Un bon numéro du magazine le plus « sciensationaliste »[1] :
Les centrales nucléaires au thorium
Les centrales nucléaires actuelles fonctionnant sous pression avec de l’uranium ne sont pas le seul modèle de centrale nucléaire (basée sur la fission exothermique de certains éléments).
Il y a pléthore de modèles possibles. Celui utilisant l’uranium n’est pas le moins mauvais, mais pas le meilleur du point de vue économique et sécuritaire. La lourdeur de développement des technologies nucléaires nous a en effet « verrouillé » avec le modèle à l’uranium : conçu à l’origine pour fabriquer des bombes, puis amélioré pour être embarqués sur des sous-marins, un milieu où la compacité est reine, le modèle à l’uranium était donc éprouvé et fiabilisé quand on a pensé au nucléaire civil. Il a donc emporté d’emblée le morceau sans que l’on étudie sérieusement les autres options, notamment le réacteur liquide au thorium.
Ce dernier fonctionne selon le même principe, mais en pratique très différemment :
- le thorium (et non l’uranium ou le plutonium), bombardé par des neutrons, se transforme en uranium 233, et dégage de l’énergie ;
- il n’y a pas besoin de maintenir le système sous pression (dans les réacteurs actuels à 155 bars, la moindre fuite est une catastrophe) ;
- le thorium barbote dans une soupe de sels fondus à 800°C, liquide ;
- on peut rajouter petit à petit le thorium, et extraire les matériaux fissiles produits, il y a donc beaucoup moins de matières dangereuses dans le cœur que dans les réacteurs actuels où les barres d’uranium sont utilisées puis remplacées en bloc ;
- les matériaux produits sont beaucoup moins pratiques pour construire une bombe A (cela reste possible) ;
- et ils sont beaucoup moins nombreux (donc moins de déchets) ;
- pas de problème de refroidissement, la cuve se vide par gravité.
Une énergie nucléaire presque propre, sans danger ? Trop beau pour être vrai. Et si tout de même... ? Restent quelques obstacles à surmonter : une phase liquide pas dans les habitudes du milieu ; une température très élevée ; et surtout une fabuleuse résistance au changement de la part des constructeurs de centrale... qui n’auront peut-être pas le choix pour s’adapter. (Du moins en France, la Chine et l’Inde construisent des centrales à tour de bras.)
Quant aux coûts de construction, je n’en ai aucune idée. Je dirais naïvement que si les mesures de sécurité sont allégées, le réacteur étant structurellement sûr, cela se ressentira sur le coût de construction.
Doit-on investir là-dedans au lieu de la fusion ? au lieu des énergies renouvelables ? en même temps que ces énergies ?
Des neutrinos plus rapides que la lumière
(Mise à jour : Cet article est périmé, puisque l’erreur de mesure dans un appareil a été décelée par la suite. Einstein est sauf.)
Ça avait fait grand bruit il y a quelques semaines : l’expérience OPERA a trouvé des neutrinos se déplaçant un rien plus vite que la lumière. Science & Vie détaille l’expérience et le contexte. Notamment : la relativité ne dit pas que la vitesse de la lumière dans le vide est indépassable, mais qu’il existe une vitesse limite et invariante avec l’observateur. Or on a justement mesuré que la lumière dans le vide satisfait ce critère, avec une précision « diabolique », et on a donc vite identifié la vitesse de la lumière à la limite absolue c.
Puis viennent les réflexions des responsables, et ce que cela inspire aux autres sommités du milieu. Cela va de :
- « je n’y crois pas », « on l’aurait déjà vu dans d’autres expériences », « j’ai déjà vu trop d’anomalies finir par s’évaporer », sous-entendu : il y a un effet subtil qui n’a pas été pris en compte (pas forcément évident et potentiellement très intéressant d’ailleurs) ;
- à « cela met par terre toute la physique », car la relativité restreinte a été montée pour préserver le principe de causalité ;
- en passant par « c’est stimulant », sous-entendu : ça s’explique avec des dimensions supplémentaires, la théorie des cordes, bref c’est un nouveau champ de recherche.
Rappelons que :
The most exciting phrase to hear in science, the one that heralds new discoveries, is not “Eureka!” (I found it!) but rather, “hmm.... that’s funny…”
La phrase la plus excitante à entendre en science, celle qui annonce de nouvelles découvertes, n’est pas « Eurêka » (j’ai trouvé !), mais plutôt « Tiens, c’est marrant… »
(Attribué à Isaac Asimov, un des Grands Anciens de la SF de l’Âge d’Or)
Donc de cette expérience peuvent découler aussi bien un correctif d’une ligne dans un subtil algorithme de calcul en Fortran, une découverte scientifique obscure qui n’intéressera que les géomètres du CERN, une avancée permettant à terme des outils plus qu’utiles comme le GPS[2] ou le laser, ou bien une théorie ravalant la relativité au rang d’approximation moins imprécise que la gravitation de Newton, et permettant le voyage plus rapide que la lumière (ou pas).
Il faut bien garder à l’esprit que ceux qui ont trouvé cette vitesse « impossible » ne sont pas des guignols qui ont oublié de prendre en compte la rotondité de la Terre ou la dérive des continents. L’article est gratuitement en ligne (abstract, PDF complet). Je n’irais pas prétendre que j’y ai tout compris, ni même tout lu, mais tout de même trois remarques :
- pour qu’autant de gens a priori sérieux aient signé une publication aussi iconoclaste, après des mois d’analyse, avec le risque du ridicule si l’erreur est simple, c’est que l’explication de l’écart n’est pas triviale ;
- la forme et le vocabulaire scientifique de haut niveau sont vraiment complètement déconnectés du niveau du commun des mortels, même de l’ingénieur de base : ils ne disent pas pas qu’ils ont trouvé une vitesse de 299 799,9 ± 1,7 km/s (au lieu de 299 792 458,0...[3]), mais (merci Wikipédia) :
- ils ont pensé à énormément d’erreurs de mesure possibles, le calcul des marges d’erreur est même l’essentiel du papier. Il y a par exemple les mesures des écarts de distance avant et après un tremblement de terre en Italie.
La fin de la conclusion est aussi son passage le plus spéculatif et débridé :
In conclusion, despite the large significance of the measurement reported here and the robustness of the analysis, the potentially great impact of the result motivates the continuation of our studies in order to investigate possible still unknown systematic effects that could explain the observed anomaly. We deliberately do not attempt any theoretical or phenomenological interpretation of the results.
Tentative de traduction : En conclusion, malgré la grande importance des mesures rapportées ici et de la robustesse de l’analyse, l’impact potentiellement énorme du résultat motive la poursuite de notre étude pour enquêter sur d’éventuels effets systématiques encore inconnus qui pourraient expliquer l’anomalie observée. Délibérément, nous ne chercherons aucune interprétation théorique ou phénoménologique des résultats.
Les animaux-plantes
Jusqu’à il y a peu, on ne connaissait pas de vertébré vivant en symbiose avec une algue, juste des une limace, une méduse… Une salamandre abrite pourtant une algue dès l’œuf. Cette précocité est d’ailleurs peut-être la raison pour laquelle le système immunitaire de l’animal tolère l’algue. Peut-être utile à l’œuf, la capacité de photosynthèse ne sert pourtant pas grand-chose à la salamandre adulte qui vit à l’ombre.
Les premiers essais commencent mais il va être très difficile de recréer le phénomène avec d’autres animaux. Vivre de soleil et d’eau fraîche serait pourtant pratique — et écologique.
une réaction
1 De Percival - 05/12/2011, 08:45
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