06+00:00ChristopheHistoireGuerre de Cent AnsgénéalogiehistoireHistoire de FranceMoyen Âge<p>Querelle d’héritage entre Robert et Mahaut d’Artois.</p> <h3><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Mahaut_d%27Artois">Mahaut</a></h3>
<p>Comme déjà dit auparavant, Mahaut (en fait Mathilde) avait épousé <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Othon_IV_de_Bourgogne">Othon IV</a>, comte de Bourgogne relevant de l’Empire. Celui-ci avait cédé ses filles Jeanne et Blanche aux fils cadets de Philippe le Bel pour se rapprocher de la France. Après la mort de son mari, Mahaut ne profita pas de ses terres passées, <em>via</em> la dot de Jeanne, dans les mains bourguignonnes. Cependant, elle hérite du comté d’Artois de son grand-père <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_II_d%27Artois">Robert II</a>.</p>
<h3><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_III_d%27Artois">Robert III d’Artois</a></h3>
<p>Le héros de fait de la série est Robert d’Artois, neveu de Mahaut. <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_capétienne_d%27Artois">Ici figure l’arbre généalogique de la maison d’Artois</a> qui clarifie leur parenté.</p>
<p>Robert est également très lié à la famille royale ; de toute façon les grandes familles nobles étaient toutes liées. Il descend d’un frère cadet de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_IX_de_France">Saint Louis</a>. Sa femme est <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_de_Valois_%281304-1363%29">Jeanne de Valois</a>, fille de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Valois">Charles de Valois</a>, frère de Philippe le Bel. Le mariage a lieu en 1320 (donc vers la fin du règne de Philippe V le Long). Il se retrouve donc également le beau-frère du roi <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_VI_de_France">Philippe VI de Valois</a>.<br />Il aura plusieurs enfants, et ses descendants compteront deux comtes d’Eu et une épouse du puissant <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_III_de_Bourgogne">duc de Bourgogne Philippe le Bon</a>, mais sa famille ne recouvrera jamais l’Artois.</p>
<h3>Succession et procès</h3>
<p>Robert est petit-fils du comte Robert II d’Artois, mais Mahaut est la fille de celui-ci, et dernière enfant en vie. Philippe, le père de Robert, est mort prématurément, et donc ne peut hériter à la mort de Robert II. <br />
Le <strong>droit successoral varie en fait selon les coutumes régionales</strong>, est parfois un peu flou, et le procès remonte jusqu’au roi. Mahaut l’emporte, Robert se sent spolié. Son second procès est un désastre, il est même convaincu d’avoir produit des faux. Banni, il va se vendre aux Anglais, et poussera Édouard III à revendiquer la couronne de France.</p>
<p>Des détails, notamment sur la triste mais chevaleresque fin de Robert, sont disponibles sur <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_III_d%27Artois">Wikipédia</a>, dans le livre des <em>Rois maudits</em> de Druon, ou dans le dernier épisode de la série qui passe sur France2 lundi prochain.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/11/22/35-les-rois-maudits-contexte-iii#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/34« Les Rois Maudits » : Contexte (II)urn:md5:0e2f0e1705235907dabbe8b4b9e2cf5b2005-11-21T22:25:00+00:002010-05-05T16:27:41+00:00ChristopheHistoireGuerre de Cent AnsgénéalogiehistoireHistoire de FranceMoyen ÂgeRealpolitik<p>L'histoire familiale des <em>Rois Maudits</em> provoqua un flottement dans les règles dynastiques, et fut le prétexte de la Guerre de Cent Ans.</p> <h3>Une dynastie établie</h3>
<p>Avant <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/987">987</a> et l’avènement des Capétiens, les rois de France, bien qu’à peu près héréditaires, sont théoriquement <strong>élus</strong> par leur pairs. Puis les Capétiens, pendant deux siècles, associent systématiquement leur fils héritier au trône, et évitent toute immixtion des nobles dans la succession ; de même le principe de la <strong>transmission systématique au fils aîné</strong> est vite établi. Enfin, les Capétiens ont la chance de tous avoir un fils pour leur succéder, et ce jusqu’à la disparition des trois fils de Philippe le Bel. <br />Cependant, il est d’usage dans les plus grandes familles nobles, françaises ou étrangères, de transmettre un titre à une fille en l’absence d’héritier mâle (mais c’est son mari qui règne, l’ouverture a ses limites). La chose s’est vue en Flandre, et l'histoire des <em>Rois Maudits</em> est bâtie à cette époque autour de l’affrontement entre Mahaut et Robert d’Artois pour la succession du grand-père de ce dernier - et Mahaut l’emporta.</p>
<p>(La suite se comprendra mieux avec cet <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_IV_de_France#D.C3.A9c.C3.A8s_et_Succession">arbre généalogique sur la page Wikipédia de Charles IV</a>).</p>
<h3><em>Les lis ne filent point</em></h3>
<p>La <strong>mort sans héritier mâle de Louis X</strong> provoque donc un flottement, car il ne laisse que la petite Jeanne comme héritière de ses deux couronnes (France et Navarre). Le frère du défunt roi, Philippe, est bien sûr régent, mais il vise le trône pour lui-même. <br />Il peut écarter Jeanne en la déclarant illégitime. Cependant les preuves ne sont pas absolues, et cela <a href="http://www.france-pittoresque.com/rois-france/philippe-Vb.htm">provoquerait un conflit</a> avec la famille de sa mère (le duc Eudes IV de Bourgogne notamment), et celle de son mari ensuite (la branche capétienne des comtes d’Évreux). C’est à cette occasion qu’est <a href="http://www.voltaire-integral.com/19/loi_salique.htm">quasiment « inventée »</a> la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_salique">loi salique</a>.<br />
Cette loi remonterait aux <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Francs_saliens">francs saliens</a> (tribu de Clovis), qui excluaient les femmes de l’héritage, se trouverait aussi dans le roi romain, et règle les successions dans certaines régions de l’est du pays. Apparaissent aussi les arguments de la <strong>fonction sacerdotale du sacre</strong> (forcément masculine), et le risque qu’une reine épouse un prince étranger, alors que la monarchie française est nationale.
<br />
Il semble cependant que les grands de 1317 aient moins choisi en fonction de principes préétablis que des <strong>personnalités en place et des circonstances</strong> : entre un représentant de la dynastie déjà aguerri, et une jeune fille mineure, le choix était rapide. Les légistes entérineront plus tard le principe, en considérant que le royaume n’est pas un fief et se trouve au-dessus des coutumes féodales.
