Que celui qui pense que ses photos brutes de jpeg, même issues d’un réflex ou autres appareil coûteux, reproduisent fidèlement ses impressions à la prise de vue lève le doigt : il n’a pas appris à repérer tout ce qui cloche dans le contraste ou la couleur [1]. J’avais longtemps dis que je ne me lancerai pas là-dedans (en partie par manque de temps), mais j'ai fini par céder devant l’évidence [2]. Pour les photos un tant soit peu importantes, il faudra développer, de préférence à partir d’un fichier RAW — je le fais de manière quasi-systématique à présent.
Pour une personne au sens artistique aussi abyssal inexistant atrophié embryonnaire que le mien, il fallait un bouquin clair, avec juste ce qu’il faut de théorie, plein d’exemples et de comparatifs avant/après, et qui me prenne par la main.
Et c’est exactement ce que fait Anne-Laure Jacquart : elle reprend tous les concepts (densité, contraste, teinte, saturation, les tons intermédiaires, etc.) à la base, ce qui n’est pas du luxe. Elle ne se limite pas à la technique, et part bien de l’intention recherchée avant de faire joujou avec les curseurs (et torpille le mythe de la photo brute et objective).
Une fois le but et le principe posés, elle explique posément au béotien comment gérer le contraste ou les couleurs avec les réglettes ou les courbes selon le logiciel et l’envie. C’est d’ailleurs ainsi que l’on découvre les limites de son outil habituel, quelque part ça fait plaisir.
Pour ne rien gâter, et c’est même un des points forts du livre, il n’est pas question uniquement du classique et dispendieux mammouth du secteur, Lightroom. Sont abordés quelques concurrents, y compris gratuits comme Pixlr, voire libres comme Rawtherapee ou Darktable, simples (Picasa, Snapseed...) comme disproportionnés (Photoshop, Gimp [3]) [4].
Une limite : il est sujet uniquement des modifications concernant toute l’image (contraste, balance des blancs...), pas de retouche. On saura comment affadir la couleur d’un couleur élément parasite voyant, pas comment le détourer pour le remplacer par autre chose. Il fallait bien s’arrêter quelque part, et pour ma part je n’avais jamais eu l’intention d’entrer sur ce territoire. Manquent également quelques pages sur la netteté (l’œil sera plus vite attiré par un beau rocher torturé s’il est très net, tandis qu’on évitera de forcer le microcontraste sur les pores de la peau d’un portrait de bébé).
Mais le but est atteint : donner envie de se lancer dans la retouche d’image et avoir quelques résultats encourageants. Une fois ces bases établies, j’ai moins hésité à jeter un coup d’œil aux autres modules plus ou moins dispensables des divers logiciels.
Quelques tics de langage sont passé à travers la relecture et deviennent vite crispants, notamment « sublimer » et « subtil ». Dommage.
Bref, un bon achat pour démarrer dans la retouche de ses photos. Pour acheter, préférer le site de l’éditeur, Eyrolles. Si vous hésitez, voir les extrait 1 et extrait 2 en ligne.
Anne-Laure Jacquart a commis deux autres livres du même tonneau : Photographier au quotidien et Composez, réglez, déclenchez !, à présent tout en haut de ma liste de vœux.
Pour l’exemple, suivent ci-dessous quelques clichés issus de mon passage dans le Périgord au printemps dernier, avant et après retravail du RAW. Le recadrage ou la correction de l’horizon peut s’effectuer avec un Jpeg, mais la reprise des contre-jours, l’augmentation du contraste, la modification de la balance, le passage en noir et blanc... ne se font réellement bien qu’en RAW, même si la photo ci-contre est un jpeg de mon smartphone traité avec Darktable. Mon matériel n’a rien de mirifique (un vieux mais suffisant Canon 500D, un 17-50 mm Sigma pas trop ruineux, occasionnellement un filtre polarisant pour faire péter les bleus du ciel), et je n’ai pas fait grand-chose dans ce qui suit, et juste avec DPP.
- Au parc du Thot (à faire avant Lascaux : acheter le billet couplé au Thot, histoire d’éviter la queue pour la grotte à Montignac) :
L’original n’est pas si mal: mais je préfère avec un noir et blanc au contraste poussé :
- Château de Castelnaud :
Il y a par défaut un contre-jour : J’ai tenté une version un peu décontrastée et légèrement saturée : et puis une version à l’ancienne :
- Encore Castelnaud :
Direct de boîtier : Un rien plus lumineux et saturé :
- Rocamadour :
J’avais au départ un paysage sans saveur : que j’ai recadré et (trop ?) saturé :
- Sur le chemin d’accès à Rocamadour :
L’original est sans contraste : C’est mieux avec juste un peu plus de lumière et un changement de la balance de blancs :
Pas encore de quoi oser me montrer sur Flickr, mais on y travaille. Le problème devient celui du temps à consacrer à la retouche.
Notes
[1] Je suis allé à la médiathèque et lu tous les Réponses Photo et Chasseur d’images des deux dernières années. Après ça , impossible de regarder une photo amateur sans avoir envie de la recadrer, de modifier la mise au point ou de la passer en noir & blanc.
[2] Marrant : Alias aussi, que je suivais au départ juste pour ses conseils en musique bruyante.
[3] Gimp ne sort pas grandi de ces indirectes comparaison. Son interface le dessert, mais il est vrai qu’il n’est pas dédié au développement/retouche.
[4] Il y a un grand débat avec moi-même pour le choix de mon développeur entre ces deux-là et DPP, l’outil livré avec mon Canon. Ce dernier a le mérite de la simplicité pour un débutant dans le RAW comme moi et m’a déjà bien servi, mais est finalement assez limité. L’interface de Rawtherapee manque de simplicité et me submerge un peu, même si je commence à y prendre mes repères. Je redonne actuellement sa chance à Darktable, à l’interface plus sobre et consistante. Darktable n’existe pas encore pour Windows, mais cela n’est pas un problème quand on ne possède sous cet OS que des portables dont l’écran ne se prête pas à la retouche, ni en taille ni en couleurs. Ces outils se complètent, DPP ayant l’avantage de la simplicité et de la rapidité pour l'essentiel du boulot, mais c’est peut-être une question d’habitude des deux autres. Le plus rageant est de ne pouvoir commencer un traitement avec l’un pour le terminer avec l’autre : le paramétrage n'est pas repris d’un logiciel à l’autre.
2 réactions
1 De Balise - 24/08/2015, 20:28
Intéressant, faudra que j'y jette un œil, j'ai une grosse tendance au No Idea Dog sur ces machins. Mais je confirme que la photo de Rocamadour est un poil trop saturée à mon goût ;). J'aime beaucoup ce que tu as fait de la dernière par contre.
2 De Le webmestre - 25/08/2015, 19:06
@Balise : "No Idea Dog" : encore un mème que j'ai pas intégré.
Je te conseille d'y jeter un œil : comme je disais, ça t'ouvre les yeux sur des bêtises que tu faisais systématiquement autrefois.
Et merci pour le retour. Il y a une loi sur laquelle on n'insiste pas asse, c'est la nécessité de revenir sur ce qu'on a fait quelques semaines plus tard, et les excès sautent plus ou moins aux yeux.