Les compte-rendus d'intervention et les éventuels fragments de manuels de formation que je rédige à titre professionnel ces temps-ci, et de sporadiques billets de blog, n'ont guère de valeur littéraire. L'orthographe, fautes de frpae exclues, à peu assurée, la typographie de base au moins considérée dans ses bases, restait l'emplacement du point-virgule, du double-point et de cette damnée virgule. D'où l'achat de ce livre.
Si l'éclairage fut réel sur certains sujets comme la parenthèse, le crochet, les points de suspension, je doute d'être plus certain de mes virgules dans le futur. Les plus de cent pages et cent quarante cas d'utilisation mélangent parfois plus les idées qu'ils ne les éclaircissent.
Je pense au moins avoir saisi la différence entre propositions explicative, [virgule] qui ne peut être supprimée sans modifier le sens de la phrase, et déterminative, [virgule] qui ne peut en être retranchée. Application dans les billets [pas de virgule] qui viendront. Le cas des incises, dont, je sais, j'abuse, est à peu près clair.
Par contre, il est tout aussi clair que l'usage a varié moultes fois depuis le Moyen Âge, depuis le n'importe-quoi du XVIIe siècle à l'explosion (sens nihiliste) de la ponctuation au XXe en passant par la dictature des typographes du XIXe. Nombre de cas sont arbitraires, tordus, limite, parfois pure affaire de style. Un des mérites du livre : quelques exemples de choix de ponctuation qui altèrent le sens et le rythme (on sent l'admiration pour Céline et ses points d'exclamation et suspension ; je trouve cela pénible). Les plus grands auteurs sont cités, parfois fort lointains.
La perspective historique et les piques envoyées de-ci de-là allègent le pavé. On sent poindre un certain regret que la ponctuation soit assez négligée de nos jours malgré son importance dans une langue aussi subtile que la nôtre — il faudra que je compare avec l'allemand, tiens[1], mais c'est valable pour tout ce qui semble règles arbitraires et carcan de traditions — pas toutes inutiles ou infondées. Mais Drillon s'insurge régulièrement contre certaines lois imposées par les purs typographes.
Paradoxalement, la situation doit être meilleure qu'au moment de la parution (1991) : il suffit de se poser une question sur une orthographe, une ponctuation, une tournure, [virgule] et un moteur de recherche renvoie vers la page adéquate de l'Académie [pas de virgule] ou d'un maniaque de la langue.
L'index en fin de volume sera fort utile et je pense m'y référer assez souvent...
Note
[1] L'anglais que je lis est majoritairement rédigé par des non-natifs, c'est sans espoir.
4 réactions
1 De Thias - 25/02/2018, 16:07
Le manque de subtilité de l'anglais vient non seulement du fait qu'il est utilisé par des non-natifs – j'ai suffisamment été corrigé en français par des «natifs» pour prendre ce critère avec des pincettes – mais aussi parce que les natifs ne sont pas un groupe homogène (britanniques vs nord-américains) et surtout parce que c'est une langue de communication, dans laquelle les subtilités sont à éviter plus qu'autre chose…
2 De Le webmestre - 25/02/2018, 18:00
@Thias : Bonne remarque. Les Français non plus ne sont pas homogènes, mais l'élite parisienne impose la norme depuis Richelieu au moins.
Quand aux subtilités, je ne suis pas sûr que ce soit le français soit plus subtil que l'anglais, qui, de par son origine bâtarde, se paye souvent le luxe de deux mots pour la même chose (oax/beef, sheep/mutton, freedom/liberty). Cf aussi le très connu exemple : https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%... . L'anglais est peut-être tout simplement mal fichu, et le français capable d'être précis quand il le veut. Après tout il y avait peut-être une autre raison que les succès militaires de Louis XIV et Napoléon pour que le français devienne la langue de la diplomatie... </mauvaise foi>
3 De Thias - 25/02/2018, 20:15
Personnellement, je trouve l'allemand beaucoup plus précis que le français. Beaucoup plus de vocabulaire technique – la blague du cheval blanc d'Henri IV se fait avec un terme (Schimmel) – la faute à Louis XIV et sa lutte contre les guildes, paraît-t-il. J'aime le fait d'avoir des verbes modulaires – biais d'ingénieur peut-être – et les cas et le retournement des subordonnées aide à structurer les phrases compliquées, là où en français le seul outil à disposition est la ponctuation, justement. L'allemand bénéficie à mon avis du fait que la langue a été standardisée récemment, mais aussi que sa gestion est décentralisée, plusieurs pays avec des cultures assez différentes.
Le français est pour moi riche en termes abstraits, et en vocabulaire de cuisine, et pauvre pour le reste («scream», «screech», «shriek», «shout» se traduisent tous par «crier»). L'impossibilité de créer des nouveaux termes de manière organique est à mon avis un gros handicap, et l'académie et son retard chronique n'aide pas. Quand à la précision, le fait que «je loue mon appartement» est ambiguë me désole, surtout que le même problème apparaît dans le terme «téléchargement»: est ce que c'est un upload, ou un download?
4 De Le webmestre - 28/02/2018, 18:53
@Thias : je ne connaissais pas l'allemand sous cet angle-là, mais c'est effectivement flagrant. D'où cette impression de complexité.
Pour la difficulté à créer de nouveaux termes : hélas, tu as tristement raison :-(