Ce bon livre manque peut-être un peu de cohésion, on a plus l’impression d’une compilation d’articles ou chroniques. Celui qui n’a aucune notion d’histoire allemande (Otton, le Saint Empire, les Hohenstaufen, les Habsbourgs…) risque de se sentir noyé : dans le Moyen Âge alsacien, les Français ne sont que des envahisseurs !

Mais l’auteur a bon goût de ne pas négliger la critique mais si souvent négligée période des Mérovingiens et Caroligiens, avant l’An Mil. Rappelons que les Serments de Strasbourg (842) scellent la partition de l’Empire carolingien entre France et Allemagne.

L’Alsace a eu un destin assez chaotique : les Alamans ont d’abord été durement mis au pas par les Francs. Puis son destin s’est trouvé lié à la Souabe. Le Duché d’Alsace n’a jamais vraiment existé.

Ensuite arrive un morcellement tout assez spectaculaire entre de nombreuses entités. Il semble surréaliste au Français habitué à la séparation des pouvoirs que l’évêque de Strasbourg ait longtemps été une puissance militaire régionale.

Étonnantes aussi les interventions des Suisses en Alsace : Bâle a joué un grand rôle.

Les « chevaliers brigands », dont les châteaux sont encore visibles dans les Vosges, sont une spécialité locale. Déjà à l’époque des sociétés par action finançaient ce genre de brigandage. Dans le même genre médiéval-financier, la Bourgogne de Charles le Téméraire a carrément tenté d’acheter la Haute-Alsace.

Effroyable la fréquence des guerres et des pillages. L’Alsace a payé très cher son morcellement. Les passages des armées de mercenaires, Français, Anglais ou autres, sont de véritables cauchemars pour les habitants. En réaction, la Décapole, une union de villes libres, n’a pas montré une efficacité réelle.

Quant au vin, il était omniprésent dès les origines : pour faire plier une ville assiégée, le plus simple était de menacer de couper les pieds de vigne.

Le livre se clôt par la « révolte des rustauds » à l’aube de la Renaissance : une révolte sociale, partie de la base, écrasée dans le sang par le Duc de Lorraine.