Blog éclectique & sans sujet précis - Mot-clé - colonisation<p>Si ça me passe par la tête, si ça n’intéresse que moi, alors c’est peut-être ici. Ou pas.</p>2024-02-13T09:44:49+01:00L'éditeur est le propriétaire du domaineurn:md5:bf83720a7189bba489682d945b972671Dotclear« Géohistoire » de Christian Grataloupurn:md5:478cf37f9b6a32f203931aaeb6a7c9a92023-12-29T18:48:00+00:002023-12-29T18:48:00+00:00ChristopheHistoireAfriqueAmériqueAntiquitéauto-organisationcartescatastropheChinecivilisationclimatcolonisationcomplexitédémographiedéveloppementeffondrementEmpireEmpire romainesclavageEuropeguerregéographiegéologiegéopolitiquehistoireimpérialismeIndeMoyen Âgeorganisationperspectivepolitiquepouvoir d’acheterpétroleRenaissanceRussiesociétés primitivestempséconomieémerveillementénergieévolution<p>Les achats d’impulsion sont parfois les meilleurs. <em>Géohistoire</em> veut nous faire sentir <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/geohistoire">tout l’impact de la géographie sur la manière dont tourne le monde</a>. Christian Grataloup nous expose la trame sous-jacente à l’histoire de bien des Empires, plus liée aux vents de mousson ou aux flux de capitaux à l’échelle continentale qu’aux généraux et mouvements politiques. La domination européenne est en bonne partie une conséquence de sa géographie. Notes de lectures.</p>
<h2>Il était une fois l’humanité…</h2>
<p>Et ça commence très tôt, par <em>Homo erectus</em> et sa lente diffusion à travers le monde, du moins les parties habitables accessibles à pied sec. Dès cette époque, notre espèce montre une rare adaptation à tant de milieux différents, des savanes africaines aux forêts humides aux steppes neigeuses de l’ère glaciaire. Des bras de mer sont franchis. Nos atouts : le feu, la construction de maisons, l’aiguille à coudre.</p>
<p><a href="https://arenes.fr/livre/geohistoire-2/" title="Géohistoire (Christian Grataloup, Arènes, 2023)"><img src="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/images/livres/.Geohistoire-Christian_Grataloup-Arenes_2023_m.jpg" alt="Géohistoire (Christian Grataloup, Arènes, 2023)" class="media-right" /></a></p>
<p><em>Homo sapiens</em> va encore plus loin, et même l’Amérique est envahie. À la fin de la glaciation ne restent inoccupées que des îles du Pacifique ou l’Islande, conquises vers l’An Mil au plus tard, et des zones polaires comme l’Antarctique.</p>
<h2>Axe & périphéries</h2>
<p>L’essentiel de l’histoire, de la démographie, des échanges de l’humanité, et depuis l’Antiquité, sont regroupées autour d’un « Axe » de l’Eufrasie (terme qui inclue bien l’Afrique dans le monde). Au départ, l’Axe va grossièrement de Gibraltar à la Chine du Nord via les côtes méditerranéennes, la Perse et l’Inde. Avec le temps, l’Axe s’épaissit, en premier lieu en incorporant toute l’Europe jusque la Scandinavie et Îles britanniques.</p>
<p>Sur cet axe s’échangent des biens ou des monnaies, et aussi des métaux précieux, une spécificité de l’Axe. Les latitudes étant voisines, les méthodes de culture ou domestication diffusent. Les idées circulent aussi, à commencer par les religions (monothéismes, bouddhisme…). Mais aussi des agents pathogènes : la Peste Noire est l’exemple le plus flagrant. Au fil du temps, toute la population de l’Axe acquiert une immunité à des germes, souvent transmise par des animaux d’élevage, et que d’autres peuples isolés ne connaissent donc pas, bientôt pour leur plus grand malheur.</p>
<p>Les Empires sur l’Axe se créent et se renouvellent en réaction à des menaces externes : Rome face aux barbares, la Chine ou les Empires indiens face aux envahisseurs des steppes. On note que les capitales (Pékin, Delhi, Trèves…) ont tendance à être proches des frontières menacées.</p>
<p>Des régions restent à la marge. L’Afrique d’abord, peu intégrée, peu peuplée, en contact toutefois avec l’Axe via quelques routes au travers du Sahel, et surtout toute la côte est. L’Insulinde est une zone fragmentée mais bien connectée à dominante commerciale. Sont à peu près isolés l’Australie et tout le monde polynésien, de Taïwan à l’île de Pâques, malgré les talents de navigation de ses habitants. Surtout, le continent américain entier est isolé depuis des dizaines de millénaires. Géographiquement beaucoup plus segmenté que l’Axe, il est aussi sans grand mammifère domesticable (et mangeable), ce qui aura son importance pour le développement des sociétés.</p>
<h2>Économies-monde polycentriques</h2>
<p>Les Empires sont des blocs en partie nés des impératifs de la culture (notamment la riziculture) et des attaques des nomades. D’autres parties de l’Axe évoluent en « économies-mondes », faute d’ennemi contre lequel s’unir. Il s’agit de l’Insulinde et, plus encore, de l’Europe. Celle-ci, bien que déchirée entre d’innombrables entités une fois disparu l’Empire romain, conserve son unité. Les frontières de l’Europe médiévale, et leur évolution, se repèrent très vite par la carte des mariages royaux. L’Europe, tout au bout de l’Eurasie, ne craint pas vraiment un envahisseur à grande échelle. Les Mongols s’approchent mais sont trop loin de leurs bases.</p>
<p>Étonnamment, une excroissance de l’Europe exposée, elle, aux attaques des steppes, reproduit le schéma de la conquête impériale à l’ancienne : la Russie. Une double origine et un dilemme national dont les conséquences perdurent.</p>
<h2>Les vents, les épices et l’or</h2>
<p>Pendant des millénaires, l’essentiel des échanges entre grandes masses humaines se fait via l’Océan Indien, de l’Afrique à la Chine. Les latitudes propices à la mousson permettent d’aller d’est en ouest et de ouest en est, sans trop de danger. La Route de la Soie n’est qu’un chemin secondaire, terrestre, plus dangereux, et lent, même si la Chine tente systématiquement d’en sécuriser les tronçons proches quand elle n’est pas sur la défensive.</p>
<p>Les périphéries fournissent ce dont les autres ont besoin : esclaves africains notamment, et depuis des siècles ; des fourrures ; des métaux précieux. La Chine et l’Inde exportent des biens manufacturées, textiles en premier lieu (cotonnades indiennes, soie…), mais aussi thé ou porcelaine. L’Insulinde exporte ses fameuses épices, dont le sucre. De tout cela les Européens sont friands. Mais ils ne peuvent rien produire eux-mêmes, et surtout pas la canne à sucre qui craint l’hiver. Et l’Europe n’a pas grand-chose à exporter, à part un peu de verre.</p>
<p>Pendant deux millénaires, l’or et l’argent européens servent à acheter des biens manufacturés ou des épices asiatiques (à destination des plus riches, bien sûr), et ces métaux précieux restent en Asie. Puis les techniques de navigation atteignent un niveau permettant d’aller plus loin, et le monde commence à changer.</p>
<p>D’un côté, la Chine impériale n’a pas <em>besoin</em> d’aller chercher des ressources ailleurs. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Zheng_He">Flotte des Trésors de Zheng He</a> va peut-être loin, mais reste une exception trop coûteuse pour être renouvelée aux yeux de l’autorité centrale.</p>
<p>De l’autre, l’Europe a épuisé ses mines et manque de monnaie précieuse pour ses échanges. La multiplicité des acteurs, le rôle majeur des marchands, permettent les expériences. Le premier pas est la conquête de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Macaron%C3%A9sie">Macaronésie</a> par les Espagnols et les Portugais, un marche-pied dans l’Atlantique. On y inaugure le modèle de la plantation de canne à sucre avec esclaves africains. Les Portugais sont les premiers à dominer les vents et à acquérir les techniques pour arriver d’abord en Afrique noire, et acheter l’or du Mali sans intermédiaire. De comptoir en comptoir, les Portugais parviennent dans l’Océan Indien, profitent eux aussi des moussons, et mettent la main sur le très lucratif commerce des épices avec l’Asie.</p>
<p>Jusque là, pas de changement fondamental : l’Europe ouvre une voie d’accès périphérique (toujours lente et dangereuse) à l’Asie, mais l’on reste dans les échanges au sein de l’Axe. Le Portugal (1 million d’habitants) n’est démographiquement pas capable de tenir plus que des comptoirs, et craint plus ses rivaux européens envieux que les peuples « découverts ».</p>
<p>Christophe Colomb va tout changer. La connexion entre Ancien et Nouveau Monde était inévitable, et des contacts avaient déjà eu lieu (Vikings au nord et Polynésiens au sud). Une fois compris le régime des vents dans l’Atlantique et la nécessité de s’écarter de l’Afrique pour en profiter au mieux, il était fatal que les Européens accostent dans les Caraïbes ou au Brésil. Les Chinois ou les Japonais auraient pu le faire un jour ou l’autre, mais les Espagnols ont été les premiers à établir des colonies en Amérique, suivis par tous leurs voisins.</p>
<p>Ce qui intéresse les Européens, ce sont les contrées avec un climat sans hiver, en premier lieu pour la canne à sucre. Pour éviter la fuite des esclaves noirs, les îles sont privilégiées (et Louis XV sacrifiera pour elles bien les arpents de neige canadiens.) Les Anglais et les Français vont aussi au nord, à la recherche d’une voie directe vers l’Asie. Le prosélytisme, la curiosité scientifique ou le goût de l’exploration sont d’autres moteurs, mais annexes aux besoins commerciaux.</p>
<p>La conquête de l’Amérique du Centre et du Sud est rapide et facile. Les maigres effectifs hispaniques, avec à peine quelques chevaux et armes à feu, sont massivement aidés (involontairement, du moins au début) par les agents pathogènes inconnus des Amérindiens, et contre lesquels les habitants de l’Axe sont à peu près immunisés. L’effondrement de la population américaine (environ 90 % !) entraîne des troubles sociaux qui achèvent les sociétés. Tant de territoires sont libérés de l’agriculture (en Amazonie notamment) que le reboisement se traduit par une chute du CO₂ atmosphérique, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Little_Ice_Age#Destruction_of_native_populations_and_biomass_of_the_Americas">possible cause du Petit Âge glaciaire</a>. La main d’œuvre locale disparue, et faute de pouvoir motiver sa propre population à aller trimer dans les plantations, l’Europe se rabat sur la traite négrière à grande échelle, amplifiant la saignée du continent africain.</p>
<p>Grataloup se risque parfois à des uchronies. Parmi elles : des virus mortels auraient-ils pu traverser l’Atlantique dans l’autre sens ? Adaptés à une longue cohabitation avec beaucoup plus d’animaux d’élevage, les Eufrasiens avaient les probabilités pour eux… mais il n’aurait pas été impossible que nos ancêtres subissent une saignée symétrique à celle des Amérindiens.</p>
<h2>La domination européenne</h2>
<p>L’or et l’argent américain résolvent la crise monétaire européenne, on frôle même la surproduction. Parallèlement et grâce à ces ressources, le goût du sucre, du thé, du café, du tabac, du chocolat, se répand dans toute la société européenne, les besoins augmentent, justifiant la création des diverses Compagnies des Indes orientales. D’abord entreprises capitalistiques commerciales concurrentes destinées aux expéditions commerciales risquées, celles-ci finissent absorbées par leurs États respectifs, après avoir installé des ribambelles de comptoirs, devenus colonies ou protectorats. L’Europe exporte ses rivalités internes sur toute la planète. Colonies et protectorats changent de main, les guerres de la fin du règne de Louis XIV ont un impact sur tout le commerce mondial, et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Sept_Ans">Guerre de Sept Ans</a> est quasiment une guerre mondiale.</p>
<p>Enfin, l’accès des Européens à des territoires sans hiver leur permet de tenter de produire eux-mêmes ce qu’ils achetaient avant. Après les cultures de la canne à sucre, du café et du chocolat se déploie celle du coton en Amérique du Nord (toujours grâce à la traite), ce qui permet de ne plus acheter d’indiennes (le tissu indien). Le thé reste longtemps une denrée qu’il faut acheter cher à la Chine. Pour rééquilibrer les échanges, les Britanniques (d’abord, puis avec les Français) du XIX<sup>è</sup> siècle se font narcotrafiquants : ils imposent aux Chinois l’opium des Indes britanniques (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerres_de_l%27opium">Guerres de l’opium</a>).</p>
<h2>Révolutions</h2>
<p>Grataloup va jusqu’à suggérer que les nouvelles habitudes occidentales basées sur les productions tropicales ont alimenté la Révolution industrielle, qui a d’abord démarré par une meilleure alimentation : thé et chocolats sucrés représentent en effet quelques calories en plus. L’hévéa aussi en est un élément important.</p>
<p>La transition démographique commence en France, en partie grâce aux améliorations des routes au XVIII<sup>è</sup> siècle, éliminant les famines. Cumulant supériorité maritime, puis technologique et industrielle, et enfin démographique (¼ de la population mondiale en 1900), l’Europe impose son modèle d’États aux frontières délimitées, ce qui n’est pas une évidence partout. Surtout, les différents pôles européens créent chacun un Empire, d’un type nouveau puisqu’il associe une métropole dans le nord très éloignée de colonies, généralement tropicales. Certaines de ces colonies deviennent des États de culture européenne indépendants (États-Unis en premier lieu puis Australie, Afrique du Sud…).</p>
<p>La seconde vague de colonisation européenne au XIXè siècle tient plus de l’affrontement impérial qu’autre chose. Les nouvelles colonies, notamment africaines, ne rapportent pas autant qu’elles coûtent.</p>
<p>La domination européenne ne dure pas deux siècles. Le polycentrisme, qui a stimulé les découvertes et conquêtes, provoque le suicide de l’Europe dès 1914. Plus tard, le Tiers Monde reste centré sur ces régions tropicales tant convoitées par d’autres. La transition démographique rebat les cartes. Une autre géographie se met à influer sur les rapports de force dans le monde : celle du Carbonifère, dont nous brûlons les forêts fossilisées.</p>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/%C2%AB-G%C3%A9ohistoire-%C2%BB-de-Christian-Grataloup#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/877« Cette planète n’est pas très sûre » d’Alexis Jenni : pop science par un Goncourturn:md5:9e191eca8e7b4b36b59bf5d054ff4a5c2023-09-02T12:33:00+02:002023-09-02T11:34:33+02:00ChristopheScience et conscienceabominationapocalypseastronomieautodestructioncataclysmecatastrophecivilisationclimatcolonisationcomplexitécosmologiedinosaureseffet de serreeffondremententropieexaptationgigantismegéographiegéologielivres luspanspermieperspectivepessimismesciencetempsvolcansécologieéonsévolution<p>Les 5 Grandes Extinctions racontées par un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexis_Jenni">détenteur du Goncourt</a>. Ce n'est pas de la littérature mais de la bonne vulgarisation. Alexis Jenni est d’abord prof de Sciences Nat’ (comme on disait autrefois), c’est cela qui transparaît, avec l’amour de la Science et de ses turpitudes.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/images/sciences/Alexis_Jenni-Cette_planete_n_est_pas_tres_sure.jpg" title="Cette planète n’est pas très sûre (Alexis Jenni, humenSciences)"><img src="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/images/sciences/.Alexis_Jenni-Cette_planete_n_est_pas_tres_sure_s.jpg" alt="Cette planète n’est pas très sûre (Alexis Jenni, humenSciences)" class="media-right" /></a>
Dans l’histoire de la vie sur Terre, les extinctions principales n’étaient pas cing (<em>Big Five</em>) mais au moins six, plus celle en cours, quoique peut-être plutôt dix-huit, question de choix de seuil puisque la disparition et l’apparition des espèces est un phénomène continu, la moyenne est d’un million d’année d’existence pour les mammifères, et les pics sont des anomalies dans ce bouillonnement permanent, et cette phrase est trop longue comme certaines de celles de l’auteur.</p>
<p>Le propos est grand public, ouvertement « pop science ». Les termes techniques ne manquent pourtant pas. J’aurais aimé une petite frise chronologique des époques : si j’ai une vision claire de l’ordonnancement des Permien, Trias, Jurassique et Crétacé, c’est moins clair pour l’Ordovicien ou le Silurien. Merci Wikipédia pour les précisions.</p>
<p>Entre deux leçons de science, on croise Stephen Jay Gould, Lamarck et Darwin : à côté de géologie, il s’agit aussi d’évolution, et ces débats sont rarement scientifiques, et en disent beaucoup sur la société de l’époque. Le rôle du hasard sans but dans l’évolution est insupportable pour tant de monde, qui ressassent les mêmes arguments démontés depuis un siècle et demi. Gould dirait que la complexité des espèces n’est qu’une illusion : le monde reste massivement dominé par les bactéries et autres animaux minuscules.</p>
<h2>Limite K-T</h2>
<p>On commence par la plus connue et médiatique des extinctions, celle d’il y a 66 millions d’années, où les dinosaures ont disparu, ainsi que les ammonites et nombre d’animaux et plantes. C’est l’occasion d’un petit cours de géologie de base sur les couches de sédiments : leur nature dépend en bonne partie des animaux morts qu’ils contiennent, et la fameuse couche K-T (Crétacé-Tertiaire)<sup id="fnref:ts1693647273.1"><a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/%C2%AB-Cette-plan%C3%A8te-n-est-pas-tr%C3%A8s-s%C3%BBre-%C2%BB-d-Alexis-Jenni-%3A-pop-science-par-un-Goncourt#fn:ts1693647273.1" class="footnote-ref" role="doc-noteref">1</a></sup> est justement vide de vie. Suit un exposé sur les différentes théories plus ou moins farfelues, les problèmes de datation, et la solution trouvée par Alvarez père & fils, décrite non comme un moment eurêka mais comme un bel exemple d’interdisciplinarité et de sérendipité. Alvarez fils, géologue, cherchait un moyen pour calculer la <em>durée</em> de cette couche K-T, et Alvarez père, astronome, eut une idée d’astronome : mesurer la quantité des métaux typiques des météorites, qui tombent des cieux avec une régularité de métronome. La quantité trouvée, astronomique (littéralement), mena immédiatement à l’hypothèse du caillou assassin.</p>
<p>C’est l’occasion d’un petit cours sur comment fonctionne vraiment la science, loin de l’image éthérée de la tour d’ivoire et des froids raisonnements. Les pinaillages incessants, la mauvaise foi des partisans des théories battues en brèche, les différentes quasi culturelles entre différentes branches des sciences, les conséquences des batailles passées (le catastrophisme a été difficilement délogé au XIXᵉ, on n’allait pas le faire revenir !), même les éventuels noms d’oiseaux échangés… garantissent au final la solidité de la théorie finale <sup id="fnref:ts1693647273.2"><a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/%C2%AB-Cette-plan%C3%A8te-n-est-pas-tr%C3%A8s-s%C3%BBre-%C2%BB-d-Alexis-Jenni-%3A-pop-science-par-un-Goncourt#fn:ts1693647273.2" class="footnote-ref" role="doc-noteref">2</a></sup>, ou l’améliorent. La théorie volcanique reste l’alternative la plus plausible à la météorite, mais elle ne résista pas aux dernières découvertes archéologiques, notamment à Chicxulub. S’il y eut des éruptions monstrueuses en Inde vers cette époque, il est significatif qu’elles aient eu lieu aux antipodes du point d’impact, une éventuelle activité ayant été empirée par l’onde de choc. Au passage, petite explication d’un hiver nucléaire.</p>
<p><a href="https://pxhere.com/en/photographer/3176923" title="Diplodocus sous une pluie d’astéroïdes (ChristianMR, CC0)"><img src="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/images/sciences/.Diplodocus_comete-ChristianMR_via_pxhere.com-CC0_m.jpg" alt="Diplodocus sous une pluie d’astéroïdes (ChristianMR, CC0)" class="media-right" /></a>
Alexis Jenni se plaint que les gens ne soient pas comme lui fascinés par la couche K-T quand elle est si proche (il y a un <em>spot</em> au pays basque), ou même d’habiter à Chixculub. Je partage cet effarement, ça me remuerait d’être proche d’un témoignage d’un tel événement.</p>
<h2>Du Permien au Trias</h2>
<p>Ensuite on enchaîne sur la pire extinction : le Permien, 252 millions d’années en arrière, bien avant les dinosaures. Une période étouffante, avec très peu d’oxygène, avec un méga continent unique, des eaux trop basses… et donc peu de traces. La couche de transition est encore plus pauvre en carbone 12 (végétal, vivant) que la couche K-T. Des restes de champignons : beaucoup de bois mort. Les indices s’accumulent : la période déjà chaude (36 degrés de plus que la nôtre !) a été suivie d’une véritable cuisson.</p>
<p>Et cette fois le coupable semble bien volcanique, et sibérien, avec plein d’effets en cascade. (J’avais déjà <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/09/19/405-l-extinction-du-permien">parlé de l’extinction du Permien</a>.) Notre civilisation ne part pas d’aussi chaud, mais on y va tout droit.</p>
<p>À cause du début du fractionnement de la Pangée et du volcanisme, une extinction moins grave (« juste » les ¾ des espèces) a lieu entre Trias et Jurassique, ouvrant le premier âge d'or des dinosaures.</p>
<h2>Du Dévonien au Carbonifère</h2>
<p><a href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:D_Terrelli.png" title="Dunkleosteus (fin du Dévonien), par Entelognathus via Wikipedia (CC by SA 4.0)"><img src="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/images/animaux/Devonien/.Dunkleosteus-par_Entelognathus_via_Wikipedia-CCBYSA4.0_m.png" alt="Dunkleosteus (fin du Dévonien), par Entelognathus via Wikipedia (CC by SA 4.0)" /></a></p>
<p>On revient encore 100 millions d’années en arrière. La fin du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9vonien">Dévonien</a> voit deux ou trois pics d’extinctions sur une Terre pourtant luxuriante « dominée » par les poissons. Parmi eux, les premiers tétrapodes, qui, dans leurs mangroves encombrées, commencent à se demander si ça ne serait pas mieux sur terre. Cette fois, la cause de l’extinction serait la vie elle-même : le succès des forêts aurait entraîné une masse de sédiments vers les mers peu profondes de l’époque, devenues alors invivable pour nombre d’espèces. (La belle autorégulation de la planète est donc une légende, même à l’échelle de quelques millions d’années.) Cerises sur le gâteau : une glaciation pour faire chuter le niveau des mers (dit Wikipédia) ; puis un coup d’effet de serre pour détruire la couche d’ozone.</p>
<h2>De l’Ordovicien au Silurien</h2>
<p>On est presque un demi-milliard d’années dans le passé : pendant que des bestioles tenant du scorpion géant croisent dans les océans grouillant de vie invertébrée, les plantes et mousses commencent à conquérir la Terre, consomment le CO₂… et déclenchent une grande glaciation : exit 85% des espèces.</p>
<h2>La Grande Oxydation</h2>
<p>Cette glaciation, ce n’était certes pas la première de l’histoire de la Terre. Quand les bactéries se mirent à la photosynthèse, elles polluèrent massivement l’atmosphère avec leur déchet : l’oxygène, autrefois absent et mortel pour la vie. L'oxygène rouilla tout le fer de la planète, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thane_atmosph%C3%A9rique#Processus_d'absorption">puis le méthane</a>, très puissant gaz à effet de serre. Le soleil étant, il y a 2,4 milliards d’années, moins chaud, c’était parti pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Glaciation_huronienne">300 millions d’années de Terre-boule de glace</a>. Le cycle du carbone est fragile et oui, la vie s’est lentement adaptée après l’hécatombe, mais le sort de ces bactéries anaérobies qui ont pollué leur planète à un niveau mortel (pour elles) et détraqué le climat devrait nous faire réfléchir. Il a fallu attendre que les volcans aient craché assez de CO₂ pour la débâcle.</p>
<p>Il y eut des rechutes de glaciation, notamment quand le supercontinent Rodinia se fragmenta, favorisant l’érosion et donc la chute du CO₂, provoquant le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cryog%C3%A9nien">Cryogénien</a>, juste avant la diversification et les bestioles bizarroïdes de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89diacarien">Édiacarien</a>.</p>
<h2>Conclusion</h2>
<blockquote>
<p>On meurt beaucoup sur cette Terre, parfois seul et parfois brutalement tous ensemble.</p>
</blockquote>
<p>La Terre a été alternativement une boule de glace et un four, et le soleil n'est pas le responsable principal. Un continent unique entraîne un désert en son centre, réduit l’érosion, réduit les mers peu profondes, le CO₂ s’accumule, la planète cuit. Quand un continent se scinde, l’érosion reprend, le CO₂ chute et l’effet de serre baisse, la glaciation menace. Le CO₂ dépend aussi des volcans et de l’extension du vivant. La vie s’amuse à balancer ses déchets dans l’atmosphère ou à jouer sur l’érosion. L’occasionnel géocroiseur ne fait que complexifier une situation assez instable.</p>
<p>Mais la vie est souple, grouille, s’étend partout… si on la laisse tranquille. La planète nous survivra, aucun doute là-dessus, quitte à panser ses plaies quelques millions d’années. Notre civilisation obsédée par le court terme ne verra peut-être pas le siècle suivant. Ne pas oublier non plus que les espèces qui pullulent (nous humains représentons 13% de la biomasse mondiale, nos animaux 85%…) finissent par devenir des ressources pour d’autres jusqu’à régulation (Je me dis que le Covid n’est que le premier de virus conquérants.)</p>
<p>Quant à une nouvelle extinction majeure, elle est bien en marche, et s’accélère : 80% d’insectes en moins (en poids) en 40 ans, les oiseaux suivent. Jenni panique. Anthropocène ou Nécrocène ?</p>
<div class="footnotes" role="doc-endnotes">
<hr />
<ol>
<li id="fn:ts1693647273.1" role="doc-endnote">
<p>Apparemment, on dit plutôt <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Extinction_Cr%C3%A9tac%C3%A9-Pal%C3%A9og%C3%A8ne">K-Pg (Crétacé-Paléogène)</a> de nos jours. <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/%C2%AB-Cette-plan%C3%A8te-n-est-pas-tr%C3%A8s-s%C3%BBre-%C2%BB-d-Alexis-Jenni-%3A-pop-science-par-un-Goncourt#fnref:ts1693647273.1" class="footnote-backref" role="doc-backlink">↩︎</a></p>
</li>
<li id="fn:ts1693647273.2" role="doc-endnote">
<p>Je lisais justement un <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/histoire-sciences/pasteur-une-carriere-jalonnee-de-polemiques-24434.php">article de <em>Pour la Science</em></a> sur Pasteur, pas toujours exemplaire dans les débats scientifiques. <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/%C2%AB-Cette-plan%C3%A8te-n-est-pas-tr%C3%A8s-s%C3%BBre-%C2%BB-d-Alexis-Jenni-%3A-pop-science-par-un-Goncourt#fnref:ts1693647273.2" class="footnote-backref" role="doc-backlink">↩︎</a></p>
</li>
</ol>
</div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/%C2%AB-Cette-plan%C3%A8te-n-est-pas-tr%C3%A8s-s%C3%BBre-%C2%BB-d-Alexis-Jenni-%3A-pop-science-par-un-Goncourt#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/872« L’odyssée des gènes » d’Évelyne Heyerurn:md5:4ad6250b8a59c8bd8d02356d1191698c2021-04-05T19:12:00+02:002021-04-05T18:13:04+02:00ChristopheGénéalogie & ancêtresAfriqueAmériqueAntiquitébase de donnéesChinecivilisationclimatcolonisationcomplexitéculturedémographieenfantsEuropeexaptationgénéalogiegéographiehistoirelyrismemobilitémytheperspectiveracismereligionsciencesociétés primitivestempsthéorieécologieémerveillementévolution<p>(Oui, enfin une chronique d'un livre récent !)
