Il y a bien longtemps, j’avais beaucoup aimé son uchronie La Porte des mondes 1. Mais avec Roma Æterna, Silverberg m’a un peu déçu.

Roma Æterna de Robert SilverbergSuivant la théorie qui prétend que le christianisme a affaibli l’Empire romain, l’échec de l’Exode (le principal point de divergence) entraîne le maintien du polythéisme romain. L’Empire ne s’effondre jamais, voire s’étend bien au-delà de ses frontières maximales connues.

Les différentes nouvelles du recueil s’étalent sur deux millénaires de vicissitudes diverses, de guerre/réconciliation entre Orient et Occident, de coups d’État et retournements.

Même si les fusils et les voitures finissent par apparaître, il n’y a pas grand-chose sur l’évolution scientifique et industrielle. À part la nouvelle sur la guerre avec les Aztèques, et celle où le cas de Mahomet est réglé, il y a peu de choses sur les rencontres avec d’autres grandes civilisations (je me serais attendu à un choc quelconque avec la Chine, par exemple, ou des voyages en Russie ou Afrique noire). Est intéressante tout de même la nouvelle de l’Empereur navigateur encore plus cruel que les explorateurs européens d’autrefois, mais les conséquences sont vite expédiées.

Linguistiquement, on apprend que chaque partie de l’Empire redéveloppe sa langue tardivement (mais pourquoi ce mouvement centrifuge dans un Empire de plus en plus connecté ?) tout en maintenant sa partition entre zone latine et zone grecque (on aurait pu imaginer plus subtil). De même, politiquement, j’ai du mal à croire que l’Empire, même pérenne, aurait conservé aussi longtemps les mêmes institutions (Empereur plus ou moins héréditaire et Sénat à Rome ou Constantinople, des prétoriens faiseurs d’Empereur, un pharaon-potiche en Égypte…) pendant une telle période, sans évolution de la pensée.

Les nouvelles sont assez plaisantes, ont pour personnages des monarques, des fonctionnaires, des gens du peuple, et il y a bien des sécessions, rebellions, déclins et renaissances, guerres civiles, une Seconde République ou une Terreur (pas d’extrême-gauche) ; mais tout cela reste généralement centré sur Rome et aurait pu se transposer sans mal dans la Rome tardive que nous avons connue. Beaucoup trop de choses se passent uniquement dans le petit cercle impérial ou italien.

La question « un grand Empire vaut-il mieux que de nombreux peuples libres ? » n’est que brièvement effleurée.

Bref, ça se lit bien, sans atteindre le niveau de The Years of Rice and Salt de Kim Stanley Robinson.

 Liens


  1. La Peste Noire a été plus violente que pour nous et l’Empire turc a conquis l’Europe. À notre époque, un jeune Anglais fuit sa pauvre Angleterre fraîchement indépendante pour découvrir l’Amérique des Aztèques, des Indiens… Un grand classique !) ↩︎