La chute

Dès 1942, avant même la mort d’Heydrich, la Gestapo met sur écoute certains collaborateurs de Canaris. Les témoignages dangereux s’accumulent. La disparition d’Heydrich n’est qu’un répis, mais son successeur, Kaltenbrunner, ne lâche pas. Dohnanyi est arrêté à l’Abwehr même en avril 1943, d’autres suivent. Heureusement pour Canaris, la Gestapo est obligée de prendre des gants pour ne pas allumer une guerre entre SS et Wehrmacht. La justice militaire classique est impliquée, Canaris déploie toute sa duplicité et l’enquête tourne court — momentanément.

En 1943, après la chute de Mussolini, l’Allemagne envahit l’Italie qui a signé un armistice avec les Alliés, lesquels viennent d’envahir la Sicile. Le SD y trouve nombre de documents compromettants sur les bonnes relations entre l’Abwehr et les putschistes italiens. Or Canaris avait faussement rassuré Hitler sur la loyauté d’une Italie sans Mussolini. Himmler laisse pourtant traîner...

Puis un des cercles de la haute société berlinoise qui conspirent contre Hitler est infiltré par la Gestapo et tombe : il y a des gens de l’Abwehr. Des défections suivent dans les ambassades. Hitler perd confiance en Canaris. En février 1944, l’Abwehr est absorbé par les SS. Canaris est placé en résidence surveillée, et voit s’écrouler son œuvre.

La fusion des services est un désastre (le personnel ne veut pas des SS). Paradoxalement, Canaris n’est pas complètement écarté, juste « placardisé ».

C’est alors qu’a lieu l’attentat raté du 20 juillet 1944 contre Hitler. La Gestapo se déchaîne. Schellenberg vient en personne arrêter Canaris le 23 juillet.

Peu après est découvert le coffre où les subordonnés de Canaris stockent leurs papiers les plus compromettants. La Gestapo s’aperçoit que la conspiration est encore plus étendue qu’elle ne croyait. Des milliers de personnes sont emprisonnées. Canaris, Oster et d’autres ont droit à un traitement spécial encore plus dur que les autres prisonniers. En prison, Canaris le pessimiste garde bizarrement un moral de fer. Son art de l’embrouille et du camouflage verbal lui permet de se garder informé sur l’extérieur, et il réussit à noyer le poisson auprès des enquêteurs : il n’avoue rien.

En février 1945, Canaris et certains de ses complices finissent au camp de concentration de Flössenburg. En avril, Hitler ordonne la mise à mort des conjurés. Canaris est pendu au petit matin, le 9 avril 1945, au milieu d’une Allemagne ravagée qu’il n’a pas réussi à sauver de la ruine.

Bibliographie

Canaris d’André Brissaud
Librairie Académique Perrin, 1970