Depuis quelques années, l'étude génétique des fossiles a progressé à pas de géants, ainsi que celle des écarts entre deux populations actuelles. Évelyne Heyer résume l'état des connaissances de manière accessible et lisible.</p>
<p>Résumé subjectif (<em>commentaires personnels en italiques</em>) :</p> <p>Les gènes mutent en permanence. Par quelques passages peu techniques, Évelyne Heyer explique clairement de quelle manière on peut lister et exploiter les écarts afin de remonter aux ancêtres communs de deux populations, et estimer les transferts démographiques entre elles.
Chaque exemple de sa fresque historique est l’occasion d’illustrer un concept : dérive génétique dans les petits groupes isolés, possibilités offertes par les différents types de code génétique (mitochondrial, chromosomes X ou Y…) ; ou d'expliquer une technique ou difficulté : recherche d'ADN dans les os, dents, les bulbes de cheveux, difficultés de conservation dans certains sols… <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/L_Odyss%C3%A9e_des_g%C3%A8nes-%C3%89velyne_Heyer.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/.L_Odyssée_des_gènes-Évelyne_Heyer_m.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a></p>
<p>Un chercheur qui cherche des volontaires pour ses études dans des régions reculées peut avoir quelques surprises : la cordialité d'un administrateur quasi-soviétique d'Asie centrale, la surveillance du FSB ouzbekh, le blocage d'une région où est tombé un Soyouz, les frontières à passer en douce après avoir perdu un passeport, l'accueil et l'aide spontanés des nomades, les ravages de l'alcoolisme dans le Kouzbass, la musique hyper-sophistiquée des Pygmées, ou une véritable Vallée des Rois dans l'Altaï.</p>
<p><em>Depuis longtemps, je dévore tout ce qui est démographie dans </em>Pour la Science<em> ou </em>Science & Vie<em> ; je savais par exemple que les </em>Homo sapiens<em> non africains avaient rencontré Néandertal en arrivant au Moyen-Orient, et que leurs descendants, nous comme les Aborigènes d'Australie, avions gardé quelques pour cents de gène néandertaliens. Je savais aussi qu'à côté de Néandertal existaient au moins 2 ou 3 espèces comme Denisova, qui elles aussi nous ont légué quelques gènes. Je ne savais pas que la chronologie de l'histoire de l'humanité était aussi bien établie.</em> Résumé :</p>
<h4>−200 000 et −300 000 ans en Afrique : apparition de l'homme moderne</h4>
<p><em>Le livre n'en parle pas, mais cela se passe pendant l'<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Glaciation_de_Riss" hreflang="fr">avant-dernière glaciation</a></em>.</p>
<p>La limite entre <em>Homo erectus</em> et <em>Homo sapiens</em> est un peu floue.</p>
<h4>−120 000 ans : séparation des Khoe & San</h4>
<p>Leurs descendants sont les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/San_(peuple)" hreflang="fr">derniers chasseurs-cueilleurs du Kalahari</a>.</p>
<h4>−100 000 ans : <em>Homo sapiens</em> en Asie</h4>
<p>La Chine a été colonisée il y a plus de 100 000 ans. Par contre, ces premières vagues, et même les suivantes évoquées plus bas, y compris celle qui se croisera avec Denisova et ira en Australie, n'ont pas laissé de trace génétique.</p>
<h4>−70 000 ans au Moyen Orient : Sapiens rencontre Néandertal</h4>
<p>(<em>Donc pendant la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Glaciation_de_W%C3%BCrm" hreflang="fr">dernière glaciation</a>, entre −100 000 à −10 000 ans environ</em>).</p>
<p>La rencontre a commencé vers −70 000 ans. Il semble avoir suffi de 150 métissages laissant une descendance, dans quelques groupes sortis d'Afrique, de quelques milliers d'individus au total, pour expliquer la diffusion des gènes vers notre espèce. Les deux groupes manquaient-ils d'intérêt l'un pour l'autre, ou les hybrides étaient-ils généralement stériles ?</p>
<p>Se sont-ils rencontrés paisiblement et romantiquement, ou violemment ? Les gènes ne le disent pas, mais le chromosome X (masculin) semble peu touché par le métissage : peut-être les hommes métis étaient-ils plus facilement malades (ils n'ont pas de deuxième chromosome X, mais un Y), peut-être le croisement était-il asymétrique (cela se rencontre), avec une attirance entre femmes <em>Sapiens</em> et hommes de Néandertal, sans que le symétrique soit vrai.</p>
<p>Les métis sont donc les ancêtres des Européens, Asiatiques, Amérindiens… Quelques-uns sont manifestement retournés en Afrique, où l'on retrouve quelques traces génétiques de Néandertal.</p>
<p>Les Européens ont environ 2 % de gènes néandertaliens. Mais c'est très peu quand 99,87 % du génome est identique. Les Néandertals souffraient cependant de consanguinité, les premiers métis semblent en avoir pâti. Il n'est pas facile de savoir à quoi nous servent à présent les gènes restants. Certains sont liés au système immunitaire ou à la kératine, peut-être à la résistance au froid, car Néandertal était adapté au climat de l'Eurasie de l'époque glaciaire.</p>
<p>Bizarrement, des gènes <em>Sapiens</em> de l'époque, et disparus depuis, ont été retrouvés chez certains Néandertals. Le croisement a été à double sens.</p>
<h4>D'autres croisements, d'autres espèces</h4>
<p>Les croisements sont encore plus compliqués en Asie : des habitants de Nouvelle-Guinée ont hérité jusqu'à 6 % de gènes de Denisova, cousin de Neandertal, les Tibétains ont hérité de gènes d'adaptation à la haute altitude. Des preuves de métissage Denisova-Neandertal existent aussi.</p>
<p>En Afrique existent des traces de métissage de <em>Sapiens</em> avec d'autres espèces dont on ne sait rien. En Indonésie, pendant des centaines de milliers d'années, a existé un « homme de Florès », peut-être descendant d<em>'Homo erectus</em>, mais dont l'ADN reste inconnu (le sol tropical conserve mal les fossiles). L<em>'Homo luzonensis</em> est un cousin philippin datant d'autant moins 50 000 ans.</p>
<blockquote><p>« Cela fait finalement très peu de temps que nous sommes la seule espèce d'humains sur Terre. »</p></blockquote>
<h4>−60 000 ans : séparation des pygmées</h4>
<p>Pendant ces mélanges en Asie, les pygmées sont devenus un groupe à part, lui-même scindé en deux il y a 20 000 ans.</p>
<p>La raison de leur petite taille reste discutée : adaptation à la forêt, dérive génétique dans de petits groupes… Il y a plus de différences génétiques entre ces deux groupes pygmées, de même culture pourtant, qu'entre Européens et Asiatiques ! Ce qui d'ailleurs peut se généraliser à l'Afrique, puisque les non-Africains descendent tous d'un petit groupe, qui n'a emporté qu'une partie de la diversité génétique originelle de l'Afrique (même si elle a ajouté ses mutations, adaptations et métissages avec Neandertal et Denisova).</p>
<h4>−50 000 ans : colonisation de l'Australie</h4>
<p>Toujours pendant la dernière glaciation, le niveau bas des mers permet aux hommes en provenance d'Asie (métissés de Néandertal donc) d'arriver jusqu'en Australie. Les Aborigènes actuels sont les descendants directs de ces premiers colons. Dispersés en Asie, on trouve encore les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9gritos">Négritos</a>, qui seraient les descendants directs de ces anciennes populations.</p>
<p>Les fondateurs, même à cette époque, étaient forcément des marins, et assez nombreux, vu la diversité génétique des Aborigènes. Les populations du bloc Nouvelle-Guinée-Australie ont ensuite été séparées par les mers, les déserts, et, peut-être, leur système parental très complexe.</p>
<h4>−40 000 ans : <em>Homo sapiens</em> en Europe</h4>
<p>La génétique n'a pas modifié l'histoire déjà connue de Cro-Magnon et de ses voisins. Elle confirme une organisation en petites bande de chasseurs-cueilleurs, et des unions entre membres de bandes proches. Mais il est surprenant de retrouver le même phénomène que chez les Pygmées : une séparation génétique entre Est et Ouest de l'Europe malgré une proximité culturelle sur tout le continent.</p>
<p>Autre surprise : les Cro-Magnons et leurs voisins étaient plutôt noirs aux yeux bleus ! L'éclaircissement de leur peau a été très progressive, jusque pendant le Néolithique. Le problème est complexe : la peau claire est apparue plusieurs fois, avec des gènes différents, dans différentes populations dans le monde.</p>
<p>Les yeux bleus des Européens dateraient des débuts de colonisation. Les cheveux roux seraient apparus un peu avant. Ces caractères sans bénéfice évident ont pu se répandre par préférence sexuelle. (Autres exemples : les yeux bridés ou la barbe.)</p>
<h4>−40 000 ans : <em>Homo sapiens</em> en Asie</h4>
<p>On l'a vu, l'Asie était déjà colonisée. Les populations actuelles sont plus proches des Européens que des Australiens, et il doit s'agir de la même vague qui s'est séparé en deux branches, Europe et Asie. La frontière, floue, a permis des migrations entre elles. Le rôle de l'Asie centrale (source ou convergence) est flou : c'est un « mille-feuilles d'histoires de migrations », y compris aux temps historiques.</p>
<h4>−37 000 ans : disparition de Neandertal</h4>
<p>Parmi les innombrables causes possibles, de l'inadaptation au génocide par <em>Sapiens</em>, Évelyne Heyer en raye une : la consanguinité. Elle n'était pas forcément plus élevée chez les Néandertals que chez certains chasseurs-cueilleurs. Par contre, la diversité génétique était faible, et les Néandertals subissaient déjà une très lente décroissance démographique bien avant de rencontrer les <em>Sapiens</em>. Il n'est pas encore sûr que la consanguinité se soit renforcée ensuite, suite au morcellement du territoire.</p>
<h4>−15 000 ans : première découverte de l'Amérique</h4>
<p>Via le détroit de Béring ou les Aléoutiennes, comme il était déjà connu. Mais y a-t-il eu un peuplement plus ancien, par les côtes ou en dérivant depuis l'Afrique ? Les indices archéologiques sont ténus. Génétiquement, il n'en reste aucune trace.</p>
<h4>−10 000 ans : l'agriculture</h4>
<p>L'agriculture est apparue à peu près simultanément à plusieurs endroits de la planète.</p>
<p>(<em>Cela m'avait longtemps intrigué. J'avais compris qu'un assèchement avait conduit les populations à se regrouper autour des grands fleuves, par exemple. En fait, l'apparition de l'agriculture correspond à la fin de la glaciation et aux modifications climatiques qui ont eu un impact sur tout le globe.</em>)</p>
<p>L'explosion démographique a-t-elle suivi ou précédé l'apparition de l'agriculture ? Habituellement, on pose que la nourriture plus abondante a permis d'augmenter la population. Mais Heyer penche pour la seconde hypothèse. En effet, l'ADN permet de calculer le moment où l'effectif d'un groupe a fortement augmenté (la proportion d'ancêtres communs dans un petit groupe est plus grande), et les dates calculées sont nettement antérieures aux premières traces d'agriculture. Il a existé des populations non agricoles assez importantes pour laisser des grands monuments (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%B6bekli_Tepe" title="fr">Göbekli Tepe</a>) ou de premiers centres urbains (Jéricho). Le néolithique serait d'abord marqué par la démographie, qui a rendu nécessaire l'intensification de pratiques agricoles déjà embryonnaires chez des chasseurs-cueilleurs.</p>
<p>L'enchaînement causal reste très flou. On ne sait même pas si, au Moyen-Orient, il y a eu migration des convertis à l'agriculture ou diffusion culturelle auprès des chasseurs-cueilleurs. Par contre, il y a bien eu diffusion par des migrations vers l'est (Asie du Sud) et l'ouest (Europe).</p>
<p>Sont apparus en même temps que l'élevage et la démographie galopante : les caries, la malnutrition, des maladies contagieuses comme la rougeole, la tuberculose — pas forcément des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Zoonose" hreflang="fr">zoonoses</a> d'ailleurs, même si celles-ci vont devenir fréquentes.</p>
<h4>−6000 ans : l'agriculture en Europe</h4>
<p>L'agriculture se répand en Europe par l'est, depuis l'Anatolie, et n'atteint la France que vers 5000 av. J.-C.</p>
<p>La « continuité génétique » n'est pas facile à établir, par manque de fossiles d'époque avec un ADN en bon état. On sait toutefois que les premiers agriculteurs européens descendent des migrants anatoliens, qui se sont mélangés ensuite aux anciens chasseurs-cueilleurs. Le mode de vie de ces derniers a disparu en quelques millénaires.</p>
<p>Il semble que les nouveaux venus aient apporté la peau claire en Europe, utile si la nourriture contient moins de vitamine D.</p>
<p>(<em>Si je suis bien, les blonds aux yeux bleus sont des métis de Cro-Magons noirs, pour les yeux, et d'Anatoliens pour la peau.</em>)</p>
<h4>Le lait</h4>
<p>Les premières traces d'utilisation du lait (faisselle, fromage) remontent à 6500 av. J.-C. en Anatolie ; un peu moins en Europe.</p>
<p>Normalement un mammifère adulte ne possède plus l'enzyme pour digérer du lait… sauf les humains descendants d'éleveurs. Cela dépend énormément des populations, et les Africains, Européens, Asiatiques concernés ne possèdent pas les mêmes mutations.</p>
<p>La pression de sélection sur un gène peut se mesurer, et elle a été importante pour propager ce caractère (existant, jusque là peu utile) dans certaines populations (Finlandais, Irlandais, Touaregs…), mais pas dans d'autres (Chinois, Amérindiens). Des techniques comme la fermentation du lait permettent de se passer de la mutation.</p>
<p>(<em>Certains disent carrément que le lait est un poison. C'est excessif, mais son utilité pour un adulte dépend donc surtout de ses ancêtres. Quant à l'alimentation paléolithique, quoi qu'elle ait pu être, nous n'y sommes plus adaptés.)</em></p>
<h4>Ötzi, Âge du Bronze et culture Yamnaya</h4>
<p>Vers 3300 ans av. J.-C., dans le Tyrol, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%96tzi">Ötzi</a> était assassiné dans des circonstances qui resteront à jamais obscures. Son génome est proche des… Sardes !</p>
<p>L'histoire génétique de l'Europe ne s'est pas arrêtée avec l'arrivée des cultivateurs anatoliens. Un groupe se répand entre 3000 et 1000 av. J.-C. (<em>en gros, pendant l'histoire de l'Égypte antique classique, de l'unification jusque la fin du Nouvel Empire</em>), provenant du nord de la Caspienne, identifié comme « culture <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_Yamna" hreflang="fr">Yamnaya</a> », nomade, inventeur du chariot à bœufs et des poteries en forme de cloche, entre autres, et a massivement influencé les génomes européens (et centre-asiatiques : leurs traces se retrouvent jusque dans l'Altaï).</p>
<p>(<em>Et ce ne sera pas la dernière invasion de nomades venus de ces steppes…</em>)</p>
<h4>L'Europe génétique actuelle</h4>
<p>5000 ans de guerres, invasions et acculturations diverses ne changèrent ensuite plus grand-chose : les gradients génétiques des Européens d'il y a un siècle (avant l'exode rural et les migrations massives du XXè siècle) suivent la géographie.</p>
<blockquote><p>« À tel point qu'à partir de l'ADN d'un individu contemporain, on peut retracer son origine à 500 km près. »</p></blockquote>
<p>Exceptions : les Basques, les Sardes, les Siciliens. Les Basques ne sont pas, comme on a pu le croire, un isolat des chasseurs-cueilleurs du Néolithique ; ils ont subi en gros les mêmes mélanges que les autres, mais seraient restés plus isolés depuis la fin de l'Âge du Bronze. Les Sardes par contre n'ont pas subi le dernier mélange, et restent proches des contemporains d'Ötzi. Les Étrusques ou les Minoens étaient peut-être aussi dans ce cas.</p>
<p>Et les Indo-Européens là-dedans ? Il n'y a pas forcément diffusion simultanée d'une langue et d'une population. Les langues indo-européennes ont conquis presque toute l'Europe, et au-delà (Hittites, Iraniens, certains Indiens…), et aucun scénario n'explique encore cela clairement.</p>
<h4>Le cheval & l'Asie centrale</h4>
<p>Dans les plaines kazakhs, vers 3000 ans av. J.-C. (<em>donc au moment où les Yamnayas conquièrent l'Europe et où les Égyptiens comment à penser aux pyramides</em>), le cheval est domestiqué. 1000 ans plus tard, depuis l'Oural, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Culture_de_Sintachta" hreflang="fr">Sintashtas</a> (Yamnayas mâtinés d'Européens) se répandent vers l'Asie centrale, et laissent des traces génétiques jusqu'en Inde.</p>
<p>L'Asie centrale se dessèche peu après, poussant les peuples à devenir nomades ou éleveurs se mélangeant allègrement au fil des générations : la région devient encore plus un véritable patchwork génétique.</p>
<h4>Bantous & pygmées</h4>
<p>Toujours vers 3000 ans av. J.-C., en Afrique, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bantous" hreflang="fr">Bantous</a> (des agriculteurs) diffusent depuis le Cameroun dans toute la moitié sud de l'Afrique, et fragmentent le territoire des Pygmées (chasseurs-cueilleurs).</p>
<p>Les deux peuples cohabitent, avec prédominance des Bantous : les Pygmées ont adopté les langues de leurs voisins non Pygmées, et échangé des gènes régulièrement. Heyer a constaté que ces échanges se font surtout des non-
Pygmées vers les Pygmées. Explication : les femmes pygmées, bien que considérées comme inférieures, peuvent épouser des hommes bantous (pas l'inverse), mais finissent généralement par retourner avec leurs enfants dans leur village. La taille des descendants est directement liée au degré de métissage, car de nombreux gènes sont impliqués dans la taille des pygmées (et en aucun cas la malnutrition).</p>
<p>À cause de la rapidité de leur expansion, les Bantous sont relativement homogènes linguistiquement et génétiquement. On retrouve tout de même les traces génétiques des populations absorbées, notamment ce qui a trait à l'adaptation locale.</p>
<h4>1000 ans av. J.-C. en Océanie</h4>
<p>Au moment où les Bantous terminent leur expansion (<em>époque de Ramsès Ⅲ et de la Guerre de Troie</em>),
<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vanuatu#Peuplement_initial" hreflang="fr">Vanuatu</a> est atteinte par l'homme.</p>
<p>D'où venait-il ? Les habitants sont un mélange génétique de Nouvelle-Guinée et d'Asie du Sud-Est (plus précisément Taïwan, suggère l'archéologie). Les premiers habitants, par contre, ne seraient pas passés par la Nouvelle-Guinée, le mélange avec les Papous est ultérieur.</p>
<p>Il faut attendre l'an 1000 de notre ère pour que la Nouvelle-Zélande et Polynésie soit conquises, jusqu'à l'Île de Pâques.</p>
<h4>1000 ans av. J.-C. : les Scythes</h4>
<p>Les « barbares » <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Scythes" hreflang="fr">scythes</a>, de langue iranienne, très anciens nomades éleveurs de chevaux des steppes de la Hongrie à la Mongolie, étaient craints des anciens Grecs. Leur origine est un mystère.</p>
<p>La réponse d'Heyer : génétiquement, ils descendraient des Shintayas des steppes d'Asie, et non de celles du Caucase, et se seraient mélangés aux nombreuses populations rencontrées. La relative homogénéité culturelle n'est pas génétique.</p>
<h4>Endogamie</h4>
<p>Heyer a participé à une longue étude génético-linguistique en Ouzbékistan (pays ethniquement très mélangé) : la proximité linguistique est corrélée à la génétique, mais ce n'est pas systématique, et des phénomènes de remplacement linguistiques sont prouvés ici ou là. Les mariages s'y font préférentiellement entre gens culturellement proches, quitte à parcourir de grandes distances, d'où divergence génétique. Le phénomène se retrouve entre castes indiennes, entre catholiques et protestants néerlandais…</p>
<p>À <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Boukhara" hreflang="fr">Boukhara</a>, Heyer a constaté elle-même que les quelques familles <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Juifs_de_Boukhara" hreflang="fr">juives ouzbekhs</a> sont génétiquement proches de celles du Caucase (une histoire remontant à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nabuchodonosor_II" hreflang="fr">Nabuchodonosor</a>). Ils sont aussi moins mélangés avec leurs voisins et les communautés juives proches, que ne l'ont fait les Ashkénazes d'Europe, très métissés… à moins que la tradition orale ait oublié l'arrivée récente d'un groupe important.</p>
<p>L'endogamie totale reste cependant exceptionnelle.</p>
<h4>IXè siècle : les Vikings en Islande</h4>
<p>L'Islande, isolée, avec sa généalogie millénaire, est un paradis de généticien. Les études récentes montrent que les premiers colons étaient moitié Scandinaves, moitié Gaéliques. Ces derniers ont laissé moins de descendance, car sans doute socialement inférieurs (des esclaves ?). Les chromosomes X et Y montrent que l'ascendance scandinave est surtout paternelle, mais les lignées maternelles sont écossaises. Ne pas oublier que l'Irlande était déjà en partie viking.</p>
<p>Par son isolement et sa petite taille, la petite population islandaise a subi une dérive génétique qui la rend bien identifiable.</p>
<h4>De Gengis Khan aux Maoris</h4>
<p>Selon un article de 2003, le conquérant aux nombreuses épouses serait l'ancêtre de 10 % des hommes actuels de son ancien Empire (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Empire_mongol" hreflang="fr">le plus grand de l'Histoire</a> avec le britannique). Plus rigoureusement, des variants génétiques sur le chromosome mâle Y, propres aux Mongols (pas forcément le Khan) remonteraient à cette époque. Ce n'est possible qu'avec un fort succès reproducteur sur plusieurs générations. Les groupes concernés sont fortement patrilinéaires, et leurs généalogies officielles ne sont pas que mythiques, mais recoupent bien la génétique. Le statut social et la capacité à avoir beaucoup d'enfants s'héritent par les pères. Les hommes ont alors tendance à partager des Y proches. Le phénomène se retrouve même dans les sociétés patrilinéaires moins strictes, comme l'Occident actuel.</p>
<p>Le phénomène se retrouve ailleurs et même, inversé, chez les Maoris, et plus généralement chez les chasseurs-cueilleurs, où l'ADN mitochondrial montre que le succès reproductif des femmes se transmet aux filles. Les raisons sociales sont nombreuses.</p>
<p>On peut donc détecter le système de parenté de civilisations par leurs gènes. Les haplogroupes peuvent être datés (comme l'a été celui de Gengis Khan). En Eurasie, la patrilinéarité aurait émergé pendant l'âge du Bronze (1000 à 2000 av. J.-C.).</p>
<p>Les études d'Heyer au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Touva" hreflang="fr">Touva</a> et en Mongolie retrouvent la patrilinéarité, mais aussi sa conséquence : les femmes ont beaucoup plus la bougeotte que les hommes. Ce phénomène concerne les ⅔ de l'humanité, mais pas toute l'espèce. Pourquoi sommes-nous le seul grand singe à varier les modes sociaux ?</p>
<h4>Les esclaves africains</h4>
<p>Il n'y a bien sûr pas d'archive de la provenance exacte des esclaves africains déportés aux Amériques. Les informations issues de l'ADN s'affinent au fur et à mesure que les bases de données s'enrichissent. Les Afro-Américains viendraient d'Afrique Centrale et de l'Ouest. Les esclaves ont retransmis quelques pour cent de gènes pygmées.</p>
<p>S'y ajoutent généralement des gènes européens, dans des proportions très variables selon les individus (y compris 95 %, puisque la règle locale veut qu'une goutte de sang noir fasse de vous un Noir...). Même des suprémacistes blancs possèdent des gènes noirs : la couleur de peau n'est pas un indicateur très fiable, et peut simplement ne pas avoir été sélectionnée.</p>
<p>Le chromosome Y (mâle) est souvent européen, alors que l'ADN mitochondrial (féminin) est généralement africain, alors que les esclaves étaient surtout des hommes ! Cela se voit aussi en Amérique du Sud (chromosome Y européen, mitochondries amérindiennes), là aussi dans des proportions très variables : les colons prenaient femme (au mieux) sur place. Chaque région d'Amérique a son histoire marquée par la disparition plus ou moins complète des Amérindiens, l'arrivée des Européens et des esclaves africains (pas partout), les taux de mélange, le degré d'isolement, les déportations, les maladies importées d'Europe ou d'Afrique…</p>
<h4>Le Québec & l'effet fondateur</h4>
<p>Comme l'Islande, le Québec est un paradis pour généticiens. La population, longtemps faible, a explosé, les mouvements de population sont documentés, et les archives généalogiques sont complètes.</p>
<p>Comme les hivers rigoureux limitent les maladies, les familles nombreuses y deviennent la norme. Les quelques milliers d'aventuriers et d'orphelines sous Louis XIV sont 70 000 un siècle après, quand la colonie devient britannique. Les colons suivants sont exclusivement britanniques et ne se mélangent pas aux francophones. L'Église catholique lance alors la « <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Revanche_des_berceaux" hreflang="fr">guerre des berceaux</a> » : la natalité reste très élevée que dans les années 1960.</p>
<p>La description de l'exploitation à grande échelle des registres paroissiaux est passionnante. Une motivation : les maladies génétiques propres aux Québécois, à priori une conséquence de la consanguinité. Surprise : les populations victimes ne sont pas plus consanguines que les autres !</p>
<p>Il est parfois possible de remonter à <em>la</em> personne ayant importé la mutation au Québec au XVIIe siècle. Quelques dizaines de personnes sont ancêtres de <em>toute</em> une région, voire d'une bonne partie des Québécois francophones !
