Les traces du passé

Le plan de la capitale, et bien des noms de lieux ou de rues archi-connus, prennent tout leur sens à la lumière de l’histoire du développement. Le plus flagrant est l’influence des différentes lignes de fortifications encore visibles dans le paysage : c’est évident pour le périphérique (ancienne enceinte de Thiers, au XIXè), très net pour les Boulevards des Maréchaux (qui longent cette même ancienne enceinte), ou les boulevards plus intérieurs qui ont remplacé les murailles de Philippe Auguste puis Charles V. Certaines rues un peu biscornues tout près du périphérique proviennent des limites d’anciens bastions. À l’inverse, il reste assez peu de marques évidentes de l’enceinte des Fermiers généraux (fin du XVIIIè).

Cette évolution concentrique, chaque enceinte se retrouvant débordée par le développement des faubourgs, est une constante de l’histoire parisienne. Je ne verrai plus les Champs-Élysées avec le même œil : anciennement c’était juste une grande allée en forêt à la sortie des Tuileries. D’autres pans entiers de la ville viennent de lotissements massifs sous François Ier, Richelieu, etc.

De nombreux quartiers ont été modelés par des bâtiments aujourd’hui disparus, par exemple le quartier du Temple (bâti autour de la gigantesque commanderie des Templiers... en banlieue sous Philippe Auguste).

Je suis resté rêveur devant le plan de Paris... sans Paris, avec les altitudes, et l’ancien méandre de la Seine : on fait vite le lien avec les zones inondables. Ou celui des toutes premières rues : Paris Lutèce au début de notre ère, c’était la Cité, les rues Saint-Honoré, Saint-Denis et Saint-Martin rive droite, plus trois rues dans l’actuel Quartier Latin rive gauche ; l’axe historique Saint-Jacques-Saint Denis étant l’antique la protohistorique route des Pyrénées au Rhin. L’île de la Cité a une histoire mouvementée également, puisque c’est le cœur de Lutèce, et longtemps le passage obligé pour traverser la Seine.

J’ai bien aimé l’histoire des ponts : montés souvent par des entrepreneurs privés qui voulaient rentabiliser, ils étaient garnis de maisons. À l’heure où l’on apprécie la disparition des frontières grâce à l’Europe, on oublie que franchir la Seine fut très longtemps soumis à péage...

Certaines peintures ou photographies reproduites dans le livre (dont une bonne partie du Musée Carnavalet, après tout dédié à la ville ; il faudra que j’y fasse un tour...) semblent surréalistes par l’impression bucolique qui en ressort ! La plus fascinante ouvre même le livre : une vue en ballon depuis l’observatoire en 1855 : la couronne des arrondissements extérieurs (en gros, entre l’enceinte des Fermiers généraux et celle de Thiers ) tient plus du village clairsemé que de la mégalopole !

Et au fil des pages tombent les petites perles de savoir : une rue se « perce », et effectivement c’est parfois comme creuser un tunnel ; les passages couverts attiraient magasin et clients plus que les rues habituelles... car il n’y avait simplement pas de trottoir dans les rues jusque tard dans le XIXè ; les guinguettes hors les murs n’étaient pas seulement conviviales, mais aussi bon marché car les marchandises importées dans Paris étaient soumises à l’octroi (les enceintes étaient aussi, sinon surtout, fiscales !) ; le premier rond-point de l’histoire fut aussi le plus grand (la Place de l’Étoile en 1907) ; etc.

Deux petits regrets

  • Il n’y a pas de carte détaillée du Paris actuel, et il faudra se munir d’un plan (celui pour touriste en 30 pages avec index des rues suffira) pour voir le tracé de toutes les rues évoquées et les visualiser l’agencement ; cependant la plupart des cartes portent en surimpression les tracés actuels.
  • Pas un mot sur la Tour Eiffel[1] ! Mais soyons honnête : du point urbanistique, elle n’a rien changé, ayant été plantée sur un terrain de l’École militaire à un moment où la ville avait quasiment atteint son expansion actuelle.

Bref

Un ouvrage indispensable pour les Parisiens, et très intéressant pour les autres.

Notes

[1] Là je fais mon provincial...