<br />
Philippe V devra cependant déployer des trésors de diplomatie et paiera cher son maintien sur le trône. À Eudes IV, il donne sa fille aînée <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_de_France_%281308-1347%29">Jeanne</a>.</p>
<p>Quand Philippe V décède par la suite sans fils vivant, son frère Charles suit la même logique, et prend la couronne, alors que la fille du roi défunt Jeanne de Bourgogne aurait pu y prétendre. La loi salique, même légalement bancale, s’impose alors en pratique.</p>
<p>À la mort de Charles IV, il n’y a toujours pas d’héritier mâle (sa femme accouchera d’une fille posthume). On en est donc réduit à chercher du côté des frères de Philippe de Bel, en négligeant les femmes, et c’est <strong>Philippe de Valois</strong>, cousin du roi défunt et fils de Charles de Valois, qui devient roi sous le nom de Philippe VI.</p>
<p>Celui-ci règle définitivement (côté français...) la question en « dédommageant » sa cousine Jeanne de Navarre (fille de Louis X, si vous suivez). Celle-ci est reconnue comme légitime, ce qui apaise les tensions avec les Bourgogne et les Évreux. La loi salique lui coupe les droits à la couronne de France, mais il est convenu finalement que cette loi ne s’applique pas à la Navarre, et Jeanne et son mari Philippe peuvent la récupérer. La Navarre restera indépendante jusqu’à ce que son roi (notre Henri IV) devienne roi de France.</p>
<h3>Le prétexte de la Guerre de Cent Ans</h3>
<p>Cependant, un tel <strong>imbroglio</strong> ne peut qu’encourager les contestations. Jeanne de Navarre et Philippe d’Évreux s’en tirent à bon compte, mais leur fils, <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_II_de_Navarre">Charles le Mauvais</a></strong> (petit-fils de Louis X donc), se considérera toujours comme l’héritier légitime, et jouera un rôle déstabilisateur au début de la Guerre de Cent Ans.</p>
<p>Plus grave, le <strong>roi anglais <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Édouard_III_d%27Angleterre">Édouard III</a></strong> est fils d’<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Isabelle_de_France_%281292-1358%29">Isabelle</a>, fille de Philippe le Bel. Il considère ses droits supérieurs à ceux de Philippe VI : il en est le petit-fils alors que Philippe VI n’en est que le neveu.</p>
<p>Ceci n’est qu’un <strong>prétexte</strong> car, que la loi salique existe ou pas, que Jeanne de Navarre soit bâtarde ou pas, que les filles puissent transmettre les droits sans régner elles-même ou pas, les droits d’Édouard sont inférieurs à ceux d’autres descendants d’enfants de Philippe le Bel, comme les filles de Philippe V et Charles IV, ou Charles le Mauvais. <br />C’est sans doute pour cela qu’Édouard III se limite un temps au pillage de la France (avec son fils le <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Prince_Noir">Prince Noir</a>). Lorsque <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_II_de_France">Jean II</a>, fils de Philippe VI, est fait prisonnier et doit signer le <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Treaty_of_Brétigny">traité de Brétigny</a>, Édouard se « contente » aussi de la moitié de la France et n’exige finalement pas la couronne. (Et ce, contrairement à <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_V_d%27Angleterre">Henri V</a> qui visa la couronne dans la deuxième partie de la Guerre de Cent Ans).</p>
<p>Édouard III ne profita guère de ses conquêtes : avant sa mort, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_V_de_France">Charles V</a>, le fils de Jean II (l’arrière-petit-fils du Charles de Valois que l’on voit dans la série donc), avec l’aide de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bertrand_Du_Guesclin">du Guesclin</a>, reconquerra la plupart des territoires perdus.</p>
<p><em>À suivre dans la <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2005/11/22/35-les-rois-maudits-contexte-iii">partie III</a>...</em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/11/21/34-les-rois-maudits-contexte-ii#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/35« Les Rois Maudits » : Contexte (I)urn:md5:3b883767671d3417ca41ac333868d7be2005-11-21T19:05:00+00:002014-02-26T10:29:22+00:00ChristopheHistoireGuerre de Cent AnsgénéalogiehistoireHistoire de FranceMoyen Âge<p>La série est excellente, mais explique mal d’où viennent les personnages et le contexte. (Attention je révèle la fin !)</p> <p>J’avais une appréhension envers cette série (décors de science-fiction pour un roman qui se base sur de l’Histoire réelle), cependant j’ai été séduit (<em>Mise à jour du 12/1/2006</em> : Le dernier épisode de la série est bien plus faible et difficile à comprendre.). Le livre bien sûr ne peut être rendu complètement, et lui-même expliquait mal d’où viennent les personnages et le contexte ; de plus les liens entre ces personnages tous plus ou moins cousins sont parfois flous.</p>
<p>(Les liens pointent sur <a href="http://www.wikipedia.org/">Wikipedia</a> ou la <a href="https://www.coindeweb.net/histoire/">page Histoire de mon site</a>. <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Rois_maudits">Cette page</a> résume les différents tomes de la série. Le <a href="http://les-rois-maudits.france2.fr/">site de la série</a> contient aussi des éléments historiques. On trouvera une <a href="http://www.euratlas.net/AHP/grand/gr1300.htm">carte de l’Europe en 1300 sur Euratlas</a>.)</p>
<h3>L’époque</h3>
<p>Le <strong><a href="https://www.coindeweb.net/histoire/hist_fr2.html#XII">XIIIè siècle a été l’apogée du Moyen Âge</a></strong>, avec une relative prospérité, des défrichements, une expansion démographique, la mise en place des pouvoirs royaux (qui limite le pouvoir des nobles), un début d’état de droit, l’apparition d’une bourgeoisie entreprenante, l’expansion géographique de la Chrétienté.</p>
<p>Le <strong><a href="https://www.coindeweb.net/histoire/hist_fr2.html#XIII">XIVè siècle sera par contre cauchemardesque</a></strong> - et les Rois Maudits se situent à son début. Les transformations du siècle précédent produisent leurs effets pervers, l’expansion s’essoufle, la crise économique frappe. En conséquence, les problèmes politiques s’accroissent, et la <a href="https://www.coindeweb.net/histoire/hist_fr2.html#XIV">Guerre de Cent Ans</a> n’en sera que le paroxysme. La <a href="http://www.wikipedia.org/wiki/Peste_noire">Peste Noire</a> frappera également sous le règne de Philippe VI.</p>
<h3><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_IV_le_Bel">Philippe IV le Bel</a></h3>
<p>Roi héritier de la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Capétiens">dynastie capétienne</a>, de 1285 à 1314. Depuis trois siècles ses ancêtres gouvernent la France de père en fils, sans interruption ni crise majeure, et depuis un siècle ils en sont les plus puissants et incontestés seigneurs. Philippe le Bel est un <strong>administrateur</strong> à la personnalité rigide, et non un pur chevalier comme nombre de ses ancêtres. Bien que relativement paisible, son règne est dominé par les <strong>problèmes d’argent</strong>, et la série des <em>Rois Maudits</em> rend bien compte des spoliations effectuées aux dépens des Juifs, des banquiers italiens (les Lombards) ou des Templiers.</p>
<p>Philippe le Bel a épousé <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_Ire_de_Navarre">Jeanne Ire de Navarre-Champagne</a> ; il est donc lui-même également <strong>roi de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Navarre">Navarre</a></strong> (un petit royaume pyrénéen) jusqu’à la mort de sa femme.</p>
<h3>Les fils de Philippe le Bel : Louis X, Philippe V, Charles IV</h3>
<p>Ces trois frères marquent ensemble la <strong>fin de cette branche des Capétiens</strong> <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/11/21/33-les-rois-maudits-contexte#pnote-33-1" id="rev-pnote-33-1">1</a>]</sup>.</p>
<p>L’aîné, <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_X_de_France">Louis X le Hutin</a></strong> est déjà roi de Navarre depuis la mort de sa mère, et hérite de la couronne de France à la mort de son père. J’ignore dans quelle mesure Maurice Druon lui a « taillé un costard » en le dépeignant comme un incapable.
<br />Sa première femme est <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Marguerite_de_Bourgogne_%281290-1315%29">Marguerite de Bourgogne</a>, sœur du duc de Bourgogne <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Eudes_IV_de_Bourgogne">Eudes IV</a>, fidèle soutien de la monarchie capétienne à l’époque. Marguerite est impliquée dans l’<strong>affaire de la Tour de Nesles</strong>, et finit sans doute assassinée pour faciliter le remariage de Louis. Sa fille Jeanne est donc soupçonnée d’être une bâtarde, ce qui aura son importance plus tard.
