(Défit personnel : je vais tenter de chroniquer vite fait ce numéro un peu mineur, en dominant ma logorrhée habituelle, pour publier ceci avant le début du mois du numéro. Chiche ! C’est rapé.)
Les secondes intercalaires
Passionnant article sur un phénomène qui touche peu le commun des mortels, qui se contente au mieux de la précision d’un train ou du serveur NTP auprès duquel son PC trouve son heure.
Le problème à la base est très concret : synchroniser la régularité du calendrier avec la rotation de la planète, qui est après tout le cadre ultime de nos vies. Certains s’en fichent, comme les Arabes avec des années lunaires plus courtes qu’une année solaire ; les Chinois rajoutent des mois au petit bonheur ; chez nous Caius Julius a imposé les années bissextiles, puis le pape Grégoire a affiné tout ça avec son calendrier.
Depuis 1972 le temps est mesuré avec des horloges atomiques, et la rotation de la Terre étant ce qu’elle est, il faut parfois ajouter, ou retrancher une seconde en milieu ou fin d’année pour que le temps solaire corrigé de l’équation du temps (l’explication du concept est claire) coïncide au micropoil avec le Temps Universel Coordonné, décompte des période du rayonnement entre deux niveaux hyperfins du césium 133 (une référence universelle qui en vaut une autre — mais sans lien avec la Terre). Il y aura donc sur certaines horloges précises un 30 juin 2012 23 h 59’ 60”.
Ces ajouts de seconde perturbent certaines applications précises, en partie à cause du système de notification. Bref, certains plaident pour la suppression de ces secondes intercalaires (ça a failli être voté après l’écriture de l’article mais la décision est reportée à 2015).
L’auteur plaide pour leur maintien : le calendrier « réel » (ressenti, avec heures, jour et nuit) et celui universel et coordonné vont diverger. Déjà le GPS a 15 secondes d’écart (il ne tient pas compte des secondes intercalaires). J’aime beaucoup la conclusion qui voit loin : dans 50000 ans, à cause de la rotation de la Lune, il faudra au moins une seconde intercalaire par jour : la planète tournera en 86401 secondes ! Comment dans le futur allons-nous gérer cela ?
(Personnellement, je me dis que le problème sera peut-être résolu quand nous nous installerons sur Mars ou ailleurs : un temps universel arbitraire ajusté ensuite pour chaque planète au gré des besoins de celles-ci, sera nécessaire. Il faudra juste que ce temps devienne arbitraire et formellement déconnecté des jours et nuits terrestres pour qu'on ne s’y réfère plus du tout. Il faudrait lire les discussions sur ce sujet à l’ITU-R.)
Les ours des cavernes
Totem de la Préhistoire européenne, l’ours des cavernes a bien existé et laissé pas mal d’ossements. L’espèce était bien distincte de l’ours brun et de ses cousins proches (grizzly, ours blanc…), avec un ancêtre commun il y a environ 1,6 millions d’années. Ce monstre était plus végétarien que carnivore.
Les comparaisons de peintures rupestres étalées sur des milliers d’années, dans la grotte Chauvet par exemple, ainsi que l’analyse de la diversité génétique des ossements trouvés, montre que l’espèce a progressivement disparu au Paléolithique, et son déclin s’amorça avant l’arrivée de l’homme.
Le multivers
Depuis longtemps la SF prend comme décor les univers parallèles et les univers très lointains, au-delà du mur de quelques dizaines de milliards d’années-lumière autour de nous. Est-il possible, scientifiquement, de découvrir si oui ou non ils existent ? Pour le cosmologiste George Ellis, non.
Le premier type de multivers englobe les espaces de l’univers « classique » trop lointains pour que leur lumière ou toute autre information nous en parviennent : à jamais inaccessibles, ils ont a priori les mêmes lois physiques que nous. Ce très plausible multivers est simplement un ensemble de bulles isolées à jamais par la vitesse finie de la lumière et l’expansion de l’univers.
Le second type de multivers envisage que des bulles assez lointaines auraient potentiellement des lois physiques différentes, voire toutes les combinaisons possibles de lois et de paramètres physiques. Ils restent également trop lointains et à jamais inaccessibles.
Les arguments scientifiques de ce multivers sont au mieux indirects sinon spéculatifs, et ils utilisent souvent des variantes ou la marge des théories physiques : les champs scalaires des dernières théories permettent des univers-bulles à l’infini (mais pourquoi ?) ; l’hyperinflation des débuts de l’univers pourrait s’être déroulée différemment ailleurs (rien ne l’interdit, rien ne l’y oblige) ; ils pourraient être parallèles ou juste lointains…
La théorie des cordes notamment offre un paysage idéal pour ces univers multiples, avec sa multitude de paramètres possibles. Mais on attend toujours une confirmation expérimentale des cordes ou d’un sous-ensemble. Et justement, parmi les arguments les plus intéressants du multivers figure l’étonnante (improbable ?) coïncidence de paramètres physiques qui permet la vie dans notre univers. Si énormément d’univers possibles existent, sinon tous ceux possibles, il n’y a rien d’étonnant à ce que nous existions dans un qui soit favorable à la vie, même improbable.
