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La chronique de Didier Nordon

Entre autres perles :

Exceller dans une technique n’incite guère à discuter la vision du monde qui la sous-tend. (...) Admirer sans réserve un « grand pro », c’est faire la part trop belle à la seule maîtrise technique.

Didier Nordon, p.98

Pourquoi les nazis n’ont pas eu la bombe atomique

Ich danke Gott auf Knien, dass wir keine Atombombe gebaut haben.

Je remercie Dieu à genoux de nous avoir évité de construire la bombe atomique.

Otto Hahn, découvreur de la fission atomique

C’est l’article le plus intéressant du lot, par un spécialiste du nucléaire allemand : les nazis sont passés à côté de la bombe atomique non à cause de limitations matérielles et économiques, non parce que ses physiciens ont sciemment saboté le programme (comme le clamaient certains après guerre), mais à cause de la nature même de leur régime de terreur.

Manfred Popp décrit (voire dézingue) les hypothèses des divers auteurs, surtout anglo-saxons, qui s’étaient penchés sur le sujet. Il semblait étonnant que l’Allemagne, grande puissance scientifique, maîtresse de toute l’Europe, se soit fait grillée par les États-Unis, partis tard dans la course, même avec leurs moyens considérables. Rappelons que les Américains ont même construit et utilisé contre le Japon deux types de bombes : à l’uranium et au plutonium !

Samuel Goudsmit, à la fin de la guerre, était chargé de repérer et arrêter les physiciens allemands de l’Uranverein. Ceux-ci ont été regroupés dans un manoir anglais pour qu’ils discutent... sous l’oreille de micros. Goudsmit, physicien lui-même, a publié dès 1947 ses conclusions, reprises par Popp : les physiciens allemands confondaient réacteur et bombe et ont donc fait fausse route dès le départ.

Les synchrotrons français ou danois n’ont pas été utilisés pour créer du plutonium, cette piste était donc fermée. Pour l’uranium 235, ils en restèrent à l’utilisation de neutrons lents, acceptables pour un réacteur (qu’il faut maîtriser), alors qu’une bombe doit utiliser des neutrons rapides (pour parer à la dilatation ultra-rapide du combustible). Les neutrons lents semblaient pourtant une bonne piste. Si les Américains surent repérer celle des neutrons rapides, les Allemands ne l’explorèrent même pas en tentant d’obtenir quelques microgrammes d’uranium : jusqu’au bout ils travaillèrent à un réacteur, pas une bombe.

Les documents administratifs de l’époque se concentrent sur l’utilisation d’un réacteur et évoquent très peu la bombe, qui pour eux ne serait qu’un dérivé. Il semble que les estimations sur les besoins, la taille et la puissance dégagée aient été faux, faute de neutrons rapides

Les écoutes montrent qu’à l’annonce d’Hiroshima, Heisenberg, Hahn et consorts furent sincèrement étonnés (voire soulagés). Ce n’est qu’à la lumière des premières explosions qu’ils tentèrent vraiment de découvrir le principe de la bombe. Leurs calculs les jours suivants reprennent les erreurs « de débutant » déjà faites bien plus tôt par les Américains. Pour Popp, « durant toute la guerre, Heisenberg n’a pas réfléchi sérieusement à la bombe pendant toute une semaine ! »

Popp s’étonnait aussi que l’Uranverein n’ait pas exploré de nombreuses pistes pour ensuite se concentrer sur une, ce qui est le procédé normal en terrain inconnu. Ce n’était pas un simple problème de gestion de projet. D’un côté personne n’avait intérêt à voir son petit sous-projet arrêté pour être réaffecter ailleurs voire au front ; de l’autre promettre explicitement une bombe à ces fous furieux de nazis était dangereux sans garantie de succès à court terme. Heisenberg, lui-même qualifié de « Juif blanc » par les SS et un temps inquiété, se méfiait d’eux. Mieux valait continuer sur le chemin connu et faire taire sa curiosité. Les nazis n’ont pas eu de bombe A à cause de la terreur qu’ils inspiraient en cas d’échec.

Et Staline ne l’a eue que parce que lui savait que c’était réalisable, et avec une bonne dose d’espionnage.

