Remarque de Didier Nordon dans un vieux Pour la Science[1], que je m’en vais paraphraser :
- le mot en vogue dans les milieux de la recherche est « excellence » ;
- l’excellence sous-entend une norme, le regard de pairs, une réalisation parfaite selon certains critères ;
- alors que la recherche et la science consiste souvent à lancer des idées folles ou mal étayées, remettre en cause normes et théories dominantes, persister face aux avis négatifs, bref, ne pas hésiter à déranger ;
- donc l’excellence est la voie vers le conformisme.
Suivant le principe du bon vieux docteur Isaac Asimov (“The most exciting phrase to hear in science, the one that heralds new discoveries, is not ‘Eureka!’, but ‘That’s funny…’”), ou celui d’Antoine Labeyrie (« Si la science ne s’intéresse pas aux choses délirantes, elle risque fort de passer à côté de choses intéressantes. »), c’est justement en s’écartant des sentiers battus, en osant, que la science progresse.
(Fin de citation-paraphrase-résumé)
Cela dit, se pose aussi le problème de savoir jusqu’à quel point on peut ouvrir son intellect aux idées qui dérangent, « sans que le cerveau tombe dans le trou »[2]. L’idée d’une terre plate (historique) mérite-t-elle vraiment qu’on s’y intéresse encore ?
(Et dans le domaine de la morale, pas si lointain, guette aussi le danger du relativisme culturel.)
En science, toute esquisse de théorie se doit de se baser sur au moins quelques données crédibles, ou prévisions vérifiables (schématiquement, bref, une théorie « falsifiable »).
Est-ce un hasard si les sociétés les plus tolérantes envers les originaux, les électrons libres, les rebelles, sont celles où la science a avancé le plus vite ?
une réaction
1 De B. - 27/08/2006, 21:05
Sans parler des milieux de la recherche, cela vaut pleinement pour l'enseignement des sciences dans nos collèges. Le scientifique est quelqu'un qui SAIT ; le bon élève est celui qui se conforme au savoir enseigné. On essaie de leur faire admettre que le scientifique est celui qui CHERCHE, et qu'il faut se tromper plusieurs fois avant d'avancer vers la solution d'un problème.
Le problème de la terre plate illustre le fait qu'un chercheur s'appuie sur les travaux de ses devanciers (qu'il les accepte ou qu'il les conteste preuves à l'appui) ; en d'autres termes un scientifique a besoin d'imagination et d'audace ; il a aussi besoin d'une solide culture scientifique.
(l'époque contemporaine a exalté plus que de raison l'image de la découverte totalement neuve, ex-nihilo. Les Anciens, plus sages sur ce point, se sont toujours honorés d'être avant tout des transmetteurs du savoir des devanciers : même lorsque la transmission s'avérait une véritable innovation !