Les citations ne viennent pas que des livres. Nombre d’entre elles proviennent de magazines. Par bonheur, une partie est en ligne... mais les archives sont payantes. De plus, je n’ai souvent qu’une traduction en français (c’est l’inconvénient de Courrier International) . Donc si une bonne âme avait la générosité de griller quelques dollars pour vérifier que l’article suivant contient bien la citation ci-dessous, et pour savoir quelle en est la version anglaise, je serais très content :

« Les déshérités se résigneront toujours à leur sort. Personne ne le dit ouvertement, mais c’est ce que pensent la plupart des gouvernements. »

Ronald Steel, The New-York Times,
édition du 100ème anniversaire, 29 juillet 1996

Par contre, pour cette classique de l’anti-militarisme, il faudra recourir aux microfilms :

« On croit mourir pour la patrie : on meurt pour des industriels. »

Anatole France, L’Humanité, 18 juillet 1922

Et encore : pour ces deux citations-là, une source précise (au jour près) est fournie ; le problème est de trouver le support, le reste suit. La tâche est rarement aussi simple ! À ma connaissance, la numérisation complète des archives des journaux n’est pas à l’ordre du jour, mais ce sera peut-être économiquement réalisable dans vingt ans, et Google pourra enfin me dire quelle est la vraie version de cet autre classique, qu’on retrouve en plusieurs variantes sur la toile :

« Les guerres, ce sont des gens qui ne se connaissent pas et qui s’entretuent parce que d’autres gens qui se connaissent très bien ne parviennent pas à se mettre d’accord. »

Paul Valéry

Plus grave encore, la citation jamais imprimée : phrases extirpées d’un discours par un journaliste, rapportées de vive voix... Déformation garantie, traçabilité nulle. Quand ce ne sont pas des inventions complètes de journalistes. Il existe plusieurs versions de ce célèbre échange :

Lady Astor à Winston Churchill : “If you were my husband, I’d put arsenic in your coffee.”
Winston Churchill à Lady Astor : “If I were your husband, I’d drink it!”

La radio est un média également fugace ; tout n’est pas stocké, et en tout cas n’est pas en ligne, et encore moins indexé. Donc pour ceci j’ai dû faire une aveugle confiance à ma femme :

« On a parfois l’impression que les Anglais ont pour principale occupation de jouer à être anglais. »

Philippe Meyer, France Inter, janvier 1997

Les citations orales posent un autre problème : où pose-t-on la ponctuation ? L’exemple des discours de Churchill n’est pas forcément bon, car des versions imprimées « officielles » existent (ne serait-ce que les minutes au Parlement), mais pour le reste ? Le problème est mineur mais réel.

Pour toutes les raisons déjà citées, les livres de compilations de citations que l’on trouve dans le commerce sont en général douteux ; ils peuvent être utiles quand on cherche de nouvelles citations, mais les sources sont en général absentes, et sytématiquement sujettes à caution.
On fera une exception des recueils de maximes d’un personnage précis ; là on peut espérer que l’anthologiste s’est abreuvé directement aux sources écrites d’abord, ou auprès de rapporteurs de première main (aux dires par essence invérifiables, mais que l’on considérera comme sources fiables jusqu’à l’invention de la machine à remonter le temps). Par exemple :

« Perdez votre temps, mon vieux ! Feriez mieux de réfléchir sur une mappemonde ! »

Charles de Gaulle,
à un officier penché sur une carte de l’Europe, à Londres (Rapporté comme attribué au Général par Marcel Jullian dans De Gaulle, Traits d’esprits)

À suivre...