En complément :

  • une interview de Heisenberg en 1967, où il évoque aussi la piste ratée du graphite comme modérateur (au lieu de l’eau lourde), parle des limitations économiques, de l’espoir que les Américains renonceraient aussi devant les coûts monstrueux, de l’inertie des hauts dirigeants allemands qui n’ont pas compris le potentiel dès 1940 comme Einstein et Roosevelt et surtout pensé que la bombe arriverait de toute façon trop tard ;
  • la réaction de Otto Hahn à l’annonce d’Hiroshima : en tant que découvreur de la fission il culpabilisa lorsque les Américains, en qui il plaçait tous ses espoirs, utilisèrent la bombe A contre une ville.

Tétraquarks et pentaquarks

Depuis les années 60, on sait que protons et neutrons sont constitués de trois quarks. Depuis a été découvert tout un bestiaire de quarks différents par leur « saveur », « charme », « couleur »... et de mésons (pions, kaons...) constitués d’un quark et d’un antiquark de saveur différente.

Depuis quelques années se rencontrent dans les accélérateurs les premières particules constituées de quatre voire cinq quarks, suggérées depuis des décennies par la théorie mais à la durée de vie si éphémère que leur détection n’est qu’indirecte.

Quant à savoir à quoi peut bien mener cette quête ? C’est de la recherche pour de la recherche, dont le résultat final sera peut-être juste de peaufiner les modèles et la chromodynamique, ce qui servira pour Dieu sait quoi Dieu sait quand.'

Guêpe-émeraude et blatte zombie

Un article s’étend sur les mécanismes qui permettent à une jolie guêpe bleue de zombifier une pauvre blatte qui se fera bouffer de l’intérieur par la larve de la guêpe (oui, on est dans Alien) : piqûre pour paralyser, re-piqûre de venin en plein dans ce qui sert de cerveau à la victime, ponte sur le corps, abandon dans le terrier. La blatte entre quasiment en hibernation forcée pour rester fraîche plus longtemps sans mourir et se fait dévorer de l’intérieur jusqu’à l’éclosion de la larve.

Rien de bien neuf, on connaît les guêpes parasitoïdes depuis longtemps, mais avec plein de détails croustillants sur la biochimie de cette abomination.

Voir aussi sur le site de Pour la Science

Les Pelagornis

Les Pelargonis avaient le double de l’envergure des albatros, leur bec avait des excroissances rappelant des dents. Ils ont dominé les ciels maritimes pendant 50 millions d’années, occupant la niche écologique des ptérosaures jusqu’à leur disparition inexpliquée il y a 3 millions d’années.

Le calcul sans coût énergétique

Il semble à présent que le lien entre entropie et information soit expérimentalement validé et donc un calcul a forcément un coût énergétique minimal : c’est la barrière de Landauer. À la vitesse actuelle (tous les 18 mois doublement du nombre d’opérations effectuées à énergie égale), nous l’atteindrons au plus tard dans 20 ans.

Une parade serait le calcul réversible où toute opération pourrait être faite à rebours. Par exemple, une opération ET (destructrice) serait remplacée par une opération donnant le résultat et des informations permettant de revenir en arrière. Il y a un coût en mémoire à payer.

La recherche fondamentale travaille déjà sur la théorie, des puces, des compilateurs, un langage... peut-être en lien avec les futurs ordinateurs quantiques, naturellement réversibles.

Mouais. Ça me semble trop beau pour être vrai, l’entropie gagne toujours.

Divers

  • Le cannabis perturbe bien la mémoire.
  • Il y aurait des noyaux atomiques « bulles », c’est-à-dire creux, comme le silicium 34, et qui seraient donc moins incompressibles.
  • Encelade, une Lune de Saturne, cacherait bien un océan sous une couche de glace, avec des cheminées hydrothermales. De quoi abriter la vie ? La source de la chaleur d’Encelade n’est pas claire, et cela une importance pour savoir à quand remonte cet océan.
    Il n’y a pas qu’Encelade a receler un océan souterrain et à faire fantasmer les exobiologistes : Europe, le satellite de Jupiter, était connu pour cela, mais peut-être aussi Ganymède, Callisto, Titan, Mimas, voire Pluton...
  • Les ordinateurs ont un avantage sur nous : la « pile ». Ils peuvent donc reprendre un travail interrompu là où ils l’avaient laissé, ce dont nous sommes incapables sur plus d’un niveau. Les portes de la récursivité leur sont ouvertes, tandis que nous pauvres humains en sommes réduits à des algorithmes moins efficaces ne nécessitant pas de mémoire de travail.
  • Le Président du CNRS veut des sous, la France est à la traîne pour le financement de la recherche par rapport à l’Allemagne, au Japon, aux États-Unis...