<br />Sa deuxième femme, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Clémence_de_Hongrie">Clémence de Hongrie</a> (une capétienne de la branche d’Anjou, branche qui conquit un temps les couronnes de Naples et de Hongrie), ne laisse derrière elle qu’un enfant, <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Ier_de_France">Jean Ier le Posthume</a></strong>, né après la mort de Louis, et qui ne vit pas. Certains ont même accusé son oncle Philippe d’avoir empoisonné l’enfant (l’échange d’enfants et l’empoisonnement par Mahaut dans les <em>Rois Maudits</em> sont pur roman).</p>
<p>Le cadet, <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_V_de_France">Philippe V le Long</a></strong>, est sans doute le plus capable des trois frères. À la mort de son frère aîné Louis, il profite du décès de son neveu Jean, des doutes sur la légitimité de la petite Jeanne, et de l’établissement de la <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_salique">loi salique</a></strong> pour prendre le trône. Il règnera six ans.</p>
<p>Le benjamin, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_IV_de_France">Charles IV le Bel</a>, règne aussi six ans après la mort de ses frères sans héritier mâle vivant. Sa femme est aussi convaincue d’adultère, et le mariage annulé. À son décès, sa troisième femme est enceinte, mais elle accouche d’une fille. Charles IV est donc le dernier Capétien direct.</p>
<h3><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Valois">Charles de Valois</a></h3>
<p>Joué par Jacques Spiesser dans la série télévisée actuelle, il est le frère du roi Philippe le Bel, et de caractère très opposé à son frère. Bon chef de guerre mais très médiocre politique, il représente la <strong>féodalité</strong> face à la modernité de son frère. Il passe sa vie à courir après une couronne en Italie ou Allemagne, mais c’est son fils, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_VI_de_France">Philippe VI</a>, qui hérite de la couronne de France, après la mort de Charles et des trois fils de Philippe le Bel.</p>
<h3><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Mahaut_d%27Artois">Mahaut d’Artois</a> et le rattachement du Comté de Bourgogne</h3>
<p>À cette époque, le duché de Bourgogne et le <a href="http://gilles.maillet.free.fr/histoire/recit_bourgogne/recit_comte_bourgogne.htm">comté de Bourgogne</a> (l’actuelle <a href="http://www.cr-franche-comte.fr/logo/embleme.php">Franche-Comté</a>) sont deux entités différentes. Le <strong>duché</strong> est en France, fidèle au pouvoir royal, mais le <strong>comté</strong> relève par contre du <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Saint_empire_romain_germanique">Saint Empire Romain Germanique</a>.</p>
<p>Désireux de se rapprocher du royaume de France, pour contrer l’influence impériale et contenir ses propres vassaux, le comte <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Othon_IV_de_Bourgogne">Othon IV</a> épouse Mahaut (Mathilde) d’Artois</strong>, fille du comte d’Artois. Plus tard il promet ses deux filles (Jeanne et Blanche) aux fils cadets (Philippe et Charles) du roi de France Philippe le Bel. De plus, contrairement à toute attente, Mahaut hérite de l’Artois, et son mari devient ainsi <strong>pair de France</strong>.</p>
<p>Cependant, Othon IV est las des révoltes de ses vassaux (qui craignent la tutelle française, plus proche que l’impériale), et il cède son comté comme dot de sa fille Jeanne (épouse du futur Philippe V le Long) tout en en laissant l’administration à Eudes IV (le frère de Marguerite de Bourgogne, l’épouse du prince héritier Louis). <br />Par la suite, la fille de Jeanne et de Philippe V, nommée également Jeanne, épouse Eudes en apportant en dot le comté, les réunissant sous une même couronne ducale.</p>
<p>L’histoire de Mahaut et de ses filles est ainsi liée au <strong>rattachement du comté de Bourgogne à la France</strong> <em>via</em> le duché de Bourgogne. <br />(Comté et duché seront à nouveau séparés quand la grande Bourgogne de Charles de Téméraire sera démantelée, un siècle et demi plus tard ; il faudra attendre Louis XIV pour <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_la_Franche-Comté">rattacher définitivement la Franche-Comté à la France</a>).</p>
<h3>L’affaire de la Tour de Nesles</h3>
<p>Le livre et la série s’étendent longuement sur les deux princes fait cocus par leurs femmes. Historiquement, cela ne portera pas trop à conséquence pour Blanche, femme de Charles IV, mais cela perturbera grandement la succession de Louis X.</p>
<h3><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jeanne_II_de_Navarre">Jeanne II de Navarre</a>, fille de Louis X, et les successions</h3>
<p>La petite Jeanne de Navarre n’est qu’une enfant au moment de ces événements, et qu’un pion dans les jeux politiques de ses parents, oncles, puis mari.</p>
<p>D’une part, à cause de l’affaire de la Tour de Nesles, elle est suspecte d’être <strong>bâtarde, donc illégitime</strong>. <br />D’autre part, il y a le problème de la <strong>succession des deux royaumes</strong> dont son père était roi : celui de France, qui intéresse tout le monde, et celui de Navarre, moins important. Chacun de ces royaumes a ses lois quant aux successions ; ils ne sont pas liés irrémédiablement.</p>
<p>Jeanne épouse son cousin <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_III_de_Navarre">Philippe d’Évreux</a> (fils de Louis d’Évreux, frère cadet de Philippe le Bel), qui négocie la succession de sa femme.</p>
<p><em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2005/11/21/34-les-rois-maudits-contexte-ii">À suivre…</a></em></p>
<div class="footnotes"><h4 class="footnotes-title">Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/11/21/33-les-rois-maudits-contexte#rev-pnote-33-1" id="pnote-33-1">1</a>] <em>Bizarrement, des fins de dynastie avec trois frères se produiront encore deux fois dans l’Histoire de France : les derniers Valois Charles IX, François II et Henri III pendant les Guerre de Religion, et les derniers Bourbons autour de la Révolution: Louis XVI et XVIII, et Charles X.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/11/21/33-les-rois-maudits-contexte#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/33Le Krakatoa et l’histoire du mondeurn:md5:a12a87f265fbe0988d034be985ef827d2005-11-03T15:30:00+00:002023-01-02T16:29:21+00:00ChristopheHistoireByzancecataclysmeeffet de serreGaïaMoyen Âgeperspectivespéculationuchronievolcansécologie<p>En 535 l’éruption d’un volcan (le Krakatoa ?) a changé l’histoire du monde. Rien que ça. Et on ne le savait pas jusque récemment.</p> <p>Vu avant-hier soir un passionnant reportage sur <a href="http://www.planete.tm.fr/">Planète</a> : <em>L’incroyable catastrophe</em> (Gary Johnstone, Grande-Bretagne 1999). Il sera rediffusé plusieurs fois dans les jours qui viennent.</p>
<h3>Découverte d’une catastrophe</h3>
<p>L’histoire, si l’on peut dire, commence avec la découverte de <strong>plusieurs années de croissance faible</strong> dans les arbres de plusieurs continents, aux environs de <strong>535-540</strong>. (Imaginer le travail de fourmi pour compter les cernes de croissance dans des monuments si anciens...).</p>
<p>C’est l’indice d’un <strong>accident climatique majeur</strong> au tout début du Moyen-Âge (l’Empire romain vient de s’effondrer, les premiers <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Mérovingiens">Mérovingiens</a> confortent l’Empire <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Francs">franc</a>, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_byzantin">Byzance</a> repart à la conquête de l’Occident...). Il doit y avoir des traces dans les documents de l’époque. Et le chercheur trouve : des mentions de soleil voilé et de printemps et été exceptionnellement froids à Rome à cette époque.</p>