En théorie, au bout de 10 générations, un individu représente ½¹⁰ ~ 0,1 % du patrimoine de ses descendants (et en pratique, souvent absolument rien), mais ce sera beaucoup plus s'il se retrouve plusieurs fois dans l'arbre d'une personne. Les mutations portées par l'ancêtre finissent donc par avoir une grande fréquence dans la population. À l'inverse, certaines maladies génétiques de France sont absentes du Québec. C'est l'« effet fondateur ».</p>
<p>Ce n'était pas vraiment une découverte, mais Heyer a été surprise de l'ampleur de l'effet en si peu de générations pour une population devenue importante. L'effet a été amplifié par celui des « enfants utiles » : ceux qui meurent jeunes , ou partent, sont neutres quant à l'évolution d'une population donnée. Par exemple, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Saguenay%E2%80%93Lac-Saint-Jean" hreflang="fr">Sagueney-Lac-Saint-Jean</a> était un front pionnier, il y avait de la place, et les enfants de familles nombreuses restaient facilement dans la région.</p>
<p>Heyer donne un autre exemple en France : une vallée du Jura possédant sa maladie génétique endémique létale. Les malades portent la même mutation, et il n'y a pas d'ancêtre commun récent (XVIIIe siècle). Il fallait expliquer une persistance aussi longue, malgré la sélection naturelle, dans une population réduite et pas isolée. La cause s'est avérée sociologique : les habitants les plus ancrés, propriétaires des terres, avaient plus d'enfants et formaient une sorte de noyau stable ; les arrivants, sans terres, avaient tendance à repartir après une ou deux générations.</p>
<h4>Généalogie génétique</h4>
<p>Après 40 générations, la plupart des Français descendent sans doute de Charlemagne : la population de l'époque est très inférieure à celle de nos ancêtres potentiels s'ils étaient tous différents. De plus, une part notable n'a pas laissé de descendance jusqu'à nos jours : des branches peuvent s'éteindre relativement rapidement, mais d'autres personnes ont de nombreux descendants. Cela se calcule, et à supposer qu'il y ait quelques migrations à longues distances de temps à autre :</p>
<blockquote><p>« En Europe, tous nos ancêtres communs ont vécu il y a a entre 1 200 et 2 000 ans environ : tout individu (…) qui a laissé au moins un descendant jusqu'à nos jours est l'ancêtre de tous les individus actuels. »</p></blockquote>
<blockquote><p>« Le premier ancêtre généalogique commun à toute l'humanité daterait de seulement 3 000 ans. »</p></blockquote>
<blockquote><p>« Il y a à peine 5 000 ans, nous avions tous les mêmes ancêtres ! »</p></blockquote>
<p>Et parmi les habitants de cette époque, 60-80 % ont encore des descendants, donc :</p>
<blockquote><p>« Si vous entriez dans un village ou une cité d'il y a 5 000 ans, la plupart des personnes que vous croiseriez seraient les ancêtres communs à toute l'humanité. »</p></blockquote>
<p>(<em>Ce qui veut quasiment dire, cher lecteur, qui que tu sois, que les pyramides ont sans doute été construites par nos ancêtres communs ; et que nous descendons tous des premiers pharaons ou de Gilgamesh, de Papous, de Pygmées, de Maoris et de Sibériens. D'un côté, j'ai du mal à croire qu'en si peu de temps des Amérindiens de 3000 av. J.-C. aient pu transmettre leurs gènes à toute l'Eurasie, vu que les contacts étaient à peu près coupés jusqu'aux grandes explorations. D' un autre côté, pour un <a href="https://www.histoire-pour-tous.fr/dossiers/5313-vikings-decouvrent-ameriques.html" hreflang="fr">Leif Erikson</a> ou une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pocahontas" hreflang="fr">Pocahontas</a> qui ont laissé une trace dans la grande Histoire, combien d'aventuriers, de nomades, de bannis, de pirates violeurs, ou d'esclaves razziés très loin de chez eux ?</em>)</p>
<p>Les tests ADN sont à la mode, surtout aux USA. Les bases de données existantes sont un problème de vie privée, car notre ADN est commun avec nos parents. Y fouiller permet de débusquer des criminels, mais aussi de révéler des secrets de famille. Quant aux tests d'origine, ils ne possèdent aucune rigueur. Or l'extrême-droite américaine a tendance à les utiliser.</p>
<p>Paradoxalement, nos ADN sont très similaires, mais les différences permettent de désigner des populations distinctes (restées dans un même endroit et se mariant avec ses proches voisins). Quant à en déduire des « races », c'est illusoire : des populations très différentes peuvent posséder un même caractère (cas des maladies génétiques) ; si un caractère est précis, il ne concerne qu'un tout petit groupe (ex : l'adaptation à l'altitude des Tibétains). La notion n'est même pas fonctionnelle en médecine, et ne recouvrirait même pas les notions historiques et sociales. Évidemment, ceux qui parlent de races en arrivent très vite à les hiérarchiser, à réduire un individu à sa race (essentialisme), à oublier tous les aspects culturels, sociaux et environnementaux, en aucun cas liés aux gènes, voire qui les déterminent. On connaît les conséquences.</p>
<p>Si un humain ne semble pas spontanément raciste, il serait volontiers ethnocentriste, et privilégie naturellement son groupe, même non apparenté, tout en étant assez ouvert à l'étranger. L'essentialisme en fait un raciste.</p>
<h4>Les migrants</h4>
<p>250 millions de migrants en 2015, dit l'ONU. La plupart migrent à des distances très variables, généralement entre pays du Sud, et ce ne sont pas forcément les plus pauvres qui migrent, et pas forcément vers des États en dépression démographique. Aujourd'hui encore, 95 % des gens restent dans leur pays de naissance.</p>
<p>Dans le passé, les migrants ont toujours fini par se mélanger aux occupants précédents, à quelques quasi-génocides près (États-Unis). Le « taux de mélange » est très élevé dans nos sociétés, et quasi-total en 3 générations. En France, le mélange est la norme, mais il est beaucoup plus lent aux États-Unis. Au sein d'une même région du monde, l'endogamie est très variable, variant parfois d'une famille à l'autre. Si les femmes bougent plus (patriarcat oblige), les hommes qui quittent leur village vont plus loin. Un Californien aux yeux bleus bridés et à la peau sombre conclut le chapitre : l'allongement des distances va conduire à des brassages plus variés et des phénotypes nouveaux.</p>
<h4>Nos descendants</h4>
<p>La sélection naturelle ne nous changera pas en quelques siècles (<em>modulo cataclysme</em>). Le petit doigt de pied est inutile, il pourrait disparaître sans souci (comme nos queues autrefois), mais il faut une mutation, qui ne se diffusera que très lentement puisqu'il n'y a aucune pression de sélection dessus.</p>
<p>Si sélection il y a encore, elle est soit liée aux polluants (impact sur la fertilité de certains hommes, par exemple), et dans ce cas sans doute peu durable, ou variable ; soit à la sélection sexuelle, lors du choix du conjoint, les exemples étant des caractères visibles, en premier lieu la taille. L'exemple est développé : la taille est fortement héréditaire, mais son augmentation rapide au XXè siècle montre que le milieu a aussi un rôle majeur. Un plafond (génétique) semble atteint dans certains pays (Suède), d'autres populations grandissent ailleurs sans pouvoir espérer grandir autant. Par contre, la diversité génétique semble favoriser les plus grandes tailles, les divers mélanges génétiques vont donc jouer un rôle. (Surtout que nous serions inconsciemment plus attirés par des gens au système HLA différent du nôtre ! (<em>donc sans que l'apparence physique joue un rôle</em>))</p>
<p>Pour compliquer les choses, il y a l'épigénétique, c'est-à-dire l'expression des gènes (version amoindrie de l'hérédité des caractères acquis). Typiquement, une disette peut avoir un impact sur les quelques générations suivantes, pas plus loin. À l'inverse, l'augmentation de la taille peut bénéficier de cet effet, dans le bon sens.</p>
<p>La population humaine est gigantesque, et un caractère se propage lentement, et son environnement varie beaucoup plus vite que la sélection naturelle : impossible de savoir comment nous évoluerons — jusqu'à ce que nous isolions une petite population sur une planète. (<em>D'ailleurs, tous les films de science-fiction non immédiate me semblent faux à cause de cela : la population de Mars ou Cérès, après quelques générations, sera aussi diverse que l'équipage de Star Trek, mais ne ressemblera à aucun phénotype actuel.</em>)</p>
<h4>L'espérance de vie</h4>
<p>Quant à l'espérance de vie, son envolée en deux siècles tient à la réduction de la mortalité infantile et une meilleure hygiène de vie. Elle plafonne voire recule dans certains pays pour des raisons sociales (sida en Afrique, vodka en Russie, obésité aux États-Unis…). Une augmentation tiendrait à présent à la prolongation de la vie des personnes âgées (marginalement) ou simplement… l'amélioration de l'intégration sociale des moins favorisés ! Il ne semble pas y avoir de gène des centenaires. L'espérance de vie en bonne santé est une autre voie où progresser encore, mais le calcul est très délicat.</p>
<h4>Transition démographique</h4>
<p>(<em>On m'en parlait déjà au collège, je trouve fascinant de la voir se réaliser.</em>) L'augmentation de la population tient au délai entre diminution de la mortalité et diminution de la natalité (plus court en France qu'en Angleterre, d'où des augmentations de population différentes au XIXè siècle). L'Amérique latine, l'Iran… sont en train de terminer leur transition démographique. L'Afrique est très hétérogène sur ce point. Les pays industrialisés sont souvent tombés à 1 enfant/femme (Japon, Allemagne, Pologne…).</p>
<p>Parallèlement l'espérance de vie grimpe, la population mondiale continue de grimper. Le pic serait entre 9 et 11 milliards entre 2050 et 2100… si la transition se réalise partout. Après les révolutions néolithique et industrielle, quel sera l'impact d'une transition écologique ?</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/L-odyss%C3%A9e-des-g%C3%A8nes-d-%C3%89velyne-Heyer#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/859Francis Carsacurn:md5:a1a4641b796f8db94b9580b910c9c2502018-09-14T18:30:00+02:002021-08-12T10:10:17+02:00ChristopheSur mes étagères alourdiesanthropomorphismeapocalypsecataclysmecatastrophecivilisationcolonisationcommunicationconquête spatialedéshumanisationextraterrestresimpérialismelivres lusmulticulturalismenationalismeracismesciencescience-fictionsociétés primitivesspace opera<p>Il y a 13 ans, dans un <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/./lectures/liste_livres_lus.html">autre recoin de ce coin de web</a>, j'écrivais à propos de <em>Ce monde est nôtre</em> :</p>
<blockquote><p>C’est un vieux classique par un vieux routard de la SF française des années 60, et la suite de <em>Ceux de nulle part</em>, que j’ai apprécié en tant qu’ado. Ici revient l’intrigue assez classique d’un explorateur d’une civilisation intergalactique plongé dans une guerre sur une planète médiévale. Pas trop mal mené, mais les thèmes et surtout le style ont mal encaissé les années.</p></blockquote>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-OEuvres_completes_1.jpg" title="Francis Carsac, Œuvres complètes, tome 1"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/.Francis_Carsac-OEuvres_completes_1_m.jpg" alt="Francis Carsac, Œuvres complètes, tome 1" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Francis Carsac, Œuvres complètes, tome 1" /></a> Adolescent, j'aimais bien les trois Carsac que j'avais lu, notamment dans un recueil du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_du_livre_d%27anticipation">Club du Livre d'Anticipation</a> de mon père, entre les <em>Robots</em> d'Asimov et <em><a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/12/13/291-l-empire-de-l-atome-et-le-sorcier-de-linn-d-ae-van-vogt">l'Empire de l'Atome</a></em> de Van Vogt. L'été dernier, j'ai trouvé chez beau-papa l'intégrale parue il y a 20 ans chez <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lefrancq_(maison_d%27%C3%A9dition)">Lefrancq</a> et je lui ai empruntée.</p>
<p>Sur la forme : cette intégrale contient moultes coquilles, quelques bout de phrases déplacés, des sauts de paragraphe manquants et même une mention erronée de <em>Terre en fuite</em> sur le tome 1 (à la place de <em>Ce monde est nôtre</em>). Je sais certes que l'on peut relire mille fois un texte et qu'il restera toujours des coquilles, mais bon. De plus, les commentaires du fils de l'auteur, pas inintéressants dans le tome 1 pour éclairer un peu l'œuvre, manquent totalement du tome 2.</p> <ul>
<li>Pour la biographie de Carsac, plus connu en fait sous son nom de François Bordes, paléontologue reconnu : <a href="https://ocyaran.wordpress.com/2013/01/04/un-auteur-francis-carsac/">voir Wikipédia</a>.</li>
</ul>
<ul>
<li>Pour une liste détaillée des œuvres avec les couvertures originales au mythique Rayon fantastique : <em>cf</em> le blog <em><a href="https://ocyaran.wordpress.com/2013/01/04/un-auteur-francis-carsac/">En terre étrangère</a></em>.</li>
</ul>
<p>Les différents romans sont parus dans les années 1950 et 60, et en portent la marque, différemment. Je fais parfois mon blasé parce que j'ai lu beaucoup depuis de choses publiées entre temps, mais, globalement, on reste sur le dessus du panier de la SF française de l'époque. Et bonne nouvelle : chaque roman est meilleur et plus complexe que le précédent. Les trois dont je me souvenais depuis le siècle dernier (<em>Les robinsons du Cosmos</em>, <em>Ceux de nulle part</em>, <em>Ce monde est nôtre</em>) le méritaient.</p>
<p>Par ordre plus ou moins chronologique :</p>
<h3>Sur un monde stérile</h3>
<p>Un groupe de jeunes amis embarquent dans l'astronef fabriqué en secret dans son garage par l'un d'eux, débarquent sur Mars sans préparation, sinon des armes, beaucoup d'armes, et rencontrent trois peuplades martiennes qui se livrent une guerre éternelle. Comme il est très clair d'entrée qui sont les beaux et gentils et qui sont les affreux et méchants, ils prennent parti, sinon le commandement, et participent au génocide final des mauvais.</p>
<p>C'est typiquement l'œuvre de jeunesse (écrite vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale, ce qui doit expliquer des choses) sortie des fonds de tiroir bien plus tard, sans intérêt autre que comme témoignage d'une époque. Le scénario ne manque pas de rythme mais l'histoire est prévisible, le manichéisme brutal, le savant un peu trop génial, et la psychologie des personnages basique. L'enchaînement des opérations militaires lasse. Carsac lui-même n'aimait pas ce roman de débutant qui n'a pas été publié de son vivant.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Sur_un_monde_sterile.jpg" title="Francis Carsac, Sur un monde stérile, dessin de l'auteur.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/.Francis_Carsac-Sur_un_monde_sterile_m.jpg" alt="Francis Carsac, Sur un monde stérile, dessin de l'auteur.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="Francis Carsac, Sur un monde stérile, dessin de l'auteur.jpg" /></a></p>
<h3>Les robinsons du Cosmos</h3>
<p>Par contre, cette histoire a marqué mon adolescence, en partie par les dessins de Moebius dans l'édition du Club. Il paraît qu'elle eut un grand succès en Union Soviétique à l'époque.</p>
<p>L'idée n'est pas bête, de déporter un village entier sur une autre planète, par un tour de passe-passe soudain dans l'espace-temps. (Cela rappelle un peu un vieil Hamilton, <em><a href="https://www.noosfere.org/icarus/livres/niourf.asp?numlivre=2146560676">la Ville sous Globe</a></em>, mais l'histoire est plus intéressante, les personnages moins caricaturaux et les filles sont armées.) Comme dans toute bonne SF post-apocalyptique, les ennemis les plus dangereux ne sont pas les hydres volantes ou les indigènes, mais d'autres humains, et cela d'entrée.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Les_Robinsons_du_cosmos-hydre_par_Moebius.jpg" title="Francis Carsac, Les Robinsons du Cosmos-L'hydre, dessin de Moebius.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/.Francis_Carsac-Les_Robinsons_du_cosmos-hydre_par_Moebius_m.jpg" alt="Francis Carsac, Les Robinsons du Cosmos-L'hydre, dessin de Moebius.jpg" style="display:table; margin:0 auto;" title="Francis Carsac, Les Robinsons du Cosmos-L'hydre, dessin de Moebius.jpg" /></a> Ce problème réglé, nos déportés explorent et s'installent, rencontrant une peuplade de centaures, et on tombe plus ou moins dans le roman d'exploration-colonisation à la gloire des ingénieurs et techniciens.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Les_Robinsons_du_cosmos-centaures_par_Moebius.jpg" title="Francis Carsac, Les Robinsons du Cosmos : les centaures, dessin de Moebius.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/.Francis_Carsac-Les_Robinsons_du_cosmos-centaures_par_Moebius_m.jpg" alt="Francis Carsac, Les Robinsons du Cosmos : les centaures, dessin de Moebius.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Francis Carsac, Les Robinsons du Cosmos : les centaures, dessin de Moebius.jpg" /></a>J'ai été un peu agacé par ce côté « dictature éclairée des scientifiques », très fréquent chez Carsac, ainsi que par le sort très expéditif réservé aux « méchants » (mais je n'ai pas combattu pendant la Seconde Guerre Mondiale comme l'auteur, moi). Comme je cherche toujours la petite bête, je suis un peu resté sur ma faim sur le côté pratique (à partir d'un gros village et d'une usine, comment reconstruit-on une civilisation ? à quoi doit-on renoncer ?). Le narrateur est un dirigeant, un scientifique-qui-sait, la piétaille reste dans l'ombre.</p>
<p>Malgré ces peccadilles, une bonne lecture.</p>
<h3>Ceux de nulle part</h3>
<p>Voici un autre très bon souvenir de lecture de jeunesse que j'ai relu avec plaisir. Écrit en pleine mode des soucoupes volantes, <em>Ceux de nulle part</em> relate l'enlèvement, un peu par hasard, du docteur Clair par des extraterrestres (les Hiss, quasi-humains à peau verte, pour ne pas faire original), et la découverte de leur civilisation et de celle des planètes amies.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Ceux_de_nulle_part.jpg" title="Francis_Carsac, Ceux de nulle part, le Rayon Fantastique.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Ceux_de_nulle_part.jpg" alt="Francis_Carsac, Ceux de nulle part, le Rayon Fantastique.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Francis_Carsac, Ceux de nulle part, le Rayon Fantastique.jpg" /></a>Civilisation où le bon docteur prendra une place importante, puisqu'il est de la première espèce à sang rouge découverte par ses kidnappeurs ; particularité qui le rend insensible au rayonnement des maléfiques misliks.</p>
<p>Les misliks sont constitués de métal pur, éteignent les étoiles, et sont une des meilleures inventions de Carsac : l'Ennemi, le Mal absolu, qui éteint la lumière et la vie, qui nous est totalement étranger, avec qui on ne pourra jamais trouver d'arrangement. (Dans la fameuse <a href="https://spacearchaeology.org/?p=79" hreflang="en">classification des aliens d'Orson Scott Card</a>, ils seraient les « varelses » ou même les « djurs », quand les hiss et leurs nombreuses espèces amies sont des « ramens », voire plus proches encore).</p>
<p>Civilisation intergalactique pacifique, chocs culturels, traditions différentes, mélange même des espèces, puisque Clair rencontre une charmante quasi-humaine d'Andromède (sans surprise, le charme exotique opère), sans supériorité humaine : était-ce si fréquent dans la SF française des <em>fifties</em> ?</p>
<h3>Ce monde est nôtre</h3>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Ce_monde_est_notre.jpg" title="Francis Carsac, Ce monde est nôtre.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Ce_monde_est_notre.jpg" alt="Francis Carsac, Ce monde est nôtre.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Francis Carsac, Ce monde est nôtre.jpg" /></a><em>Ceux de nulle part</em> pourrait être vu comme une longue introduction à l'univers de <em>Ce monde est nôtre</em>, dont la thématique commence à être nettement plus complexe.</p>
<p>Quelques siècles après l'arrivée de Clair chez les Hiss, un de ses descendants, Akki, a pour tâche d'inspecter les planètes encore barbares. L'une d'elle, au stade médiéval, est peuplée de deux civilisations humaines ennemies, plus une troisième proche des Hiss. Or la loi de fer de la grande civilisation galactique et paternaliste est impitoyable : il ne doit y avoir qu'une humanité par planète — l'expérience montre que, sinon, cela finit toujours par dégénérer. Quels peuples vont devoir être déportés sur une autre planète ? Pour tous, cette terre est celle de leurs ancêtres, ils sont chez eux.</p>
<p>Très loin de la neutralité, Akki va se faire entraîner dans la politique interne d'un camp — évidemment il y a une jeune et belle duchesse en danger — puis la guerre entre les deux factions humaines, pour commencer. Enfin arrivera le choix de ceux qui resteront et ceux qui partiront.</p>
<p>C'est bien mené, on est loin du scénario linéaire, les personnages se cassent le crâne à savoir quelle est la chose juste à faire, et il n'y a pas de solution miracle. Le chapitre final est de trop, et je suis un peu dubitatif sur cette grande et sage civilisation galactique qui s'autorise à génocider les peuples les plus agressifs.</p>
<p>On a vu des relents de guerre d'Algérie dans cette histoire pourtant écrite avant, mais le fils de Francis Carsac explique qu'il s'agit plutôt d'un parallèle avec la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Boers" hreflang="fr">Guerre des Boers</a>. Hélas, on peut tracer un parallèle avec un très grand nombre de zones de conflits passés et présents, probablement futurs.</p>
<p>Bref, une bonne lecture aussi sur un thème éternel.</p>
<h3>Terre en fuite</h3>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Terre_en_fuite-Rayon_Fantastique_72.jpg" title="Francis Carsac, Terre en fuite, couverture Rayon Fantastique n°72"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/.Francis_Carsac-Terre_en_fuite-Rayon_Fantastique_72_s.jpg" alt="Francis Carsac, Terre en fuite, couverture Rayon Fantastique n°72" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Francis Carsac, Terre en fuite, couverture Rayon Fantastique n°72" /></a>Roman un peu bâtard, un peu énervant par le côté « je suis un super-scientifique et je deviens le dictateur qui sauve l'humanité » (ah, si c'était même possible !). Un homme d'un futur lointain s'incarne dans un ingénieur de notre époque, et raconte son épopée, rien moins que la migration de la Terre et de Vénus, transformés en vaisseaux spatiaux, autour d'une autre étoile.</p>
<p>Les histoires s'enchaînent comme des épisodes différents sans grand fil conducteur, les problèmes techniques sont vite évacués, les opposants sont d'infâmes fanatiques sans subtilité, le reste de la population est docile, et comme souvent j'ai l'impression qu'elle n'existe pas vraiment. Je l'avais lu il y a bien longtemps, je comprends pourquoi il m'a laissé un souvenir flou.</p>
<h3>Pour patrie, l'espace</h3>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Pour_patrie_l_espace.jpg" title="Francis Carsac, Pour patrie l'espace"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-Pour_patrie_l_espace.jpg" alt="Francis Carsac, Pour patrie l'espace" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Francis Carsac, Pour patrie l'espace" /></a>Bien plus complexe est l'histoire de ce militaire d'élite d'un Empire terrien en pleine guerre civile, recueilli par une civilisation d'astronefs-villes nomades, à tendance anarchistes, où on lui fait bien comprendre qu'il est un plouc. Mais on a besoin de ses qualités militaires et techniques.</p>
<p>Le choc culturel est violent, les relations avec la gente féminine pleines de méfiance. Racisme, égoïsme, tout y passe. Peut-être peut-on reprocher un manque de subtilité, mais ce militaire n'est <em>pas</em> subtil.</p>
<p>Ce n'est pas déplaisant. Il y a une <a href="http://sfemoi.canalblog.com/archives/2013/05/07/27103626.html">chronique enthousiaste sur SF Emoi</a>.</p>
<h3>La vermine du lion</h3>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/Francis_Carsac-OEuvres_completes_2.gif" title="Francis Carsac, Œuvres complètes, tome 2"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/SF/Francis_Carsac/.Francis_Carsac-OEuvres_completes_2_m.jpg" alt="Francis Carsac, Œuvres complètes, tome 2" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Francis Carsac, Œuvres complètes, tome 2" /></a>Cette dernière histoire est la plus longue, dense et complexe écrite par Carsac (surtout avec les deux prologues, ajoutés par la suite si j'ai bien compris). Fondamentalement en fait, c'est un mélange de western (Carsac était fan) et de roman d'aventure coloniale, transposé dans le futur, sur une autre planète ; où l'on rejoue une fois de plus le thème de la très méchante méga-entreprise sans âme qui veut exploiter une planète en pressurant ses employés, en soudoyant les colonialistes au gouvernement, et en liquidant les autochtones s'ils gênent, quitte à encourager leurs dissensions internes et manipuler leurs fanatiques religieux. Cela pourrait se passer au XIXè siècle comme de nos jours, et devait résonner d'autant plus fort à l'époque de la décolonisation. En fait, la science-fiction n'apporte pas grand-chose à cette histoire.</p>
<p>Notre héros est la caricature du surhomme à la Carsac, physiquement et mentalement, devenu un cow-boy redresseur de tort, défenseur de ses amis les « sauvages » sans trop d'égard pour la loi et les grands principes vus les enjeux. Il est flanqué d'un lion intelligent, fort pratique pour se défendre ou livrer une justice expéditive, mais un peu sous-exploité. L'histoire est parasitée par plusieurs dames qui ne peuvent rester insensibles à son charme, aux motivations parfois floues. Hélas, là encore, Carsac ne semble savoir résoudre les problèmes de cœur de ses personnages que par l'élimination physique de certains protagonistes. Pour ce dernier roman, il ne se croit pas obligé au <em>happy end</em>.</p>
<p>Je fais la fine bouche, mais je suis d'accord avec la chronique ébahie de <a href="http://sfemoi.canalblog.com/archives/2013/05/10/27121855.html">SF Emoi</a>.</p>
<h3>Nouvelles</h3>
<p>Le tome 2 de l'intégrale se finit par quelques nouvelles, un peu inégales, en taille comme en valeur ou en originalité, mais pas désagréables. Beaucoup tournent autour du voyage dans le temps jusque l'époque paléolithique (la spécialité de François Bordes) et du choc entre hommes civilisés et « sauvages ».</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Francis-Carsac#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/851« Le Français qui possédait l’Amérique : la vie extraordinaire d’Antoine Crozat, milliardaire sous Louis XIV » de Pierre Ménardurn:md5:62a7adf8c4d5f7ea631f306bb6c5951d2018-01-30T18:26:00+01:002018-07-24T09:15:23+02:00ChristopheHistoireAmériqueargentcolonisationcoup bascynismedéshumanisationesclavagefoutage de gueulehistoireHistoire de Franceimpérialismelivres lusmémoireParispolitiquespéculationténacitévaleuréconomie <p>Toulousain, Antoine Crozat avait un père d’origine modeste, mais qui s’était déjà énormément enrichi sous Louis XIV. Bénéficiant de ses réseaux puis développant les siens, il atteignit un niveau de fortune monstrueux, prêtant même au Roi, allant jusqu’à se voir octroyée toute la gestion de la Louisiane française. Ce ne fut pas sa meilleure affaire.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/Antoine_Crozat.jpg" title="Antoine Crozat, par Wikimédia"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/.Antoine_Crozat_s.jpg" alt="Antoine Crozat, par Wikimédi)" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Antoine Crozat, par Wikimédia" /></a> Sa richesse ne provenait pas que du commerce transcontinental, en plein boom, et d’innombrables trafics, y compris d’esclaves. Ajoutons la spéculation sur les monnaies, en des temps où l’État jouait en permamence avec leur valeur, et les premiers billets à ordre et de banque, aux valeurs aléatoires. Ou le copinage avec les plus grandes familles nobles, auxquelles ce snob rêva toute sa vie de s’allier (il y parvint) ; la mise en coupe réglée de pans entiers du commerce, avec des monopoles légaux ; l’achat et la revente des charges publiques, à titre personnel ou comme intermédiaire de l’État ; et le financement des corsaires ; ou encore la contrebande de grand style : les réseaux financiers se jouaient déjà des frontières.</p>
<p>Mais, surtout, le système fiscal de l’Ancien Régime était un tel bazar qu’une bonne partie était quasiment sous-traitée à de riches personnes avançant l’argent à l’État, parfois à l’avance et se débrouillant pour récupérer cet argent. Rémunérateur, le poste était comme tant d’autres une « charge » vendue par l’État, que l’on pouvait revendre ensuite. Il n’était d’ailleurs pas sans risque financier, et valait aussi en retour la haine du peuple — en plus du mépris que récolte tout parvenu dans une société si hiérarchisée.</p>
