C’est mauvais, très mauvais.
Même pour de la SF française commerciale (Fleuve Noir) de 1971.
Divertissant cependant, dans le sens où la nullité de l’action, la linéarité primaire du récit, la naïveté hallucinante des personnages, leur psychologie basique, la prévisibilité complète des actions, le manque total d’originalité, le style de collégien appliqué, la plausibilité nulle, le romantisme de niveau conte de fée pour maternelle, permettent au lecteur un détachement certain et amusé.
Dans ma jeunesse, j’avais lu d’autres Barbet[1], et même à cet âge naïf, j’avais trouvé l’écriture assez affligeante. La SF n’a jamais été une référence pour le bel ouvrage littéraire, mais sans forcément tomber dans l’extrême illisible et illu de Limites, bien des auteurs avaient fait des efforts.
Parlons de l’histoire : la Confédération Galactique envoie son meilleur astronaute explorer une planète bizarrement apparue ex nihilo et dont les sondes n’arrivent pas à percer le secret. À peine arrivé, le super-astronaute bardé de technologie sauve un preux chevalier d’un assassinat par la main même du fils de l’empereur (quelle chance ! tomber au pif sur un continent sur du beau linge de ce calibre !), fil narratif qui ne sera d’ailleurs même pas exploité. Notre héros entame alors sa quête à la recherche des magiciens qui dirigent ce monde en sous-main, accompagné du chevalier qui s’esbaudit à chaque page de la puissance de son compagnon face aux divers monstres écrasés avec la régularité d’un métronome (un dragon ? paf, une grenade atomique !).
Une jolie princesse délivrée au passage tombe immédiatement amoureuse du courageux astronaute libérateur et vice-versa (même Disney n’aurait pas osé), avec force serments. Il la trompe allègrement au chapitre suivant, puis la retrouve comme otage dans la grande confrontation finale contre les tout-puissants maîtres de la planète au fond des entrailles d’icelle.
Je peux révéler la fin, elle est sur la quatrième de couverture (!) de mon édition (l’originale apparemment) : après que l’astronaute a latté un dernier dragon et re-délivré sa belle, lesdits magiciens concluent que l’espion a le cœur pur (même la mentalité médiévale avait dû dépasser ce stade), et lui content leur histoire : derniers représentants d’une civilisation avancée[2] qui s’est auto-éradiquée dans une guerre bactériologique (ah, une originalité, pendant la Guerre Froide l’apocalypse atomique était plus à la mode), les savants devenus « psyborgs » (les cerveaux numérisés sur silicium était-ils encore confidentiels en 1971 ?) se sont construit leur petit monde médiéval en guise de World of Warcraft[3] réel. Sur ce, l’astronaute laisse sans trop de remord sa blonde (après tout, ce n’est qu’une androïde dont on effacera la mémoire) et s’en retourne faire son rapport à sa hiérarchie (dont les maîtres sont des Grands Cerveaux organiques qui baignent dans le formol).
Inutile de donner ce chef d’œuvre même à un jeune lecteur de SF, il y a assez de bijoux chez Asimov ou Heinlein pour ne pas avoir à se rabattre là-dessus.
Pierre Barbet étant un des rares français à l’époque traduits aux US, je reste tout de même perplexe. Même pour un roman de 1971, la plupart des thèmes n’avaient pas grande originalité que je sache. J’aurais été plus indulgent pour un livre d’avant-guerre.
Ajout de juillet : Le fana de Barbet pourra lire aussi Trafic stellaire, un peu moins nul.
Notes
[1] L’Empire du Baphomet était au moins une uchronie amusante bien que loin des sommets du genre.
[2] Le terme « civilisation avancé » revient comme une rengaine à chaque découverte. C’est aussi énervant que lorsque j’ai revu Capitaine Flam qui utilisait l’expression à chaque épisode, mais ce dernier est basé sur des scénarios d’Hamilton remontant aux années 40, recyclés pour des enfants des années 1970.
[3] Remarque totalement anachronique, je sais.
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