(Commentaires perso en italique)
Promotion
Principe de Peter
Dans toute hiérarchie, qu’elle soit gouvernementale ou d’entreprise, chaque employé tend à s’élever à son niveau d’incompétence ; chaque poste tend à être occupé par un employé incompétent dans son travail.
Boutade ou réalité profonde ? Les deux dira-t-on. Il est « de bon sens » que forcer les gens à prendre de nouvelles fonctions tant qu’il s’en sortent, mais à les y laisser quand ils pataugent, peut mener à la situation où presque chaque employé se retrouve à un poste où il est au mieux inefficace (il fait ou laisse faire le travail par les compétents, surchargés). Les contre-mesures existent, comme l’éviction des incompétents (je note qu’on perd alors leur compétence dans un poste « inférieur »), leur neutralisation en les promouvant au management (principe de Dilbert ; en fait à mon avis une grosse erreur, sauf dans les technocraties où ceux qui font décident et le reste n’est que support et secrétariat), la possibilité de refuser des promotions, ou plutôt de les opérer sur d’autres plans comme la progression salariale, sans que cela implique un changement hiérarchique ou de fonctions (pas trop la mentalité de beaucoup d’endroits).
(Je vois une autre faille dans le principe : les gens sont capables d’apprendre, surtout si on les soutient. Untel incompétent arrivé sur son poste peut avec le temps devenir efficace. Reste la question : est-il vraiment fait pour un poste parfois totalement différent de son choix originel dans la vie ? Parfois oui, parfois non.)
L’article de Didier Nordon s’étend sur différentes recherches et simulations visant à justifier le principe, notamment :
- la régression vers la moyenne : quelqu’un de très compétent, puisque promu, visera fatalement à se rapprocher de la moyenne quand on l’amène à un poste différent où (c’est un présupposé implicite) la compétence au nouveau poste n’a pas forcément grand chose à voir avec celle à l’ancien (hypothèse de Peter) ;
- l’effet cliquet : celui qui est monté et montre ses limites ne redescend jamais, surtout si le licenciement est impossible comme dans beaucoup de grandes administrations et entreprises (et pour moi une des solutions au problème est de permettre de tester des gens et de ne pas poursuivre l’expérience si elle n’est pas concluante, et surtout sans qu’il y ait l’idée que ce soit un échec, une punition sociale.)
Un prix Ignobel[1] a été décerné pour la démonstration et la simulation que dans un environnement qui suit strictement le principe de Peter, le plus efficace est de promouvoir les incompétents ! Ainsi on échappe à l’effet cliquet et on profite de de la régression vers la moyenne : chaque poste ne sera pas « bloqué » par un incompétent à vie, et un incompétent a une chance d’arriver à un poste où il est bon (et il y restera).
À l’inverse, dans le cas où l’hypothèse de Peter est fausse, que la compétence à un nouveau poste est à peu près liée à celle à l’ancien, il est logique de promouvoir les meilleurs, la régression vers la moyenne étant moins dramatique et les meilleurs arrivant en haut de la pyramide : l’efficacité globale y gagne.
On arrive donc à la question fondamentale laissée en exercice au lecteur : la compétence au poste N+1 est-elle liée au poste N ? (Mon avis : ça dépend :-) ).
Est évoquée aussi la promotion au hasard : hypothèse de Peter vraie ou fausse, elle donne un résultat moyen, meilleur que la promotion du meilleur si l’hypothèse est vraie. Dans une hiérarchie bloquée, autant redistribuer les cartes ! (J’ai toujours considéré qu’il fallait choisir une partie des assemblées politiques au hasard pour apporter du sang neuf, les Grecs antiques le faisaient bien.)
Mais arrive le plus rigolo : si l’hypothèse de Peter est vraie, promouvoir les plus mauvais donne un résultat un peu meilleur que la promotion des meilleurs si elle est fausse ! C’est-à-dire : il faut prendre des gens manifestement inadaptés à leur ancien poste pour les mettre là où les qualités demandées n’ont rien à voir, plutôt que de prendre des compétents pour les mettre à un poste où ils pourraient être moins bon. C’est finalement de très bon sens !!