<p>Le Régent remit un peu d’ordre dans ces choses (malgré l’échec de la banque de Law). Crozat comme nombre de confrères, fut poursuivi, mais, de fait indispensable, il s’en tira mieux que d’autres, avec une monstrueuse amende.</p>
<p>Crozat est mort vieux, dans son lit, ayant marié ses enfants aux plus anciennes familles. Il fait partie de ces gens éloignés de toute politique ou idéologie mais égoïstes qui ont modifié l’histoire, pas forcément pour le mieux, et que l’on a très vite oubliés (pourtant il a fait construire les futurs Ritz et Palais de l’Élysée !).</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Fran%C3%A7ais-qui-poss%C3%A9dait-l-Am%C3%A9rique#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/840“The sleepwalkers — How Europe went to war in 1914” (« Les somnambules — Eté 1914 : Comment l’Europe a marché vers la guerre ») de Christopher Clarkurn:md5:2521e44836d265fb4a56207b0ef066e22015-04-19T22:25:00+02:002021-07-31T14:38:14+02:00ChristopheHistoireabominationAllemagneapocalypseautodestructioncataclysmecatastrophecolonisationdommagedéterminismeEuropeguerregéopolitiquehainehistoireHistoire de FranceimpérialismeincohérencenationalismeperspectivepessimismepolitiquePremière Guerre Mondialeprise de têteprovocationpsychologieRealpolitikRussieuchronie <blockquote><p>The outbreak of the war was a tragedy, not a crime. <br /> <em>Le déclenchement de la guerre fut une tragédie, pas un crime.<br /><br />Christophe Clark, </em>The Sleepwalkers<em>, Conclusion, p. 561</em></p></blockquote>
<p>L’Europe s’est suicidée sans que personne veuille vraiment la guerre : c’est la tragédie de la Première Guerre Mondiale, et une leçon pour le futur. Certaines causes résonnent encore au XXIè siècle.</p>
<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/GM1/the_sleepwalkers.jpg" alt="the_sleepwalkers.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>
<p>La séquence d’introduction porte déjà la violence des conséquences lointaines (oui, le titre français est trompeur : Christopher Clark commence bien plus tôt que l’été 1914). En Serbie en 1903, des officiers ultranationalistes assassinent sauvagement le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Ier_de_Serbie">roi Alexandre</a> et sa femme. D’après la description de Clark, ce souverain n’était pas très sympathique, mais les tueurs ne le sont pas plus. Cette clique militaire régicide, notamment un certain colonel <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dragutin_Dimitrijevi%C4%87">Apis</a>, va acquérir une grande influence en Serbie dans les années suivantes, et, de manière à peu près autonome, semer le trouble dans la Bosnie-Herzégovine voisine (partiellement serbe mais annexée par l’Autriche), puis organiser l’assassinat de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois-Ferdinand_d%27Autriche">François-Ferdinand</a>, l’allumette qui embrasera le continent.</p>
<p>Toute cette partie sur la politique serbe, le nationalisme intense, le déni par exemple de l’existence même de Slaves non serbes en Bosnie et Croatie, les exactions pendant la conquête serbe de la Macédoine en 1912-13… rappellent furieusement ce qui s’est passé dans les années 1990 en Yougoslavie ; jusqu’au rôle de la Russie, ange gardien autoproclamé des Slaves des Balkans ; jusqu’au conflit est-ukrainien actuel (un russophone est-il forcément russe ?).</p>
<h3>Les acteurs</h3>
<p>Clark fait le tour de toutes les grandes puissances du moment, leurs gouvernants, leur organisation, leurs faiblesses, leurs relations mutuelles…</p>
<p>Tout le monde voyait la Russie, en croissance très rapide, comme la nouvelle superpuissance, malgré la défaite de 1905 face au Japon, malgré son gouvernement pas très stable et marqué par l’absolutisme — ce qui ne voulait pas dire que le Tsar donnait toujours le ton.</p>
<p>À l’inverse, l’Autriche-Hongrie semblait en décrépitude, paralysée par un gouvernement double et les revendications ethniques, malgré une économie florissante. Que serait-elle devenue si François-Ferdinand avait vécu, lui qui ne voulait pas de guerre et ambitionnait de créer un État fédéral ?</p>
<p>Le fantasque Kaiser ne dominait pas une Allemagne envieuse des empires coloniaux de ses voisins.</p>
<p>La France ne s’impliquait pas dans les Balkans, sinon par ses banques et ses exportations d’armes. Face à des Ministres des Affaires étrangères instables, les diplomates étaient devenus autonomes ; mais en 1914 Poincaré, Président, donnait le ton et prônait la fermeté face à l’Allemagne. Clark n’est pas tendre avec lui.</p>
<p>L’Angleterre (comme souvent…) ne tenait pas à s’engager irrévocablement, comme la France auprès de la Russie. Au Foreign Office, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Edward_Grey,_1st_Viscount_Grey_of_Fallodon" hreflang="en">Edward Grey</a> n’en faisait qu’à sa tête et lia son pays à la France.</p>
<p>L’Italie, théoriquement alliée aux puissances centrales, se rapprochait de plus en plus de l’Entente.</p>
<p>Les états des Balkans combattaient depuis 1912, contre l’Empire ottoman et entre eux.</p>
<h3>Les alertes et la déstabilisation</h3>
<p>La Grande Guerre n’a pas éclaté dans un ciel serein. Sans remonter jusqu’au conflit franco-allemand de 1870, les années d’avant-guerre virent plusieurs affrontements dont certains auraient pu dégénérer, et dont le souvenir influença les décideurs de 1914.</p>
<p>Allemagne et France s’accrochèrent notamment au Maroc (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coup_d%27Agadir">crise d’Agadir en 1911</a>), mais cela ne dégénéra qu’en marchandage (Maroc contre Cameroun). L’Allemagne remettait en cause la domination britannique sur les mers, mais ne l’inquiéta en fait jamais sérieusement. En Asie, les impérialismes russe et britanniques se heurtèrent plus d’une fois (Inde, Afghanistan, Iran…), sans conséquence majeure. En Afrique, les Anglais s’étaient heurtés aux Français (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_de_Fachoda">Fachoda en 1898</a>), et, juste après, lors de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_des_Boers">guerre des Boers</a>, émergea fugitivement l’idée d’une alliance franco-germano-russe contre l’Empire britannique.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/627px-Balkan_1912.svg.png" title="627px-Balkan_1912.svg.png"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/.627px-Balkan_1912.svg_m.png" alt="627px-Balkan_1912.svg.png" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" /></a>La vraie déstabilisation commença en 1912 avec l’agression italienne contre l’Empire ottoman, qui perdit Lybie et Dodécanèse. Les jeunes et ambitieux États européens fraîchement émancipés de la tutelle turque (Serbie, Bulgarie, Grèce) se ruèrent sur l’Empire malade. Le partage tourna mal : la Bulgarie finit en guerre contre ses anciens alliés, et la Serbie menaça déjà de déclencher une guerre européenne en voulant croquer l’Albanie (et l’on parlait déjà de purification ethnique au Kosovo). Autriche et Italie considérèrent cela comme une ingérence dans leur sphère ; l’Autriche mobilisa partiellement ; la Russie aussi. On fut à deux doigts de la guerre ; puis les Serbes, sous la pression internationale, renoncèrent. Ces fausses alertes éloignèrent le spectre d’un conflit continental, et en 1914 les décideurs y crurent hélas moins.</p>
<h3>Des blocs non figés</h3>
<p>Tout n’était pas figé, et la guerre n’était pas inéluctable. Certes certains l’attendaient, par exemple certains Allemands effrayés de la très rapide (mais fragile) évolution industrielle et militaire russe, ou certains généraux autrichiens belliqueux. Mais il existait à l’inverse une multitude de facteurs de pacification : Guillaume II, tout fantasque qu’il ait été, reculait devant cette perspective ; ses relations avec Nicolas II étaient cordiales ; la rivalité navale entre Royaume-Uni et Allemagne avait déjà été gagnée par le premier ; François-Ferdinand ne voulait pas de guerre… Les guerres d’agression entre puissances européennes étaient impensables<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/The-sleepwalkers-de-Christopher-Clark#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, même l’attaque autrichienne sur la Serbie nécessitait une justification. (<strong>Ajout de 2021</strong> : <a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-monde-d-hier-de-Stefan-Zweig">voir ce qu’en dit Stefan Zweig dans <em>Le monde d’hier</em></a>.)</p>
<p>Enfin, les alliances étaient elles-mêmes mouvantes : la petite Serbie avait été protégée par l’Autriche avant de se retourner contre elle ; les alliés balkaniques de 1912-13 s’étaient entre-déchirés immédiatement après leur victoire ; la Russie et l’Angleterre avaient de nombreux points de friction coloniaux ; l’alliance de la France démocratique et de la Russie autocratique n’allait pas de soi ; la Russie s’était focalisée sur les Balkans en partie parce que sa cible prioritaire (Constantinople et les détroits) restait pour le moment inaccessible ; la Turquie avait un général allemand pour moderniser son armée, mais aussi un amiral anglais pour sa flotte ; etc.</p>
<p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/800px-Map_Europe_alliances_1914-fr.svg.png" title="800px-Map_Europe_alliances_1914-fr.svg.png"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/histoire/.800px-Map_Europe_alliances_1914-fr.svg_m.png" alt="800px-Map_Europe_alliances_1914-fr.svg.png" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a>
Cette instabilité des blocs provoqua d’ailleurs l’enchaînement inéluctable ! La France craignait que la Russie, puissance montante, n’ait plus besoin de son alliance, absolument vitale pour elle contre l’Allemagne : Poincaré l’assurait donc de son soutien indéfectible, y compris dans les Balkans, pourtant inutiles aux Français. Symétriquement, l’Allemagne ne faisait pas confiance à seul grand allié, l’Autriche, et la soutint donc inconditionnellement, là aussi dans les Balkans. La Russie se devait de soutenir son allié serbe, autrefois soumis à l’Autriche. L’Angleterre avait garanti la protection des côtes du nord de la France, dont toute la flotte croisait en Méditerranée : l’Angleterre se voyait donc entraînée par son alliée contre l’Allemagne.</p>
<h3>Tous ensembles vers l’abîme</h3>
<p>La Main Noire serbe, aidée par des services serbes, sans accord réel du plus haut niveau, place ses tueurs : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gavrilo_Princip">Prinzip</a> assassine l’archiduc François-Ferdinand. L’Autriche-Hongrie prend son temps pour l’enquête, finit par envoyer un ultimatum à la peu coopérative Serbie — ultimatum que Clark trouve presque acceptable, comparé à celui adressé par l’OTAN à la Serbie en 1999 ! La tradition occidentale veut que la Serbie ait quasiment accepté ces conditions coupant toute justification à l’attaque autrichienne ; en fait Clark qualifie la réponse serbe de « chef-d’œuvre d’équivoque diplomatique » (<em>a masterpiece of diplomatic equivocation</em>). L’Autriche menace d’attaquer, la Russie mobilise (complètement), donc l’Allemagne prend peur et mobilise, provoquant la mobilisation française. La rapidité de mobilisation et d’attaque pouvant décider du sort de la guerre, les hostilités commencent ; puis l’entrée du Reich en Belgique provoque l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne.</p>
<p>Cet enchaînement, tout le monde l’avait vu venir, mais personne ne le voulait et chacun croyait faire toutes les concessions possibles pour éviter la guerre. Dans les deux camps, chacun pensait que ceux d’en face la voulait, et y recourrait sans une volonté de fer en face — toute conciliation ou désaveu d’un allié serait donc un dangereux signe de faiblesse, de plus inutile puisque l’ennemi <em>voulait</em> la guerre. La fermeté protégeait donc la paix. Sans cela, difficile d’expliquer que Poincaré en Russie lie sciemment la France aux événements d’une zone aussi instable que les Balkans. Et chaque progrès d’une alliance effrayait l’autre, la poussant à se préparer au pire (un grand classique).</p>
<h3>Facteurs psychologiques</h3>
<p>Ils jouèrent massivement dans l’enchaînement de la crise. Les Serbes en voulurent trop dès 1912, et surestimèrent le poids du soutien russe. Les Autrichiens, exaspérés par les Serbes depuis des années, furent légers en les attaquant sans penser aux terribles conséquences. En cette période sans instance supranationale reconnue, tout abandon de souveraineté était inconcevable — les Serbes ne pouvaient <em>pas</em> accepter l’ultimatum. Les Russes ne comprirent pas que les Autrichiens ne pouvaient <em>pas</em> laisser passer impuni le meurtre du prince héritier. Les Autrichiens auraient pu attaquer dès après le meurtre, ce qui aurait été bien mieux accepté, mais le processus de décision de la double monarchie se traînait (les Hongrois notamment craignaient une invasion des Carpathes par la Roumanie). Les Russes auraient pu attendre pour mobiliser, laissant aux Serbes une chance d’accepter l’ultimatum, ou se contenter d’une mobilisation partielle contre l’Autriche pour ne pas effrayer l’Allemagne, mais leur logistique ne le prévoyait pas. Les Allemands auraient pu se contenter de n’envahir qu’une petite partie de la Belgique (<em>tout le monde</em> s’y attendait) : cela aurait donné une chance aux pacifistes dans le gouvernement anglais. Mais les militaires allemands (contrairement aux civils) sous-estimaient la Grande-Bretagne.</p>
<p>Clark ajoute une note : la « masculinité » du mâle européen semblait menacée à cette période précise par les évolutions de la société et, par réaction, le besoin de s’affirmer dur et endurant prenait le pas sur les vieilles valeurs aristocratiques, plus accommodantes.</p>
<p>Une chose finalement est sûre : attribuer à l’Allemagne la responsabilité totale de la guerre dans le Traité de Versailles, en plus d’une faute politique à l’époque, était purement et simplement une erreur factuelle. Si les Alliés s’imaginaient dès le début que l’intransigeance autrichienne venait de Berlin, la paranoïa régnait partout.</p>
<h3>Digestion</h3>
<p>C’est un pavé (pas loin de 600 pages en anglais sans les notes) et, forcément, les affrontements diplomatico-commerciaux subtils et pleins de sous-entendus ne sont pas la meilleure matière pour des rebondissements trépidants mêlés de réparties cinglantes, surtout quand on connaît déjà la fin. J’ai été un peu frustré par la relation du déclenchement des hostilités : Clark s’arrête aux mobilisations et ne relate pas l’assassinat de Jaurès, par exemple (est-il tellement important d’ailleurs, vu par un Anglo-Saxon ?) ni les réflexions des Français dans les derniers jours.</p>
<p>Si le passionné d’histoire trouvera son compte dans les causes plus ou moins immédiates de la mort de millions de soldats et l’effondrement de quatre empires, le dilettante risque de trouver la chose indigeste. <em>The Sleepwalkers</em> est pourtant déjà devenu une référence sur le sujet. Et comme je le disais au début, le XXIè siècle semble en rejouer des pans entiers.</p>
<p>Quant à l’amateur d’uchronies, il croulera sous les points de divergence potentiels…</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/The-sleepwalkers-de-Christopher-Clark#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Contre les Turcs et autres non-Européens, on s’en donnait par contre à cœur joie.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/The-sleepwalkers-de-Christopher-Clark#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/786« La Guerre des Gaules » de Jules Césarurn:md5:42ae577b7d57170b59f0161e7e99d2dc2013-05-03T00:00:00+02:002016-06-27T13:00:14+02:00ChristopheHistoireAntiquitécitationcolonisationcoup basEmpire romainesclavageGauloisguerrehistoireHistoire de Francelatinlivres lusracléetemps <blockquote><p><em>History will be kind to me for I intend to write it.</em><br /> <br />L’histoire sera gentille avec moi, car j’ai l’intention de l’écrire.<br /> <br />Winston Churchill</p></blockquote>
<p>Deux mille ans avant Churchill, Jules <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Guerre-des-Gaules-de-Jules-C%C3%A9sar#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup> avait appliqué la méthode en rédigeant à chaud ses fameux <em>Commentaires sur la Guerre des Gaules</em>. Censé être purement factuel, loué par Cicéron (rien que ça) pour la pureté de son style, le livre n’en glorifie pas moins subtilement son auteur.</p>
<p>En très résumé : c’est la faute des Suisses. Les Helvètes ayant décidé d'émigrer massivement et agressivement à l'autre bout de la Gaule, les tribus gauloises sur le chemin appellent à l’aide la puissance romaine proche (la côte méditerranéenne était romaine depuis longtemps). César intervient donc et après moultes batailles renvoie les envahisseurs chez eux, se fait reconnaître comme protecteur d’autres tribus, va soumettre d’autres Gaulois qui veulent du mal à ses protégés, et repousse une invasion germaine (déjà...).</p>
<p>César maître de toute la Gaule, les insurrections s’enchaînent. Vercingétorix n’est ni le premier ni le dernier de la liste des chefs gaulois engagés contre César, peut-être le plus spectaculaire. Avant même cet épisode, César a dû aller en Bretagne (actuelle Grande-Bretagne) mater les soutiens de certains insurgés gaulois.</p>
<p>Les alliances se font et défont, et des auxiliaires gaulois ou germains servent contre des Germains ou des Gaulois. Les séquences s’enchaînent de façon un peu monotone : un chef persuade son peuple de se soulever, trouve des alliés, attaque les Romains dans leurs cantonnements d’hiver ou pendant l’absence de Jules ; les Romains supérieurement organisés et valeureux tiennent bon et finissent par provoquer la fuite de ces Gaulois si braves mais « pusillanimes » et inconstants. Les insurgés, penauds, envoient députés et otages ; César en général pardonne (mais parfois il vend la population aux marchands d’esclaves, parfois il massacre toute la population d’une ville) ; et tout est bien qui finit bien jusqu’au soulèvement de l’année suivante.</p>
<p>César, sans trop forcer, se donne le beau rôle. Si Gergovie est un échec, il ne s’étend pas — de toute façon c’était la faute de soldats indisciplinés et de ces traîtres d’Éduens qui ont changé de camp.</p>
<p>Quelques mentions au passage sur la logistique : le ravitaillement en blé et fourrages est le souci principal des légions, et son point faible. Et en hiver les légions sont vulnérables, car obligées d’hiverner.</p>
<p>J’aurais bien voulu lire la <a href="http://archive.org/stream/caesarsgallicwa00danigoog#page/n75/mode/1up" hreflang="la">version originale dans le texte</a> mais mes souvenirs de latiniste sont bien lointains et même avec le Gaffiot à présent en ligne, ça n’aurait pas été faisable.</p>
<p>Évidemment, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Commentaires_sur_la_Guerre_des_Gaules">Wikipédia résume tout ça très bien pour les gens pressés</a>, et la version numérique se trouve sans difficulté en ligne. D’ailleurs, ce premier « vrai » livre (non technique) que je lis intégralement sur ma liseuse est aussi le plus ancien <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Guerre-des-Gaules-de-Jules-C%C3%A9sar#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup>.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Guerre-des-Gaules-de-Jules-C%C3%A9sar#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Inutile de le nommer plus avant. Rares sont ceux dont le nom a servi jusque 1918 comme titre de rang </em>supérieur<em> à celui de « roi ».</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Guerre-des-Gaules-de-Jules-C%C3%A9sar#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] <em>Non, je n’ai pas (encore) fini la Bible</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/La-Guerre-des-Gaules-de-Jules-C%C3%A9sar#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/742« Le Gauleiter Wagner, le bourreau de l’Alsace » de Jean-Laurent Vonauurn:md5:b35ff5a411081023de1b28e318390ba32012-07-15T18:28:00+02:002016-05-16T15:19:08+02:00ChristopheHistoireabominationAllemagneAlsacealsaciencataclysmecolonisationdéfense du françaisdéshumanisationesclavageguerrehistoireHistoire de FranceimpérialismeLibérationnationalismeoh le beau cas !peine de mortRésistanceSeconde Guerre Mondialeterrorismetotalitarisme <p><img src="http://ecx.images-amazon.com/images/I/41F7X8l9w%2BL._SL500_AA300_.jpg" alt="Image bouquin" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" title="Image bouquin" /> Robert Wagner a dirigé l’Alsace pendant l’« annexion de fait » et, loin d’être un simple exécutant passif, a activement poussé la germanisation et la nazification. Il est allé au-delà des désirs d’Hitler dans l’incorporation de force de milliers d’Alsaciens — des milliers ne sont pas revenus du front russe.</p>
<h3>L’annexion de fait</h3>
<p>Wagner est un nazi de la première heure, accompagnant Hitler dès son putsch raté de 1923, y compris en prison. Intelligent, sans scrupule, sans éthique, Wagner incarne le parfait nazi.</p>
<p>En juin 1940, l’armée française est écrasée, et l’Alsace occupée. Mais l’Occupation n’y revêt pas le même sens que dans le reste de la France, et le Reich d’Hitler n’est pas celui d’avant 1914. Dès l’été, Wagner, Gauleiter (responsable du Parti et, de fait, de l’administration civile) de Bade, rattache l’Alsace à son Gau, puis commence le processus d’annexion et de germanisation complète de la région. Le gouvernement de Vichy proteste à peine. Il n’y aura jamais d’annexion officielle, mais ce sera tout comme. Wagner sera l’exécutant zélé de ce processus. Il promet de faire en cinq ans ce qu’Hitler jugeait faisable en dix — dont l’expulsion de 40% de la population <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>.</p>
<p>Environ 135 000 personnes (réfugiées dans le centre de la France avant l’offensive) ne rentrent pas, et plus de 21 000 sont expulsées car françaises ou francophiles. Les noms de ville et de place changent très vite. Chaque ville se retrouve avec une <em>Adolf Hitler Straße</em>. Le français est interdit, les livres brûlés, les patronymes germanisés.</p>
<p>Les « nancéiens », des autonomistes avec un certain poids, sont placés à des postes de responsabilités. Les postes de douane sont déplacés vers l’ouest à la frontière de 1871. Les fonctionnaires doivent déclarer leur adhésion au national-socialisme ou perdre leur emploi. Le courrier est ouvert. Le parti étend son maillage étouffant sur tout le territoire <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup>.</p>
<p>Économiquement, l’Alsace est spoliée. Le taux de change de 20 RM pour un 1 F est un scandale. De nombreux biens d’expulsés, émigrés et autres « ennemis du peuple » sont confisqués. Tous les postes clés passent aux mains d’Allemands de confiance, les banques et industries sont rattachées à des groupes allemands. Les salariés sont fichés. Les marchés agricoles, en raison des pénuries, sont très étroitement contrôlés. Au fur et à mesure que la guerre avance, les Alsaciens se retrouvent contraints de travailler uniquement pour l’industrie de guerre quand ils ne sont pas enrôlés. Beaucoup sont ruinés.</p>
<p>Pour Wagner, tout va bien. En 1942, 20% de la population alsacienne est encadrée par le parti nazi. En fait, pour les trois quarts il s’agit des Jeunesse Hitlériennes <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#wiki-footnote-3" id="rev-wiki-footnote-3">3</a>]</sup> et d’<a href="https://de.wikipedia.org/wiki/Deutsches_Frauenwerk" hreflang="de">organisations féminines</a>.</p>
<p>Le passage sur l’université de Strasbourg est abject : la vraie ayant été déplacée avant l’offensive à Clermont-Ferrand, et y étant restée, Wagner fait créer <em>ex nihilo</em> une nouvelle université, fer de lance contre l’Occident. Comme professeurs, on n’importe que des nazis convaincus<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#wiki-footnote-4" id="rev-wiki-footnote-4">4</a>]</sup> triés sur le volet, et aucun Alsacien. Le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/August_Hirt">Dr Hirt</a><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#wiki-footnote-5" id="rev-wiki-footnote-5">5</a>]</sup> fait des expériences et se constitue une collection de squelettes à partir de prisonniers des camps d’Auschwitz puis du Struthof.</p>
<p>Ajoutons un culte de la personnalité tout à fait dans la manière nazie. Certaines photos sont éloquentes.</p>
<h3>Les camps du Struthof et de Schirmeck</h3>
<p>Il existe un camp de concentration, parmi les pires, en Alsace, au <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_de_concentration_de_Natzwiller-Struthof">Struthof</a> (52 000 détenus d’un peu partout, 22 000 morts dont certains en chambre à gaz), mais il n’est pas vraiment sous la responsabilité de Wagner, ni destiné aux Alsaciens, sinon comme épouvantail. Pour eux, il y a le « camp de rééducation » de Schirmeck, pour tous les réfractaires, contestataires et suspects de francophilie, pour quelques jours ou à vie. Le camp est géré par la Gestapo et arrive au chiffre de deux mille internés. La ration alimentaire, insuffisante pour le travail demandé, et les brimades sadiques entraînent de fréquents décès.</p>
<h3>La résistance</h3>
<p>Dans un tel contexte, difficile de résister. Cependant il y a un « rapport d’Alsace » pour avertir Vichy et Londres de la situation : il montre au Gauleiter que son administration est noyautée. La Gestapo redouble d’efforts, la plupart des réseaux sont démantelés fin 1942.</p>
<p>Quand les tribunaux sont impliqués, il appliquent le droit allemand, et surtout la conception très particulière de la justice qu’ont les nazis. Wagner fait des exemples, les condamnations à mort pleuvent.</p>
<h3>L’incorporation de force</h3>
<p>L’incorporation de force est le plus grand crime reproché à Wagner. Il pousse auprès d’Hitler, contre l’avis de Keitel <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#wiki-footnote-6" id="rev-wiki-footnote-6">6</a>]</sup> à l’intégration rapide de classes d’âge entières. Il en verse même d’office dans les Waffen-SS <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#wiki-footnote-7" id="rev-wiki-footnote-7">7</a>]</sup>. Pour ce nazi convaincu, le sang versé et la communauté d’armes doivent accélérer l’intégration de l’Alsace au IIIè Reich. Il ne réussit qu’à braquer définitivement la population.</p>
<p>Au début on fait appel aux volontaires : l’échec est cuisant. L’incorportation devient donc obligatoire en août 1942. Les jeunes qui refusent de partir mettent leur famille en danger : des milliers de personnes sont ainsi « transplantées » dans le Reich <sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#wiki-footnote-8" id="rev-wiki-footnote-8">8</a>]</sup>. Des milliers fuiront tout de même.</p>
<p>Les officiers alsaciens de l’armée française faits prisonniers en 1940 sont rapidement libérés s’ils se reconnaissent comme <em>Volksdeutsch</em> (ethniquement allemands). Mais par la suite, on impose leur passage dans les Waffen-SS.</p>
<h3>Le procès</h3>
<p>La deuxième moitié du livre est consacrée à son procès en 1946. Il donne au passage un bon aperçu de la manière dont fonctionne la justice lors de l’épuration, et ses limites. L’auteur est juriste, il se fait aussi plaisir.</p>
<p>Wagner a été livré aux Français par les Américains. Il est jugé avec cinq autres membres de l’administration et de la « justice » de la période d’annexion.</p>
<p>Bizarrement, sont d’abord reprochés à Wagner et consorts des crimes précis (la liquidation de quatre aviateurs britanniques prisonniers, la condamnation à mort de résistants et jeunes rebelles à l’incorporation...) et accessoirement l’incorporation de force. De manière générale, le procès ne semble pas très bien mené, et se révèle plutôt frustrant pour les Alsaciens.</p>
<p>La légalité de l’annexion revient périodiquement. Pas évoquée par la convention d’armistice de juin 1940, jamais entérinée par aucun traité, elle est légalement nulle. L’enrôlement des populations dans l’armée allemande viole donc toutes les conventions. Mais les nazis s’assoient sur le droit. Wagner a beau jeu de rappeler qu’en 1918, le retour de l’Alsace à la France a été précipité aussi, avant même le Traité de Versailles, et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alsace-Lorraine#L.27expulsion_des_Allemands">avec des expulsions d’Allemands à la clé</a>.</p>
<p>Wagner tente de se présenter comme un simple exécutant de la volonté du Führer. Les témoins ne cessent de montrer qu’au contraire il avait une grande marge de manœuvre, pouvait influencer même Hitler, voire passer outre à ses consignes, pouvait ordonner au système judiciaire des condamnations à mort , et avait la haute main sur les grâces et exécutions.</p>
