Après les agrocarburants, abusivement nommés « biocarburants », au bilan écologique très contestable et contesté, et responsables en partie de l’envolée des prix de certaines céréales, voici peut-être venir le temps des xylocarburants.
Il suffit de forêts d’arbres à croissance rapide, qui ne nécessitent pas grand entretien ni engraissage. On n’empiète pas sur les terres cultivées et il n’y a guère que les papetiers qui doivent voir la concurrence d’un mauvais œil. Couper des arbres n’est pas bien vu, mais de toute manière les forêts primaires n’existent plus en Europe, elles sont toutes entretenues par l’homme.
Ironiquement, ce procédé est un direct héritier de la technologie du IIIè Reich, le procédé Fischer-Tropsch, lequel a permis aux Allemands de fabriquer du carburant à partir de charbon pendant la Seconde Guerre Mondiale. D’autres régimes peu recommandables comme l’Afrique du Sud (sous embargo à l’époque de l’apartheid), ou l’Allemagne de l’Est (craignant pour son approvisionnement) ont perfectionné le procédé, pendant que le reste du monde se shootait au pétrole arabe bon marché. Les divers chocs pétroliers ont amélioré l’intérêt économique au procédé. Le Fischer-Tropsch classique est à présent intéressant pour toute nation possédant beaucoup de charbon (Chine, États-Unis...), mais au final on rejette toujours du carbone fossile : l’effet de serre n’y gagne rien.
L’intérêt du procédé est-allemand (car conçu sous le régime communiste), nommé BtL, est qu’au lieu de charbon, on utilise du bois comme matière première. Ce qui après tout ne fait qu’accélérer le procédé naturel (en gros, le charbon est du fossile de forêt préhistorique). Le CO2 rejeté est celui capté dans l’atmosphère par les arbres abattus : on évite donc d’accentuer l’effet de serre.
Je me demande quelle ampleur va prendre le procédé si les lois de l’économie et divers lobbys n’obtiennent pas sa peau. Je vois bien les Vosges et les Landes devenir de petits émirats... L’article évoque plutôt les vastes espaces est-européens, et au final l’Europe pourrait ainsi couvrir à terme 40% de ses besoins en gasoil grâce à ce procédé, à raison de 4000 L de carburant par hectare et par an (le double du « bio »éthanol), et une proportion encore plus importante dans des pays moins densément peuplés — par exemple les États-Unis, où une unité est justement en cours de construction. C’est un poids lourd du monde du pétrole, Shell, qui finance Choren Industries.
Il existe de nombreux autres procédés plus ou moins expérimentaux permettant de fabriquer divers hydrocarbures à partir d’un peu toutes les formes de biomasse (algues, sucre...). L’usine allemande a l’avantage monstrueux d’en être déjà au stade de la production : 15 000 t/an (certes encore une goutte dans les océans d’hydrocarbures brûlés chaque année), mais la prochaine usine produira 200 000 t/an. Le prix de revient est évidemment un problème majeur, il évoluerait entre 0,6 et 1,0 €. C’est concurrentiel pour peu que les États renoncent à leurs taxes sur les carburants.
Le xylocarburant est-il, sur le long terme, une bonne chose ? Toute molécule de CO2 récupérée dans l’atmosphère au lieu du sous-sol est bonne à prendre, et les avantages en terme d’indépendance énergétique ne sont pas à négliger. D’un autre côté, un procédé pareil n’est-il pas un moyen d’éviter de passer le plus vite possible à une économie totalement libérée du CO2 ? Ou nous permettra-t-il de faire la « soudure » avant que les voitures 100% électricité verte se généralisent ?
9 réactions
1 De vpo - 05/06/2008, 22:15
En ce qui concerne ta conclusion : la voiture électrique N'EST PAS écolo. En tout cas elle ne le sera pas tant que les batteries seront une plaie à recycler. Et quand je vois les polymères utilisés pour augmenter les rendements, je me dit que le recyclage des batteries n'est pas prêt d'être résolu non plus.
Et oui, c'est compliqué de rouler propre quand ce n'est pas un transport en commun (et encore je ne parle pas des moyens de produire l'électricité).
Par contre, je me disais qu'une voiture avec 4 petits moteurs électriques et un moteur thermique en régime stationnaire optimal pour alimenter un accu faisant tampon pour les moteurs électriques, ca devrait déjà limiter au max les pertes due aux changement de régimes (et compenser les pertes par effet joule pour passer du moteur thermique aux moteurs électriques + un fzire perdre du poids aux voitures car avec des moteurs électriques au niveau des roues, on suprime des éléments de transmission mécaniques et on peut mettre un coffre à l'avant protégeant les passagers avant alors qu'actuellement il faut gérer le moteur pouvant entrer dans l'habitacle en cas de choc frontal, etc...).