<p>Cela rappelle 1816, nommée « <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Year_Without_A_Summer" hreflang="en">l’année sans soleil</a> » à cause de l’éruption du Tambora en Indonésie l’année précédente. Les poussières projetées avaient refroidi le climat mondial pendant des mois et provoqué des famines dans une Europe affaiblie au sortir des guerres napoléoniennes.</p>
<p>Les pistes de l’impact d’astéroïde ou de comète sont étudiées. Mais il n’y a pas de cratère de cette époque. Le verdict tombe grâce à des carottes de glace d’Antarctique et du Groenland, où une dose anormale de soufre de cette époque-là indique une <strong>origine incontestablement volcanique</strong>.</p>
<p>Le célèbre volcan <strong><a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Krakatoa" hreflang="en">Krakatoa</a></strong> est le suspect principal sans que les fouilles là-bas en aient apporté la preuve définitive.</p>
<h3>Impacts</h3>
<p>Le plus intéressant et le plus fascinant, de mon point de vue d’historien amateur et pratiquant de la théorie du chaos, est l’<strong>impact sur nos civilisations</strong>, particulièrement à cette époque extrêmement troublée en Europe. Les problèmes agricoles, suite à des années de mauvaises récoltes, ont dû être terribles.</p>
<p>Loin de nous, au Mexique, une des plus grandes cités du monde est alors <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Teotihuacan">Tehotihuacan</a></strong>. La cause de sa chute brutale est mal connue. La théorie est que les problèmes agricoles de l’époque (sécheresse) ont provoqué une énorme surmortalité et miné sa puissance, et provoqué sa chute. (Au passage, notons un détail fascinant : il y a un débat sur les dates exactes de la chute de la ville, carrément de 150 ans, comme si on mélangeait Révolution et Seconde Guerre Mondiale !).</p>
<p>En Angleterre, la catastrophe (ou plutôt ses conséquences climatiques) se répercuteraient directement dans les <strong>mythes arthuriens</strong>, à savoir la mort du <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Roi_Arthur">roi Arthur</a> dans un royaume en décomposition. <br />Arthur n’est pas totalement légendaire et les dates concordent. À cette époque la Bretagne <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Britto-romains">britto-romaine</a> se retrouve envahie par des peuples germaniques (Angles, Saxons), et les problèmes climatiques auraient facilité leur victoire. Sans le Krakatoa l’Angleterre n’aurait peut-être jamais été.</p>
<p>À l’autre bout de l’Europe se déroule un autre événement capital : la <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Peste_de_Justinien">Peste justinienne</a></strong>. Byzance à cette époque est un empire puissant, et l’empereur Justinien a recommencé à reconquérir les parties occidentales de l’ancien Empire romain, l’Italie notamment. Cet élan est brisé par un épisode de peste effroyable, qui se répand facilement dans tout cet empire basé sur le commerce. <br />Selon la théorie du documentaire, la cause est le <strong>refroidissement des foyers de peste</strong> « naturels » de la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Grands_Lacs_%28Afrique%29">région des Lacs</a> en Afrique, via une mouche vecteur de la maladie.</p>
<p>L’Empire byzantin subit d’autres conséquence de l’éruption de 535.<br />
À cette époque les steppes d’Asie centrale sont dominées par un peuple proto-mongol, les <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Avars">Avars</a></strong>. Juste après cette période, des peuples turcs les taillent en pièce. La cause principale de ce renversement serait la <strong>dépendance des Avars envers leurs chevaux</strong>, et ceux-ci auraient beaucoup moins bien supporté les changements climatiques et les problèmes d’approvisionnement que le bétail des peuples voisins.<br />La conséquence est que les Avars fuient et rejoignent la longue liste des peuples migrants d’Asie centrale en Europe ; quelques décennies plus tard ils établissent leur empire à partir de la <strong>Hongrie</strong> et leur combativité retrouvée leur permet de piller les régions environnantes. Ils ajoutent une menace supplémentaire sur l’Empire byzantin à un moment critique de son existence. Il faut attendre <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charlemagne">Charlemagne</a> pour débarrasser l’Europe des Avars, des siècles plus tard.</p>
<p>Les conséquences ci-dessus sont un peu spéculatives, surtout que l’histoire est un domaine où le multifactoriel est la règle. La dernière conséquence est encore plus osée...<br />Après 535, le <strong><a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Yemen" hreflang="en">Yémen</a></strong>, puissance dominante de la péninsule arabique, grâce notamment à un barrage géant, subit des sécheresses graves. Des problèmes alimentaires apparaissent. La déchéance du Yémen permet la montée de <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9dine_%28Arabie_saoudite%29">Médine</a></strong> et <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Mecque">La Mecque</a></strong> en Arabie, et là réside une famille qui acquière une certaine notoriété grâce à son aide aux zones frappées. Dans cette famille naîtra <strong>Mahomet</strong>, et de Médine et La Mecque surgira le <strong>premier Empire islamique</strong> - aux dépens notamment de Byzance. Même à un siècle d’intervalle, l’apparition et l’expansion de l’Islam serait une conséquence de l’éruption de 535.</p>
<h3>Et si ça recommençait ?</h3>
<p>Le Krakatoa est toujours actif, et bien sûr sous surveillance. Une catastrophe météorologique mondiale de plusieurs années peut se reproduire rapidement, avec ce volcan ou un autre, comme elle s’est passé en 1815 avec le Tambora, ou plus récemment en 1991 avec le <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Pinatubo" hreflang="en">Pinatubo</a>. <br />
Je ne suis pas géologue et j’aimerais être certain que les grands volcans soient tous sous surveillance. Non que cela puisse changer grand chose au résultat, nous n’avons pas la technologie pour empêcher les aérosols de faire chuter la température mondiale et d’endommager la couche d’ozone. Ce ne serait pas la fin du monde, mais probablement une mauvaise période à passer, un désastre pour les pays pauvres, et une leçon pour les riches. <br />Il reste à espérer que cela n’arrivera pas à nouveau avant très longtemps.</p>
<h3>Validité de la théorie</h3>
<p>Le documentaire était forcément partial, mais cette théorie semble tenir. Il semble à peu près sûr que pendant quelques années après 535 le climat a été très altéré ; l’impact fut forcément énorme sur les différentes civilisations de l’époque, en les frappant plus ou moins sévèrement et en renversant des suprématies.</p>
<p>Il est peut-être un peu présomptueux d’en faire la cause principale de la peste justinienne, de la germanisation de la Grande Bretagne, de l’arrivée des Avars. Si le Krakatoa avait explosé deux millénaires plus tôt ou plus tard, Justinien aurait peut-être bien achevé la reconquête du bassin méditerranée, les Avars n’auraient jamais attaqué Constantinople, l’Islam ne serait jamais sorti d’Arabie, la chrétienté serait la principale religion de la planète...</p>
<p>Ou peut-être pas.</p>
<p>La peste serait peut-être arrivée à Constantinople 50 ans plus tard (car il ne suffit pas d’une cause, un milieu pour le développement est aussi nécessaire) ; les Avars auraient quand même migré naturellement, ou bien les Slaves et Bulgares auraient rempli leur « niche écologique » dans les Balkans ; les Saxons auraient mis juste 20 ans de plus à conquérir la Bretagne, et l’Islam serait peut-être venu sous une forme différente au même moment avec un autre prophète - les Empires perse et byzantin avaient forcément des faiblesses à cette époque pour être balayés aussi rapidement.</p>