<p>Tous les accusés sont condamnés à mort, sauf le procureur Luger, acquitté, lui qui avait pourtant requis plusieurs peines de mort devant le tribunal spécial alsacien... Fragile sur le plan strictement juridique, comme toute justice de vainqueur et pour crime contre l’humanité, cette condamnation est politiquement nécessaire pour les Alsaciens, qui ne voient pas d’autre issue possible après leur calvaire.</p>
<p>Sur la forme, le livre souffre de deux petits défauts : beaucoup trop de notes regroupées en fin de volume, quand elles auraient pu être en bas de page voire dans le texte même, et quelques passages et citations en allemand non traduites (moi je m’en fiche).</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Ce n’était qu’un début, les nazis avaient de grands projets de dépeçage de la France en cas de victoire.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] <em>Je ne crois pas que des habitants des démocraties occidentales actuelles puissent même imaginer ce que doit être ce climat de suspicion complet qui règne d’ailleurs encore dans quelques pays.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#rev-wiki-footnote-3" id="wiki-footnote-3">3</a>] <em>Rappelons que ce n’était </em>pas<em> volontaire comme pour les scouts...</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#rev-wiki-footnote-4" id="wiki-footnote-4">4</a>] <em>Les autres avaient été virés du corps enseignant, de toute façon.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#rev-wiki-footnote-5" id="wiki-footnote-5">5</a>] <em>Cet infect personnage n’a même pas été jugé, il s’est suicidé en 1945, je ne crois pas que le livre le précise.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#rev-wiki-footnote-6" id="wiki-footnote-6">6</a>] <em>Chef suprême de la Wehrmacht pendant la guerre. Pendu à Nuremberg. Pas fusillé, pendu.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#rev-wiki-footnote-7" id="wiki-footnote-7">7</a>] <em>Et on n’avait pas forcément le choix entre SS et Wehrmacht « classique ». D’où la présence d’Alsaciens dans la division </em>Das Reich<em> coupable du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Oradour-sur-Glane">massacre d’Oradour</a>, sujet encore sensible en Alsace soixante-dix ans après</em>.</p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#rev-wiki-footnote-8" id="wiki-footnote-8">8</a>] <em>Le livre ne le précise pas vraiment, mais une « transplantation » n’est pas un simple déménagement forcé, mais une <a href="http://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2007-2-page-53.htm">quasi-déportation en camp de travail</a></em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Gauleiter-Wagner-le-bourreau-de-l-Alsace#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/701« Pour la Science » d’avril 2012 : Objectif Mars ; juger au lieu de voter ; sécurité...urn:md5:bc6b3d2c501d2c4dd8d9e33acbaf32832012-04-20T22:33:00+02:002015-12-04T13:28:34+01:00ChristopheScience et conscienceabominationadministrationAfriqueAlsacebon senschiffrescolonisationconquête de l’inutileconquête spatialediscriminationemmerdeursenfantshard sciencehistoireMarsoptimisationoptimismeorganisationprise de têtepsychologiesantésciencescience-fictionsociétés primitivessécuritétempsécologieéconomieéconomies d’énergieénergieévolution <p><img src="http://www.pourlascience.fr/e_img/boutique/pls_414_couv_175.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /> Terminerai-je cette chronique avant la fin du mois ? Vous le savez déjà, le suspens n’existe que pour moi au moment où je rédige ces lignes.</p>
<p>Résumé : un bon cru.</p>
<p><em>Comme d’habitude, les italiques sont des commentaires personnels ajoutés à un résumé sélectif qui tente la fidélité aux articles originaux.</em></p>
<h3>Le bloc-note de Didier Nordon</h3>
<p>Les liseuses électroniques abolissent enfin une discrimination : les livres pourront enfin avoir un nombre de pages <em>impair</em>.</p>
<h3>Ne votez pas, jugez !</h3>
<p>C’est de saison : l’article reprend une proposition de système de scrutin par jugement simultané de tous les candidats, qui n’a pas les inconvénients du système actuel ni les inconvénients du système de Condorcet, par exemple.</p>
<p>J’en ferai un billet séparé.</p>
<h3>Science, énergie & élections</h3>
<p>Un article de Benjamin Dessus de l’association <em><a href="http://www.global-chance.org/index.php">Global Chance</a></em> s’insurge contre la manière dont l’énergie nucléaire est présentée dans la campagne :</p>
<ul>
<li>tout d’abord l’électricité ne représente qu’une petite partie de l’énergie dépensée en France ;</li>
<li>c’est d’abord la réduction de la demande qui permettra de ne pas émettre trop de CO₂ : les économies d’électricité potentielles sont énormes : isolation, eau chaude solaire, appareils sobres...</li>
</ul>
<p>Le nucléaire a un coût difficile à estimer mais la Cour des Comptes fournit des chiffres.</p>
<p>En résumé, sortir du nucléaire vers 2031 est possible, avec un kilowattheure 20% plus cher mais une facture 25% moins élevée !</p>
<h3>Science & politiques de sécurité <em>(& donc élections)</em></h3>
<p>Le sociologue <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Sebastian_Roché_(sociologue)">Sebastian Roché</a> nous donne un résumé de nombreuses études sur l’efficacité des diverses politiques de sécurité appliquées un peu partout en Occident :</p>
<p>L’<strong>alourdissement des peines est contre-productif</strong>, et cela inclut le jugement de mineurs en tant que majeurs : une longue détention rend plus compliquée la réinsertion.</p>
<p>La « <strong>police communautaire</strong> » (chez nous : la défunte « police de proximité ») vise à améliorer les liens avec la population, s’impliquer dans la prévention… mais aussi à comprendre les délits et à les prévenir : le résultat est surtout visible sur les incivilités et désordres, mais aussi (modestement) sur la délinquance de rue (vols…) ; bref c’est une piste prometteuse.</p>
<p>La « <strong>police analytique</strong> » est une méthode : analyser comment des méfaits se déroulent, imaginer et diffuser des contre-mesures parfois simples ; apparemment efficace, elle n’est utilisée en France qu’au coup par coup. L’auteur regrette que la France préfère la « gestion verticale », centrée sur l’après-délit, les chiffres de résolution… au lieu de la police analyitique notamment.<br />(<em>Prévenir plutôt que guérir, ça ne date pourtant pas d’hier…</em>)</p>
<p>La <strong>vidéosurveillance</strong> a un intérêt réel dans les lieux clos, typiquement les parkings, mais pas ailleurs, et n’est en rien la solution miracle prônée par certains.<br />(<em>Surtout par les vendeurs de caméras je pense, et ceux qui veulent économiser des postes de policiers. Je n’ai toujours pas compris comment une caméra pouvait protéger d’un délit.</em>)</p>
<p>Il existe des <strong>méthodes « cognitivo-comportementales »</strong> visent à corriger les biais cognitifs des délinquants (prendre une simple remarque comme une provocation par exemple, ou rechercher uniquement les satisfactions immédiates, ou se voir tout le temps comme une victime). Les résultats sont spectaculaires (-30 à -50% de récidive).<br />(<em>Oui mais ces psys qui causent avec des jeunes, ça doit coûter plus d’argent sur le court terme que les laisser croupir en prison…</em>)</p>
<h3>Science & politique de santé <em>(& élections)</em></h3>
<p>Les deux auteurs sont des médecins. En résumé, leur étude clame que jusqu’ici seule la régulation par des mécanismes de marché a été mise en place en France, sans succès : réduction du nombre de médecins, tarification à l’acte (inadaptée pour les pathologies difficiles), développement des cliniques privées. De plus les missions de service public comme la prévention, les urgences, la formation des internes... sont limitées.</p>
<p>Les auteurs réclament le retour au remboursement à 80% et s’opposent à une franchise modulée selon les revenus : ce serait encore reporter le problème sur les mutuelles et réserver la solidarité à 100% aux plus pauvres, et « une solidarité pour les pauvres se transforme très vite en solidarité au rabais ! ». Ils demandent des règles draconiennes pour autoriser le remboursement d’un médicament, qui doit être efficace (donc : 80% de remboursement, ou 0), et de favoriser les génériques (pas si utilisés que ça en France).</p>
<p>Ou encore : une taxe sur la publicité de médicaments vers le corps médical doit financer la formation continue des médecins. Il y aurait 25% d’actes injustifiés (<em>25 % !!!</em>) : les économies potentielles et l’enjeu éthique sont flagrants.</p>
<p>Pour le financement, ils en appellent à Philippe Séguin, qui voulait soumettre les stocks-options aux cotisations sociales (3 milliards) ; et à la hausse automatique des recettes pour combler tout déficit et ne pas reporter la dette sur les générations futures (<em>avec intérêts</em>).</p>
<p>Au final… ils proposent le système en place en Alsace-Moselle : plus cher (1,5% du salaire contre 0,75%), mais remboursant mieux… et bénéficiaire !</p>
<p>Pour finir : le système est encore à réformer de fond en comble. Prise en compte de trois types de médecines différents (maladies bénignes, graves, chroniques), coordination, réforme des modes de rémunération des généralistes, centres de santé, formation des médecins (en communication, psychologie, pédagogie ; stages…), rénovation du secteur psychiatrique, accent sur la prévention et pas que sur les soins, « démocratie sanitaire » et contrôle, etc.</p>
<p>« Vaste programme… »</p>
<h3>En route vers Mars</h3>
<p>Les deux auteurs travaillent pour la NASA et proposent un programme spatial avant tout flexible, capable de s’adapter aux évolutions technologies et budgétaires. En fait, l’argent est la première contrainte pour la NASA avant la technique ou la balistique spatiale...</p>
<p>Au lieu de foncer directement sur Mars, la technique des petits pas viserait plutôt à explorer des astéroïdes de plus en plus gros et de plus en plus éloignés, où se poser est facile. Il y en a de nombreux intéressants selon les fenêtres de tir budgétaires. Une fois les lunes de Mars atteintes et explorées, on pourrait envisager de se poser sur la planète, ce qui est l’opération la plus complexe.</p>
<p>Les vaisseaux à propulsion ionique, lente mais régulière, sont peu coûteux (<em>critère finalement majeur</em>). Pour éviter que les astronautes restent trop longtemps dans l’espace, il suffirait de prépositionner sur le chemin des fusées classiques arrivées, elles aussi, par propulsion ionique : résultat environ -50% en masse au décollage, et autant en coût.</p>
<p>De même, le vaisseau spatial (réutilisable) serait monté en orbite terrestre haute par propulsion ionique (lentement), les astronautes le rejoignant avec une fusée classique au dernier moment.</p>
<p>Un encart du CNES parle des réacteurs nucléaires, thermiques ou électriques, comme une option pour réduire les temps de trajet.</p>
<h3>Le retour de la punaise de lit</h3>
<p><img src="http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/87/Bed_bug%2C_Cimex_lectularius.jpg/320px-Bed_bug%2C_Cimex_lectularius.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /> Depuis des millénaires, la punaise de lit se nourrit de sang humain la nuit, et heureusement elle ne transmet pas de maladie. Éradiquée en Occident au XXè siècle, grâce au DDT notamment, elle s’en rit depuis longtemps, et fait un retour en force grâce au chauffage central et aux échanges inter- et intranationaux !</p>
<p>S’en débarrasser est une plaie, entre autre grâce à sa capacité à jeûner des mois et à se disperser. Nettoyage à fond, congélation, chauffage à 50°, insecticides spécifiques et rémanents… les outils sont nombreux mais pas parfaits. De nouvelles armes pourraient se baser sur leur mode de reproduction « traumatique » (le mâle transperce la femelle, et parfois se trompe de cible), que l’on pourrait manipuler à coup de phéromones par exemple. Le temps presse, la résistance aux insecticides se développe...</p>
<h3>Divers</h3>
<ul>
<li>Dans son « Point de vue », <a href="http://www.mnhn.fr/oseb/GOUYON-Pierre-Henri">Pierre-Henri Gouyon</a> nous alerte sur la dernière loi sur <strong>les semences</strong> : en vue de mieux contrôler et tracer les cultures, le ressemage des graines par les agriculteurs est interdit, sauf paiement d’une taxe à l’industriel semencier. Une objection majeure : certes la centralisation et l’industrialisation des semences ont permis de gros gains de productivité, mais cette loi interdit la « sélection participative » entre agriculteurs, misant sur la sélection naturelle. <br /> <br /><em>(Consternant. Le parallèle avec l’informatique ou le domaine des médias est flagrant : quelques groupes veulent totalement dominer un domaine où la coopération dans un léger bazar est à long terme bien plus riche et productive… pour la société, pas les grands groupes.)</em></li>
</ul>
<ul>
<li><strong>Nos souvenirs ne sont pas immuables</strong> : ils évoluent avec le temps et les répétitions. Hors quelques événements frappant précis (au cadre, lui, reconstruit), la plupart des souvenirs se confondent dans un savoir plus général et générique (prendre le train…). Or les souvenirs sont le fondement de l’identité. Comment un petit enfant construit-il son identité avec un système de mémorisation immature ? Comment les pathologies atteignant l’identité (schizophrénie…) atteignent-elles les souvenirs ?</li>
</ul>
<ul>
<li>La <strong>savane centre-africaine</strong> serait l’œuvre de l’homme : 1000 ans <em>avant</em> Jésus-Christ, la migration des Bantous, agriculteurs qui possédaient la technologie du fer, aurait provoqué un défrichement important, l’érosion des sols puis la disparition de pans entiers de la forêt africaine.</li>
</ul>
<ul>
<li>Donner des acides gras (oméga 3) aux femmes enceintes réduirait l’incidence de l’eczéma et des allergies aux œufs après la naissance. <br /><em>(L’impact de notre alimentation sur notre santé me fascinera toujours.)</em></li>
</ul>
<ul>
<li>La rubrique d’histoire des sciences parle de l’abaque de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Sylvestre_II">Gilbert d’Aurillac</a> : ce moine astronome et mathématicien, devenu le pape de l’An Mil Sylvestre II, avait tenté d’introduire les chiffres arabes qu’il avait appris en Espagne à l’aide d’une abaque, sans zéro ni numération de position. Son utilisation nous semble assez absconse, mais cela restait un progrès : la division n’était pas possible avec les abaques de l’époque ! On ne sait pourquoi Gilbert n’a pas directement proposé le calcul écrit permis par la numération de position et le zéro (peur d’être accusé de sorcellerie ?). Le système actuel s’est répandu comme une traînée de poudre deux siècles plus tard. <br />(<em>Deux siècles perdus. Sur le sujet, voir mon résumé du pavé de Georges Ifrah </em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/04/30/329-l-histoire-universelle-des-chiffres-de-georges-ifrah-1">L’histoire universelle des chiffres</a>.)</li>
</ul>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Pour-la-Science-d-avril-2012#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/684« Le Tour du monde en quatre-vingt jours » de Jules Verneurn:md5:fdf47aaa53edc0cca90f6b4f7191bf452012-01-09T19:30:00+01:002015-10-01T13:15:44+02:00ChristopheSur mes étagères alourdiesAmériquecolonisationconquête de l’inutileculturedéfense du françaisgéographiehistoireimpérialismeIndelivres luspériméscience-fictiontempstourismeténacitéémerveillementÉtats-Unis <p>Ce grand classique a 140 ans, mais se lit encore bien. Stylistiquement, il faudra être miséricordieux, on est très loin de Balzac ou encore de Zola, mais après tout c’est aussi le style de l’époque. Les péripéties ne dépareraient pas un film hollywoodien finalement.</p>
<p>J’adore ces livres qui sont la marque d’une époque, de notre civilisation mais avec un parfum d’étrangeté, de mentalité différente. Je passe vite sur le colonialisme (les indigènes indiens et indiens des deux continents rencontrés sont surtout des barbares), le sexisme (la jolie princesse, personnage en fait à peine ébauché, tombe amoureuse de son sauveur), le paternalisme (Passepartout est un serviteur modèle qui admire son patron sévère-mais-juste), et des pointes de chauvinisme (quelques « cocoricos » sur des réalisations françaises parsèment le livre, bien que Verne ait choisi un héros anglais et qu’il admire manifestement sa nation).</p>
<p>Jules Verne n’exploite pas non plus vraiment la « couleur locale » à part peut-être en Inde (le sauvetage de la belle) et en Amérique (l’attaque du train). Il est vrai que Phileas Fogg d’une part préfère le bateau, peu propice au tourisme, d’autre part fait partie de ces gens « qui font visiter les pays où ils passent par leur serviteur » — un rien énervant pour nos mentalités.</p>
<p>En fait ce qui m’a le plus frappé est le vocabulaire : <em>bank-note</em>, <em>steamer</em> (bateau à vapeur), <em>railroad</em> ou <em>railway</em> pour le train, hautes technologies de l’époque venues d’Angleterre ou d’Amérique. Une leçon pour notre propre futur qui se purgera de quelques abominations actuelles de franglais ?</p>
<p>Je me disais au départ que c’était un peu tôt pour le donner au fiston, à cause du vocabulaire notamment, mais on va tenter l’expérience. (<strong>Ajout postérieur</strong> : C’est raté, ça plaît pas.)</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Le-Tour-du-monde-en-quatre-vingt-jours-de-Jules-Verne#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/675Seuls dans l’univers ?urn:md5:34a614271989813a3271cc30dd8c02e82011-10-11T00:00:00+02:002015-09-25T14:45:19+02:00ChristopheParadoxe de Fermi et Exobiologieanthropomorphismeastronomiebon senscolonisationconquête spatialecosmologiedommageextraterrestrespanspermieparadoxeperspectivepessimismeprise de têtequêteréalitésciencescience-fictionsimulationtempsténacitéuniversécologieémerveillementévolution<p>Ce qui suit s’appuie sur l’article d’Howard Smith sur la possibilité d’une vie intelligente dans notre coin de la galaxie, paru dans le numéro d’octobre 2011 de <em>Pour la science</em> (<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/Pour-la-Science-d-octobre-2011">mentionné ici</a> et encore en kiosque quand paraîtra ceci).</p> <p><img src="http://www.pourlascience.fr/e_img/boutique/full/_done_20110921_103017_PLS-2011-octobre_408-fu-pls_408_couv_175.jpg" alt="" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>
<p>Nous avons détecté de nombreuses exoplanètes dans de nombreux systèmes, aucune ne ressemble à la Terre. Évidemment, nos instruments ne sont pas encore assez sensibles. Il n’empêche que la diversité des systèmes solaires est bien plus grande qu’autrefois envisagée et cela réduit d’autant plus les chances qu’il y ait une autre Terre dans un système stable.</p>
<p>Dans l’<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/Telepolis-special-Kosmologie">équation de Drake</a>, seuls les premiers termes sur le nombre d’étoiles ou le nombre de planètes sont estimables, le reste est pure spéculation, et beaucoup y projettent leur optimisme pour trouver que la galaxie pullule de vie.</p>
<p>Le point primordial de l’article de Smith repose sur la distance aux éventuels extraterrestres. Même si on estime que l’univers est tellement grand que la vie ne peut qu’y foisonner, il faut compter avec la vitesse finie de la lumière<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Seuls-dans-l-univers#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup>, seuls comptent pour le moment les 30 millions d’étoiles dans un rayon d’environ 1250 années-lumières — seuil supérieur vu que nous n’attendrons pas plus de 100 générations la réponse à un de nos messages.</p>
<p>Et si nous sommes plus optimistes en espérant qu’il y a des moyens plus rapides que la lumière, comme nous ne recevons rien, nous pouvons juste en déduire que la vie intelligente est rarissime, éparse et lointaine.</p>
<p>Smith continue avec un résumé des arguments sur la « Terre rare » : gamme de masses peu étendue (la planète doit retenir son atmosphère mais si elle est trop grosse, il n’y aura pas de tectonique des plaques ), présence d’eau sans noyer les continents, bande d’habitabilité étroite, stabilité de l’obliquité, rareté des systèmes solaires comme le nôtre, et même de notre type d’étoile (brillante sans être éphémère) ou la répartition des éléments chimiques dans la galaxie.</p>
<p>Et tout cela sans parler de la durée d’apparition et d’évolution de la vie, et du rôle déterminant de catastrophes rares (<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Théia_(impacteur)">impact de Théia</a>, météorite tueuse de dinosaures…).</p>
<p>Bref, pour Smith, il faudrait que chacun des termes de l’équation de Drake approche des 20% (un chiffre en fait énorme) pour que nous ayons à qui parler dans cette bulle d’univers de 100 générations de diamètre.</p>
<p>Il finit par une pirouette sur le « principe misanthropique », référence au principe anthropique (l’univers est adapté à la vie puisque nous sommes là) : l’univers est si varié et vaste qu’il y a peu de chances que deux civilisations vivent assez longtemps pour se rencontrer.</p>
<p><em>Commentaire personnel : tout cela est bien résumé, mais connu, et ne convaincra pas celui qui tient à croire à la présence des ETs dans un endroit proche (oui on se rapproche plus de la foi que de la science sur ce terrain où elle manque cruellement de données). Son article ne tient pas compte de certains des scénarios expliquant le <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2008/06/08/54-le-paradoxe-de-fermi">paradoxe de Fermi</a>, et surtout pas du paradoxe lui-même, soit la rapidité de la colonisation de la galaxie dès qu’une civilisation l’entreprend. Des hypothèses peuvent être avancées sur l’impossibilité pratique de cette colonisation, mais elles n’ont rien à voir avec la Terre rare et les autres idées de Smith, lequel traite de l’espace relativement proche. Si ses vues sont justes et la colonisation de la galaxie possible, alors la vie est encore plus improbable (nous sommes seuls dans la Voie Lactée), ou nous sommes dans un zoo, etc.</em></p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Seuls-dans-l-univers#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Et même si le neutrino est plus rapide d’un pouième, cela ne change rien en pratique.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Seuls-dans-l-univers#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/663« 1940 : Et si la France avait continué la guerre… »urn:md5:aed425ec34c8fff3b98038f2b817097a2011-06-01T08:08:00+02:002015-09-02T12:57:32+02:00ChristopheTemps et transformationsAllemagnebombe atomiquecatastrophecolonisationcouragedémocratieguerregéopolitiquehistoireHistoire de FranceimpérialismeLibérationracléeSeconde Guerre Mondialespéculationtempstotalitarismeuchronie<p><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/lafrancecontinue-1.jpg" alt="lafrancecontinue-1.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" />Etait-il réaliste pour un gouvernement traumatisé d’abandonner la métropole, où la situation était désespérée, et de continuer la lutte depuis l’Algérie et l’Afrique, avec les appuis anglais et américain ? Le débat avait à l’époque fait rage entre les « défaitistes » (Pétain, Weygand…) pas mécontents de voir la République abattue, ou simplement inconscients de la différence de nature du IIIè Reich par rapport à l’Allemagne qu’ils avaient affrontée en 1914-18, et le groupe emmené par de Gaulle.</p> <p>J’ai chroniqué ici l’excellent livre sur la défaite de 1940, <em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/11/17/440-comme-des-lions-le-sacrifice-heroique-de-l-armee-francaise-mai-juin-1940-de-dominique-lormier-1">Comme des lions</a></em>, de Dominique Lormier, dont <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/11/21/448-comme-des-lions-le-sacrifice-heroique-de-l-armee-francaise-mai-juin-1940-de-dominique-lormier-4">un passage traite d’un repli français dans l’Empire, sans capitulation</a>.</p>
<p>Récemment, un groupe mené entre autres par <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Sapir">Jacques Sapir</a> n’a pas résisté à la tentation de l’uchronie sur ce point. Le choix du <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Point_de_divergence">point de divergence avec notre histoire</a> fut délicat : il fallait que le Président du Conseil <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Reynaud">Paul Reynaud</a> ne renonce pas au pouvoir en faveur de Pétain (alors que paradoxalement il tenait à continuer la guerre) ; c’est donc en avançant de quelques semaines le décès accidentel d’Hélène de Portes, sa maîtresse, défaitiste elle, que cette histoire se met à diverger. (<a href="http://www.delpla.org/article.php3?id_article=69">Certains ne sont pas d’accord sur le poids de l’influence d’Hélène</a>. Détail, on pourrait trouver d’autres divergences menant au même résultat.)</p>
<p>Le livre reprend l’essentiel, sous une forme aussi plus agréable à lire, du site web <a href="http://www.1940lafrancecontinue.org/">1940lafrancecontinue.org</a>. Il ne couvre que 1940, jour par jour voire d’heure en heure. Le site a quelques cartes et des mentions sur les années suivant 1940.</p>
<h3>Le Grand Déménagement</h3>
<p>Reynaud tient bon, soutient de Gaulle, écarte Pétain puis Weygand, enrôle Mandel, Zay, Blum... et lance le Grand Déménagement de l’armée française (enfin, ce qu’il en reste...) vers l’Algérie, alors française.</p>
<p>La plausibilité fait l’objet de l’introduction : oui, cela était jouable. Evidemment, en Afrique du Nord, il n’y a aucune industrie digne de ce nom, et la France devient dépendante de l’Angleterre et des États-Unis. Il lui reste des atouts : la flotte, les ressources de l’Empire, de grands stocks d’or.</p>
<h3>Ce qui change</h3>
<p>Alors, par rapport à notre réalité, quelle différence peut faire une France dont les reins sont brisés ?</p>
<ul>
<li>On pense d’abord à la flotte : sa neutralisation était le premier but d’Hitler en acceptant l’armistice, et mettre la main dessus (en tout cas éviter qu’elle ne passe aux Allemands) une obsession de Churchill. Si la France continue, pas de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Mers_el_Kebir">Mers el-Kébir</a>, la Méditerranée reste aux Alliés, et les convois dans l’Atlantique seront mieux escortés.</li>
</ul>
<ul>
<li>L’Empire reste intégralement aux Alliés. Alors qu’en réalité de Gaulle a mis des années à le récupérer bout par bout, que les Anglais ont dû envahir Madagascar puis les Américains l’Algérie, que l’Afrika Korps de Rommel a pu s’y baser, si la France continue il devient aussitôt une base de départ, par exemple contre la Lybie.</li>
</ul>
<ul>
<li>Au lieu de l’humiliante débandade et de la reddition en masse après que Pétain a dit de déposer les armes sans même avoir négocié l’armistice, l’armée française réussit à tenir avec une direction claire. Certes, il est impossible de conserver longtemps la France continentale : le sacrifice de nombreuses unités ne sert qu’à couvrir le Grand Déménagement. Nos uchronistes voient Marseille tomber en août. Mais cela fait pas mal de prisonniers en moins... et beaucoup de combats destructeurs en plus dans toute la France. Des scénarios impliquant un réduit breton (irréaliste) ou provençal (plus plausible) ont été jugés un peu trop optimistes. Que la France tienne encore deux mois contre la Wehrmacht est jugé par certains même conservateur : la logistique de la Wehrmacht était très étirée (d’où une pause forcée à mi-chemin), les Français ont très vite appris de leurs erreurs, etc.</li>
</ul>
<ul>
<li>Les Français peuvent se rééquiper auprès des Américains grâce à leurs (énormes) réserves d’or.</li>
</ul>
<ul>
<li>Dans la réalité, l’armée allemande avait quand même souffert (même et surtout après Dunkerque), et les avions perdus en France ont manqué pendant la Bataille d’Angleterre. Par contre la Luftwaffe avait récupéré ses pilotes prisonniers après l’armistice. Si la France continue, la Wehrmacht s’use à finir la conquête, ne récupère pas ses pilotes prisonniers : la Bataille d’Angleterre (pour commencer) est moins intense.</li>
</ul>
<ul>
<li>Dès 1940 les Alliés peuvent penser à des contre-attaques. Et le livre ne s’en prive pas : l’Italie ayant courageusement déclaré la guerre à une France en pleine débâcle (et comme dans la réalité, impréparation et artillerie de montagne française aidant, l’armée italienne n’ira pas loin dans les Alpes), elle prend le premier choc, avec la conquête alliée immédiate de la Lybie, de la Sardaigne, de Rhodes (ces deux dernières jamais conquises dans la réalité). Les Alliés ont donc gagné deux ans en Afrique, évité l’Afrika Korps, attiré la Grèce dans leur camp (que Mussolini aurait attaqué sinon dès la fin 1940, sans succès), protégé Suez, et menacent immédiatement la Sicile.</li>
</ul>
<ul>