D'autant plus qu'avec un moteur électrique, on peut se permettre de récuperer de l'énergie dans les descentes.. (si nombreuses dans les Alpes Maritimies où tout le monde utilise la bagnole pour aller bosser tellement l'offre de transports en commun fiables et rapides est si faible au regard du nombree d'habitant et de la densité sur le littoral).
Un collègue me disait qu'il avait été surpris de voir la conso instantanée (affichée sur le tableau de bord) baisser sur sa voiture dès qu'il passait au point mort en descente ou bien sur de longues lignes droites sur l'autoroute. Comme quoi le frein moteur sur des voitures à injection, ça fait consommer même si c'est utile pour freiner :-).
Donc même sans voiture électrique, c'est à se demander si avec tous les calculateurs trufant les voitures modernes, les constructeurs ne pourraient pas fournir des boites de vitesses "intelligentes" qui décident d'embrayer / débrayer pour utiliser le moins possible le moteur lorsque l'on veut juste maintenir la vitesse, tout en préservant la sécurité (couple, frein moteur, etc...) lorsque necessaire.
Exemple : je descend une côte à 50 à l'heure. Si la pente est faible : roue libre. Si la pente augmente, la voiture accélère et comme le calculateur voit que je n'appuie pas plus sur l'accélérateur, il en deduit que je ne veut pas accélérer et donc ordonne le réembrayage.
Dans le passé il y avait bien la twingo easy qui était une boite manuelle assistée: plus de pédale d'embrayge, le calculateur détectait les mouvements du levier de vitesse pour débrayer / embrayer.
Donc la techno d'embrayge / débrayage à la volée de façon imprévue (contrairement à une boite auto) existe. Je ne sais pas is la twingo easy était très fiable, mais en tout cas, cela doit pouvoir se pefectionner si nécessaire.
En tout état de cause, il est clair que la vrai solution serait d'avoir un habitat dense avec des transports en commun denses et fréquents. Sauf que.... murphy oblige : quand on habite dans un endroit où il y a plétore d'entreprise, et bien son propre employeur est dans une commune éloignée car le foncier est trop cher proche de l'employeur / le conjoint travaille à l'opposé / les gens préfèrent la campagne / que sais-je encore...
Vincent le murphyprosien.
2 De Thias - 05/06/2008, 22:21
Je pense que fixer comme but final l'utilisation de voitures utilisant 100% d'électricité verte est flou et malsain. Rien n'est totalement écologique, tout a un impact. Le but à fixer est d'avoir des moyens de transports pratiques avec un impact sur l'environnement minimal. Peut-être que la solution est de meilleurs transports publics. Des voitures électriques auront aussi un impact écologique, des accumulateurs impliquent des produits chimiques assez spéciaux, qui ont une durée de vie limitée, et des problèmes de pollution en cas d'accident. Je ne veux pas dire que telle ou telle solution est meilleure, mais je préférerais que l'agenda politique se cantone à des objectifs de haut niveaux, et laisser leur chances aux différentes implémentations.
3 De Thias - 05/06/2008, 22:28
@vpo les voitures hybrides, genre la Toyota Prius font du freinage régénératif. Naturellement, la solution avec quatre moteur électriques et une turbine / génératrice serait bien plus efficace, mais cela implique probablement des changements légaux et sociaux.
4 De Steve Schnepp - 06/06/2008, 13:18
Il y avait aussi la "Quasiturbine" [1] à un moment, qui pouvait utiliser soit de la combustion de carburant (petrolier ou hydrogène), soit un gaz sous pression (le retour de la machine à vapeur ?)
[1] fr.wikipedia.org/wiki/Qua...
5 De Le webmestre - 07/06/2008, 19:50
@Thias : Oui, d’accord pour dire que le législateur ne doit pas, en règle générale, imposer une solution technique précise. Des voitures au gazole issu de bois serait, en CO2, tout aussi acceptable (par contre la pollution des villes ne s’améliorerait pas). Le rêve des transports en commun généralisés est utopique, même si bien sûr il faut mettre « le paquet » dessus. Il y aura toujours beaucoup de monde à grande distance de leur lieu de travail, à mi-chemin entre celui de madame et celui de monsieur, ou incapables d’acheter une maison près du centre, etc. Notre société est organisée autour de la voiture qui nous permet de nous déplacer de dizaines de kilomètres chaque jour, et si la tendance doit s’inverser, il faudra plusieurs décennies pour avoir des effets importants. Donc il faut se concentrer sur le carburant propre (et cher...), ce qui est aussi la voie de la facilité et la plus acceptable par la population. Évidemment, il y a les arbitrages dans les investissements... mais c’est du cas par cas (Paris n’est pas l’Alsace qui n’est pas la Lozère).
