Résumé d’un numéro avec quelques sujets peu connus (en italique mes impressions) : Guerre_et_Histoire_28.jpg

Les snipers

L’Antiquité utilisait massivement lances et flèches, mais le Moyen-Âge devint la grande époque du combat rapproché, et depuis la frappe à distance a toujours traîné une mauvaise réputation : déloyauté, lâcheté, plus tard volonté réelle de tuer et non de se fondre dans la masse de l’armée...

Les chevaliers méprisaient les archers, les arbalétriers puis dédaignèrent les armes à feu. Pourtant utilisés dès que possible pour leur efficacité, les snipers retournent dans l’obscurité et l’ignorance des États-majors après chaque guerre. Jusqu’à l’URSS qui met en avant ses snipers féminines pendant la Seconde Guerre Mondiale, et l’époque actuelle qui exige efficacité, professionnalisme et précision. Les biographies et entretiens sont glaçants.

Shanghai 1937

L’armée japonaise avait conquis la Mandchourie et prévoyait ensuite d’envahir la Sibérie (ce sera un désastre). La Chine (en pleine guerre civile pourtant) ne lâche pas l’affaire. Pékin tombe sans combat car les Chinois veulent piéger les Japonais à Shanghai, sous le nez des Européens des concessions, en espérant les voir intervenir — ils se contenteront, horrifiés, de compter les points.

Sous-équipés mais plus nombreux, les Chinois réussissent un temps à piéger les Japonais. Ceux-ci envoie renforts sur renforts. La bataille de rue impitoyable et meurtrière annonce Stalingrad, avec un quart de million de morts au total : c’est la plus sanglante bataille d’Asie.

Si les Japonais finissent par l’emporter, et peuvent prendre ensuite la capitale ennemie (Nankin), leur rêve d’une victoire définitive disparaît. Le gouvernement nationaliste chinois a certes inutilement sacrifié le noyau dur de son armée mais il a pu replier usines et administration, et il ne s’effondre pas. Les Japonais ne sortiront jamais du bourbier chinois, et un historien japonais est d’avis que le Japon a perdu la guerre à Shanghai et non dans le Pacifique. (Finalement, le parallèle avec l’échec allemand en URSS est frappant.)

La Guerre du Rif

...ne dit sans doute rien au Français moyen actuel. Dans les années 20, un indépendantiste berbère tient plusieurs années la dragée haute aux Espagnols, Français et Marocains. Pour faire plier Abd el-Krim, il faudra dégainer l’artillerie lourde et des centaines de milliers d’hommes — dont Franco et Pétain.

Les mousses de la Royal Navy

Il ne doit pas y avoir beaucoup d’abominations pires pour nous que l’exploitation d’enfants de dix ans dans des situations dangereuses comme le travail dans des voilures sans sécurité, agrémenté d’affrontements militaires parmi les pires qui soient. Et pourtant, cela faisait partie du quotidien de toutes les flottes militaires il y a deux ou trois siècles. En premier lieu, dans la Royal Navy.

Cela ne choquait pas, à une époque où l’on pouvait être pendu pour vol à 7 ans, et où la marine pratiquait le recrutement forcé. Conséquence : la discipline était de fer, et on n’apprend pas à nager à des marins qui pourraient ainsi s’enfuir !

Utilisés dans les gréements ou comme porteur de poudre, les enfants sont exposés aux chutes mortelles, au dangereux recul des canons, aux éclats de bois meurtriers suite aux boulets reçus... L’amputation est courante.

Paradoxalement, cette situation n’était pas si atroce comparée à d’autres. La Navy nourrit bien ses équipages, par souci d’efficacité, ce qui est améliore les perspective de croissance. Apprendre un métier est possible. Les équipages sont souvent soudés. La paye est meilleure que celle des domestiques ou des enfants ouvriers. L’alternative serait souvent une misérable vie monotone dans un village, sans perspective dans ces sociétés figées d’Ancien Régime.

La bataille de Kosovo Polje, mythe fondateur de la nation serbe

En 1389, l’armée serbe se serait fait écraser par les Ottomans au Kosovo. Le roi Lazar, tué, aurait été trahi par son allié et gendre Vuk. Sous l’occupation ottomane, l’histoire sera utilisée pour cimenter les Serbes. Bien plus tard, Milosevic s’appuiera sur cette histoire pour réaffirmer que la région de la bataille, le Kosovo, entretemps peuplé surtout d’Albanais musulmans, est bien serbe ; et cela finira sous les bombes de l’OTAN en 1998-99. Le statut du Kosovo reste encore mal défini...

L’article voit les choses autrement : la victoire turque n’est pas certaine, ne serait-ce que parce que le sultan lui-même y est assassiné, et que son fils doit retourner rapidement à Constantinople. Les sources contemporaines de pays voisins sont ambigues. La désertion de Vuk résulte peut-être d’un accord avec son beau-père pour préserver l’avenir en cas de décès de Lazar, et d’ailleurs Vuk tombera plus tard face aux Turcs alors que tant d’autres Serbes se sont soumis. Kosovo ne serait qu’une bataille sans grande importance sur le long terme, quel que soit le vainqueur, mais l’histoire a été ressassée, réécrite... bien des fois dans les siècles suivants et par les deux camps. Pas facile de trouver la vérité sur un thème si chargé émotionnellement pour les Serbes.

Divers

  • L’entretien du mois concerne Roger Ludeau, un habitant de la Nouvelle-Calédonie, engagé en 1940 dans les Forces Françaises Libres et combattant de la bataille de Bir-Hakeim (premier fait d’arme de la France libre). Intéressant, aussi bien pour ses motivations que pour le résumé des combats.
  • En 1983 les Soviétiques (en particulier Andropov, paranoïaque comme tout bon chef de service d’espionnage) auraient vraiment cru que les manœuvres de l’OTAN masquaient une attaque massive.
    (Je me souviens qu’à l’époque les journaux au contraire décrivaient ce qui se passerait en cas d’attaque par une Armée Rouge très supérieure en nombre — allez savoir quelle était la part de manipulation, propagande militariste, auto-intoxication là-dedans...)
    Reagan, abasourdi, aurait écrit dans son journal intime « Que diable pensent-ils posséder que nous puissions décemment convoiter ? » (Remarque arrogante : un Russe aurait noté que l’Allemagne a quand même envahi une URSS encore sous-développée en 1941...)
  • Un siècle après, la pollution des obus de Verdun perdure : elle a récemment entraîné la destruction du blé et du lait de plusieurs fermes.
  • Dans la cavalerie, doit-on préférer la lame courbe ou la droite ? Le débat a perduré jusqu’à la disparition de cette arme. En très résumé, les lames courbes, moins meurtrières mais d’un emploi plus naturel, seraient plus adaptées aux escarmouches et dérobades lors de reconnaissances. La cavalerie lourde évoluant en formation serrée pour écraser l’ennemi préférera la lame droite. L’origine, l’histoire et la tradition de chaque corps a cependant beaucoup joué sur la forme de leur arme.
  • Les ponts Bailey en kit étaient des merveilles d’ingénierie : légers, simples, pas chers, montés en deux heures. Grâce à eux, les armées alliées ont pu déferler sur l’Europe en 1944 sans se faire arrêter par quelques rivières. L’armée française en a encore monté quelques-uns en Afrique tout récemment. Donald Bailey, comme Alan Turing, fait partie de ces obscurs génie sans qui nous n’aurions peut-être pas gagné la guerre, ou à un coût bien supérieur. (Scandale : il n’a même pas de page sur le Wikipédia francophone !)