Ce petit livre est passionnant.

Ce n’est pas un roman, pas une biographie, l’auteur relate juste ce qui se passe dans un bloc opératoire, du point de vue de sa profession — anesthésiste. On oublie trop souvent ces gens absolument cruciaux dans le bon déroulement d’une intervention chirurgicale.

J’ai appris pas mal de choses. Même si le Dr Whang est canadien, l’essentiel doit être transposable à la France. Si comme moi vous regrettez qu’Urgences soit fini, vous vous délecterez.

L’étude de la personnalité des différents spécialistes a été une révélation. Un chirurgien orthopédique doit être un bourrin, il manie la scie et le sang gicle partout. À l’opposé, les chirurgiens esthétiques se sentent une âme d’artistes. Les urologues sont les plus sensibles et les plus proches de leurs patients, qui leur parlent de choses très intimes. Les gastroentérologues ont le cœur le mieux accroché — des intestins ouverts puent effroyablement. Les anesthésistes, cela n’étonnera pas, sont plutôt introvertis, et les neurologues des obsessionnels compulsifs.

L’humour à froid perce parfois. Le passage sur la chirurgie cystoscopique (des sondes dans l’urêtre…) est hilarant. Whang décrit certaines opérations courantes (hanche, hernie, césarienne…) du point de vue de l’anesthésiste, spectateur mais aussi garant du confort et de la santé post-opératoire du malade. Tout cela sent le vécu à plein nez, de l’ambiance discussion-entre-collègues-autour-de-la-machine-à-café quand une opération de routine se passe bien, à la mobilisation générale quand un(e) collègue est accidenté (c’est un privilège de passer devant tous les autres malades et il assume), en passant par la panique quand en fin d’opération le compte des aiguilles et compresses n’est pas bon.

Par contre c’est quasiment de la haine qui perce envers l’administration de l’hôpital. (Est-ce pareil en France ?) On passe rapidement à la cafétéria, à la morgue, et dans les sous-sols.

Quelques conseils parsèment le bouquin : ne pas mettre la pression à l’équipe en précisant que vous êtes, par exemple, avocat (ils ont remarqué que c’est à ce moment qu’ils se plantent) ; tout dire à son anesthésiste ; s’arranger pour ne pas rester seul à l’hôpital, pour sa propre sécurité et son confort ; éviter d’être obèse, ce qui complique énormément le rôle de toute l‘équipe médicale.

Un regret : le traducteur n’a pas jugé bon d’expliquer ou remplacer certaines références culturelles proprement nord-américaines, cela gêne parfois.