<li>Pétain a dans la réalité réussi à obtenir une légitimité grâce aux pleins pouvoirs octroyés par les députés. Si la France continue, ceux-ci s’enfuient, et commencent à bâtir quelque chose qui s’orientera plutôt vers notre Vè. Et si les auteurs ont tenu à maintenir Laval, Doriot, Déat… au pouvoir (à Paris, pas Vichy), ce n’est qu’une bande d’arrivistes à la légitimité nulle.</li>
</ul>
<ul>
<li>L’Empire français (et le belge également par contrecoup) sortira socialement complètement transformé de la guerre, grâce aux centaines de milliers de personnes (soldats, techniciens, politiques…) déplacés en Algérie mais aussi aux lois donnant la citoyenneté aux « sujets »<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup> s’enrôlant et à leur famille. D’intéressantes perspectives pour l’après-guerre…</li>
</ul>
<ul>
<li>De même, des milliers de Républicains espagnols sont enrôlés par l’armée française.</li>
</ul>
<h3>Ce qui ne change pas :</h3>
<p>Les auteurs n’ont pas osé trop s’éloigner de la trame temporelle réelle, de manière logique pour 1940, de manière plus discutable (et même frustrante, mais c’eut été un saut dans l’inconnu) pour la suite :</p>
<ul>
<li>Franco reste au pouvoir en Espagne avec son jeu d’esquive envers Hitler (j’avais parlé ici du <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/10/03/427-biographie-de-l-amiral-canaris-par-andre-brissaud-3">double jeu du fascinant amiral Canaris</a>).</li>
</ul>
<ul>
<li>Le livre s’arrête à la Saint-Sylvestre 1940, donc bien avant l’attaque de l’URSS. Mais l’introduction précise bien que le maintien de la France dans la guerre ne change rien aux intentions d’Hitler. Sa nature (et celle de son régime dirait Hannah Arendt) impose de passer vite à autre chose quand les difficultés se font jour, et une France exsangue ne l’inquiétera pas beaucoup plus que la seule Angleterre dans notre réalité. Les nazis attaqueront donc les Soviétiques.</li>
</ul>
<ul>
<li>De même, dès les premières pages on sait que l’Occupation durera peu ou prou quatre ans. Au passage, quelques clins d’œils font référence à des événements bien postérieurs, légèrement « décalés ».</li>
</ul>
<p>Quelques reproches tout de même :</p>
<ul>
<li>Sur la forme, les récits au jour le jour recensant la moindre escarmouche au fond du désert lybien peuvent un peu lasser. Les opérations sont tellement détaillées que certaines parties se lisent en diagonale.</li>
</ul>
<ul>
<li>C’est le lot de la plupart des uchronies, mais il est frustrant de savoir que l’on passe à côté de nombre de références. Il faut quasiment avoir Wikipédia à portée de main pour se renseigner sur le champ sur chaque personnage qui apparaît : Guillaumet a un rôle dans l’évacuation (au lieu, dans la réalité, de se faire tuer dès 1940) ; Mendès France ne finit pas condamné comme déserteur ; Blum ne finit pas en prison sous Vichy ; Weygand se fait tuer au front ; le serment de Lybie remplace celui de Koufrah ; par contre l’ambassadeur japonais prend toujours des notes après le <a href="http://www.secondeguerre.net/articles/evenements/ou/40/ev_raidtarente.html">raid allié sur Tarente</a> qui inspira celui sur Pearl Harbor ; etc.</li>
</ul>
<ul>
<li>Les avis des civils manquent cruellement. Le gouvernement a fui avec une partie de l’armée : qu’en pense le civil de base resté en France sous Occupation ? Que disent les habitants qui voient leur ville détruite juste pour des combats de retardement ?</li>
</ul>
<ul>
<li>Sur le fond, on pourrait reprocher au livre de trop se baser sur la ligne temporelle réelle sur le long terme (on sait que l’Occupation durera quatre ans, que l’URSS sera attaquée…) alors que les opérations imaginées pour 1940 n’ont plus rien à voir avec celles de la réalité. Le maintien de la France dans la guerre n’aurait-il qu’un si faible impact ? Il faudra attendre pour voir. En fait l’effet serait sans doute majeur sur l’après-guerre : sur l’Algérie (pleine de nouveaux citoyens arabes avec droit de vote) et l’Empire ; sur le maintien de la France comme puissance majeure sur le papier ; sur la manière dont l’Europe est libérée ; le rôle final de l’URSS… J’aurais rêvé d’un basculement majeur : par exemple, les Empires occidentaux ayant mieux encaissé, le Japon décide ne pas s’y frotter, renonce à Singapour, au Vietnam et à Pearl Harbor et (<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-3-%3A-Pearl-Harbor">le choix fut paraît-il discuté à Tokyo</a>) préfère croquer l’URSS par l’Est : celle-ci s’effondre rapidement avec les conséquences que l’on imagine (aussi bien stratégiquement pour le plus grand bénéfice des nazis que par le maintien prolongé de la non-belligérance américaine) (<strong>Ajout de 2015</strong> : D’un autre côté, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Khalkhin_Gol">les Japonais s’étaient déjà cassé les dents contre les Soviétiques en Sibérie</a>).</li>
</ul>
<p><strong>PS de septembre 2011</strong> : <a href="http://alias.codiferes.net/wordpress/index.php/et-si-la-france-avait-continue-la-guerre/comment-page-1/?gseaftercommentingmodal#comment-5069">Alias a aussi aimé ce livre</a>.</p>
<p><strong>PS de 2013</strong> : Le second tome, <em>1941-1942</em> est paru ! (<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1941-1942-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre">et je l’ai chroniqué ici</a>)</p>
<div class="footnotes"><h4>Note</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Rappelons que la devise </em>Tous les hommes sont égaux<em>, dans la France de la IIIè et de la IVè république, ne valait ni pour les femmes ni pour les Arabes...</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/1940-Et-si-la-France-avait-continu%C3%A9-la-guerre#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/647“The Years of Rice and Salt” (« Chronique des années noires ») de Kim Stanley Robinsonurn:md5:3672d4b8474854f1add0b1c23e0bc84e2011-02-01T22:47:00+01:002015-08-21T09:52:01+02:00ChristopheSur mes étagères alourdiesAmériquecatastropheChinecivilisationcolonisationdéterminismeguerregéopolitiquehistoireIndelivres lusmémoireperspectivespéculationtempstranscendanceuchronie<p>Ce pavé a été mon « uchronie de Noël », une tradition personnelle avec laquelle je renoue.</p> <p>L’idée est simple : au lieu de liquider un tiers de la population européenne, la Peste Noire de la fin du Moyen Âge ne laisse personne, et l’Europe devient un désert. Évidemment l’Histoire prend une toute autre tournure : le Nouveau Monde est envahi par les Chinois et les Arabes ; la France est recolonisée depuis l’Andalousie par les soufis et la Scandinavie par la Horde d’Or ; la science moderne apparaît à Samarcande ; les Indiens font la révolution industrielle et s’étendent aussi vite que les Européens au XIXè siècle ; la Guerre Mondiale est pire que celles que nous avons connues…</p>
<p>Le monde se divise (schématiquement) entre Islam, Indiens (d’Inde), Chinois, et accessoirement Indiens (ceux de ce qui n’est donc pas l’Amérique). Robinson retrace les transferts de connaissance entre ces civilisations sans les perturbations introduites par les Européens dans notre fil temporel (le choix de Samarcande, sur la Route de la Soie, n’est pas innocent, mais l’influence des Indiens du Nouveau Monde sur ceux de l’Ancien est plus surprenante), leurs remises en cause après des guerres perdues, l’évolution du rôle de la femme dans le temps, en Chine ou dans diverses contrées islamiques, l’évolution des sociétés vers certaines valeurs que l’on qualifierait d’occidentales, etc.</p>
<p>Comme dans la trilogie de SF martienne (<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/01/349-red-mars-green-mars-blue-mars-de-kim-stanley-robinson">déjà chroniquée ici</a>) Robinson veut que le lecteur s’attache aux personnages malgré une histoire étalée sur des siècles. En science-fiction il pouvait allonger leur vie grâce à la médecine, mais ici l’expédient est plus radical : ils se réincarnent. Après tout, le bouddhisme et l’Islam influencé par le bouddhisme le permettent. On suit donc K., B., I., P., S. au fil des siècles, de leurs changements de noms (ils ne conservent que l’initiale), de sexe, même, de leurs sauts d’une civilisation à l’autre, et de leurs réunions dans le bardo, entre deux réincarnations. Chacun est un archétype (K. le révolté, I. le scientifique…). Il n’y a pas vraiment d’intrigue, les personnages sont tous emportés par l’évolution du monde tout en faisant parti des minorités qui font l’histoire. Contrairement à la plupart des livres, on peut réellement craindre pour leur vie à chaque page.</p>
<p>J’ai trouvé des défauts au niveau de la plausibilité : la Peste Noire a tué absolument <em>tous</em> les Européens en épargnant les autres, mais un virus moins radical aurait aussi permis l’uchronie<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/The-Years-of-Rice-and-Salt#wiki-footnote-1" id="rev-wiki-footnote-1">1</a>]</sup> ; la fondation de la science moderne par les trois principaux personnages à Samarcande est plus que rapide ; les blocs lors de la Longue Guerre sont beaucoup trop caricaturaux (nos guerres mondiales ont transcendé les cultures : on fait plus souvent la guerre à son voisin de même religion qu’à un peuple mal connu aux antipodes — le « choc des civilisations » n’est pas loin) ; la civilisation évolue au final un peu comme dans la nôtre avec domination occidentale<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/The-Years-of-Rice-and-Salt#wiki-footnote-2" id="rev-wiki-footnote-2">2</a>]</sup> et on peut se demander si ce n’est pas une (inévitable) marque du fait que l’auteur <em>est</em> occidental, malgré un évident effort de recherche. Et puis Robinson est un peu trop bavard, sans que l’ennui pointe.</p>
<p>Péchés véniels, le livre reste prenant, on le savourera un certain temps. Il y a un côté ludique à retrouver Amérique ou Australie sous leurs noms chinois.</p>
<p>Le titre français est une erreur (cf <a href="http://www.cafardcosmique.com/Chroniques-des-Annees-Noires-de">cette chronique sur le Cafard cosmique</a>). L’original est une référence chinoise.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/The-Years-of-Rice-and-Salt#rev-wiki-footnote-1" id="wiki-footnote-1">1</a>] <em>Sur le même point de divergence, Silverberg s’était contenté dans la </em><a href="http://a-c-de-haenne.eklablog.com/la-porte-des-mondes-de-robert-silverberg-w-a2349372">Porte des mondes</a><em> de supposer que l’Europe était devenue turque — un petit livre sympa pour un préado soit dit en passant.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/The-Years-of-Rice-and-Salt#rev-wiki-footnote-2" id="wiki-footnote-2">2</a>] <em>Quoique avec l'évolution actuelle de la Chine les deux mondes vont encore se rapprocher...</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/The-Years-of-Rice-and-Salt#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/642Telepolis special Kosmologieurn:md5:09cbf1a1440420c9321ce2319bdbd4442010-05-26T00:00:00+02:002015-06-25T12:51:10+02:00ChristopheParadoxe de Fermi et Exobiologieanthropieapocalypseastronomieautodestructionautoréplicationchristianismecivilisationcolonisationcommunicationcomplexitéconquête de l’inutileconquête spatialecosmologiedinosauresdétectionentropieextraterrestresgalaxiesgigantismehard scienceintelligenceintelligence artificiellemèmeoptimismeouverture d’espritpanspermieparadoxeperspectivepessimismeprise de têtequêtereligionrobotssciencescience-fictionSetispace operaspéculationtempsthéologiethéorietranscendanceténacitéuniverszooécologieémerveillementénergieéonsévolution<p><a href="http://www.heise.de/tp/" hreflang="de">Telepolis</a> serait un magazine que j’achèterais et lirais si j’avais le temps. Mais j’ai tout de même craqué pour le « <a href="https://www.heise.de/kiosk/special/tp/10/01/" hreflang="de">special Kosmologie</a> ».</p>
<p>Sur la couverture, la question fondamentale : <strong>« Où sont-ils ? »</strong></p> <p>Suivent une série d’articles sur le destin à long terme de l’humanité dans l’univers, la possibilité d’une vie extraterrestre, le programme <a href="http://www.seti.org/Page.aspx?pid=1366" hreflang="en">SETI</a> (radio ou optique), etc :</p>
<ul>
<li>Les mystères encore mystérieux de l’univers et les frontières actuelles de la science : <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Sursaut_gamma">sursauts gamma</a>, détecteur géant de neutrinos au pôle sud, détecteurs d’ondes gravitationnelles à la précision diabolique, fin possible de l’univers…</li>
</ul>
<ul>
<li>Le <strong>multivers</strong> peut exister de plusieurs manières : tout simplement d’abord sous forme de <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Hubble_volume" hreflang="en">volumes de Hubble</a> dans un univers infini, avec à 10^10^118 mètres d’ici un monde quasi identique au nôtre, qui restera à jamais inconnu à cause des distances et de l’expansion universelle ; ensuite sous forme d’une interminable série d’univers répartis le long d’autres dimensions ; enfin sous forme de duplication d’univers nés à chaque fois qu’une fonction d’onde est observée. Que nous soyons dans un univers miraculeusement adapté à la vie (toutes proportions gardées) s’explique par le principe anthropique au sein de cette infinité d’univers possibles.</li>
</ul>
<ul>
<li>L’énergie négative (pas l’antimatière, qui est positive, mais la vraie négative) n’est déjà pas un objet que l’on manie tous les jours hors de l’<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Casimir">effet Casimir</a>. En théorie, cela pourrait servir à voyager plus vite que la lumière, ou traverser des trous noirs. En théorie aussi ça n’avancera en pratique à rien (fichu <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_d'incertitude">principe d’incertitude</a> !).</li>
</ul>
<ul>
<li><a href="http://www.hawking.org.uk/" hreflang="en">Stephen Hawking</a> <em>himself</em> évoque la possibilité d’une vie intelligente dans l’univers, et ajoute des réflexions pas très nouvelles sur la fragilité de la vie sur Terre avec ces humains et leur bombe atomique, le passage à un type d’évolution qui ne soit plus darwiniste, ou des solutions possibles connues au paradoxe de Fermi. La remarque que je retiens : la vie datant quasiment du refroidissement de la Terre, on peut considérer que son apparition est facile et commune ; par contre il a fallu attendre trois milliards d’années pour voir apparaître la vie multicellulaire, c’est peut-être donc cette étape qui est hautement improbable.<br />(<strong>Ajout quelques semaines plus tard</strong> : Et paf, la <a href="http://www.bdpgabon.org/articles/2010/07/07/les-plus-anciens-organismes-multicellulaires-connus-decouverts-au-gabon/">découverte de fossiles multicellulaires plus jeunes d’un milliard et demi d’années</a> abat cette idée en vol.)</li>
</ul>
<ul>
<li>Et ce paradoxe de Fermi (<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2008/06/08/54-le-paradoxe-de-fermi">je rappelle que j’ai déjà radoté là-dessus ici</a>) revient comme une rengaine. Deux articles surtout énumèrent des hypothèses souvent déjà connues par qui s’intéresse au sujet : impossibilité du vol interstellaire, causes sociales, autodestruction systématique… Pour <a href="http://www.ucl.ac.uk/~ucfbiac/" hreflang="en">Ian Crawford</a> encore, les dinosaures montrent que la vie pourrait prospérer sans mener inéluctablement à l’intelligence. <br />D’autres hypothèses : les artefacts nous crèvent les yeux mais nous les interprétons comme des phénomènes naturels (pulsars ?) ; nous ne savons pas reconnaître les extra-terrestres car ils diffèrent trop de nous (exemple de la fourmi sur une autoroute incapable de découvrir la civilisation humaine) ; ils nous observent depuis toujours (scénario « du <a href="http://skildy.blog.lemonde.fr/2007/09/19/kubrick-signification-du-monolithe-de-2001/">monolithe</a> ») et nous découvrirons un jour leurs traces dans notre système solaire (un article discute de ce que ce pourrait être) ; nous vivons dans une zone de la Galaxie ou de l’univers exceptionnellement riche en éléments lourds ; toute civilisation est vite victime d’un univers finalement très dangereux (au moins jusque récemment) : supernovas, rayons gamma…</li>
</ul>
<ul>
<li>L’<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Équation_de_Drake">équation de Drake</a>, formulée en 1961 dans un minuscule congrès, n’a pas réclamé grand effort à son auteur, qui s'étonne de son succès. Les premiers facteurs (nombre d’étoiles et planètes) sont mieux estimés à présent ; les autres restent des devinettes. Il y manquerait cependant un facteur <em>Pb</em> (<em>Politicians & bigotry</em>) : un seul membre du Congrès américain peut couper les ailes au SETI.</li>
</ul>
<ul>
<li>L’équation de Drake comme le paradoxe de Fermi se ramènent donc vite à l’interrogation sur la durée de vie des civilisations. Un article de 1981 du regretté bon docteur Asimov rappelle que nous sommes intelligents et capables de prévoir, avec des inconvénients majeurs : la possibilité d’une vengeance, le besoin d’accumuler les richesses et donc l’épée de Damoclès de l’autodestruction.</li>
</ul>
<ul>
<li>Faut-il tenter de communiquer ? Le contact lui-même recèle un danger : les extra-terrestres, s’ils nous captent, voire viennent ici, auront une énorme avance sur nous, et nous savons par l’histoire de l’humanité qu’en cas de différentiel, c’est le moins technologiquement développé qui soufre le plus, même sans agressivité volontaire. Certains ont peur d’extraterrestres ouvertement impérialistes ou esclavagistes. D’un autre côté, si toutes les civilisations écoutent et aucune n’émet, l’espace semblera effectivement mort. Nous émettons de toute façon depuis 60 ans intensivement pour nos propres besoins en télécommunications, la question est vaine.</li>
</ul>
<ul>
<li>Exothéologie : quel serait l’impact de l’arrivée d’extraterrestres sur les religions terrestres ? L’Église catholique s’est déjà posé la question. (À mon avis, ce sera sur les autres religions, ou plutôt leurs versions radicales, que l’effet risque d’être le plus violent. À voir aussi la réaction des ETs à une tentative de conversion, et s’ils n’ont pas <em>déjà</em> une religion à nous offrir. Drake rêve de communiquer grâce aux mathématiques, s’embrochera-t-on dans une guerre de religion galactique ?)</li>
</ul>
<ul>
<li>En cas de détection, quelle est la procédure, quel serait le langage utilisé ? Petit rappel.</li>
</ul>
<ul>
<li>Pour optimiser les chances de détection, une proposition consiste à chercher les « phares » de l’univers : par exemple une supernova va être observée par beaucoup de monde, donc on peut <em>émettre</em> dans la direction opposée pour optimiser ses chances. (Je suis à moitié convaincu : cela suppose qu’on ne sait pas du tout où émettre, alors autant le faire dans cette direction-là.)</li>
</ul>
<ul>
<li>Pas mal de pages, dont un entretien avec Frank Drake, décrivent le projet de détection <a href="http://www.nirgal.net/ori_seti.html">SETI</a>, ses réalisations, ses échecs, ses difficultés pour obtenir des fonds, l’obstruction d’une poignée de personnes au Congrès américain. Le SETI va enfin avoir son propre réseau de radiotélescopes dédiés (payé par <a href="http://www.paulallen.com/TemplateHome.aspx?contentId=1" hreflang="en">Paul Allen</a>), mais le manque de moyens reste criant. <br />À côté du SETI classique sur les ondes radio, il existe d’autres projets plus ou moins actifs, notamment le SETI optique qui analyse le spectre des exoplanètes, ou <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Sphère_de_Dyson#Observations_astrophysiques">celui qui cherche des sphères de Dyson qui n’émettent que dans l’infrarouge</a> (un article entier). <br />Les possibilités ne dépendent que de budgets toujours trop réduits. Les détecteurs existants d’ondes gravitationnelles ou de neutrinos (<a href="http://www.icecube.wisc.edu/info/explained.php" hreflang="en">IceCube</a> me fascine) pourraient être mis à contribution. On pourrait imaginer encore plus spéculatif (que sont vraiment les sursauts gamma ?).<br />SETI n’a rien détecté de manière fiable, il y a cependant eu dans l’histoire deux signaux : le fameux « <a href="http://www.nirgal.net/ori_seti.html">signal WOW</a> » radio en 1977 et un autre en 1998 en optique, tous deux jamais reproduits ni retrouvés ni expliqués.</li>
</ul>
<ul>
<li>Le dernier article s’étend sur l’écart entre nous et Eux… dont la civilisation remonterait à des millions d’années. Malgré cela, l’auteur estime que les communications sont hors de prix : émettre à 1000 années-lumières (à la fois beaucoup et pas grand-chose à l’échelle de la Galaxie) nous coûterait l’équivalent de notre production actuelle mondiale d’énergie (environ 10 TW), pour un dialogue qui s’étalerait sur des milliers d’années. Impossible dans ces conditions de fixer des rendez-vous quand on n’est même pas sûr que la civilisation à laquelle on s’adresse soit encore là des millénaires plus tard.<br />Ajoutons quelques hypothèses classiques du paradoxe de Fermi, et on peut conclure que s’il y a un « club galactique » de civilisations évoluées, elles s’ignorent sans doute la plupart du temps et nous laissent tranquilles dans notre zoo.<br />(Personnellement, je trouve que cet article se base trop sur la technologie et la psychologie humaines, et élude les hypothèses des machines de von Neumann autoreproductrices, des monolithes... comme celles où, la technologie permettant une quasi-immortalité, l’expansion à l’échelle des siècles devient réaliste.)</li>
</ul>
<p>Deux ou trois interviews ou débats d’Allemands connus chez eux suscitent nettement moins l’intérêt, trop éloignés du sujet ou trop proches du café du commerce. L’iconographie a le défaut de décorer plus que d’illustrer pertinemment le sujet de l’article. Quatre nouvelles de SF un peu trop didactiques tentent d’éclairer les fins possibles de l’univers ou de la civilisation.</p>
<p>Je n’ai pas encore eu le temps de regarder le DVD fourni (il y a des sous-titres français).</p>
<p>Bref, à acheter si vous lisez l’allemand.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/Telepolis-special-Kosmologie#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/611« Ce que savaient les Alliés » de Christian Destremau (1)urn:md5:fe15c8b0055ea222325553532b04c5322009-01-14T00:00:00+01:002011-06-02T18:27:42+02:00ChristopheHistoireAllemagneAmériquebombe atomiquecolonisationcommunismecynismeespionnageEuropeguerreGuerre Froidegéopolitiquehistoireimpérialismeinformatiquelivres lusmanipulationorganisationparadoxeparanoïaperspectivepolitiquepsychologieracléeRealpolitikSeconde Guerre MondialespéculationÉtats-Unis<p>Le titre est trompeur (le sous-titre « Ont-ils pris les bonnes décisions ? » aussi ) : ce très intéressant livre ne traite pas de l’ensemble des données de renseignement connues de Churchill, Roosevelt et Staline, mais seulement de ce que les Anglo-Saxons ont pu apprendre par la meilleure de leur source : l’espionnage des communications radio ennemies.</p>
<p>Ce n’en est pas non plus l’histoire, mais un résumé de ce que l’auteur a pu dénicher dans les diverses archives et par comparaison avec les archives diplomatiques (tout ne fut pas intercepté, et ces lacunes ont leur importance !).</p> <p>Il n’a été révélé que bien après la guerre que les Britanniques étaient, à partir de 1941, capables de décoder l’essentiel des messages cryptés allemands, même ceux codés avec la fameuse machine <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Enigma_(machine)">Enigma</a>. <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Alan_Turing">Alan Turing</a> en tête, une équipe de Bletchley Park suait pour que Churchill en personne lise les messages d’Hitler à ses généraux avant même les destinataires (et au passage cette équipe inventait l’informatique).</p>
<p>De même, les Américains étaient capables de décoder à peu près tout ce que les Japonais envoyaient sur les ondes avant même leur entrée en guerre.</p>
<p>Par contre, quand les Allemands recouraient au courrier papier ou au téléphone, l’écoute était impossible.</p>
<p>L’utilisation des renseignements différaient assez nettement : les Anglais craignaient en permanence de trahir leur source, au point de ne <em>pas</em> utiliser les renseignements ! Si les Allemands s’étaient aperçu que leur code était éventé, ils en auraient changé, et rendu les Alliés aveugles.</p>
<p>À l’inverse, les Américains considéraient que les renseignements devaient être utilisés, et ne s’en sont pas privés. (<em>Commentaire personnel : les Anglais considéraient peut-être avoir beaucoup moins de marges de manœuvre que les Américains.</em>)</p>
<p>Une des révélations du livre pour moi porte justement sur l’utilisation de ces renseignements : le risque pour celui qui écoute est de trop <em>réagir</em> à ce qu’il entend, à trop tenter deviner les buts immédiats de l’ennemi, au risque de se faire intoxiquer et manipuler, ou de se noyer dans les jeux entre les différentes factions au sein des autorités adverses. Mieux vaut suivre une stratégie claire et n’en pas dévier (ce qui est plutôt la technique américaine) : c’est flagrant au moment des ultimes tentatives de négociations lors des agonies du IIIè Reich ou de l’Empire japonais.</p>
<p>Destremau insiste aussi beaucoup sur les multiples différences d’interprétations des divers hauts gradés et politiques au courant des décryptages. Entre Churchill, qui lisait les données « brutes » et certains adjoints, les analyses différaient parfois nettement. Entre alliés, voire entre services, l’échange d’informations n’était pas dénué d’arrière-pensées.</p>
<p>L’importance des messages <em>Ultra</em> dans le déroulement de la guerre a été capital, certains parlent d’années de guerre économisées. Il faut garder à l’esprit qu’à côté des échanges de haut niveau (ambassadeurs, généraux nazis...), les messages décodés livraient une foule d’informations tactiques très utiles pour la menée quotidienne des opérations (et parfois par la bande : les informations de Churchill sur les unités russes venaient des Allemands et se tarirent avec leur chute).</p>
<p>Christian Destremau découpe son livre en plusieurs chapitres dédiés à diverses phases de la guerre : Barbarossa, Pearl Harbor, le double jeu de Vichy, la Solution finale, l’assassinat éventuel d’Hitler, les bombardements sur l’Allemagne, l’agonie du Reich, la bombe atomique et la capitulation japonaise.</p>
<h3>Webographie succinte</h3>
<p>On pourra lire d’autres critiques sur le web :</p>
<p><a href="http://www.revue-lebanquet.com/docs/c_0001407.html?qid=sdx_q0">Sur le site de la revue </a><em><a href="http://www.revue-lebanquet.com/docs/c_0001407.html?qid=sdx_q0">Le Banquet</a></em></p>
<p><a href="http://www.histoforum.org/histobiblio/article.php3?id_article=549">Sur Histoforum</a></p>
<p>Et dans les prochains billets ici :</p>
<p>1-Résumé<br />
<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-1-%3A-Barbarossa">2-Barbarossa</a><br />
<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-3-%3A-Pearl-Harbor">3-Pearl Harbor</a><br />
<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-4-%3A-Vichy">4-Vichy</a><br />
<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-5-%3A-La-solution-finale">5-La solution finale</a><br />
<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-6-%3A-Lassassinat-de-Hitler">6-L’assassinat de Hitler</a><br />
<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-6-%3A-Le-bombardement-de-lAllemagne">7-Le bombardement de l’Allemagne</a><br />
<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-8-%3A-Lagonie-du-Reich">8-L’agonie du Reich</a><br />
<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2009/01/05/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau-9-%3A-La-bombe-atomique">9-La bombe atomique</a></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/11/23/Ce-que-savaient-les-Allies-de-Christian-Destremau#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/493« Si la gauche savait » de Michel Rocardurn:md5:364208de7bd5b4fafd185c0fd98c842b2008-03-16T10:26:00+00:002016-07-03T12:41:28+00:00ChristopheSur mes étagères alourdiesadministrationcolonisationcommunismedommagedémocratieguerrehistoireHistoire de Francelivres lusperspectivepolitiqueéconomie<p>Michel Rocard est un des rares hommes politiques avec une bonne réputation qui a résisté à l’usure du pouvoir. Si sa carrière nationale est achevée, il reste actif au Parlement Européen, et j’ai eu plaisir à le voir s’engager lors de la <a href="http://brevets-logiciels.info/">guerre des brevets logiciels</a>.</p> <p><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/Si_la_gauche_savait_M.Rocard.jpg" title="Si_la_gauche_savait_M.Rocard.jpg"><img src="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/images/livres/.Si_la_gauche_savait_M.Rocard_s.jpg" alt="Si_la_gauche_savait_M.Rocard.jpg" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></a>Ce livre paru peu avant la dernière campagne présidentielle retrace la vie de Michel Rocard, sous forme d’entretien avec le très mitterrandien Georges-Marc Benamou.</p>
