vendredi 18 avril 2025

Les Rougon-Macquart d’Émile Zola (1 à 7 / 20)

J’ai toujours bien aimé Zola, j’ai donc décidé de lire intégralement (ou relire pour plusieurs, même si la lecture remonte parfois à un autre millénaire) les Rougon-Macquart, dussé-je y passer un lustre (plutôt une décennie au rythme actuel).

Un de mes seuls regrets est le manque de réutilisation des personnages entre les livres (à part les Rougon et leurs parents, et des enfants que l’on retrouve adultes).

Notes rapides pour un premier bilan d’étape :

Arbre généalogique des Rougon-Macquart, Émile Zola 1892 (via Wikimédia) ; domaine public

1 - La Fortune des Rougons

Ou comment Pierre & Félicité Rougon, un couple de commerçants aigris et arrivistes et renseignés par leur fils Eugène depuis Paris, profitent du penchant petit-bourgeois de leur ville de Plassans, en Provence, pour en prendre le contrôle lors du coup d’État de 1851, et s’assurer une bonne situation.

Une bonne peinture des querelles politiques de l’époque.

2 - La Curée

Aristide, fils des précédents, est monté à Paris. Son frère Eugène, très bien placé, le pistonne pour prendre sa part du gigantesque gâteau lors des travaux dans Paris pendant l’Empire. Quand on sait quels immeubles seront détruits, il est facile de les racheter pas cher, puis de se faire exproprier à une valeur définie par des gens que l’on connait bien ou que l’on peut intéresser… Aristide bâtit une fortune colossale sur la corruption et le conflit d’intérêt (pendant que sa nouvelle jeune femme se tape son fils).

Description cynique d’un microcosme parisien déconnecté, parasite et débauché. (Certains diront que ça n’a pas changé.)

3 - Le Ventre de Paris

La cousine d’Eugène et Aristide, Lisa Macquart, tient une boucherie près des Halles, et, comme la petite bourgeoisie sous l’Empire, elle prospère gentiment (et honnêtement, elle).

Quand son beau-frère Florent revient du bagne de Guyane, où il avait été envoyé par erreur lors du coup d’État de 1851, puis fréquente des révolutionnaires de comptoir, elle tique, surtout que des ragots court sur eux deux. Mais la police de l’Empire est trop bien faite.

Une description roborative (voire bourrative, j’ai sauté des pages de description) des Halles qui nourrissaient la capitale.

4 - La Conquête de Plassans

Retour dans la petite ville de Plassans du premier tome, où règnent Pierre & Félicité Rougon.

François Mouret, leur gendre, vit aisément et tranquillement avec sa famille. Arrive un nouveau locataire, l’abbé Faujas, personnage terne mais chargé en sous-main de restaurer l’influence bonapartiste dans cette ville qui vote toujours légitimiste. C’est le début d’une suite de catastrophes pour tout le monde.

Belle description du panier de crabes et de la mesquinerie de la politique d’une petite ville, et du rôle encore majeur de la religion à cette époque.

5 - La Faute de l’abbé Mouret

Le fils de François Mouret avait depuis toujours la vocation. Encouragé par l’abbé Faujas, il devient curé d’un trou perdu près de Plassans. Bienveillant mais totalement coincé et asexué, il découvre subitement l’amour grâce à (ou à cause de ?) une petite sauvageonne. Évidemment ça ne peut pas bien finir.

Choc brutal du poids des conventions et de la liberté, du christianisme bienveillant, du fanatisme crétin et de l’athéisme, de la joie de vivre et de la mortification. Hélas, ça dégouline souvent de mièvrerie sur trop de pages. Zola a dû décider de caser tous les noms de fleurs de la création pour décrire le jardin du Paradou (un personnage à lui seul).

6- Son Excellence Eugène Rougon

Eugène Rougon, le fils de Pierre & Félicité, d’abord avocat à Plassan est monté à la capitale et est devenu complice du coup d’État bonapartiste de 1851. Il était déjà à l’arrière-plan de trois des livres précédents.

Il est à présent au Conseil d’État, et surtout au centre de toute une clique de parvenus, clients, parasites ingrats, et d’ennemis mortels (à commencer par son frère Aristide). Il alterne les disgrâces et les retours inattendus, quitte à changer d’opinion politique au besoin, par goût du pouvoir. Le Second Empire n’était pas vraiment une méritocratie. On croise Napoléon III à Compiègne.

 7 - L’Assommoir

La misère des ouvriers parisiens, la précarité de leur existence et les ravages de l’alcoolisme opèrent un contraste violent avec le luxe du livre précédent.

Gervaise Macquart, nièce de Pierre Rougon et sœur de Lisa, est elle aussi montée à Paris (on ne verra jamais sa famille). Avec Lantier, puis Coupeau, elle est la mère de quatre des personnages principaux des livres suivants. Personnage positif et travailleur qui réussit à monter sa boutique, elle est ruinée par Coupeau devenu alcoolique, et Lantier, parasite manipulateur de premier ordre, et tout finit de manière tragique.