<p>En tout cas, cette catastrophe fait un très bon <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Point_de_divergence">point de divergence</a> pour une <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Uchronie">uchronie</a>.</p>
<p>Bien d’autres détails sur cette théorie sont disponibles sur le <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Climate_changes_of_535-536" hreflang="en">site anglophone de Wikipedia</a>.</p>
<p><strong>Mise à jour d'octobre 2020</strong> : Ce dernier lien liste plusieurs autres volcans possibles. <em>Science & Vie</em>, dans un article du dernier numéro, <em><a href="https://www.science-et-vie.com/nature-et-enviro/536-annee-maudite-58862" hreflang="fr">536, l'année maudite</a></em>, évoque les hypothèses de deux éruptions volcaniques de grande ampleur, plutôt aux hautes latitudes. Ce refroidissement, le pire de l'histoire, aurait duré une dizaine d'années. Les cendres retombent certes en moins de deux ans, mais le refroidissement s'auto-entretient un certain temps (extension de glaciers réfléchissants et modification des courants océaniques). L'article liste quelques preuve archéologiques sur toute la planète. L'impact en Scandinavie semble avoir été dévastateur.</p>
<p><strong>Mise à jour de janvier 2022</strong> : <a href="https://www.science.org/content/article/why-536-was-worst-year-be-alive" hreflang="en">des carottes glaciaires accuseraient plutôt des volcans islandais</a></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/11/03/23-le-krakatoa-et-l-histoire-du-monde#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/25Byzance (III) : Nouveau redressement et agonieurn:md5:f9a32c9f365cbb6d21a767ef63cbb6d02005-10-27T22:36:00+00:002010-05-02T13:50:11+00:00ChristopheHistoireautodestructionByzancechristianismeCroisadeshistoireMoyen Âgeperspectivereligion<p>L’Empire byzantin échappa de peu à l’effondrement, mais entre 800 et 1025 redevint une puissance. Puis la résurrection de l’Occident, les croisades, finalement la poussée turque, lui furent fatals un demi-millénaire plus tard.</p> <p>Aux abords de l’an 800, Byzance n’était déjà <strong>plus que l’ombre de l’Empire de Justinien</strong>, pas seulement territorialement mais aussi culturellement. Mais par rapport à l’Europe qui baignait encore dans l’instabilité du Haut Moyen-Âge, elle représentait encore une <strong>société très avancée et organisée</strong>, et l’Empire arabe en face montrait ses premiers signes de faiblesse et d’éclatement.</p>
<h3>L’apogée de l’an 1000</h3>
<p>Le IXè siècle commença par une <strong>reconquête de la Grèce</strong> occupée par les Slaves, mais aussi des défaites face aux Bulgares, aux Arabes, et une <strong>instabilité politique</strong> liée en partie à la querelle de l’iconoclasme. Le <strong>redressement</strong> démographique et fiscal était cependant là. Il se doubla d’une extension de l’influence religieuse par la <strong>conversion des Bulgares</strong> (par les moines <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Cyrille_et_Méthode">Cyrille et Méthode</a> notamment, inventeurs de l’alphabet cyrillique) puis des <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Serbes">Serbes</a> et des <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Grande-Moravie">Moraves</a>, et de nouvelles querelles de liturgie et d’influence territoriale avec Rome.</p>
<p>Après un siècle de guerres défensives, une reconquête laborieuse fut entamée sur le front oriental ; puis la Bulgarie, à qui Byzance paya un temps tribu, fut vaincue. La Crète notamment fut reprise et l’Anatolie libérée des incursions arabes. Le <strong>cœur de l’Empire était à nouveau en sécurité</strong>, même si la Sicile fut perdue. Aux approches de l’an <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/1000">1000</a>, l’Empire s’étendait en Arménie et Syrie, en Bulgarie sous la conduite d’empereurs exceptionnels.</p>
<p>Le dernier d’entre eux fut <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Basile_II_%28empereur_byzantin%29">Basile II</a></strong>, qui après une dure guerre civile, annexa la Bulgarie, établit duchés et protectorats dans le Caucase, s’allia à une nouvelle puissance russe, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Rus%27_kiévienne">Kiev</a>, renfloua massivement les caisses de l’État. <br />Il mourut alors qu’il préparait la reconquête de la Sicile. Byzance était alors à nouveau la principale puissance du bassin méditerranéen, ayant atteint à nouveau ses limites « naturelles » (Balkans jusqu’au Danube, riches zones côtières de l’Anatolie, Grèce) correspondant aux zones à majorité chrétienne dans cette région.</p>
<p>Économie et démographie étaient en pleine <strong>expansion</strong>, mais le principal atout de Byzance était <strong>son armée et son administration</strong>, par rapport notamment au <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Abasside">califat abasside</a>, trop riche et étendu pour être stable. L’activité culturelle fut stimulée par la <strong>conversion des peuples balkaniques</strong>.</p>
<p>Cependant l’Occident lui aussi connaissait avec la société féodale une période de renouveau qui allait à long terme être fatal à Byzance.</p>
<h3>L’époque des croisades</h3>
<p>Les successeurs de Basile II furent bien moins capables que lui, et <strong>dilapidèrent</strong> les réserves financières. Les dernières possessions au sud de l’Italie furent prises par les Normands, et, surtout, les <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Turcs_seldjoukides">Turcs seldjoukides</a> s’installèrent en Anatolie</strong> - perte terrible pour l’Empire.</p>
<p>Parallèlement l’influence des <strong>villes marchandes italiennes</strong> (<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Venise">Venise</a>, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Gênes">Gênes</a>...) grimpa en flêche, avec des comptoirs jusqu’à Constantinople, et un rôle actif dans la politique extérieure impériale. Le déclin commercial et la rancœur grecs contribuèrent fortement à <strong>détériorer les relations entre l’Empire et l’Europe occidentale</strong>. Le <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Grand_Schisme_d%27Orient">Grand Schisme</a> de 1054</strong> (excommunications réciproques du pape et du patriarche de Constantinople) n’est qu’un épisode des différences religieuses et linguistiques.</p>
<p><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis_Ier_Comnène">Alexis Comnène</a> fut l’artisan de la principale tentative de redressement à la fin du XIè siècle, mais en fut réduit à appeler des mercenaires italiens à l’aide contre l’avance normande. Il mata des insurrections (Crète, Chypre) et repoussa de nouvelles avancées turques (Égée) et <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Pétchenègues">pétchenègues</a> (en Thrace). Mais l’Anatolie semblait totalement perdue et l’Empire réduit à un État européen moyen.</p>
<p>Un tournant se produisit cependant en 1095 avec l’appel du pape <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Urbain_II">Urbain II</a> à la <strong>Croisade</strong> en Occident, malgré le schisme. Au rendez-vous de Constantinople, Alexis obtint la suzeraineté théorique sur les territoires reconquis, mais il se méfiait des Croisés, ne les aida guère, et en conséquence leur alliance demeura très précaire. De plus il ne tira pas profit des défaites turques en Anatolie.</p>
<p>Cette méfiance ne fit que s’accentuer, les ambitions de certains Croisés, notamment normands ou vénitiens, risquant de nuire à Byzance. Les Croisades suivantes considéreront les <strong>Byzantins plus des ennemis que comme des alliés</strong>.</p>