<p>La jeunesse de Rocard est marquée par la Guerre d’Algérie, qui a profondément chamboulé la vie politique française : pas seulement par le retour de de Gaulle, mais aussi par les scissions et les rancunes au sein même de la gauche. Rocard, et une bonne partie de la gauche non communiste avec lui, s’est défini par opposition à Guy Mollet, puis à Mitterrand (« L’Algérie c’est la France »). Même énarque, il est mobilisé en Algérie, et le devoir de réserve l’oblige à écrire dans les revues politiques sous un pseudonyme. Il insiste sur le fait que les Français de l’époque n’étaient <em>pas</em> informés de ce qui se passait réellement en Algérie (les déplacements de population...), et qui l’écœurait.</p>
<p>Un des drames de la gauche française, pour lui, est la difficulté avec laquelle elle réussit à s’unir. Il envie par exemple le Parti Socialiste suédois et sa longue histoire. Il explique par exemple que les socialistes français n’ont jamais réussi à se regrouper avant 1905, donc n’ont pas « bénéficié » de l’aura de la lutte pour la démocratisation. Puis l’arrivée des communistes, les guerres et divers événements ont à chaque fois provoqué la perte de centaines de milliers de militants expérimentés. En France, il a fallu attendre la reconstruction du PS autour de Mitterrand pour en faire la force dominante de gauche.</p>
<p>Par rejet du communisme, si puissant à l’époque, Rocard raconte s’être toujours soucié de rassembler les forces de gauche et les « catholiques » modérés, donc les centristes. On pense bien sûr à Delors, et à l’« ouverture » alors qu’il était Premier Ministre, au début du second septennat de Mitterrand. Mais cela remonte beaucoup plus loin, quand il se battait pour être élu par ses condisciples étudiants. Certaines des pages les plus savoureuses remontent à cette époque — notamment quand il se fait voler une élection par un certain Jean-Marie Le Pen, personnage déjà peu recommandable.</p>
<p>Un autre personnage croisé pendant sa jeunesse est un certain Jacques Chirac, plus fortuné que lui auprès des femmes comme financièrement, et qui refusera de rejoindre le mouvement de Rocard, pas assez à gauche pour lui !</p>
<p>Bien que Mendès France ait été un de ses modèles, Rocard n’est pas tendre avec lui : Mendès France, trop timoré, n’a été Président du Conseil que mis devant le fait accompli par René Coty ; en 1956 il laisse à Guy Mollet un pouvoir qu’il aurait pu prendre d’une phrase.</p>
<p>Les luttes d’appareils et les querelles de chapelle occupent une bonne partie du livre. Trente à cinquante ans plus tard, elles semblent dérisoires. Les noms et encore plus les sigles sont tombés dans l’oubli. Mais à l’époque il ne s’agit pas simplement de querelles de personnes. Rocard offre aussi une perspective sur tout le côté sociologique de la vie d’un parti, de son appareil, nécessaires pour gagner des élections, et qui ne se construisent pas du jour au lendemain.</p>
<p>Mitterrand est certes presque un ennemi, mais Rocard finit par rejoindre le PS organisé autour de ce dernier, par réalisme. Déjà à l’époque il porte un regard critique sur la campagne de 1981, puis les débuts du premier septennat de Mitterrand. Le nouveau Président est un homme qui pense d’abord appareil, politique et jeux de pouvoirs, et considère les contraintes économiques comme négligeables. Le meilleur exemple est celui des nationalisations, que Rocard et d’autres ont voulu bien plus réduites (par exemple en se limitant à des participations), alors que Mitterrand voit grand et gaspille des milliards.</p>
<p>Mitterrand s’est fort bien coulé dans le modèle de monarchie élective français, et les rapports entre lui et Rocard sont toujours restés froids, même après la nomination de Rocard comme Premier Ministre — quasiment par surprise, lors d’un dîner. Les anecdotes foisonnent. En 1993 Rocard est littéralement viré par le Président.</p>
<p>Bref, un livre extrêmement instructif sur une époque qui semble déjà lointaine — mais dont une partie a représenté mon enfance et mon adolescence. Toute la perspective historique est passionnante.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/03/16/486-si-la-gauche-savait-de-michel-rocard#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/433Coloniser le désert de Gobi plutôt que Marsurn:md5:45b82bb0348d0d477ca2729527ce7e752008-02-19T20:08:00+00:002011-05-26T19:14:06+00:00ChristopheMarsbesoinbon sensChinecivilisationcolonisationconquête de l’inutileconquête spatialecosmologiecourt termedilemmedommagedémographieeaueffet de serreenvieEuropeexaptationgigantismegravitationincohérenceintelligence artificielleMarsmytheoptimisationparadoxepessimismerobotssciencescience-fictionspéculationéconomieÉtats-Unisévolution<p>Une provocation de Bruce Sterling : pourquoi conquérir un but aussi éloigné que Mars quand les déserts terrestres nous tendent les bras ?</p> <p>C’était en 2004. <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bruce_Sterling">Bruce Sterling</a>, rien moins que l’un des fondateurs du mouvement SF <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Cyberpunk">cyberpunk</a>, ramenait violemment sur Terre tous les rêveurs qui, de moi à <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2005/12/09/52-mars-la-blanche">Brian Aldiss</a> ou <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/06/01/349-red-mars-green-mars-blue-mars-de-kim-stanley-robinson">Kim Robinson</a>, s’imaginent entamer la colonisation de Mars dans quelques décennies au maximum.</p>
<blockquote><p><em><a href="http://www.boingboing.net/2004/01/08/sterling_ill_believe.html" hreflang="en">“I’ll believe in settling Mars when I see people settling the Gobi Desert.”</a></em> <br /> <br />(« Je croirai à la colonisation de Mars quand je verrai des gens coloniser le désert de Gobi. »)</p></blockquote>
<p>Son idée est que Gobi est sans intérêt, et trop inhospitalier pour bon nombre de raisons. Et les gens qui s’y établiraient délibérément seront les premiers candidats à la vie sur une Mars qui est mille fois plus aride, plus inhospitalière que Gobi. Il ajoute que la civilisation possédant une technologie capable de terraformer Mars se sera d’ailleurs elle-même transformée en chemin, ce qui rend vaine toute supposition sur ses motivations. (Le thème des humains modifiés, génétiquement ou par implants, occupe d’ailleurs la place centrale de ses livres.)</p>
<p>Sterling ne dit pas qu’<em>aller</em> sur Mars, ou y laisser une base avancée, est utopique. Des scientifiques occupent des bases en Antarctique, mais personne ne songe à <em>coloniser</em> ses arpents de neige. Ce sera pareil pour Mars.</p>
<p>(Fin de résumé/paraphrase.)</p>
<p>Diantre, que de pessimisme de la part d’un personnage qui par profession serait normalement plus enclin à voir l’homme se répandre dans la Galaxie ! Mais le rêve n’empêche manifestement pas de savoir garder les pieds sur terre.</p>
<h3>Le Paradis de Gobi contre le cauchemar martien</h3>
<p>On aura beau jeu de rétorquer que le désert de Gobi <em>est</em> habité. <a href="http://dinosoria.com/desert_gobi.htm">Par quelques nomades mongols et leurs troupeaux</a>. Pourtant Gobi fait partie d’un pays surpeuplé, la Chine. Si Mars était seulement aussi aride — et malgré tout « habitable » — que Gobi, ou que la froide Sibérie, ou que le Kalahari, et distant d’un jour de marche, oui, certains nomades et quelques ermites iraient sans doute s’y établir.</p>
<p>Mais Mars est à 55 millions de kilomètres (strict minimum), les tempêtes y sont apocalyptiques, et il n’y a rien à y respirer. Les habitants de Gobi ne possèdent pas d’astronef interplanétaire, ont besoin d’oxygène, et ne doivent pas considérer leur zone comme surpeuplée, donc ils ne vont pas sur Mars.</p>
<p>À l’inverse, des habitants de zones surpeuplées cherchant de la place ne vont même pas dans les déserts proches (Gobi, Sahara ou Arizona). Et ce alors que la technologie humaine, antique ou actuelle, y permet la survie, et que le lien avec les zones plus peuplées est « rapide » (des heures d’avion ou des jours de chameaux au pire). Exception : Las Vegas, qui n’est là justement que comme partie d’une nation beaucoup plus habitable.</p>
<p>Pour Mars, il faut des mois de voyage, et le soutien technologique d’une superpuissance pour y survivre. Pour les mêmes raisons que Mars, l’Antarctique n’est pas colonisée (au pire elle sera exploitée pour son pétrole, son cuivre ou son zinc par quelques techniciens).</p>
<h3><em>Freakonomics</em> appliqué à Mars</h3>
<p>Bref, comme dirait <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/10/30/292-freakonomics-de-levitt-dubner">Levitt</a>, finalement c’est économique, on ne va que là où c’est économiquement réaliste.</p>
<p>Ajoutons trois choses :</p>
<p>D’abord, même si envoyer du monde sur Mars devenait aussi facile que vers la Lune grâce à Dieu sait quel mode de propulsion, et devenait cent fois moins cher grâce à la mise en place d’un <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Ascenseur_spatial">ascenseur spatial</a>, une colonisation massive (des millions de personnes) resterait utopique, ou serait en tout cas effroyablement ruineuse. Bref, Mars deviendrait au mieux un territoire vierge où on rencontrerait ici ou là un hameau, une base scientifique, une petite ville. On est loin de l’Europe du XIXè siècle qui déversait ses excédents de population en Amérique.</p>
<p>Ensuite, la motivation des colons entre évidemment en compte. Qui va effectuer un voyage dangereux, long (des mois, probablement), pour un lieu désolé, où rien ne pousse, où il n’y a aucune industrie ? Des scientifiques, des fous, des aventuriers, des touristes, des techniciens du calibre de ceux qui vont sur les plate-formes pétrolières. (Les pauvres désespérés, SDF parisiens ou paysans du Sahel, ne pourront jamais s’offrir le billet, et personne ne leur offrira sans bonne raison, notamment sans une société martienne <em>déjà</em> présente.)</p>
<p>Vu le prix du billet, du séjour et du ravitaillement, et l’ensoleillement, je doute cependant que Mars devienne une destination aussi courue que les plages tunisiennes ; en tout cas il ne faut pas espérer qu’une société martienne puisse vivre des quelques touristes qui pourront aller là-bas juste admirer <em>Valles Marineris</em>.</p>
<p>D’autre part, pour « exploiter » les touristes, il faut une infrastructure déjà en place, donc du monde, ce que n’importe quel pays du Tiers Monde possède, mais pas Mars. Ce monde (conjoints, famille, médecins, coiffeurs, policiers, administratifs...) viendra en soutien des travailleurs (techniciens miniers ou GO du Club Méd’), et donc on revient au problème principal : que faire sur Mars d’intéressant, c’est-à-dire d’<em>économiquement rentable</em> ?</p>
<p>Enfin, notre espèce n’est peut-être sociale, mais elle est en tout cas grégaire<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/02/19/395-coloniser-le-desert-de-gobi-plutot-que-mars#pnote-354-1" id="rev-pnote-354-1">1</a>]</sup>. La surpopulation locale n’est pas un problème : le taux d’urbanisation s’envole depuis deux siècles, les Chinois s’entassent sur leur côte est, les Américains dans quelques mégalopoles, les Français pour une bonne partie en région parisienne, etc. Le désert de Gobi n’est pas près d’être colonisé quand la Creuse, bien plus accueillante, se dépeuple. La population mondiale a explosé, mais les guerres pour des terres à coloniser n’existent quasiment plus entre États modernes. Nous ne sommes plus à l’époque des grands défrichements de l’apogée du Moyen Âge, ni de la conquête du <em>Far West</em> par des fermiers arrivés d’une Europe surpeuplée : dans notre civilisation industrielle les gens vont là où il y a du travail, et tant pis pour les prix délirants de l’immobilier. Je ne crois pas au télétravail pour inverser rapidement et massivement la tendance.</p>
<h3>Trop cher</h3>
<p>Oui, la conquête de Mars est romantique, c’est la prochaine étape de la conquête spatiale, le premier des objectifs difficiles, lointains mais réalistes que nous pouvons nous donner. Les Américains ou les Chinois iront sur Mars, oui, motivés d’abord par la gloriole. Et comme pour la Lune, ce sera sans doute juste pour planter un drapeau, collecter quelques cailloux, et repartir. Le prix effroyablement élevé d’une base permanente ne se justifie que très difficilement, alors pour une population plus importante, il faudra un intérêt économique supposé, même aléatoire.</p>
<p>Pour la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Station_spatiale_internationale">station spatiale internationale</a>, la justification scientifique est déjà tellement « limite » que les gouvernants hésitent à lâcher les milliards nécessaires. C’est d’ailleurs là que se situe le principal obstacle pour des projets de cette échelle : seuls des gouvernements d’États-continents (USA, Chine, Europe) peuvent aligner l’argent ; les projets privés sont irréalistes. Et un gouvernement est imperméable au romantisme. Christophe Colomb a été sponsorisé par l’Espagne pour rechercher des routes commerciales, pas pour faire de la recherche fondamentale en géographie.</p>
<p>Pour relancer la conquête de la Lune, <a href="http://www.onversity.net/cgi-bin/progactu/actu_aff.cgi?Eudo=bgteob&P=00000910">la NASA parle d’y chercher l’Hélium-3 qui alimenterait les centrales à fusion de la deuxième moitié du siècle</a>. Objectif douteux, et trop lointain, vaguement plausible. Mais la Lune est à trois petits jours de voyage. Accessoirement, pour utiliser des centrales à fusion à hélium, il faudrait déjà maîtriser celles à hydrogène — on en reparle en 2060.</p>
<p>J’ai du mal à imaginer ce qui serait exploitable sur Mars. Du pétrole ? Il aurait fallu des forêts autrefois. Du minerai ? Lequel ? Du CO₂ ? Nous en avons même trop, et Mars pas assez. Cependant, même si des mers de pétrole ou des mines de platine pur y était découvertes, le prix du transport serait tel que cela n'en vaudrait pas la chandelle. Quant à d’autres besoins... lesquels ? Que pouvons-nous faire sur Mars (hors l’étude de Mars) qui ne soit possible beaucoup plus près comme sur Terre, sur la Lune, ou simplement dans l’espace même, en orbite proche ou pas ?</p>
<p>La recherche d’une vie sur Mars est un objectif justifiant d’y envoyer des scientifiques, mais pas des colons. Ajoutons l’argument qui veut que pour le prix du billet d’un humain, on pourrait y envoyer une flotte entière de robots, certes limités, mais bien moins chers, et peut-être suffisants — en tout cas les gestionnaires qui lâcheront les crédits le verront comme ça. La robotique avance d’ailleurs plus vite que l’astronautique interplanétaire, et le retour sur investissement est plus rapide (les avancées technologiques se retrouvent très vite appliquées à l’industrie terrestre).</p>
<h3>Un pic à franchir</h3>
<p>Il ne s’agit pas de nier que la colonisation de Mars, sur le long terme, serait forcément une mauvaise opération. La conquête de la Lune a été remboursée plusieurs fois par les innovations qui ont été ensuite recyclées dans le « civil », l’envoi d’une mission sur Mars pourrait se justifier aussi ainsi. Sur le très long terme, que l’homme se répande sur une deuxième planète est un gage de survie à long terme de l’espèce. De là à investir massivement dans une colonisation... Notre époque a l’obsession du <a href="http://www.chef-de-projet.org/ROI.htm">retour sur investissement</a> rapide, et la terraformation est lointaine, aléatoire, et sans intérêt immédiat.</p>
<p>Sauf invention révolutionnaire par définition imprévisible, ou décision d’un gouvernement très volontaire qui aime les grands travaux (les Chinois ?), la colonisation martienne est face à un « mur de potentiel ». Le transport de la moindre denrée ou matériel est hors de prix. Si une justification économique existait (un minerai quelconque ?), et que notre société décidait collectivement d’aller l’exploiter, les masses d’argent en jeu nous pousseraient à les investir plutôt dans la substitution.</p>
<p>Or aucune colonisation ne démarrera sans justification économique. Le tourisme ou l’exploitation secondaire de ressources marginalement rentables suivrait sans doute si un premier circuit économique est en place. Mais, encore une fois, lequel ???</p>
<p>Deuxième mur de potentiel : toujours pour des raisons économiques et de protection de la vie humaine, une entreprise investissant dans Mars cherchera plus à y placer des robots que des humains. De l’exploitation sans colonisation donc. Même si ces robots se trouvent pilotés par des humains en réalité virtuelle, voire des trans-humains numérisés qui se téléchargeraient dans les robots — peut-on parler de colonisation dans ce cas ?</p>
<h3>Terraformation</h3>
<p>La colonisation de Mars (et non juste une tête de pont) n’a effectivement
pas de sens sans terraformation de la planète. Celle-ci est hors de portée. Il faudra donc attendre un temps où nous aurons les capacités d’oser même y penser. Mais la facture sera très salée et la terraformation étalée sans doute sur des siècles. Le personnel nécessaire justifierait un début de colonisation, mais la « rentabilité », certes positive sur le très long terme (nous serions enfin à l’abri d’une catastrophe globale sur Terre<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/02/19/395-coloniser-le-desert-de-gobi-plutot-que-mars#pnote-354-2" id="rev-pnote-354-2">2</a>]</sup>) serait contrebalancée par le coût énorme à supporter pendant longtemps.</p>
<p>Ce peut être une décision politique (« Offrons-nous une deuxième planète !») qu’une société plus volontaire que la nôtre prendra peut-être. Ce peut être un moyen délibéré d’investir dans la recherche massivement, et qu’importe le but — mais pourquoi ce but-là (soyons cynique : terraformer Mars est plus clinquant que de sortir la moitié de l’humanité de la misère) ? Imaginons un rebond de la natalité occidentale couplé à de nouvelles inventions, ou un maintien du volontarisme chinois d’aller toujours plus avant, ou (comme dans la <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/06/01/349-red-mars-green-mars-blue-mars-de-kim-stanley-robinson">trilogie de Robinson</a>) une quasi-immortalité acquise par la médecine, nous rendant capables de planifier des projets aussi longs, et les justifiant par la place à conquérir. On en est donc réduit à imaginer des justifications de science-fiction.</p>
<p>Bref, si une vraie conquête de Mars est lancée ce siècle, ce ne sera probablement pas une décision rationnelle. L’humanité, il est vrai, en prend rarement collectivement.</p>
<h3>La prédiction est toujours difficile, surtout en ce qui concerne le futur</h3>
<p>Quand on se lance dans une telle discussion, il est toujours facile de trouver des exemples et contre-exemples sur le dépassement des limites économiques apparemment infranchissables. Les murs de potentiel s’effritent avec la technologie.</p>
<p>En cinquante ans, nous avons pris l’habitude de transporter des quantités monstrueuses de marchandises périssables ou très bon marché d’un hémisphère de la planète à l’autre ; cela aurait semblé utopique il n’y a pas si longtemps. Utiliser les tendances et contraintes actuelles pour prévoir le futur est toujours une manière efficace de se tromper, et une découverte par définition imprévisible peut redistribuer les cartes : un moteur quelconque pourrait raccourcir le voyage vers Mars à deux semaines, ou une percée spectaculaire dans l’ascenseur spatial, ou une autre technologie pourrait réduire le coût massivement et, couplé au manque criant de matières premières sur Terre, lancer une exploitation minière rentable des planètes et astéroïdes proches. Ou les contraintes écologiques terriennes enverront progressivement toutes les usines polluantes sur la Lune voire plus loin.</p>
<p>J’aime beaucoup la formule « <em><a href="http://science.slashdot.org/comments.pl?sid=287435&cid=20463705" hreflang="en">someone with a dream will harness the resources necessary to profit from the benefits that you cannot yet foresee.</a></em> ». Des <a href="http://www.futura-sciences.com/fr/sinformer/actualites/news/t/univers/d/hotel-spatial-et-si-le-reve-devenait-realite-maj_9315/">entreprises privées</a> tentent bien déjà un <a href="http://space.xprize.org/x-prize-cup/" hreflang="en">accès autonome</a> à l’espace, souvent comme « <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Armadillo_Aerospace" hreflang="en">danseuse</a> » d’<a href="http://en.wikipedia.org/wiki/John_D._Carmack" hreflang="en">un milliardaire</a>. Mais l’investissement privé, sur le long terme, ne se maintient que s’il trouve une justification économique, les richissimes aventuriers ne jouant que le rôle de catalyseurs.</p>
<p>À l’inverse, une confiance aveugle dans l’avenir est aussi un moyen de se tromper. La Lune a bien été conquise — et ça n’a <em>rien</em> lancé. Toute l’histoire de l’astronautique depuis tourne uniquement autour de l’exploitation économique de l’espace proche (les satellites espions, météo, de communication, scientifiques...) et d’une poignée de sondes lointaines, dans l’attente de l’avancée technologique qui relancerait la machine. Quant à ces évolutions, d’une part elles ne se décrètent pas, d’autre part elles nécessitent des investissements, du temps, et une société accueillante pour fleurir.</p>
<h3>Échelle de temps</h3>
<p>Attention, je ne parle ici que du court et moyen terme, disons le XXIè siècle. Sur plus d’un siècle, tout et n’importe quoi peut se passer, surtout ce à quoi nous ne nous attendons pas. Dans mille ans, les contraintes économiques auront changé, et le tourisme sur Mars sera peut-être devenu un caprice accessible à beaucoup. La terraformation sera peut-être en cours voire achevée. L’intérêt minier de Mars sera peut-être réel, rien que pour alimenter l’économie locale. Après tout, dans la <em><a href="http://gotomars.free.fr/voie.html">Voie martienne</a></em>, Asimov décrit bien des Martiens obligés d’aller chercher leur précieuse eau dans les anneaux glacés de Saturne. Ou bien l’humanité sera peut-être réduite à quelques pauvres hères sur une planète cuite à l’étouffée dans son CO₂, incapables d’aller plus loin que la prochaine oasis.</p>
<p>Et même : comme le conclut Sterling, une civilisation capable de coloniser Mars aura sans doute bien mieux à faire que de s’occuper d’un caillou sans vie. Les mondes virtuels, ou des civilisations se construisant carrément leurs petits paradis dans l’espace interplanétaires, ne constituent que deux exemples. Ou encore, avant Mars, cette civilisation aura sans doute déjà cherché à occuper des zones inoccupées comme Gobi ou la Sibérie (encore une fois, pour y faire quoi ?). Alors, le clone numérique de Sterling croira peut-être à la colonisation martienne.</p>
<p>De toute manière, comme le remarque aussi Sterling, à quoi ressembleront les humains à cette époque ? J’ai évoqué des trans-humains qui se téléchargeraient dans des robots, ou des gens vivant uniquement en réalité virtuelle, il y a aussi le cas des cyborgs pouvant vivre n’importe où. Quels seraient les limitations et les besoins de tels « humains » ?</p>
<p>Enfin, donnons tout de même une dernière raison pour laquelle Mars sera peut-être terraformée quand le désert de Gobi restera sans vie : le sain conservatisme écologique. Nous commençons tout juste à comprendre comment fonctionne notre planète, et quand on lit ici ou là que les poussières du Sahara fertilisent l’Amazonie ou que les Rocheuses impactent le climat européen plus que le Gulf Stream, il est clair que terraformer une <em>autre</em> planète est moins risqué que de vouloir « finir » la terraformation de la seule que nous ayons pour le moment.</p>
<h3>PS</h3>
<p>Devoir pour moi-même ou mes descendants, en 2100 voire avant : dans ce billet, qu’est-ce que je n’ai <em>pas</em> vu qui semblera tellement évident quelques décennies plus tard, et qui flanque par terre tout le raisonnement ?</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/02/19/395-coloniser-le-desert-de-gobi-plutot-que-mars#rev-pnote-354-1" id="pnote-354-1">1</a>] Dixit <em>John Brunner</em>.</p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/02/19/395-coloniser-le-desert-de-gobi-plutot-que-mars#rev-pnote-354-2" id="pnote-354-2">2</a>] <em>Mais toujours pas d’une guerre mondiale, cette fois interplanétaire, qui emporterait les deux planètes, et l’humanité par la même occasion.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2008/02/19/395-coloniser-le-desert-de-gobi-plutot-que-mars#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/354« Les racines du ciel » de Romain Garyurn:md5:d7be34c148165ed54406b6f244fc548c2007-12-13T21:12:00+00:002011-05-23T20:25:32+00:00ChristopheSur mes étagères alourdiesAfriquecolonisationcynismedémocratiehistoireHistoire de Franceimpérialismelivres luspolitiquesociétés primitivestourismeutopieécologie<p>Dans l’Afrique coloniale française, un fou veut sauver les éléphants. Récupération, tornade médiatique, conflit avec les colons comme les indépendantistes... Un grand roman !</p> <p>Avec ce pavé, Romain Gary a décroché le premier de ses deux Prix Goncourt. Contrairement à la plupart des œuvres primées, le livre n’a pas été oublié.</p>
<p>Avec le temps s’est ajouté la patine et un très intéressant côté historique : l’action se déroule presque intégralement dans l’Afrique Équatoriale Française (Tchad, Centrafrique), peu avant la décolonisation, à une époque où « écologie » ne figurait pas au vocabulaire courant. Un ancien résistant déporté, Morel, se met en tête de protéger les éléphants, plus chassés par les Blancs pour le « sport » que par les Africains pour la viande. D’abord avec des pétitions inutiles, puis de manière plus violente. Il se met ainsi dans l’illégalité mais donne naissance à un phénomène médiatique où certains voient la main des communistes et d’autres un appel symbolique à l’indépendance des nations africaines. Lui se veut pourtant neutre, et exige juste que l’on fiche la paix aux éléphants.</p>
<p>Le plus plaisant à mes yeux a été la découverte de la société coloniale de l’époque : le gouverneur obligé de ménager la chèvre et le chou, les petits trafiquants en tout genre, les chasseurs, les profiteurs, les sorciers, les missionnaires, les indépendantistes, les paumés...</p>
<p>Se détache notamment Waïtiri l’Africain, ancien député, imbibé de culture française, décidé à inculquer de force les idées occidentales à son peuple qu’il juge arriéré, et à lui imposer une indépendance qu’il ne réclame même pas encore. Il est prêt à aller en prison, « antichambre des ministères », ou à faire liquider Morel après l’avoir aidé, pour que l’on ne s’aperçoive pas que la défense des éléphants n’est pas un symbole pour l’indépendance africaine, mais bien le but de l’écologiste. Le continent africain en a connu depuis, des Waïtiri...</p>
<p>Le peuple africain est spectateur de l’essentiel du livre. Le paysan de base ne voit dans l’éléphant qu’une masse de plusieurs tonnes de viande, et Morel explique clairement que les éléphants ne seront réellement à l’abri que le jour où les Africains mangeront à leur faim. L’écologie était — et est toujours — un souci d’homme rassasié.</p>
<p>Globalement, les coloniaux en prennent pour leur grade, même si l’écart est large entre le gouverneur qui se glorifie de ses succès dans la lutte contre les maladies, et les massacreurs d’éléphants.</p>
<p>Cinquante ans plus tard, les éléphants ont finalement été sauvés. Mais les <em>Racines du ciel</em> montre que certains des problèmes de l’écologie alors naissante n’ont toujours pas été résolus.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/12/13/449-les-racines-du-ciel-de-romain-gary#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/400Tintin et l’Histoire (1)urn:md5:36c6d43f2eda3947078f582c1f0232ba2007-08-27T19:06:00+00:002011-04-25T21:19:22+00:00ChristopheHistoirecolonisationcommunismehistoireracismeTintin<p>Les albums de Tintin, si on les lit au-delà du premier degré, sont une magnifique leçon d’histoire sur une bonne partie du XXè siècle.</p> <p>Comme beaucoup de gens de ma génération, et de celle d’avant, j’ai été nourri à <em>Tintin</em>. Je crois qu’à part <em>Tintin chez les Soviets</em> (retiré de la série par Hergé) et <em>Les sept boules de cristal</em> (dont le squelette en milieu d’album aurait paraît-il risqué de faire peur au petit garçon que j’étais), mes parents avaient l’intégrale de la série. Mon père raconte encore que, quand il sautait les passages assez ardus d’<em>Objectif Lune</em> sur la description du fonctionnement d’une pile atomique, je protestais et exigeais qu’il y revienne.</p>
