STMag30.jpg Je viens de jeter à la benne trois années de ST Magazine, qui pendant mes années lycée-prépa (en gros de l’effondrement du mur de Berlin à la sortie de Jurassic Park), a fait le début de mon éducation informatique.

Radotons

C’était un monde informatique que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître, où le summum de la connectivité passait par le Minitel (pour le téléchargement) et la Poste (pour les disquettes de domaines publics) ; où les éditeurs allemands comptaient autant que les Américains ; où tout était intégré par le même constructeur, du matériel aux périphériques au système d’exploitation ; où la compatibilité entre deux versions successives d’une machine pouvait jouer des tours ; où on était ravis de s’éclater les yeux en 320x200 en seize couleurs sur une télé ; où les graphismes délirants de Capitaine Blood Capitaine Blood et un Migrax m’arrachaient un « ouaouh ! » (bon, avant j’avais un MO5), et en plus la musique était de Jean-Michel Jarre ; où les éditeurs de jeux disaient déjà que le piratage allait les tuer (le pair-à-pair à l’époque, c’était dans la cour du lycée).

ST Mag causait parfois du monde Mac (et ses bécanes hors de prix), du monde Amiga (l’ennemi mortel pourtant), voire de hautes technologies complètement ésotériques pour les mortels : Unix System V release 4, NeXT, les Motorola 68030... Non, Linux n’existait même pas. Jean-Michel Jarre créait sur Atari ST, et à côté de tout cela MS-DOS et son invite en mode texte faisait pitié.

Je me souviens de mes premiers programmes sérieux en GFA Basic, tellement proche du Pascal, et des émerveillements en codant mon premier ensemble de Mandelbrot ou un simulateur de système solaire ; des émulateurs pour PC (j’avais, ça marchait assez pour faire du Turbo Pascal !) ; de mes premiers pas avec PoV ; et des dessins de Bruno Bellamy.

Dans la famille, nous sommes actuellement trois générations à faire simultanément du rangement : j’ai dû me résoudre à décharger mon père de ce carton poussiéreux. J’ai survolé les sommaires en choisissant les quelques numéros que je tenais à garder, et il faut reconnaître que l’essentiel n’a plus grand intérêt : nouvelles très défraîchies, tests de logiciels oubliés, de cartes d’extension confidentielles, ou des nouvelles machines d’Atari qui n’ont jamais décollé (TT, Transputers Jaguar, Falcon), faute de surface financière surtout. Comme tant d’autres, je suis passé dans le monde plus triste, mais plus économiquement réaliste, des PCs et des Macs.

Dave Small

Resteront dans les annales notamment les articles de Dave Small (en ligne ici, à archiver), une mine de conseils.

Grâce à lui j’ai su que j’étais un NT avant même de faire le test. Il rendait une partie de l’informatique magique, ou montrait son côté vaudou. Il m’a fait découvrir Tesla et l’influence du SIDA sur l’industrie informatique.

Si j’en crois les forums, une bonne partie de la nostalgie liée à ST Mag est attachée à Dave. Impossible de mettre la main sur les versions originales des articles.

Vingt ans après

Depuis, ST Magazine continue de paraître en ligne toutes les demi-décennies. Les anciens numéro sont sur abandonware.org (merci Stéphane pour le lien).

Le patron d’Atari Jack Tramiel est mort en 2012. NeXT a dévoré Apple de l’intérieur. Les 68000 sont ravalés au rang de microcontrôleurs.

D’Atari il ne reste rien que des droits sur des jeux et un nom connu, racheté par un éditeur qui trouvait que le nom sonnait bien et qui vient de faire faillite. Il y a des chances qu’Atari renaisse un jour sous une forme ou une autre, sans aucun rapport avec l’entreprise originale.

Dave Small semble avoir manqué la transition vers Internet. Restent une preuve de vie sur un forum, où il parle de la faillite de son entreprise, et les versions numérisées de ses articles dans ST Mag (lecture conseillée aux petits jeunes).

Et Bellamy vient de lancer un nouveau mag de BD.