Les « petites » guerres

Bruno Léandri, dans sa somme encyclopédique éclectique L’Encyclopédie du Dérisoire, relève une série de guerres d’amplitude très limitées, dont certaines entre États si éloignés que la déclaration de guerre reste purement formelle (Bolivie/Empire britannique en 1860).

La chose se déroule encore parfois de nos jours : dans les années quatre-vingt-dix, la Suisse, une des nations les plus pacifiques de la planète, envahit par erreur le petit Liechtenstein, quand des militaires en manœuvre s’égarent. (Je ne trouve nulle part référence à cet incident, sinon dans le tome 3 de l’Encyclopédie de Léandri.) (Mise à jour du 16 mars : C’était en 1985 et les Suisses ont recommencé il y a quinze jours ! Que fait l’ONU ?)

Mais j’ai trouvé d’autres « vraies » guerres sur lesquels les manuels d’histoire français passent pudiquement ou très vite :

Parmi les conflits « préparatoires » de la Seconde Guerre Mondiale, une guerre non déclarée oppose en 1939 URSS et Japon au confins de la Mongolie (sous tutelle soviétique) et de la Mandchourie pro-japonaise. L’« incident » fait quand même 71 000 morts avant la signature d’un traité de non-agression, et décide peut-être du sort du monde : cette défaite pousse l’Empire du Soleil Levant à orienter son expansion vers les îles du Pacifique plutôt que vers la Sibérie. (Dans le cas contraire, l’URSS aurait-elle résisté sur deux fronts en 1941 ? Hitler aurait-il gagné la Seconde Guerre Mondiale ?) La victoire russe est l’œuvre d’un jeune général promis à une très brillante carrière, un certain Joukov (Moscou 1941, Stalingrad 1942/43...).

En 1838, la « Guerre des gâteaux » se déroule dans un Mexique alors assez désorganisé. La France de Louis-Philippe expédie la flotte pour obtenir le dédommagement d’un pâtissier dont la boutique a été pillée. Cent morts.

Impérialisme européen

La Guerre de Crimée entre 1853 et 1856 n’est plus guère connue en France que par les monuments et stations de métro : zouave du pont de l’Alma, Malakoff, Sébastopol... ou le fameux « J’y suis, j’y reste » de Mac Mahon. Avant même la Guerre de Sécession, apparaissent des éléments des « guerres industrielles » du XXè siècle : chemins de fer, photographes, organisations de soins aux blessés... Déjà la cause immédiate du conflit se situait en Palestine (Bethléem). Plus d’un demi-million de morts, essentiellement de maladie.

Napoléon III se lance également dans une longue (1861 à 1867) expédition au Mexique, qui au final est un échec retentissant. Je n’ai pas trouvé de chiffres sur les victimes mexicaines, seulement une évocation de 6600 militaires français tués.

Les Chinois nous reprochent encore les Guerres de l’Opium, où leur pays perd son indépendance réelle pour un siècle. Dans la première guerre (1839-1842), les Anglais imposent l’ouverture économique aux Chinois. En fait, l’opium indien vendu en Chine permet aux Anglais de compenser leurs énormes achats de thé. Un véritable narcotrafic en somme, dont l’interdiction par l’Empire du Milieu provoque une attaque anglaise.
Résultat : Victoire britannique par KO .
La Seconde Guerre de l’Opium est provoquée par les Occidentaux (Grande-Bretagne, France, Russie...) à nouveau soucieux d’étendre leur commerce dans une Chine encore fermée.
Résultat : Victoire occidentale par KO, et mise sous tutelle occidentale de parties entières de l’économie chinoise jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale.

La décolonisation française s’est faite de la pire manière qui soit (massacres, humiliation du colonisateur, instabilité du décolonisé), on le savait, du moins pour l’Indochine ou l’Algérie. Mais les manuels scolaires s’appesantissent peu sur la révolte de 1947 à Madagascar, où les Français ont utilisé des méthodes dignes des nazis boutés à grand-peine du territoire national deux ans avant. On ne sait même pas l’ordre de grandeur du nombre de morts (10 000 ? 100 000 ?). Chirac s’est repenti.

À suivre dans la partie 2...