<p>Pendant tout le XIè siècle, l’Empire se trouva en guerre contre les Turcs, les Vénitiens, les Hongrois, les Serbes, les <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Royaume_de_Sicile">Normands de Sicile</a>, les États croisés, et la Grèce même devint un champ de bataille. <br />Cependant aux abords de 1200, Byzance est encore territorialement presque intacte, les liaisons maritimes lui conservent son unité, et l’économie fonctionne bien. Administrativement et politiquement la situation est bien plus grave, la <strong>richesse de la capitale sert plus à alimenter les luttes entre clans</strong> qu’à assurer les frontières de l’Empire, et l’armée est moins efficace.</p>
<p>En <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/1204">1204</a>, un des prétendants au trône se fait restaurer sur le trône par les membres de la <strong>IVè Croisade</strong> en échange du paiement de leur transport par Venise ; mais le nouvel Empereur est incapable de payer et Constantinople pour la première fois depuis sa fondation, est prise par une armée étrangère, et <strong>pillée de fond en comble</strong>.</p>
<h3>1204 : L’Empire latin, la division, la restauration</h3>
<p>La chute de Constantinople mena à la <strong>fragmentation de l’Empire</strong>. Les Croisés nommèrent Baudouin de Flandres à la tête de l’Empire latin, réduit à une partie de la Thrace et de l’Anatolie autour de la capitale, et se partagèrent le reste (Crète et Négrepont à Venise, duchés francs en Grèce...), pendant que les divers prétendants au trône d’avant la chute fondaient leurs <strong>petits empires grecs</strong> à <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Nicée">Nicée</a>, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_grec_de_Trébizonde">Trébizonde</a>, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Thessalonique">Thessalonique</a> ou en <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Épire">Épire</a>.</p>
<p>Le demi-siècle suivant se passa en guerres entre ces différentes entités, les empires grecs se refusant à s’allier pour achever les derniers fragments de l’Empire latin. Ce fut l’<strong>empire de Nicée</strong> de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Paléologue">Michel Paléologue</a> qui emporta la mise, prit la capitale et restaura l’Empire (Thrace, Épire, une partie de l’Anatolie, de la Grèce ; Trébizonde resta indépendant). Michel continua à défendre ses territoires, notamment contre les Francs de Charles d’Anjou installés à Naples, et finança contre eux les <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Vêpres_siciliennes">Vêpres siciliennes</a>. Une tentative de réunification des Églises catholique et orthodoxe avorta.</p>
<h3>Un siècle et demi d’agonie</h3>
<p>Le XIVè siècle commença par des guerres contre les Serbes et Venise, puis les Turcs achevèrent leur conquête de l’Anatolie. Réduits à embaucher des mercenaires italiens ou catalans qu’ils ne pouvaient solder et qui devenaient autant de pillards, les empereurs réussirent tout de même à rétablir par la suite la situation notamment à l’ouest. Mais les <strong>guerres civiles</strong> de succession reprenaient périodiquement et à partir de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/1347">1347</a> la <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Peste_noire">Peste Noire</a></strong>, en s’attaquant d’abord aux régions côtières et portuaires qui étaient tout ce qui restait de l’Empire, brisa tout espoir de revoir un jour Byzance prospérer.</p>
<p>Les Serbes envahirent la Thessalie et l’Épire, l’Empire se fragmenta et les puissances étrangères prirent part à de nouvelles guerres civiles. Peu après les <strong>Turcs ottomans</strong> passèrent en Europe, en quelques années écrasèrent les Serbes et s’imposèrent dans les Balkans. Constantinople se retrouva encerclé.</p>
<p>À l’orée du XIVè siècle, l’Empire byzantin n’était plus constitué que de sa capitale, de quelques ports comme Thessalonique et d’une partie du Péloponnèse. Le premier siège ottoman fut longtemps soutenu grâce à l’aide des villes italiennes. L’empereur <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_II_Paléologue">Manuel II Paléologue</a> fit un tour d’Europe des capitales pour appeler à l’aide, ne récoltant que de la sympathie.</p>
<p>En <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/1402">1402</a> le conquérant mongol <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Tamerlan">Tamerlan</a></strong> écrasa les Turcs, et Constantinople fut sauvée pour quelques années. Un nouveau siège eut lieu en 1421, qui échoua, mais Thessalonique fut perdu. En <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/1444">1444</a> une croisade fut lancée par le pape, parallèlement à des préparatifs pour une réunification des Églises, mais les Turcs l’écrasèrent.</p>
<p><strong>Constantinople tomba en <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/1453">1453</a></strong> aux mains du sultan Mehmed II, dont l’armée disposait de canons. L’Empereur tué, les dignitaires exécutés, Constantinople devint <strong>Istanbul</strong>, capitale de l’Empire ottoman. Les Ottomans maintinrent l’Église orthodoxe, évitant évidemment qu’elle ne se rapproche de Rome.</p>
<p>Sept ans plus tard disparaissait le petit empire de Trébizonde, dernier vestige de l’empire grec. Toutes les terres de l’ancien Empire byzantin restèrent ottomanes jusqu’à l’indépendance grecque en 1830.</p>
<h3>Conclusion</h3>
<p>L’empire d’Orient <strong>survécut quasiment un millénaire à celui d’Occident</strong>. Issu des <strong>régions les plus riches</strong> de l’Empire romain, fort d’une administration, d’une armée, d’une civilisation très en <strong>avance</strong> sur ses voisins, il sut maintenir ses ennemis à distance sur ses nombreuses frontières et reconquérir au VIè siècle une part notable de l’empire d’Occident.</p>
<p>On peut se demander ce qui se serait passé sans la peste de l’époque justinienne, qui cassa cet élan. Cependant, les pires pertes territoriales eurent lieu sous la <strong>pression musulmane</strong>. La seconde apogée sous Basile II démontrait que cet empire plus ramassé et plus homogène, très civilisé, pouvait avoir encore un bel avenir. Même l’éclatement après la chute de 1204 ne fut pas fatal à la culture byzantine et, mieux gouverné, mieux soutenu, cette civilisation aurait peut-être pu résister aux Turcs et participer à la Renaissance.</p>
<p>Économiquement l’Empire fut en général florissant grâce à ses <strong>riches provinces</strong> et à une <strong>position commerciale idéale</strong> ; cependant il échoua à cause de plusieurs facteurs :</p>
<ul>
<li>l’<strong>incapacité des classes politiques et dirigeantes</strong> à maintenir à bien des époques un système stable, provoquant ainsi d’innombrables guerres civiles et d’affrontements pour le trône, souvent aux pires moments possibles ;</li>
<li>le rôle prépondérant joué par la religion et les <strong>querelles théologiques</strong> (monophysisme, iconoclasme, Grand Schisme...), qui divisa souvent l’Empire, lui coûta une énergie précieuse, et rendit très problématiques ses relations avec l’Occident ;</li>
<li>le développement (après bien des siècles tout de même !) de l’<strong>Europe occidentale</strong> qui lui soutira la prépondérance commerciale en Méditerranée (Venise, Gênes...) voire l’attaqua directement (Normands, IVè Croisade) ;</li>
<li>des <strong>épidémies</strong> qui tombèrent fort mal, comme la peste de l’époque justinienne, ou la Peste Noire.</li>
</ul>
