L’affrontement avec Heydrich et son assassinat
Heydrich est le fondateur et le maître du Sicherheistdienst (SD), service de renseignement du parti nazi et relevant directement des SS et d’Himmler. Heydrich accumule des dossiers sur tous, y compris sur les dignitaires nazis, pour pouvoir faire pression sur eux. Le SD passe très vite à l’espionnage pur et aux actions secrètes. Heydrich et le SD jouent un rôle capital lors de la « Nuit des longs couteaux », en 1934, où les SA sont éliminés.
Canaris tient tête à Heydrich, qu’il tient pour un « fanatique barbare ». À la nomination de Canaris, les deux adversaires s’accordent sur une paix armée délimitant quelles sont les tâches respectives de leurs deux services. Heydrich soupçonne beaucoup de choses sur les vraies opinions de Canaris, et cherche en permanence à accumuler les indices sur une éventuelle trahison. Son successeur, le brutal Kaltenbrunner, atteindra ce but. Canaris n’en a pas moins des relations très cordiales avec Schellenberg, l’adjoint d’Heydrich, qui fait tampon et presque chaperon entre les deux ennemis !
Les batailles de plate-bandes entre les nombreux services de renseignements allemands (armée, SS, Ministère de Affaires Étrangères...) s’étalent pendant presque toute la durée du IIIè Reich. Surtout, toutes les fuites auprès des Alliés que le SD repère convainquent Heydrich et ses services que des subordonnés de Canaris sont suspects, et ce dès 1940. Canaris réussit à chaque fois à noyer le poisson ou à inventer une histoire plausible pour le SD... ou certains de ses propres subordonnés trop zélés dans le contre-espionnage !
Les grands SS (Heydrich et Himmler les premiers) se tirent également mutuellement dans les pattes et ont leurs propres ambitions - par exemple comme sauveur du régime si les amis de Canaris passaient à l’action ! Ces comportements préservent l’Abwehr très longtemps. Schellenberg, interrogé par Brissaud, rapporte que Canaris détenait très probablement de quoi faire chanter Himmler et Heydrich.
En 1941, Heydrich, sans quitter ses fonctions au SD (devenu RSHA), est nommé à Prague pour reprendre en main le protectorat de Bohême-Moravie. Il applique avec « succès » sa politique de terreur. En mai 1942, un commando tchèque parachuté depuis Londres tente d’assassiner Heydrich : celui-ci décède de ses blessures quelques jours plus tard. La répression nazie est féroce (massacres de Lidice notamment). Canaris est soulagé mais il n’obtient finalement qu’un répis, et Kaltenbrunner reprend l’enquête des SS contre l’Abwehr.
Pourquoi Heydrich a-t-il été le seul dignitaire nazi à être liquidé par Londres ? Selon Brissaud, le gouvernement tchèque en exil cherchait un coup d’éclat pour ranimer la résistance locale, trop molle, en comptant cyniquement sur la répression allemande - sans envisager qu’elle soit aussi terrible. Londres aurait insisté pour que l’assassinat ait lieu, peut-être pour protéger une « taupe » dont Heydrich se rapprochait : Heydrich est-il mort pour protéger Canaris ?
Brissaud évoque et rejette aussi les hypothèses sur un attentat commandité par divers ennemis allemands de Heydrich : Himmler, Bormann ou Canaris.
2 réactions
1 De VK - 14/10/2007, 22:47
Après une 2ème lecture attentive des mémoires de Schellenberg une intuition fulgurante m'est venue, "confirmée" par des choses trouvées immédiatement après sur Internet...
Intuition de la pensée de Heydrich à cette époque: "La condition de la victoire est l'élimination physique de Goering, Von Ribbentrop et Bormann (Martin) !"
Dans le quart d'heure qui a suivi cette reflexion j'ai trouvé une relation sur Internet de l'ouverture du coffre fort de R.H. où ces 3 noms sont mentionnés dans l'ordre exact où je les avais placés.
Pour moi voilà les 3 coupables qui ont commandité l'attentat de Prague.
CQFD
2 De Le webmestre - 15/10/2007, 20:15
@VK : Hé, pourquoi pas après tout ? Je n'ai pas qualité pour juger de la plausibilité de la chose, mais l'idée d'un Heydrich à la fois ambitieux et horriblement compétent, et liquidé par les incapables qui entourent Hitler, me plaît bien. Après, il faudrait quand même expliquer comment les Anglais auraient pu être à leur tour manipulés pour lancer l'attentat, alors que les trois nazis suscités avaient sans doute bien plus d'un moyen moins tordu pour parvenir à leur fin.