La recherche de trace d’univers passés dans le fond diffus de l’univers ou de variations possibles des constantes fondamentales a fait à peu près chou blanc. À l’inverse on n’a pas trouvé de motif se répétant dans l’univers, il ne semble donc pas sphérique et fini… ou alors à plus grande échelle, et nous ne le saurons jamais.
Bref, sans possibilité d’y aller voir jamais, sans théorie bien établie suggérant fortement l’existence du multivers, on ne peut parler de science quand on évoque le multivers. On tient plus là un concept extrêmement flexible qu’une théorie un tant soit peu travaillée. On extrapole « du connu à l’inconnu, du vérifiable à l’invérifiable ». George Ellis reproche que l’on cherche à établir par des hypothèses théoriques des choses à jamais invérifiables, ce qui est pourtant la base de la science moderne.
Dernier argument massue : le rasoir d’Ockham ne permet pas de créer une infinité d’univers aux paramètres exotiques juste pour expliquer l’existence du nôtre !
Il reconnaît certes un bon argument des défenseurs du multivers : il n’y a pas d’autre explication à notre existence. Il n’a jamais été établi, juste espéré, que les lois de la physique sont « obligatoires ». Mais le choix entre multivers, univers arrivé là par hasard, et univers créé, relève là de la métaphysique. Pas de la science.
Un encadré d’Aurélien Barrau objecte : le sage a raison de se méfier de la spéculation, mais méfions-nous aussi d’un excès de circonspection. Le multivers est un « pari ». Il est en partie réfutable (donc scientifique) car basé sur des théories scientifiques certes non établies, mais testables dans notre monde. On parle certes de probabilité que le multivers existe, mais c’est en fait très souvent le cas en physique. Et il voit le rasoir d’Ockham dans l’autre sens, car des théories suggèrent que le multivers est possible, et l’interdire les compliquerait. Il finit par dire que la physique change en permanence et pourrait accepter un cadre un peu plus spéculatif.
( Avis perso : je n’ai aucune idée de ce à quoi peuvent ressembler les théories de l’inflation ou des cordes et comment en pratique on pourrait en déduire des univers différents. Ça me fascine. D’un côté tirer des conséquence parfois osées de théories (relativité, mécanique quantique) s’est révélé vrai, d’un autre côté cela a souvent permis de montrer qu’elles sont fausses et imparfaites. D’où la nécessité des observations pour valider ou infirmer la déduction théorique. Impossible ici. Et l’idée d’un multivers fatalement là parce qu’il n’y a pas d’autre possibilité défendable me rappelle le « Dieu des manques » qui a reculé à chaque avancée scientifique.
D’un autre côté, si l’on parle effectivement d’univers parallèles causalement inatteignables (ce dernier point sera massivement attaqué par tout écrivain de SF), le résultat de cette spéculation n’a matériellement aucune importance matérielle, juste philosophique ! )
Divers
- Didier Nordon met le doigt sur des aberrations étymologiques : un « misanthrope anthropophage » est quasiment une oxymore (et Matyo en rajoute : un vampire est aussi un hémophile…).
- Du même : nul ne peut juger les hommes et les dire bons ou mauvais, ni certains d’entre nous, forcément juges et partie, ni les animaux que nous avons trop bousculés, ni les extra-terrestres qui pourraient lire toute notre littérature sur eux.
- Les légumes et fruits surgelés sont réellement sains et bons, mangez-en.
- La Listeria est une bactérie avec de nombreux moyens d’invasion de l’organisme. Elle pourrait paradoxalement nous servir : génétiquement modifiée pour exprimer des gènes de cancer, elle deviendrait un vaccin anticancer !
2 réactions
1 De lecteur - 04/02/2012, 14:24
Ces réflexions sur la mesure du temps me font penser à "Tyrann" (que je suis en train de lire) d'Isac Asimov qui a réfléchit à ce problème dans ses oeuvres de science fiction où les humains ont atteint une multitude de planète. p82 de l'édition "J'ai lu" (imprimée en 92) :
« Sur toutes les planètes habitables, la nuit tombe régulièrement, quoique à des intervalles plus ou moins « respectables », les périodes de rotation pouvant varier de quinze à cinquante-deux heures. Cela demande au voyageur interplanétaire un épuisant effort d’adaptation.
Sur nombre de planètes, d’ailleurs, on évite cette corvée aux hommes, en adaptant, « sur mesures », les périodes de veille et de sommeil. La plupart du temps, du reste, l’usage universel d’atmosphères et d’éclairages artificiels rend ce problème secondaire, si ce n’est pour l’agriculture. Sur quelques planètes représentant des cas extrêmes, on a établi des divisions arbitraires ignorant les rythmes dits naturels. Mais partout, quelle que soit la convention adoptée, la tombée de la nuit a un profond impact psychologique, dont les racines remontent loin dans l’histoire de l’humanité. La nuit sera toujours une période de peur et d’insécurité, et le courage disparaît avec le soleil. »
On peut trouver cette oeuvre ici : http://www.scribd.com/doc/46246537/...
Le passage commence page 60.
Ici, les Hommes n'adaptent pas la mesure du temps aux conditions locales, mais les conditions locales à la mesure du temps.
C'est con, vous avez raté la fin du mois de janvier de 3 jours ! :-P
2 De lecteur - 04/02/2012, 14:25
"Isaac", pardon