Encore un numéro de ma revue historique préférée, et une fois de plus il est excellent. Petite prise de notes pour me souvenir de l’essentiel.

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Guerre de Sécession, guerre d’amateurs

La Guerre de Sécession américaine (1861-1865) semble préfigurer les guerres mondiales du siècle suivant, avec leurs machines et leurs pertes massives (les Américains y perdent autant d’hommes pendant toutes les guerres du XXè siècle !). Cependant, même si le matériel était plus efficace et meurtrier qu’auparavant, cette guerre a été moins bien menée de part et d’autre que bien des guerres européennes, au premier lieu celles de l’Empire.

Non-préparation et amateurisme dans la conduite de la guerre : c’est la conséquence de l’isolement américain, jamais impliqué dans aucune guerre d’envergure depuis des décennies (sauf contre le Mexique, mais les guerres indiennes ne comptent pas). Peu d’hommes, peu d’officiers, et une masse de conscrits sans expérience : rien à voir avec la Grande Armée. Quand Lincoln est élu et qu’éclate la guerre, un peu par surprise même si le différent sur l’esclavage est ancien, il faut lever des armées des deux côtés, lesquelles ne sont souvent que des milices locales. L’infanterie représente 90% des troupes, la coordination avec la cavalerie est mauvaise. Les deux armées redécouvrent toutes les tactiques largement connues en Europe.

Parmi les points communs avec les guerres suivantes : les deux adversaires ont dû mobiliser toute leur population, toute leur économie, jouer à fond la carte de l’opinion et de la propagande, et déplacer de grandes armées sur des théâtres d’opération gigantesque. Mais tout cela sera peu étudié dans les décennies suivantes par les armées des autres puissances.

Le terrain joue également un rôle primordial dans la durée de la guerre : c’est l’équivalent de toute l’Europe de l’Ouest ! Peu densément peuplé, il ne permet pas à des armées de se déplacer facilement en vivant sur le pays, même si le train commence à être utilisé massivement. Les deux capitales sont proches et donnent lieu à de nombreuses batailles, mais la guerre d’usure s’effectue bien plus loin, d’abord sur le Mississippi.

Il faut cette immensité, et le talent du général sudiste Lee face aux généraux nordistes trop timorés, pour expliquer que le Sud ait tenu tête au Nord si longtemps. Le Nord possédait pourtant quasiment toute l’industrie (armes, locomotives, etc...), une population quatre fois plus nombreuse, mieux éduquée, et la totale maîtrise des mers pour étrangler le Sud. Ce dernier, rural et trop axé sur le coton, isolé sur tous les plans, économiquement exsangue, sans autorité centrale forte (l’indépendance des États est le fondement de la Confédération !) a pourtant tenu quatre années. Finalement la guerre d’usure a payé, le Mississippi est tombé, et de là les colonnes nordistes ont commencé à ravager tous les États jusqu’à l’Atlantique.

Les conséquences de la Guerre de Sécession s’étendent jusqu’au XXIè siècle : pendant la Seconde Guerre Mondiale comme en Irak, les Américains exigent souvent des victoires définitives, seule justification de la guerre pour une démocratie très religieuse.

1066 : la bataille de Hastings

Quand Guillaume le Conquérant écrase et tue Harold, dont il disputait le trône, il sort la Grande-Bretagne de la sphère scandinave et la lie à la France, où son rôle sera capital tout le Moyen Âge. Autant dire qu’Hastings figure dans les dates majeures à connaître.

De la description de la bataille, il faudra surtout retenir qu’elle oppose une armée de Normands et autres alliés fraîchement débarqués à une armée anglo-saxonne de valeur équivalente, mais épuisée par un aller-retour jusqu’au nord de l'Angleterre et une bataille brillamment gagnée contre des envahisseurs norvégiens.