<p>Cet Empire n’était pas un État-nation, mais il était d’abord <strong>grec</strong>, et la Grèce en est issue. Il féconda également la <strong>Renaissance italienne</strong> lors de l’émigration d’érudits après la chute de la capitale. <br />De plus, l’héritage de Byzance est présent dans l’<strong>Église orthodoxe</strong>, à laquelle la culture byzantine s’était toujours identifiée, et la Russie notamment se considéra comme l’héritière directe de l’Empire (« Troisième Rome ») ; mais <strong>toute l’Europe de l’Est</strong> a subi à un degré ou un autre l’influence de l’Empire d’Orient.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/10/27/21-byzance-iii-nouveau-redressement-et-agonie#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/23Byzance (II) : De l’apogée justinienne à la castastropheurn:md5:1cfa674fabf80564b26f7a21a2dbc7052005-10-26T22:00:00+00:002010-05-02T13:20:34+00:00ChristopheHistoireByzancechristianismeEmpire carolingienEmpire romainGrandes InvasionshistoireMoyen ÂgeMérovingiensreligion<p>L’Empire byzantin atteignit son apogée territoriale sous Justinien. Cette expansion ne dura pas.</p> <h3>L’apogée justinienne</h3>
<p>Les Empereurs de la fin du Vè siècle (<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Zénon_Ier">Zénon</a>, <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Anastase_Ier_%28empereur_byzantin%29">Anastase</a>...) durent <strong>repousser Huns et Goths</strong> (introduits jusqu’à la Cour et l’armée), consolider l’Empire et l’économie, lutter contre la corruption, les <strong>divisions</strong> religieuses (monophysisme) et les clans (par exemple les factions des Verts et Bleus qui divisaient la population de Constantinople).</p>
<p>En <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/527">518</a> <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Anastase_Ier_%28empereur_byzantin%29">Anastase</a> léguait à ses successeurs de <strong>grosses réserves de trésorerie</strong>. Le jeune <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Justinien">Justinien</a></strong> notamment allait en profiter. Sa femme <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Théodora%2C_femme_de_Justinien">Théodora</a> est connue pour sa jeunesse sulfureuse et son rôle politique important.</p>
<p>Militairement, Justinien se lança à la conquête de la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Crimée">Crimée</a>, mata les Bulgares et les Slaves qui commençaient à s’inviter en <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Thrace_%28province%29">Thrace</a>, fit la paix avec les Perses. <br />Il envoya ses deux principaux généraux <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bélisaire">Bélisaire</a> et <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Narsès">Narsès</a> à la <strong>conquête de pans entiers de l’ancien empire d’Occident</strong>. Ce fut d’abord le tour des <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Vandales">Vandales</a>, sur les côtes africaines et en Méditerranée occidentale : leur royaume fut rapidement annexé. Puis ce fut au tour des <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Ostrogoths">Ostrogoths</a> de disparaître de l’Histoire : Illyrie, Sicile et Italie furent rattachés à l’Empire. La reconquête de l’Espagne wisigothe fut par contre limitée à quelques provinces au sud.</p>
<p>L’<strong>élan justinien fut en effet brisé par une effroyable <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Peste_de_Justinien">épidémie de peste</a></strong>. Un quart de la population de l’Empire disparut, ainsi que la moitié de celle de Constantinople. La désorganisation qui s’ensuivit fut mise à profit par les ennemis à toutes les frontières (Maures, Huns, Avars, Bulgares, Ostrogoths, Perses...). Justinien et Bélisaire réussirent de justesse à redresser la situation.</p>
<p>Parallèlement à ses succès militaires, Justinien rénova la législation, bâtit beaucoup, notamment <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Hagia_Sophia">Sainte-Sophie</a>. Malgré la peste et sa situation financière devenue difficile, Byzance restait de loin la principale puissance du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient. <br />Cependant, l’Empire reconstitué restait fragile. Immense, environné d'ennemis, il restait divisé entre son centre grec (Thrace, Grèce, Anatolie), l’Orient superficiellement héllénisé et possédant ses propres langues, et l’Ouest latin fraîchement annexé. La religion chrétienne commune était parcourue de tendances hérétiques (à cette époque principalement le monophysisme) qui recoupaient parfois les divisions politiques ou ethniques. Les provinces reconquises étaient bien plus pauvres que le cœur de l’Empire, isolées (provinces espagnoles), et ravagées par la guerre (notamment l’Italie). La guerre et surtout la peste provoquèrent un <strong>recul généralisé de l’urbanisation et de l’économie</strong>.</p>
<h3>L’effondrement : 602-780</h3>
<p>Les successeurs immédiats de Justinien réussirent à contenir les pressions extérieures mais l’<strong>instabilité politique interne</strong> perdurait : luttes de successions au trône, velléités indépendantistes des provinces lointaines, difficultés pour solder l’armée. Ces troubles affaiblirent l’Empire dans une période difficile et menèrent à la quasi-catastrophe.</p>
<p>La guerre contre la Perse reprit, et la situation devint critique au cœur même de l’Empire, en Anatolie et en Égypte. Les barbares extérieurs en profitèrent : invasion des <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Avars">Avars</a> et <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Slaves">Slaves</a> en Illyrie et Thrace jusque Constantinople.</p>
<p>C’est à ce moment que l’<strong>Empire arabe</strong> naquit : en quelques années à partir de l’Arabie, les disciples de Mahomet s’emparaient de la Syrie, l’Égypte et de la Perse. Leur flotte lança des attaques jusqu’à Constantinople, alors que les Bulgares et les Slaves menaçaient la Thrace et la Grèce. Parant au plus pressé, obligés de s’allier aux Bulgares contre le calife, et se déchirant pour la couronne, les empereurs négligèrent l’Occident : l’Italie tomba progressivement aux mains des envahisseurs <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Lombards">lombards</a>, et l’Afrique dans celle des Musulmans.</p>
<p>Parallèlement débuta la longue querelle théologique de l’<strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Iconoclasme">iconoclasme</a></strong>. Cette théorie prônait l’interdiction des images saintes et perturba durablement la politique intérieure byzantine.</p>
<p>À l’approche du VIIIè siècle, pendant que l’empire d’Occident renaissait sous la forme de l’<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_carolingien">Empire carolingien</a>, Byzance retrouvait enfin une <strong>paix relative</strong> à ses frontières. Cependant, son étendue s’était réduite à son cœur (Grèce, Thrace, Anatolie), certes encore bien organisé et armé.</p>
<p><em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2005/10/27/21-byzance-iii-nouveau-redressement-et-agonie">Suite et fin ici</a></em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/10/26/19-byzance-ii-de-l-apogee-justinienne-a-la-castastrophe#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/22Euratlasurn:md5:9fe28bc4600e016c92b833a6fba97db12005-09-15T11:24:00+00:002015-01-22T11:57:07+00:00ChristopheHistoireAntiquitéByzancecartesEmpire carolingienEmpire romainEuropeFrancsGrandes InvasionshistoireHistoire de FranceMoyen ÂgeperspectiveRenaissance<p>Un site sublime pour ceux qui aiment l’histoire et les cartes.</p> <p>J’adore les cartes, j’aime beaucoup l’histoire, et je cherche constamment à découvrir l’histoire de régions entières du monde. Les zones et périodes de transition me fascinent le plus. Tout le monde a entendu parler de l’Empire Romain, des États barbares après les Grandes Invasions, ou des cités-États italiennes. Mais comment se sont passées les transitions entre ces diverses « ères de stabilité » ? Si on sait que les terres de l’actuelle Turquie ont été romaines, puis byzantines, quand sont-elles devenues turques ? La Pologne n’a jamais été romaine, mais quand est-elle apparue ? Etc.</p>
