Changement de nature du terrorisme

Depuis les années 1990 la religion est devenue la cause principale du terrorisme. Ce dernier n’est plus un moyen pour une fin politique mais bien un but en soi : il s’agit de hâter la fin du monde, le Jugement Dernier, le retour du Mahdi ou d’une incarnation du Christ…

Il n’y a plus de limite au mal : il est justifié par cette fin du monde qu’il faut déclencher. Exemple le plus médiatique et récent : Daesh qui veut que l’Ouest vienne l’affronter à Dabiq. Mais toutes les cultures ont des tendances millénaristes, parfois très répandues, à commencer par la chrétienté (même s’il y a un très grand pas entre s’attendre au retour très prochain de Jésus et chercher activement à provoquer l’Apocalypse).

Changement de civilisation

Pendant ce temps, la population augmente, les technologies évoluent, et donc le nombre de fous furieux avec l’accès à des technologies potentiellement dévastatrices va exploser. Pour Phil Torres, c’est un énorme danger pour la survie même de la civilisation.

Historiquement, les groupes apocalyptiques apparaissent dans les périodes instables (changements sociaux rapides, instabilité politique ou économique) : radical change breeds radical religion. Or ce siècle devrait être marqué par la « révolution GNR » (génétique, nanotechnologies, robotique) avec allongement de la vie, interface cerveau-machine voire numérisation de cerveaux, intelligences artificielles, nanomachines… Les changements vont s’accélérer, de manière encore plus disruptive que jusqu’à présent. Torres craint qu’en réaction la pensée apocalyptique n’explose.

Indépendamment de la science, une autre évolution menace : le changement climatique et d’innombrables désastres écologiques. Cela a commencé : le changement climatique serait à l’origine de la terrible sécheresse de 2007-2010 en série, d’un exode rural massif, des troubles sociaux, puis indirectement de Daesh. De plus, les catastrophes naturelles annoncent l’Apocalypse dans beaucoup de religions, et les conversions augmentent pendant les catastrophes.

Changements démographiques

Torres estime à la louche que les croyances apocalyptiques concerneront un ou deux milliards de personnes (oui, milliards) . Dont évidemment une majorité écrasante de « spectateurs » qui s’attend à la fin du monde prochaine sans chercher à la hâter d’aucune manière, qui sera hélas le terreau d’une minorité active, numériquement nombreuse par le simple accroissement de la population.

De quoi se demander pour beaucoup si notre civilisation, la civilisation, ou même l’espèce humaine arrivera au XXIIè siècle… Une perspective qu’en fait toute religion rejette d’emblée : au moins une petite partie d’élus survivra. Les avertissements de la science sont donc niés plus ou moins consciemment (exemple : des ultra-conservateurs américains qui nient le réchauffement en citant la promesse de Dieu de ne plus noyer la Terre après le Déluge).

Un danger plus grand à présent

On remarquera que l’histoire est jalonnée de groupes apocalyptiques qui ont échoué — mais ils n’avaient pas de grands moyens. Torres cite la révolution GNR évoquée ci-dessus : comme toutes technologies elles pourront être employées pour le bien comme pour le mal. Mais leur efficacité et leur croissance sera exponentielle, et surtout sera accessible à énormément de monde. (Voir ce que certains hackers et escrocs peuvent faire avec un ordinateur et leur intelligence — que se passera-t-il avec une usine pour nanomachines ? Au moins la bombe atomique nécessitait les moyens d’un État). Bref, le nombre de moyens pour l’humanité de s’autodétruire va augmenter… même si la civilisation a permis au monde de s’améliorer d’innombrables manières.

Contre les religions

Pour Torres, l’activisme autour du Nouvel Athéisme n’en devient que plus nécessaire : la religion est fausse mais aussi dangereuse. Nous allons avoir à faire à des groupes apocalyptiques plus nombreux et mieux équipés, dont un seul pourrait nous amener l’extinction — et non le Paradis.

Remarques personnelles

Phil Torres s’attaque directement aux religions ici. Hélas nous avons eu suffisamment de fous furieux nihilistes aux XIXè et XXè siècles pour savoir que ce n’est pas que cela. Comme (entre mille autres) Souvarine dans Germinal de Zola : « Allumez le feu aux quatre coins des villes, fauchez les peuples, rasez tout, et quand il ne restera plus rien de ce monde pourri, peut-être en repoussera-t-il un meilleur. » On pourrait citer le nazisme (délire raciste sans aspect religieux), ou les cinglés qui déclenchent régulièrement des fusillades aux États-Unis sans savoir trop pourquoi eux-mêmes.

Les religions établies et « embourgeoisées » n’ont jamais été une menace sérieuse menant à la fin du monde : le conservatisme souvent associé à la religion a ses bons côtés. L’athéisme progresse dans le monde avec le renouvellement des générations et la communication, même aux États-Unis ou dans les pays musulmans, la domination mondiale est loin. Même si la pratique religieuse s’effondrait, les extrémistes dangereux ne seraient pas forcément moins nombreux car ils viennent des noyaux durs ou au contraire des non-religieux déboussolés, cibles de toutes bonnes sectes. La solution serait-elle de laisser chaque religion tenir ses ouailles les plus excitées fermement, bref de couper l’herbe à toute secte ? Mais comme dit plus haut, le nihilisme athée, ça ne date pas non plus d’hier.

Note pour 2100

”Relire cet article, voir en quoi il s’est complètement planté, ou comment il a été prophétique, et si nous nous en sommes sortis par pure chance ou suite à des appels de ce genre.”

Ajout quelques jours plus tard : Une citation :

Every eighteen months, the minimum IQ necessary to destroy the world drops by one point.
Eliezer S. Yudkowsky