De la ribambelle de personnages du quartier, très peu sont au final vraiment positifs (nombreux furent ceux à le reprocher à Zola). Les ragots, commérages, brouilles et rabibochages entre eux font partie du plaisir.

Avant de le lire, je n’avais pas conscient de l’évolution du vocabulaire depuis Zola (même s’il y a sans doute une bonne part d’argot parisien).

 Encore à (re)lire :

  • Une page d’amour (jamais entendu parler)
  • Nana (l’histoire de la fille de Gervaise, qui tourne mal ; lu il y a longtemps)
  • Pot-Bouille (connu de nom)
  • Au Bonheur des Dames : le grand classique, je m’en repourlèche les babines d’avances (pourtant je l’ai déjà relu il y a une décennie)
  • La Joie de vivre (jamais entendu parler)
  • Germinal (sur un fils de Gervaise) : peut-être le seul que je risque de sauter, déjà lu deux fois et vu au moins deux fois le film
  • L’Œuvre (sur un autre fils de Gervaise, jamais entendu parler)
  • La Terre (connu de nom)
  • Le Rêve (jamais entendu parler)
  • La Bête humaine (sur encore un autre fils de Gervaise ; je n’ai vu que le film avec Gabin)
  • L’Argent (connu de nom)
  • La Débâcle : sur la défaite de 1870, sans doute passionnant pour le côté historique
  • Le Docteur Pascal : je suis curieux de lire celui-là, car le bon docteur est présent dès le premier tome

À suivre …

Billets connexes

samedi 1 mars 2025

« 1918, le piège de l'Armistice » de Benoît Chenu

Benoît Chenu : 1918, le piège de l'Armistice, l'Artilleur, 2024. Image du site de l'éditeur.

Benoît Chenu : 1918, le piège de l'Armistice, l'Artilleur, 2024. Image du site de l'éditeur. On se souvient bien des tranchées de l’interminable et statique Première Guerre Mondiale, mais pas vraiment de la manière dont elle s’est finie. Si le propos de ce livre récent est d’expliquer pourquoi les Allemands ont pu croire qu’ils n’avaient pas été complètement battus, l’essentiel traite des opérations militaires de 1918, tactiquement, stratégiquement et diplomatiquement. Le plus passionnant, Versailles et l’offensive annulée en Lorraine, est à la fin, et est hélas un peu court par rapport au reste.

Lire la suite

Billets connexes

samedi 14 décembre 2024

La taille de la Lune est-elle une coïncidence ? (suite)

Éclipse totale de soleil de 1999, Luc Viatour (https://lucnix.be/), CC-BY-SA-3.0, via Wikimedia Commons

Retour sur une coïncidence troublante et cosmique

Lire la suite

Billets connexes

dimanche 20 octobre 2024

« Memoirs of the Second World War » de Winston Churchill

Memoirs of The Second World War (Abridgment), Winston Churchill

History will be kind to me. For I intend to write it.

Winston Churchill

En fait, selon Wikiquote, il aurait dit aux Commons en 1948 :

For my part, I consider that it will be found much better by all Parties to leave the past to history, especially as I propose to write that history myself.

Lire la suite

Billets connexes

mardi 13 février 2024

« Spinoza, l'homme qui a tué Dieu » de J.R. Dos Santos

Spinoza J.R. DosSantos (Hervé Chopin éditions)

De l’évolution des mentalités

Lire la suite

Billets connexes

vendredi 29 décembre 2023

« Géohistoire » de Christian Grataloup

Géohistoire (Christian Grataloup, Arènes, 2023)

Les achats d’impulsion sont parfois les meilleurs. Géohistoire veut nous faire sentir tout l’impact de la géographie sur la manière dont tourne le monde. Christian Grataloup nous expose la trame sous-jacente à l’histoire de bien des Empires, plus liée aux vents de mousson ou aux flux de capitaux à l’échelle continentale qu’aux généraux et mouvements politiques. La domination européenne est en bonne partie une conséquence de sa géographie. Notes de lectures.

Lire la suite

Billets connexes

lundi 11 décembre 2023

Au revoir Gandi

Si tout va bien, ce billet devrait être visible depuis mon nouvel hébergement chez Infomaniak. Ça faisait 9 ans que j’étais hébergé chez Gandi, et bien plus longtemps pour les domaines. Celui-ci semblant passer du côté obscur après son rachat, il était temps de voir si l’herbe était plus verte  […]

Lire la suite

Billets connexes

dimanche 5 novembre 2023

« La Seconde Guerre Mondiale vue d'ailleurs » (Claude Quétel & co)

La Seconde Guerre Mondiale vue d’ailleurs (Claude Quétel & co)

Il est toujours bon de faire un pas de côté quand on s’intéresse aux grands événements internationaux. Fatalement, nous portons tous un biais lié à l’histoire de notre pays et notre éducation. La Seconde Guerre Mondiale ne s’est pas limitée à l’Occupation, à la Shoah, au 6 juin et à Hiroshima. L’optique de chaque peuple est différente. Et parfois changeante.

Lire la suite

Billets connexes

- page 1 de 81