Bon, comme tout simulation sociale ou économique, les effets sont intéressants à observer mais ne tiennent pas compte de toutes les rétroactions dans le réel : possibilité d’apprentissage comme j’ai dit plus haut ; surveillance de la performance pour éviter que les incompétents s’entassent ; éviction systématique des plus mauvais ; sélection naturelle quand l’entreprise subit les conséquences de sa nullité et doit dégraisser (mais à ce stade terminal, les licenciements ne sont pas décidés par les plus compétents pour garder justement les plus compétents) ; échelle considérée (parle-t-on d’une administration en circuit fermé, d’une entreprise sur un marché à fort turn-over, d’une société dans son ensemble qui effectivement ne cherche pas à récompenser la compétence ; et la définition même de compétence, celle-ci étant plus que multiforme et variant avec l’époque… Et puis, tout bêtement, les changements de poste évoqués ci-dessus concernent des promotions, alors que l’on peut vouloir faire changer de poste les incompétents le plus vite possible sans que cela devienne une promotion, une progression dans la pyramide.)
3 réactions
1 De Eric C. - 04/10/2011, 23:35
"J’en avais parlé ."
Moi aussi :)
http://eric.cabrol.free.fr/dotclear...
http://eric.cabrol.free.fr/dotclear...
2 De vpo - 05/10/2011, 08:27
Je ne vais pas parler des incompétents notoires qui ont les dents qui rayent le parquet mais qui sont bons dans la brosse à reluire.
A mon humble avis, le principe de Peter se vérifie souvent par ce que quand une personne est promue c'est souvent sans accompagnement du promu hormis une formation de merde qui arrive 6 mois trop tard.
Le salarié doit donc apprendre sur le tas tout en puisant dans ses connaissances antérieures pour palier.
Combien de société font de vrais plans de formation, comblant les lacunes actuelles de leur salariés mais aussi les préparant pour les évolutions futures. Souvent la GPEC est prise comme une obligation légale pénible alors que cela pourrait être un vrai outil d'anticipation pour une entreprise.
Alors c'est vrai, le futur c'est toujours dur à prévoir (sinon, tout le monde gagnerait au loto, et donc personne n'y jouerait :-)).
Mais rien que de former un salarié aux métiers voisins du salarié au sein de l'entreprise permet de réduire le risque d'échec. On m'a cité récemment l'exemple des visiteurs médicaux, chargés de promouvoir les médocs auprès des médecins. Je ne discuterais pas de l'intérêt de cette profession pour les déficits de la sécu, ce n'est pas mon propos :-)
Un visiteur médical c'est un profil Bac+3 ou Bac+4 en biologie. Le boulot est assez monotone et en crise (avec les génériques et les mesures d’économies de la sécu). Un visiteur médical fait part à son chef de son envie d'évoluer vers l’informatique médical activité existante aussi dans un labo pharmaceutique. Le chef dit qu'il va demander une formation dans le domaine. Et bien non, la hiérarchie refuse ce type de formation mais propose à la place une formation sur un nouveau médoc à vendre aux médecins.
Bref, le labo en question n'anticipe pas qu'il y a gens compétents dans un domaine qu'il peut les faire évoluer en les formants AVANT que la mutation du marché arrive.
Pour le management c'est pareil. Dans l'informatique, le bon développeur qui passe chef de projet au mérite c'est un grand classique. Mais chef de projet c'est un vrai boulot où il faut savoir communiquer, prendre du recul, comprendre ce qu'est un risque et comment y faire face, etc. Souvent, le mec on lui dit : "Tiens t'es chef. Si le projet est en retard cela sera de ta faute. Salut". Sa formation : une demi journée de Ms Project.
Et donc bien souvent, chef de projet, cela devient le type détesté car incompétent et dictateur qui a un bonus quand le projet marche et dit que c'est de la faute des grouillots quand le projet se casse la gueule.
3 De Le webmestre - 05/10/2011, 20:51
@Eric : Oui, je me rappelle ! Même que j’avais voulu lire plus avant, enchaîner et bloguer dessus. Et puis presque 2 ans sont passés.
@vpo : Effectivement. Pour ce qui est de chef de projet, ce sera pas pour moi. Je ne pense pas que je serais mauvais dans ce rôle, je le sais :-) Quant aux formations, si elles ne servent pas des projets en cours, même pas la peine d'y penser. Tiens, va falloir que je tape dans le DIF.
On pourrait aussi causer de l'Éducation Nationale : des dizaines sinon centaines de milliers de profs qui ne voudront pas faire ce boulot jusqu’à la retraite, il faudrait peut-être prévoir de quoi les utiliser ailleurs. Mais ce serait trop demander à l'EN et l'État. Alors une bonne partie va rester en haïssant son boulot.