6 De Thias - 08/06/2008, 01:31
@Webmestre, sur le fond je suis d'accord, j'ai juste l'impression qu'on va avoir quelques surprises quand la société commencera effectivement à s'adapter à la nouvelle donne. Est-ce que, avec l'envolée du prix du carburant et de la nourriture, l'agriculture ou la sylviculture deviendront-elles plus intéressantes que la construction immobilière? Est-ce que le manque de transport publics deviendra-t-il un handicap concurrentiel pour les villes? Un collègue m'a dit qu'il va récemment quelques chose qui était rarissime il y a un an: des scooters sur une autoroute américaine…
7 De Le webmestre - 08/06/2008, 12:06
@Thias : Là, tu as raison, bien malin qui peut dire comment la crise énergétique va impacter nos sociétés. Ça dépend de tellement de facteurs : taux de croissance asiatiques, décision de l’OPEP et autres de monter ou non leur production, chantage au pétrole, choix politiques de nos politiques, lobbys divers, évolution du climat (plus il y aura d’événements catastrophiques en Occident et Asie, « mieux » ce sera), et du nombre de canicules (avec impact sur les climatisations), évolution relatifs de tous les prix des énergies vertes ou pas les uns par rapport aux autres, guerres du pétrole, du gaz, de l’uranium et de l’eau, élections américaine, évolution démocratique chinoise, va savoir quoi encore...
Avec le chien dans le jeu de quille ou le joker miraculeux de la fusion froide réalisable par tout un chacun dans sa cave si ça se trouve...
Plus réalistement, les transports en commun sont déjà un atout pour une ville (la proximité du tramway a toujours été un critère pour moi dans mes migrations dans Strasbourg & banlieues). Les voitures vont en moyenne se rapetisser là où c’est possible (plus facilement au Texas et en Allemagne qu’en France ou Italie), mais pour les scooters je suis sceptique, ça consomme à peine moins qu’une petite voiture - par contre dans les embouteillages...
L’influence sur les prix de l’immobilier va être délicate à prédire dans mon coin d’Europe : reconcentration dans les agglomérations pour éviter les trajets, extension des transports en commun, réduction des terrains pour construction à la campagne, télétravail peut-être plus courant, baisse de la population active (?), départs massifs prochains en maisons de retraite...
Bref, beaucoup de surprises en perspective quel que soit le scénario.
8 De Enkidu - 12/06/2008, 08:57
Le principal problème des agrocarburants est la surface nécessaire pour en produire suffisamment à l'échelle de la consommation mondiale actuelle, et surtout future. On imagine (dans certains pays on s'en inquiète déjà) un monde où on ne ferait plus pousser assez de blé, riz etc, pour nourrir tout le monde parce que les carburants rapporteront plus.
Je me demande si les xylocarburants apportent une réponse à ce problème ? Un rendement deux fois meilleur est-il vraiment suffisant ?
Tu écris qu'ils n'empiètent pas sur les terres cultivées : pas pour l'instant, mais si cela s'avère profitable, ça viendra. Les surfaces forestières existantes étant déjà exploitées par l'industrie papetière, il faudra bien trouver de l'espace supplémentaire pour satisfaire la nouvelle demande.
De même, si en Europe la question de la forêt primaire ne se pose pas, d'autres pays seront tentés de couper ce qui leur reste.
En tout cas c'est intéressant de savoir qu'il existe une option supplémentaire pour remplacer les hydrocarbures fossiles.
9 De Serge - 30/06/2008, 08:40
De toutes les façons, nous devons résoudre un problème de sustentation. A force de creuser des torux pour trouver du charbon ou du pétrole, nous finirons par ne plus avoir de sol, sauf à creuser sous nous.
Et comme la loi de de gravité nous fait nous casser la gueule, nous finirons tous par nous retrouver sur un noyau de terre. Comme la distance sera trop petite, pour prendre sa voiture, nous pourrons aller à pied. Et les trous creusés servirons çà planter des arbres. Qui servirons à batir des ponts pour aller d'un noyau à l'autre.
Le vrai pouvoir sera donc dans les mains de ceux qui posséderons des instruments pour contruire les ponts comme les scies, les haches, les varlopes, les clous...
Ils achèterons les noyaux des autres et les louerons. Le trafic de bois deviendra une industrie florissante. L'hymne national sera la musique du film "un pont trop loin". La frontière de notre pays sera en Avignon. L'homme des bois sera le nouveau type des mannequins. La cueillère de bois récompensera la meilleure équipe de rugby. Les promenades amoureuses dans le petit bois de Saint Amand seropnt interdites comme l'accès à toutes les réserves naturelles. Les paris mutuels se ferons sur les courses de chevaux de bois.
Et surtout, les gens irons à pied, prenant le temps de se saluer, de se céder le passage, de se donner un coup de main pour porter les courses.