C’était un article du Pour la science n° 376 du mois de février (donc ce n’est plus en kiosque), pages 22 et suivantes.

Réponse mitigée :

Les milieux isolés

Sur les milieux fermés, notamment les îles, la réponse est oui. Les cas abondent, par exemple aux Aléoutiennes : là où on a introduit les renards, les oiseaux sont beaucoup plus rares, le guano disparaît presque, et la prairie devient une toundra.

Pour la perche du Nil introduite dans le lac Victoria, qui a remplacé plusieurs espèces locales, c’est moins clair, la pollution peut avoir joué.

Les milieux ouverts

Et justement, l’intervention de l’homme semble plutôt la cause de l’installation d’espèces « exotiques », ou plus exactement « généralistes », peu exigeantes, mobiles, aimant les déchets, les nitrates et les milieux ouverts comme les champs, à la place d’espèces locales spécialisées. Ces dernières commencent par être affaiblies par la pollution, la déforestation, l’agriculture intensive... puis arrivent les espèces exotiques ou généralistes — elles ne sont donc pas la cause.

Exemples :

  • dans les grands lacs américains, la moule locale a été victime de l’asphyxie puis les moules zébrées européennes se sont répandues ;
  • les orties aiment l’azote : la pollution aux nitrates les avantage ;
  • l’ibis sacré est une des espèces invasives en France, mais la plupart des envahisseurs sont des généralistes locaux : pigeon ramier, merle, rouge-gorge !
  • ça ne date pas d’hier : coquelicot et bleuet sont des envahisseurs moyen-orientaux qui aiment les prairies... et ont suivi l’expansion de l’agriculture !

Au final, on observe une sorte d’« homogénéisation biotique » avec expansion de quelques espèces et raréfaction de la plupart (perte de biodiversité à la clé). Des indicateurs ont été mis au point qu’il serait fastidieux d’énumérer ici. En gros, plus la proportion d’espèces généralistes est forte, plus on peut considérer que le milieu naturel est perturbé (par l’homme, directement ou pas).

Moralité

Les espèces étrangères sont des boucs émissaires. La distinction est plutôt à faire entre espèces spécialisées d’un milieu et espèces généralistes, locales ou non. La biodiversité va continuer à en prendre un sacré coup à cause de la pollution et des techniques agricoles... (Bien noter qu’on ne parle pas ici de la lointaine jungle africaine, mais aussi des campagnes occidentales.)