Les recherches nucléaires allemandes
Certains des chapitres les plus intéressants du livre portent sur les chercheurs allemands qui ont délibérément fait traîner les travaux sur la bombe atomique — du moins le clament ceux interrogés par Brissaud. Ernst von Weizsäcker, des Affaires Étrangères, est un ami de Canaris, et son fils Carl est un assistant du physicien Werner Heisenberg.
À lire les biographies succintes de Wikipédia, il n’est pas facile de savoir si Heisenberg, von Weiszäcker, Hahn et leurs collègues ont vraiment caché à leurs supérieurs la possibilité de construire une bombe atomique (c’est la thèse de Brissaud), ou s’ils ont fait fausse route dès le départ. Nombre d’entre eux n’étaient certes pas des nazis. En tout cas, en 1941, Heisenberg annonce à Speer que la chose sera difficile à réaliser. Sur ce rapport, Hitler décide de ne pas distraire de ressources des besoins militaires et le projet végète ensuite.
On n’en est pas là en 1938, quand les Allemands interrompent les exportations d’uranium tchécoslovaque. De cela naissent nombre de craintes chez les futurs Alliés. Einstein écrit en 1939 sa fameuse lettre à Roosevelt, qui déclenche le Projet Manhattan.
Canaris, par le baron von Weiszäcker, reste informé des non-progrès des chercheurs allemands, et ils les protège de la Gestapo et du SD de Heydrich.
L’Abwehr enquête également sur les recherches françaises sur le sujet, les plus avancées du monde en 1940. Canaris interrroge personnellement Frédéric Joliot-Curie après la défaite française. Il n’arrive pas à débaucher le Chinois Tchen San-chiang, futur père de la bombe chinoise et thésard de Joliot-Curie.
Pendant ce temps, les hommes de l’Abwehr entretiennent les rivalités et les problèmes de matériel des équipes de recherche allemandes, et font disparaître des rapports qui pourraient donner de dangereuses idées aux chefs nazis. Les plans nazis sont définitivement condamnés lorsque les Alliés et les résistants norvégiens détruisent les stocks d’eau lourde.
Malgré tout, selon von Weiszäcker, l’Allemagne était à huit mois de sa première bombe atomique au moment de sa chute... Cela fait froid dans le dos[1].
Notes
[1] Des uchronies plausibles peuvent donc être écrites, où Hitler aurait réussi à gagner un peu de temps d’une manière ou d’une autre. Certains disent que les Allemands ont tout de même réussi à tester une bombe A (douteux mais à creuser). Mais le Reich agonisant aurait de toute manière dû subir une bombe atomique américaine chaque mois dès août 1945...
2 réactions
1 De desar - 09/10/2007, 00:45
C'est, amha, un des passages les plus flou et les plus intéressant de cette courte période : cette eau lourde n'était quand même pas juste destinée à lester le navire... d'où venaient donc les informations alliées ?
Mais j'ai bien peur que nous n'aurons jamais plus que des conjectures à nous mettre sous la dent :-(
Merci !
2 De desar - 09/10/2007, 00:53
Autre point : où en étaient-ils des procédés d'industrialisation de l'enrichissement de l'uranium de qualité militaire. Depuis le temps, les installations auraient forcement dues être retrouvées, non ? Six mois auraient suffis à monter ces infrastructures (il a fallu plus d'un an, voire deux, aux américain pour y arriver, il me semble).