<p>Plus grand, j’ai relu toute la série, y compris les versions originales d’avant-guerre des premiers albums, dans l’édition semi-luxe que s’était offert mon grand-père. Chaque album était précédé d’un commentaire historico-politico-culturel - qui remonte à pas loin de 80 ans maintenant. Ce fut une révélation : chaque album prenait une dimension supplémentaire en connaissant son contexte ! Inestimable pour un fana de l’Histoire comme moi ; un peu comme découvrir le sens caché d’un roman à clé. Comparer l’ambiance et la structure entre les différents albums, voir évoluer le petit monde autour du personnage principal, est un plaisir. À présent, la moindre requête sur le web ramène une masse fascinante d’informations historiques sur les albums pour qui veut creuser.</p>
<p>Petit résumé de tintinophilie historique :</p>
<h3>Les albums d’apprentissage</h3>
<ul>
<li><strong><em>Tintin au pays des Soviets</em></strong> est publié en feuilleton à partir de 1929, puis en album. Il sera renié par Hergé lui-même. <br />Il est le fruit du travail presque bâclé d’un presque débutant, sans aucun plan ni intrigue construite ni le moindre recul. Le <em>Petit Vingtième</em>, supplément pour enfants d’un journal belge, le <em>Vingtième Siècle</em>, est plutôt conservateur, et Hergé lui-même un boy-scout issu de la petite bourgeoisie. L’anti-communisme primaire qui se dégage est inspiré par ce milieu - mais finalement la réalité du régime de Staline n’était elle-même pas loin de cette caricature. La documentation d’Hergé consiste principalement en <em>Moscou sans voiles</em> de Joseph Douillet, la relation du long séjour d’un consul belge en Russie puis URSS.<br />Hergé fera tout pour limiter les rééditions de cet album d’apprentissage.</li>
</ul>
<ul>
<li><strong><em>Tintin au Congo</em></strong> sera redessiné après-guerre, et expurgé de ses pires clichés qui tenaient du colonialisme le plus paternaliste et raciste. Le <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Congo_belge">Congo belge</a> à cette époque sort d’un terrible épisode d’administration directe par le roi, et n’est que depuis peu géré par la Belgique même. Le missionnaire que rencontre Tintin est une réalité : les prêtres représentaient la quasi-totalité du système éducatif local ! Le pays avait également beaucoup souffert des combats en Afrique de la Première Guerre Mondiale - si dérisoires nous paraissent-ils comparés à ceux d’Europe. Les Belges avaient établi une sorte d’apartheid et recouraient au travail forcé.<br />Hergé n’est pas plus allé au Congo belge qu’en URSS, et sa documentation est de seconde main. Là aussi l’intrigue est très sommaire (suite de sketchs initialement parus en feuilleton).</li>
</ul>
<ul>
<li><strong><em>Tintin en Amérique</em></strong>, toujours paru initialement dans le <em>Petit vingtième</em> à partir de 1931, aligne lui aussi cliché sur cliché sur l’Amérique, notamment celle d’Al Capone (nommément cité) - on est en pleine Prohibition. Les Indiens ont droit à leur part : après que Tintin ait découvert du pétrole, ils sont expulsés de leur territoire. Pays neuf en expansion rapide, l’Amérique du début du siècle fascine les Européens, malgré la crise économique des années 30.</li>
</ul>
<p><em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/08/28/397-tintin-et-l-histoire-2">À suivre…</a></em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/08/27/382-tintin-et-l-histoire-1#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/335“Red Mars”, “Green Mars”, “Blue Mars” de Kim Stanley Robinsonurn:md5:0a40dae22e0533869c05c44ac1166a162007-06-01T07:47:00+00:002009-07-04T18:02:58+00:00ChristopheMarsauto-organisationcatastropheChinecivilisationcolonisationcommunismeconquête spatialecynismedilemmedémocratiedémographieeaueffet de serregigantismegéopolitiquehard scienceimpérialismeIndelibertélivres lusMarsmythenatureoptimismeouverture d’espritpessimismepolitiquepsychologieRésistancesciencescience-fictionsolidaritéspéculationtempsterrorismeténacitéutopieécologieéconomieémerveillementÉtats-Unisévolution<p>La Trilogie martienne est <ins>LA</ins> référence en matière de science-fiction réaliste sur la colonisation de Mars</p> <p>La trilogie <em>Red Mars</em>, <em>Green Mars</em>, <em>Blue Mars</em><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/01/349-red-mars-green-mars-blue-mars-de-kim-stanley-robinson#pnote-313-1" id="rev-pnote-313-1">1</a>]</sup> est <em>le</em> livre de SF sur la colonisation et la terraformation de Mars. <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Kim_Stanley_Robinson">Robinson</a> a effectué un travail de titan pour rendre plausible chaque étape du processus.</p>
<p>Les trois tomes se réfèrent aux trois étapes de la transformation de la planète en petit paradis :</p>
<ul>
<li>Encore vierge, Mars est rouge et hostile. Les humains y débarquent (les premiers, « les Cent », servent de fil conducteur aux livres) et s’installent petit à petit. Les effets de la terraformation ne sont pas encore visibles.</li>
</ul>
<ul>
<li>Grâce à la montée des températures et l’apparition d’une véritable atmosphère dense, le lichen et les plantes se répandent, Mars devient verte. La colonisation devient massive, en provenance d’une Terre épuisée.</li>
</ul>
<ul>
<li>Le <em>permafrost</em> martien fond, l’eau liquide ne s’évapore plus, des mers apparaissent, et l’atmosphère devient enfin respirable : Mars devient bleue.</li>
</ul>
<p>Transformer aussi profondément une planète exige des centaines d’années au strict minimum. Pour couvrir la période entière en gardant les mêmes personnages, Robinson leur a offert la quasi-immortalité grâce aux progrès de la médecine. On suit donc « les Cent » au travers des trois tomes, de leurs premiers pas sur le caillou mort aux bains de soleil au bord de la nouvelle mer boréale. Robinson se concentre sur une dizaine d’entre eux, et certains de leurs descendants. Il ne lésine pas sur les introspections psychologiques et les analyses des rapports entre personnages. Cela est plaisant quand les relations interpersonnelles sont le reflet des nombreux affrontements politiques ou philosophiques qui traversent cette histoire de la colonisation martienne ; mais à d’autres moments le propos en est désagréablement alourdi (ces pavés sont pourtant déjà assez lourds).</p>
<p>Le plus intéressant, surtout pour un ingénieur et scientifique comme moi, réside dans l’arsenal de techniques déployées pour transformer le désert martien en contrée bucolique. Le mécanisme de base est similaire à l’effet de serre qui nous préoccupe tant sur Terre : l’atmosphère martienne est saturée de CO2 mais son épaisseur est trop faible. Tous les moyens seront donc bons pour ajouter du CO2. Certaines autres techniques utilisées pour gagner quelques degrés sont de la science-fiction pure, notamment la création d’une lentille orbitale pour concentrer les rayons du soleil.</p>
<p>Autre réalisation titanesque, l’<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Ascenseur_spatial">ascenseur spatial</a>, l’invention qui ferait chuter le coût de la masse en orbite et rendrait enfin l’exploration spatiale bon marché. Quand ce câble qui monte littéralement jusqu’à l’espace est saboté et s’enroule autour de l’équateur martien, il provoque la plus impressionnante des « séquences catastrophes » de la trilogie.</p>
<p>La politique martienne démarre dès les premiers pas des Cent sur la planète. Très vite, les explorateurs sont divisés entre « Verts » (partisans de la terraformation) et « Rouges » (opposants, qui considèrent que Mars doit être préservée). Cette division perdurera chez les descendants et parmi les nombreux colons qui suivront. Politiquement et économiquement, Mars expérimente de nombreux systèmes : les villes naissantes gravitent dans le capitalisme caricatural des métanationales, tandis que les zones à peines habitées testent l’économie du don. De chacune des cités martiennes naîtra un modèle de civilisation différent ; diversité à laquelle les immigrés (y compris Arabes, Indiens, Chinois, Robinson n’est pas trop américano-centrique... ) ajouteront la leur, avec également leurs conflits.</p>
<p>La politique martienne ne se conçoit effectivement pas sans intervention terrestre. Quand ce ne sont pas les métanationales qui dictent leur loi, les nations les plus peuplées d’une Terre en plein chaos climatique exigent que leur population puisse se déverser dans la dérisoire soupape de sécurité martienne. Mais transférer une fraction significative de la population terrienne est illusoire, et le peu qui est possible saturerait déjà les capacités d’absorption de la jeune civilisation martienne, en la précipitant dans le chaos. En retour Mars, creuset politique et technologique, influence la Terre bien au-delà de sa petite population. Une fois la liberté acquise, qu’en faire ? L’isolationisme est tentant mais dangereux.</p>
<p>Bref, dans leur quête pour une planète habitable - et libre - les Martiens ne seront pas au bout de leur peine. Tout amateur de <em>hard science</em><sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/01/349-red-mars-green-mars-blue-mars-de-kim-stanley-robinson#pnote-313-2" id="rev-pnote-313-2">2</a>]</sup> un peu intéressé par la politique-fiction sera comblé.</p>
<p>Pinailleur comme je suis, j’aurais quand même quelques reproches à faire à la trilogie. Sur la forme, il y a quelques pages en trop sur les huit cents de chaque tome. Mais certains lecteurs apprécieront peut-être plus que moi les angoisses existentielles, voire amoureuses, des Cent, et voudront au contraire sauter les descriptions techniques.</p>
<p>Sur le fond, mon principal problème repose sur l’évolution de la Terre qui meurt. La trilogie a déjà dix à quinze ans (les parutions originelles datent de 1992 à 1996) et le futur a rattrapé partiellement la fiction. Dans cette fresque qui s’étale sur au moins deux siècles, la Chine et l’Inde semblent figées dans leur rôle prévisible dans les années 1990, futures superpuissances surpeuplées pas vraiment « mûres ». Or l’<a href="http://www.un.org/News/fr-press/docs/2004/POP910.doc.htm">ONU prévoie une stabilisation de la population mondiale avant 2100</a>, et le déclin démographique de la Chine est pour la prochaine génération : on peut être sûr que le futur ne sera <em>pas</em> comme prévu par Robinson. Surtout en 2300.</p>
<p>(Facile à dire, après coup. Faire de la prospective sans tomber dans le prolongement plus ou moins conscient des tendances actuelles est une mission impossible).</p>
<p>Les problèmes écologiques de la Terre semblent un peu artificiels. Robinson introduit de catastrophiques volcans antarctiques quand le réchauffement planétaire « normal » aurait suffi - mais en parlait-on autant en 1992 ?</p>
<p>Un trait américain de l’auteur surgit dans les révolutions martiennes (une dans le premier tome, une dans le second qui se prolonge dans le troisième) : les Martiens auront-ils vraiment envie de calquer leur histoire sur celle de la naissance des États-Unis ? Il est vrai que le rythme du récit y gagne.</p>
<p>En résumé : un gros pavé pour ceux qui aiment construire des mondes, et ne rechignent ni à la technique, ni à l’utopie. Un des monuments de la science-fiction récente dans ce qu’elle a de plus sérieux et fouillé. Quand je vois une carte de Mars, à présent, je rêve aux villes qui y seront peut-être un jour. Mon rêve est de me payer un voyage dans <em><a href="http://www.nirgal.net/valles.html">Valles Marineris</a></em> pour mon centenaire - sait-on jamais ?</p>
<hr />
<p>Autres sites sur cette trilogie :<br />
<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Trilogie_de_Mars">Article Wikipédia</a><br />
<a href="http://branchum.club.fr/mars.htm">http://branchum.club.fr/mars.htm</a><br />
<a href="http://membres.lycos.fr/starmars/ksr.html">http://membres.lycos.fr/starmars/ksr.html</a></p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/01/349-red-mars-green-mars-blue-mars-de-kim-stanley-robinson#rev-pnote-313-1" id="pnote-313-1">1</a>] <em>En français : </em>Mars la rouge<em>, </em>Mars la verte<em>, </em>Mars la bleue<em>.</em></p>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/01/349-red-mars-green-mars-blue-mars-de-kim-stanley-robinson#rev-pnote-313-2" id="pnote-313-2">2</a>] <em>Branche de la science-fiction la plus attachée à la plausibilité scientifique.</em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/06/01/349-red-mars-green-mars-blue-mars-de-kim-stanley-robinson#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/313Les guerres oubliées (1)urn:md5:2075cc075fbbd38f6fa4b0fc675ca6d52007-03-15T22:14:00+00:002011-03-28T19:51:20+00:00ChristopheHistoireChinecolonisationguerrehistoireHistoire de FranceimpérialismeLéandriSeconde Guerre Mondialeuchronie<p>Il y a les conflits que l’on connaît, et les massacres lointains et oubliés.</p> <h3>Les « petites » guerres</h3>
<p>Bruno Léandri, dans sa somme encyclopédique éclectique <em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2006/03/18/123-encyclopedie-du-derisoire">L’Encyclopédie du Dérisoire</a></em>, relève une série de guerres d’amplitude très limitées, dont certaines entre États si éloignés que la déclaration de guerre reste purement formelle (Bolivie/Empire britannique en 1860).</p>
<p>La chose se déroule encore parfois de nos jours : dans les années quatre-vingt-dix, la Suisse, une des nations les plus pacifiques de la planète, envahit <em>par erreur</em> le petit Liechtenstein, quand des militaires en manœuvre s’égarent. <del>(Je ne trouve nulle part référence à cet incident, sinon dans le tome 3 de l’<em>Encyclopédie</em> de Léandri.)</del> (<strong>Mise à jour du 16 mars</strong> : <a href="http://www.reveil-des-marmottes.net/Site_Noute/Dossier_actus/1009_Liechtenstein_Suisse.htm">C’était en 1985 et les Suisses ont recommencé il y a quinze jours !</a> Que fait l’ONU ?)</p>
<p>Mais j’ai trouvé d’autres « vraies » guerres sur lesquels les manuels d’histoire français passent pudiquement ou très vite :</p>
<p>Parmi les conflits « préparatoires » de la Seconde Guerre Mondiale, une <strong>guerre non déclarée oppose en 1939 URSS et Japon</strong> au confins de la Mongolie (sous tutelle soviétique) et de la Mandchourie pro-japonaise. L’« <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Halhin_Gol">incident</a> » fait quand même 71 000 morts avant la signature d’un traité de non-agression, et décide peut-être du sort du monde : cette défaite pousse l’Empire du Soleil Levant à orienter son expansion vers les îles du Pacifique plutôt que vers la Sibérie. (Dans le cas contraire, l’URSS aurait-elle résisté sur deux fronts en 1941 ? Hitler aurait-il gagné la Seconde Guerre Mondiale ?) La victoire russe est l’œuvre d’un jeune général promis à une très brillante carrière, un certain <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Joukov">Joukov</a> (Moscou 1941, Stalingrad 1942/43...).</p>
<p>En 1838, la « <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_la_pâtisserie">Guerre des gâteaux</a></strong> » se déroule dans un Mexique alors assez désorganisé. La France de Louis-Philippe expédie la flotte pour obtenir le dédommagement d’un pâtissier dont la boutique a été pillée. Cent morts.</p>
<h3>Impérialisme européen</h3>
<p>La <strong><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Crimée">Guerre de Crimée</a></strong> entre 1853 et 1856 n’est plus guère connue en France que par les monuments et stations de métro : zouave du pont de l’Alma, Malakoff, Sébastopol... ou le fameux « J’y suis, j’y reste » de Mac Mahon. Avant même la Guerre de Sécession, <a href="http://mapage.noos.fr/jflecaillon/Pages/modernite_de_la_guerre.htm">apparaissent des éléments des « guerres industrielles » du XXè siècle</a> : chemins de fer, photographes, organisations de soins aux blessés... Déjà la cause immédiate du conflit se situait en Palestine (Bethléem). Plus d’un demi-million de morts, essentiellement de maladie.</p>
<p>Napoléon III se lance également dans une longue (1861 à 1867) <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Expédition_du_Mexique">expédition au Mexique</a>, qui au final est un <a href="http://www.alsapresse.com/jdj/99/02/10/MA/3/article_13.html">échec retentissant</a>. Je n’ai pas trouvé de chiffres sur les victimes mexicaines, seulement une évocation de 6600 militaires français tués.</p>
<p>Les Chinois nous reprochent encore les <strong>Guerres de l’Opium</strong>, où leur pays perd son indépendance réelle pour un siècle. Dans la <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Premi%C3%A8re_guerre_de_l%27opium">première guerre</a> (1839-1842), les Anglais imposent l’ouverture économique aux Chinois. En fait, l’opium indien vendu en Chine permet aux Anglais de compenser leurs énormes achats de thé. Un véritable narcotrafic en somme, dont l’interdiction par l’Empire du Milieu provoque une attaque anglaise.<br /><em>Résultat : Victoire britannique par KO .</em><br />La <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Seconde_guerre_de_l%27opium">Seconde Guerre de l’Opium</a> est provoquée par les Occidentaux (Grande-Bretagne, France, Russie...) à nouveau soucieux d’étendre leur commerce dans une Chine encore fermée.<br /><em>Résultat : Victoire occidentale par KO</em>, et mise sous tutelle occidentale de parties entières de l’économie chinoise jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale.</p>
<p>La <strong>décolonisation française</strong> s’est faite de la pire manière qui soit (massacres, humiliation du colonisateur, instabilité du décolonisé), on le savait, du moins pour l’Indochine ou l’Algérie. Mais les manuels scolaires s’appesantissent peu sur la <a href="http://www.herodote.net/histoire03290.htm">révolte de 1947 à Madagascar</a>, où les Français ont utilisé des méthodes dignes des nazis boutés à grand-peine du territoire national deux ans avant. On ne sait même pas l’ordre de grandeur du nombre de morts (10 000 ? 100 000 ?). <a href="http://www.afrik.com/article8639.html">Chirac s’est repenti</a>.</p>
<p><em><a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2007/03/18/318-les-guerres-oubliees-2">À suivre dans la partie 2...</a></em></p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2007/03/15/296-les-guerres-oubliees-1#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/266« Deloria » de Richard Canalurn:md5:4f8872988b10d2a1a78320cc7e3002472006-07-24T19:51:00+00:002010-11-01T18:30:52+00:00ChristopheSur mes étagères alourdiescolonisationcommunicationextraterrestresimpérialismelivres luslyrismepessimismescience-fiction<p>Un bon roman de SF sur l’incompréhension culturelle entre deux civilisations.</p> <p>J’ai failli écrire que ce livre était un exemple de SF africaine, hélas <a href="http://www.chez.com/bobione/canal/canal.html">Richard Canal </a> (qui est français) a à présent quitté le continent noir. L’influence africaine se devine tout de même en filigrane.</p>
<p>Deloria est une planète colonisée depuis trois siècles par les humains, sans que la communication ait réellement pu s’établir avec l’espèce intelligente locale, les Geyns. Ces derniers possèdent une philosophie de la vie (ou plutôt de la Mort) tout à fait opposée aux hommes, et le conflit couve - puis éclate. L’ambassadeur terrien dans la plus petite implantation terrienne, au milieu d’autochtones de plus en plus hostiles, est seul parvenu à un début de contact, sans succès concret hélas. Puis l’enfer se déchaîne sur la petite communauté.</p>
<p>Ce n’est pas un roman très optimiste, la plupart des personnages cherchant à sauver leur peau dans un monde qui rejette la présence humaine. Les Geyns, aussi tournés vers le mysticisme qu’ils soient, ne sont pas des non-violents. Leurs armes, sont des Mots que les prêtres font prononcer aux élus dotés de ce don, mais ce sont des armes de destruction massive.</p>
<p>Rien de cartésien là-dedans, et je me méfie souvent de ces romans où la science le dispute au fantastique et aux super-pouvoirs paranormaux, moyen souvent efficace mais décevant de justifier un peu n’importe quelle fin. <br />Ce n’est pas le cas ici, en partie grâce à la séparation nette entre les trois histoires qui se croisent, nettement séparées : les Geyns vivent dans leur monde apparemment primitif, où chacun attend sa Résurrection, et les humains, bardés d’une nanotechnologie qui devrait les rendre tous-puissants, ne comprennent rien à ce qui leur tombe dessus. <br />En leitmotiv planent les devises pessimistes ironiques de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Emil_Cioran">Cioran</a>.</p>
<p>Si le démarrage a été un tant soit peu délicat (toujours ce côté mystique), j’ai eu du mal à lâcher le livre avant la fin.</p>
<p><a href="http://www.actusf.com/php/modify.php?articleID=4108">Une interview disponible en ligne de Canal</a> donne d’autres clés, notamment le lien avec l’Afrique - qui lui a semble à jamais insaisissable. Il nous promet aussi une suite que la fin du livre laisse entrevoir.</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/07/24/190-deloria#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/170Coucher de soleil martienurn:md5:38bbeea8f41aabf39ee09ccce2c557d82006-05-21T10:25:00+00:002010-10-29T17:58:14+00:00ChristopheMarscolonisationconquête de l’inutileconquête spatialelogistiqueMarsnatureoptimismeouverture d’espritperspectivesurréalismeutopieémerveillement<p>Nostalgie d’une autre planète...</p> <p>J’ai découvert par le <a href="http://blog.empyree.org/?620-coucher-de-soleil-sur-mars">blog d’Empyrée</a> cette <a href="http://marsrovers.jpl.nasa.gov/gallery/press/spirit/20050610a.html" hreflang="en">image diffusée par la NASA (site du JPL)</a> : un coucher de soleil sur la planète Mars. (Il y a <a href="http://marsrovers.jpl.nasa.gov/gallery/press/spirit/20050610a/sunset_a489_gamma_2sub_800.jpg" hreflang="en">une version haute résolution</a>.)
<img src="http://marsrovers.jpl.nasa.gov/gallery/press/spirit/20050610a/sunset_a489_gamma_2sub_800_br.jpg" alt="Coucher de soleil martien" style="float:right; margin: 0 0 1em 1em;" /></p>
<p>Ça me fait rêver. Une vraie photo qui vient d’une autre planète presque vivable avec « un peu » d’efforts.</p>
<p>Et, de manière très optimiste mais pas totalement utopique, j’espère un jour voir cela de mes propres yeux. Je demanderai à mes arrière-petits-enfants de m’offrir le voyage pour mon centième anniversaire, Air France aura peut-être une ligne régulière jusque <em>Valles Marineris</em> d’ici là ?</p>https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2006/05/21/153-coucher-de-soleil-martien#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/139« Mars la Blanche » de Brian Aldissurn:md5:8b3316b641dfabaa1995ee9fc5f10e7f2005-12-09T14:53:00+00:002010-07-04T06:32:30+00:00ChristopheMarsauto-organisationcivilisationcolonisationconquête de l’inutileconquête spatialedommageenseignementexaptationextraterrestreshard sciencelivres lusMarsmythemèmeoptimismeorganisationouverture d’espritperspectivepolitiqueprise de têtepsychologierésolutionssciencescience-fictionsolidaritéspéculationtempsténacitéutopieémerveillement<p>Une société qui vise la perfection, isolée sur sa planète. Un essai plus qu’un nouveau roman sur la conquête de Mars.</p> <h3>Mars la Blanche<br /></h3>
<p>de <a href="http://perso.wanadoo.fr/listes.sf/aldiss/bio.htm">Brian Aldiss</a><br />
avec <a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Roger_Penrose" hreflang="en">Roger Penrose</a></p>
<p>Une « Mars blanche » est une Mars laissée à elle-même, non colonisée par l’homme, non polluée, juste parcourue par quelques scientifiques ; c’est le statut actuel de l’Antarctique. C’est un des thèmes sous-jacents de l’histoire, mais pas le principal.</p>
<h4>Utopie</h4>
<p>Le sous-titre évoque une « <strong>utopie martienne</strong> », et c’est sa construction qui est la base de l’histoire. Quelques milliers de personnes sont bloquées sur Mars suite à l’effondrement de la multinationale chargée de la colonisation, et survivent (relativement confortablement) en tentant de créer une société plus parfaite.</p>
<p>Les problèmes matériels de cette micro-société isolée (approvisionnement...) sont apparemment délibérément mis de côté, à peine évoqués. Plus intéressante est la manière dont leur civilisation s’organise.</p>
<p>On parle ouvertement d’utopie, donc je me demande si les points suivants, qui ont sabordé la crédibilité de l’histoire pour moi, sont délibérés : le « chef » de la colonie, qui lance les idées liées à l’utopie, n’est guère contesté ; les débats (pendant des pages, ce qui n’est pas un mal) sont assez dirigés ; les opposants sont souvent caricaturaux (et passent très vite à la violence) ; les diagnostics sur les raisons des problèmes de la Terre rappellent furieusement notre époque (et pas 2060) ; certaines des solutions sont des bonnes intentions et rappellent parfois les « yaka/fokon » de gamins de 15 ans naïfs ; la manière dont les problèmes de la société sont corrigés est assez floue (à part améliorer l’éducation des enfants (vaste débat...), et la disparition de l’argent).</p>
<p>Évidemment, tout est beaucoup plus facile dans une <strong>société de fait communiste, égalitaire</strong>, faite de gens tous éduqués aimant débattre, avec un minimum de confort, sans les charges de la civilisation qui leur a donné ce confort, et sans interaction avec icelle. Je suis peut-être trop terre-à-terre ou mauvais esprit pour goûter correctement une utopie.</p>
<p>Le <strong>côté scientifique</strong> à l’inverse est souvent massif, et je pense que certains sauteront le long passage sur les taches de bosons de Higgs que l’accélérateur martien doit découvrir. Les liens entre conscience et mécanique quantique (théorie de Penrose), ou les affirmations sur la nature de la vie sur Mars, sont plus affirmés que démontrés ou expliqués.<br />D’un autre côté, une <strong>action assez lente</strong>, plus orientée sur les relations entre les personnages et sur leurs débats, tranche agréablement avec tous les récits sur la conquête de Mars à la manière américaine (versions <em>hard science</em> ou western).</p>
<p>Je suis <strong>resté sur ma</strong> fin après la dernière page. Les pires problèmes d’une société utopique arrivent quand la population augmente et quand elle perd son isolement. Le livre ne va pas jusque là.</p>
<h4>Terraformation</h4>
<p>Dès le début, et dans la conclusion, Aldiss affiche ouvertement son <strong>hostilité aux projets de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Terraformation">terraformation</a> de Mars</strong>. Le livre ne sert son propos qu’en bottant en touche, en introduisant la seule chose qui pour moi l’interdirait sur le principe<sup>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/12/09/52-mars-la-blanche#pnote-52-1" id="rev-pnote-52-1">1</a>]</sup> : de la vie sur Mars. Vie sous une forme assez inattendue il est vrai (et très utopique elle aussi, avec le même flou sur la manière concrète dont elle est apparue, et surtout comment elle évolue à la fin du livre).</p>
<p>Par contre, si cela était raisonnablement réalisable, je vois mal pourquoi nous nous priverions d’une deuxième planète, ou d’une troisième (Vénus ?) ou d’autres (autour de Jupiter ?). Les cailloux mort et inhabités, bien que scientifiquement passionnants, sont innombrables dans cet univers. Le parallèle avec l’Antarctique est à mon avis injustifié, car il fait partie de l’histoire de la terre, contient sa mémoire dans ses glaces, et a son propre et fragile écosystème.</p>
<p>On peut ensuite entrer dans le débat si la conquête de l’espace se fera par celle des planètes ou par des systèmes autonomes vivant dans l’espace, par le cyberespace et/ou via des robots, et dériver vers le <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_de_Fermi">paradoxe de Fermi</a> (<a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?category/Paradoxe-de-fermi-et-exobiologie">thème que j’essaie de traiter ici</a>).</p>
<h4>Conclusion</h4>
<p>Un livre un peu décevant, que j’ai failli lâcher après le premier quart, mais l’histoire devient plus concrète ensuite. Cependant, pour narrer de façon réaliste la conquête de Mars, terraformation comprise, la référence reste la <a href="http://www.fakeforreal.net/index.php/2004/07/11/35-kim-stanley-robinson-red-mars-green-mars-blue-mars">trilogie martienne</a> de <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Kim_Stanley_Robinson">Kim Stanley Robinson</a>.</p>
<p>Google vous fournira d’autres critiques du livre, notamment <a href="http://www.nirgal.net/critiques/mars_blanche.html">celle-ci</a>, plus favorable que la mienne.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/12/09/52-mars-la-blanche#rev-pnote-52-1" id="pnote-52-1">1</a>] <em> « Sur le principe », parce que l’on peut discuter longtemps du point de vue matériel ou financier, ou de l’utilité réelle d’une planète viable dans mille ans à cent millions de kilomètres. (<strong>Mise à jour</strong> : Sur le sujet, voir le billet <a href="https://www.coindeweb.net/blogeclectique/index.php?post/2008/02/19/395-coloniser-le-desert-de-gobi-plutot-que-mars">Coloniser le désert de Gobi plutôt que Mars</a>.) </em></p></div>
https://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?post/2005/12/09/52-mars-la-blanche#comment-formhttps://www.coindeweb.net/blogsanssujetprecis/index.php?feed/atom/comments/52