Je viens de lire un article en ligne du magazine allemand C’t sur les dernières protections en place sur les CDs du marché teuton, notamment un disque d’EMI.
C’est pitoyable.

Quoi

En résumé : un logiciel se lance automatiquement quand on insère le CD dans un PC Windows. Ledit logiciel :

  • a une licence illisible, et faite pour être illisible (comme toute les licences logicielles on me dira),
  • empêche tout accès direct aux pistes audio du CD ;
  • n’autorise une copie numérique que sous forme de WMA avec DRM de Microsoft (traduction : impossible de copier en MP3 « libre » lisible partout, ni en AAC, même protégé, compatible iPod) ;
  • se désactive et contourne complètement si on garde la touche Shift enfoncée à l’insertion du CD.

Contournement

Le moyen de contourner est tout con, et connu depuis belle lurette : Shift permet ne pas démarrer le logiciel sur le CD ; une fois celui-ci hors circuit, il lui est impossible de barrer l’accès aux pistes audio du CD.

L’article ne le précise pas, mais je suppose fortement que l’utilisateur d’un Mac ou d’un Linux ne verra même pas la présence de la protection.

Vue la manière de plus en plus cavalière dont se comportent ces logiciels de protection de CD (voir le fiasco du rootkit Sony comme sommet émergé de l’iceberg), C’t conseille de désactiver définitivement l’exécution au démarrage pour les lecteurs optiques sous Windows. S’il y a un logiciel dessus qu’on veut lancer, il sera toujours temps de le faire avec l’explorateur.

Résultat

Donc cette « technologie » stupide

  • a dû retarder d’environ 15 secondes l’arrivée des MP3 des CDs sur les réseaux peer-to-peer ;
  • a dû emm gêner quelques centaines ou milliers de personnes peu technophiles qui se demandaient ce qui se passait ;
  • rendre furax quelques autres milliers qui ne pouvaient pas copier cette musique légalement et chèrement acquise sur leur iPod, qui ont aussi dû se poser la question s’ils n’auraient pas dû aller directement sur eMule ;
  • a donné à quelques gamins et adultes le frisson d’être un hacker r3b3lz quand ils ont essayé l’astuce archi-connue de la touche Shift ;
  • a dû aussi coûter quelques millions de dollars au fabricant, que les artistes et les clients paieront.

Je me demande d’ailleurs qui dans cette histoire est le dindon de la farce. Oser vendre une technologie de protection qui se désactive d’une pression de touche est à la limite de l’escro n’est après tout pas immoral quand le client est une major qui prend ses clients pour ses ennemis.

Vive le CD !

Cette protection de CD n’est pas efficace et ne peut jamais l’être totalement, et cela tient à la nature des CDs : s’ils doivent être compatibles avec toutes les platines audio existantes, leur flux audio se doit d’être en clair, et, sur un ordinateur, un logiciel peut donc aller les récupérer.

On peut à la rigueur tromper un logiciel « basique » avec des pistes trafiquées ou non conforme, ou lancer un logiciel qui interdira au système d’exploitation (en pratique seulement Windows) de récupérer ces données, mais rien qui résiste à la touche Shift alliée à un ripper ou un homologue spécialisé dans la reconstruction de CDs abîmés - par accident... ou conception.

Le cas est différent pour les logiciels de jeux sur CD-ROM, qui eux, doivent passer par le système d’exploitation et peuvent exiger la présence du logiciel anticopie ou une connexion en ligne - avec des effets de bord non négligeable.

Les autres formats

Dans le cas de l’audio ou de la vidéo, la réponse est déjà en place puisque l’information stockée sur les DVDs est cryptée depuis l’origine du format. Accéder au contenu oblige donc à passer par un logiciel agréé par le DVD Forum, qui interdit la copie brute. Le cryptage étant cassé depuis longtemps, les DVDs sont cependant de nos jours aussi « rippables » que les CDs.

Les candidats à la succession des CDs et DVDs, respectivement les SACD/DVD-A et Blu-Ray/HD DVD, possèdent des protections bien plus sérieuses. Ces formats n’ont pas encore percé. Il est trop tôt pour dire si la protection contre la copie jouera ou pas, ou si leur principal problème est le manque d’intérêt pour le commun des mortels. (Mise à jour de 2010 : Presque cinq ans après, je pense qu’on peut considérer le SACD comme mort. Le Blu-Ray décolle doucement, mais la protection HDCP est de toute façon quasiment craquée, et les films piratés pullulent toujours.)

Quant aux formats cryptés de vente de musique en ligne légale (iTunes ou concurrents au format Microsoft), ils ne permettent pas de tout acheter, interdisent la compatibilité entre les lecteurs et je doute de leur pérennité sur les systèmes utilisés dans 20 ans. (Mise à jour de 2010 : Les DRMs sont quasiment un souvenir dans la musique en ligne. Tous les MP3 possibles sont disponibles chez Amazon.)

Bref, longue vie au CD pour ceux qui tiennent à la pérennité et la souplesse d’utilisation de leurs achats musicaux !