L’utopique civilisation de la Culture s’étend sur toute notre Galaxie. Plusieurs fois millénaire, plutôt anarchiste, libertaire, sans monnaie ni vraiment de lois, elle n’en est pas moins toute-puissante, et absorbe pacifiquement les autres civilisations qu’elle rencontre. Aux côtés des humains et d’autres espèces, existent une foule de robots sentients et souvent effroyablement intelligents (et non soumis aux Trois Lois de la Robotique).

Gurgeh est un joueur, sans doute le meilleur de toute la Culture. Il n’est de jeu où il n’arrive à atteindre le plus haut niveau. Il est contacté par Contact, l’organisation de la Culture chargée des relations avec les autres civilisations, qui lui propose de venir jouer à l’Azad, dans l’Empire interstellaire du même nom, dans le Petit Nuage de Magellan.

Les Azadiens ne représentent pas une espèce très originale, en terme de SF, pas plus que l’extra-terrestre moyen de Star Trek. Banks les dépeints esclavagistes, violents, sanguinaires, barbares, obsédés par le contrôle et le pouvoir, de vrais psychopathes - l’antithèse totale de la Culture. Comment un Empire bâti sur de telles bases a-t-il pu perdurer aussi longtemps ? Grâce au jeu d’Azad, difficile jeu dont les champions accèdent aux plus haut niveau de la hiérarchie impériale. L’Azad est le ciment de l’Empire et un reflet de sa philosophie.

Gurgeh acceptera-t-il de consacrer cinq ans de sa vie dans un grand voyage vers l’Azad pour participer à la grande compétition ? Juste pour l’honneur bien sûr, du moins en apparence. Au départ le joueur n’est pas chaud, mais les circonstances le feront changer d’avis.

Même humaniste et tolérante, la Culture est joyeusement cynique et manipulatrice (ce grand écart entre principes et actes rappelle furieusement notre propre civilisation...), et le joueur devient lui-même une pièce sur le plateau géopolitique.

Au-delà de l’affrontement entre Gurgeh et ses divers adversaires, qui bien que théoriquement purement sportif, prend une dimension beaucoup plus politique, l’intérêt du livre réside dans la description de l’univers de la Culture. Plus que le décorum futuriste (vaisseaux intelligents, mondes artificiels, personnages qui changent de sexe à volonté...), il vaut par la logique même de la Culture et les différentes couches de logique. Même les dernières pages changent tout aux raisons qui ont poussé Gurgeh à partir.

Le style humoristique ne gâche rien, au contraire, et les personnages secondaires mettent un peu de piquant à la place d’un Gurgeh souvent déchiré entre plusieurs choix mais d’abord obsédé par le jeu.

Chaque tome de la Culture est une histoire indépendante ; inutile de sentir obligé de s’enfiler le cycle entier. Je ne vais pourtant pas m’en priver. The Player of Games est le second volume après Consider Phlebas (Une forme de guerre).