<p>Les divers atlas de l’histoire du monde répondent partiellement à ces questions, mais je leur reproche souvent de se concentrer sur l’histoire de quelques États (la France, ses voisins), rarement de manière continue et depuis l’Antiquité sur les zones plus éloignées. Pas facile de savoir ce qu’est devenu l’Empire byzantin entre la séparation de l’Occident peu avant les Grandes Invasions (époque où les frontières deviennent tellement chaotiques que ceux qui s’y intéressent se limitent souvent à la Gaule), et sa fin sous les assauts turcs un millénaire après !</p>
<p>Avec <a href="http://www.euratlas.net/sommaire.htm">Euratlas</a>, Christos Nüssli a abattu un travail titanesque pour l’histoire européenne et méditerranéenne : il présente pour chaque année « ronde » (100, 200... 1400, 1500...) une carte complète et très détaillée des frontières politiques de cette époque.</p>
<p>Le choix de l’année ronde est discutable, mais il fallait bien choisir, et, après tout, cela éclaire l’histoire d’une autre perspective que celle rythmée par les apogées de certains empires éphémères. Leurs frontières ont certes souvent laissé des traces durables dans l’histoire, surtout dans les deux derniers siècles, et il est dommage de ne pas tenir compte de l’apogée napoléonienne, de l’Europe redécoupée de 1920, des délires frontaliers hitlériens de 1942, ou du Rideau de Fer. Mais le travail est titanesque, ces cartes récentes sont disponibles ailleurs, et un homme est seul derrière ce site magnifique.</p>
<p>Le fait que l’intégralité de l’Europe et de la Méditerranée soient couvertes (il manque ce qui est au nord d’Helsinki), y compris ses zones les plus obscures pour nous Occidentaux (Pologne et Russie antiques, Caucase...) permet de bien situer chaque État dans le contexte de l’époque et de voir le moment où de grandes entités apparaissent.</p>
<p>Le site fournit l’essentiel pour l’amateur occasionnel, mais le CD-ROM est disponible. L’interface est en Java et fonctionne sur Windows, Linux, Mac (bêta-testé pour vous). La licence est très libérale sur les copies qui peuvent être distribués. Les enseignants d’histoire devraient aimer. Cerise sur le gâteau, l’auteur et le site sont francophones.</p>
<h3>0-400</h3>
<p>Les premières cartes (an 0 à 400) sont monotones : l’hégémonie de l’Empire Romain est totale, et c’est tout juste si sur les frontières nord apparaissent de petites zones colorées annonciatrices de gros problèmes futurs — alors que les invasions ont déjà commencé dès le IVè siècle.</p>
<h3>500-1000</h3>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/histoire/images/an500_mini.gif" alt="L’Europe en l’an 500" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" /> La carte de l’an 500 offre une transition des plus brutales : partition de l’Empire, disparition totale de celui d’Occident (476), remplacé par une mosaïque d’États barbares (wisigoths, francs), figés en plein dans la phase finale de leur consolidation (Clovis n’a conquis que la moitié de la Gaule lors de la « photo »).</p>
<p>La période qui suit (jusque l’an 1000 environ) est la plus intéressante puisqu’on assiste à la formation dans la douleur des noyaux des entités européennes actuelles à partir des royaumes barbares.</p>
<p>Certains d’entre eux sont absorbés dans les Empires franc (burgondes) ou byzantin (reconquêtes justiniennes de l’actuelle Tunisie ou de l’Italie). D’autres perdurent (empire franc, royaume wisigoth).</p>
<p>L’Europe centre-ouest coagule en 800 avec l’Empire Carolingien puis on assiste à l’apparition de la France, l’Allemagne, la Pologne, la Hongrie, la Russie (Kiev)... La Grande-Bretagne restera longtemps une mosaïque de petits royaumes.</p>
<p>Une autre transition marquante est l’apparition de l’islam : la carte de l’an 700 montre l’amputation brutale de l’Empire byzantin par l’empire musulman apparu au VIIè siècle, déjà aux portes de l’Espagne (les Wisigoths succomberont peu après). Par la suite, cet empire musulman se scinde en plusieurs entités.</p>
<h3>1000-1400</h3>
<p>La période 1000-1400 est une autre période de chaos apparent mais en fait il s’agit de la consolidation dans la douleur des noyaux apparus dans le demi-millénaire précédent. Dans le même temps l’Occident se redresse démographiquement et économiquement et redevient un lieu à peu près civilisé par rapport à ses voisins.</p>
<p>Les cartes de 1000 et 1100 montrent l’apparente hégémonie du Saint-Empire, héritier de l’Empire carolingien, pendant que la France et l’Angleterre « décantent ». Les États est-européens apparaissent.</p>
<p>Ajoutons une mention pour l’Italie où apparaissent les cités-États sur les débris des possessions byzantines ou en s’émancipant de l’Empire germanique.</p>
<p>La seconde apogée de l’Empire byzantin semble dérisoire par rapport à l’Empire justinien, et est de plus masquée car elle a lieu vers 1025. La suite de son histoire n’est qu’une lente descente aux enfers (principalement pour des raisons de problèmes politiques internes). La carte de 1200 semble indiquer un empire encore unifié, mais, dès 1204, les Croisés prennent Constantinople, et l’Empire est écartelé entre possessions franques, vénitiennes, et États grecs héritiers de Byzance (Nicée, Épire...), qui n’apparaissent pas ici car la guerre civile finit avant la carte suivante de 1300. Entre cette date et 1400, les Turcs ottomans se sont emparé rapidement de tout l’empire et des environs. À la rigueur, la chute de Constantinople même (1453) est un détail, relativisé par ce parti-pris de « photos » à un siècle d’intervalles.</p>
<p>Cet effet d’optique joue aussi sur les États francs de Terre sainte : créés en 1099, ils apparaissent sur la carte de 1100, alors qu’ils ne sont plus sur celle de 1300 (chute de Saint-Jean d’Acre en 1291). La même remarque vaut pour la rivalité franco-anglaise : l’Empire Plantagenêt est éclatant en 1200 (alors qu’il est récent et que Philippe Auguste travaille déjà à sa ruine très prochaine), mais la Guerre de Cent Ans est totalement masquée (1400 était une période de trève après les succès de Du Guesclin et Charles V, et avant la guerre civile française et l’invasion anglaise). De même la Bourgogne (en pleine gloire à la fin de la Guerre de Cent Ans et abattue par Louis XI en 1477) semble une simple province sans histoire.</p>
<h3>1400 et après</h3>
<p>Après 1400 les cartes m’intéressent moins, d’une part parce que l’histoire est plus proche et plus connue, d’autre part parce que ce sont des États qui souvent sont arrivés jusqu’à nous sans modification majeure, du moins à l’ouest de l’Europe (France, Espagne, Allemagne non encore unifiée). Les frontières est-européennes sont encore mouvantes pendant longtemps, mais la formation des empires ottoman puis russe et autrichien concourt à les simplifier radicalement. Le paroxysme est atteint en 1800 où une poignée d’empires et grandes nations se partagent le continent (même l’Italie et l’Allemagne sont en voie d’unification plus ou moins forcée).</p>
<p>L’histoire s’accélère et l’épopée napoléonienne et les révolutions du XIXè sont masqués par le bond d’un siècle entre 1800 et 1900.</p>
<p>La complexité de l’histoire du XXè siècle est passée sous silence ; une nuée d’États semble surgir de la partition des Empires ottoman, autrichien, russe, mais le chaos frontalier entre 1917 et 1945, l’existence d’États comme la Yougoslavie ou la Tchécoslovaquie, la partition allemande, la « glaciation » communiste et son éclatement, et enfin la formation de l’UE n’apparaissent pas. Mais après tout, les cartes ne sont pas tout.</p>
<p><strong>Mise à jour de 2010</strong> : Le logiciel s’est encore amélioré depuis la rédaction de ce billet.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/09/15/10-euratlas#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/10