L’armée du Kwantung & le Mandchoukouo

En 1931, la conquête de la Mandchourie chinoise est menée par quelques milliers d’hommes et une poignée d’officiers ultra-nationalistes qui gardaient un bout de voie ferrée japonaise, en mettant Tokyo devant le fait accompli. Le succès acquis, cette clique vit sur la bête, quasi-indépendamment du Japon. Elle y expérimente le totalitarisme, attire des colons japonais, tente vainement d’industrialiser le pays, puis se lance à la conquête de la Sibérie... et se prend une raclée par les Soviétiques en 1939.

Le militarisme japonais extrême a prit son élan en grande partie à cause de ces officiers, descendants de samouraïs déchus et appauvris par l’ouverture et l’industrialisation éclair du Japon, dépourvus d’autorité supérieure claire. De la Mandchourie, le poison a diffusé dans toute l’armée impériale. Cependant, l’armée du Kwantung, après l’échec en Sibérie, perd l’avantage face à la marine, qui lance le pays contre les Britanniques et les Américains. En 1945, l’URSS envahit la Mandchourie en une semaine.

L’art opératif

Jusqu’au XIXè siècle les militaires visaient la bataille décisive après laquelle l’ennemi accepterait de négocier : Napoléon en était le maître et a hélas mal inspiré l’Allemagne jusqu’aux deux Guerres Mondiales. Car au XXè siècle, les théâtres et les masses humaines acquièrent une telle échelle qu’aucune bataille n’est vraiment décisive : les masses acceptent bien moins facilement la défaite et la « résilience » d’une armée est bien plus grande qu’auparavant. C’est donc sur la durée, la logistique, la mobilisation de toutes les ressources d’un pays à tous les niveaux, la désorganisation progressive de l’adversaire que se gagne un conflit. Et surtout, le but politique à atteindre doit être précis pour permettre une bonne coopération.

Les penseurs militaires russes ont donc inauguré « l’opératique », intermédiaire entre tactique et stratégie ; puis Joukov a appliqué magistralement, aussi bien contre les Japonais en 1939 que contre les nazis, avec un grand succès.

Plus récemment, la Guerre du Golfe de 1991 contre l’Irak a été une superbe mise en œuvre de l’opératique : les Américains ont parfaitement intégré et coordonné leurs armes, atteignant l’objectif précis désigné par le politique (libérer le Koweït et affaiblir Saddam Hussein). Par contre l’invasion de 2003 revient au mythe de la bataille décisive, et croit que tout sera rose après la conquête de tous les lieux de pouvoir.

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Le film déforme l’histoire : Léonidas a surtout payé de sa vie une erreur tactique (oublier un chemin de berger qui contourne les Thermopyles), et son combat n'a été qu’une manœuvre de retardement face au rouleau compresseur perse. D’ailleurs les trois cent Spartiates n’étaient qu’une minorité de cette arrière-garde sacrifiée, l'essentiel des hoplites lacédémoniens étant restés à la maison pour une fête religieuse. Les Grecs n’ont préservé leur indépendance que par la victoire navale de Salamine, suivie d’un étonnant manque d’agressivité de Xerxès.

Beria

Parmi les créatures les plus criminelles du XXè siècle, Béria, dernier chef de la police de Staline, organisateur de maintes déportations, figure en bonne place. Malgré tout, c’était un administrateur hors pair, à qui l'URSS doit notamment une part de sa victoire de 1945, et sa bombe nucléaire.

Étonnamment, il était totalement dépourvu d’idéologie, acceptait la discussion dans ses équipes dans des buts d'efficacité, et ne répugnait pas à prendre des idées à l’ouest. Plus radical que Deng Xiao Ping, plus marxiste que Gorbatchev, il était prêt à rendre leur place aux nationalités.

Après la mort de Staline, ses projets de réforme décapants ont effrayé ses collègue du Politburo, qui l’ont évincé et liquidé. L’URSS aurait été très différente — ou n’aurait plus été — avec lui à sa tête.