(Ce billet est déjà paru il y a quelques temps sur la liste Quoide9.)
Cécile m’avait conseillé ce livre il y a un bout de temps, et après son temps d’attente réglementaire sur mes étagères surchargées, j’ai découvert les péripéties autobiographiques de Malaparte, Italien envoyé au contact des Allemands pendant la Seconde Guerre Mondiale, rédigées par morceaux en différents pays, rassemblées presque par miracle par la suite.
Ce livre a un intérêt énorme : il est paru pendant la guerre (1943), donc « à chaud », sans que l’auteur connaisse « la fin », et alors que la « solution finale » d’Hitler sortait tout juste des cartons. Déjà pourtant ce ne sont que massacres, pogroms, boucheries. De plus, Malaparte, correspondant de guerre, était aux premières loges, dans le camp italo-allemand - même si on sent qu’intérieurement il bout. D’ailleurs, il a rejoint les troupes alliées dès le début de la libération de l’Italie. Enfin, il parle plus du front de l’Est que d’ailleurs, front qu’en France on connaît bien moins que le D-Day.
La moitié du récit se déroule dans les salons de Cracovie, Rome ou Stockholm, et entre gens de la « haute » : gouverneurs allemands, princes espagnol et suédois, princesse Hohenzollern, gendre de Mussolini, ambassadeur français, et ministre finlandais. On y croise Himmler à poil.
Entre vins fins et gibier, on discute des aventures scabreuses de la fille de Mussolini ; les Allemands se glorifient de leur culture, de la manière dont ils relèvent la Pologne, et de la miséricorde avec laquelle ils traitent les Juifs ; on amoncelle les jugements définitifs et péremptoires (cela devient très vite agaçant).
L’autre moitié, ce sont une ville roumaine sous les bombes et en plein pogrom ; des tranchées finlandaises lors du siège de Léningrad ; le ghetto de Varsovie où les Juifs meurent comme des mouches, et où demander « pardon » aux gens bousculés un miracle ; un gamin russe qui répond à l’Allemand qui va l’exécuter que son œil de verre est le seul à avoir une lueur d’humanité ; la peur panique des tankistes allemands quand apparaissent des chiens russes (dressés à se glisser sous les tanks, une bombe sur le dos) ; des Juives roumaines forcées à se prostituer pour les troupes allemandes, et liquidées après un temps d’usage...
Un livre à vous casser le moral, « gai et cruel » dit l’auteur. Cruel parce qu’il raconte une suite d’horreurs, et gai parce que sinon on devient fou.
3 réactions
1 De pseudo - 08/04/2007, 20:30
un livre fantasmagoriquement vraisemblabement flateur pour tout être yant un minimum de valeurs. à lire si la deuxième et ces facette humaine qui y reflette vous intéresse.
2 De Cécile de Quoide9 - 06/09/2007, 13:15
Bonjour
C'est moi la Cécile qui a conseillé Kaputt à Christophe et je le conseille à tout le monde. J'ai d'ailleurs évoqué ce livre et sa "suite" intitulée "La Peau" sur mon blog quelques heures après sa création.
Voici le début de la critique de ces deux livres rédigée le 30/07/01 pour "Quoide9" (mais liste de discussion "culturelle" sur yahoogroupes) :
Si un jour je devais écrire un poème en hommage à la littérature, la beauté, la violence et la force de l'expression écrite, j'aurais plaisir à faire rimer Louis CALAFERTE et Curzio MALAPARTE et je me débrouillerais pour rappeller cette phrase de GIDE gravée dans ma mémoire depuis une vingtaine d'année et qui a surement orienté bon nombre de mes choix : "les bons sentiments font la mauvaise littérature".
Pour parler de cet auteur, le mieux est de commencer par un bref survol biographique (merci le 4e de couv de FOLIO) : né près de Florence en 1898 et mort en 1957, il s'est engagé dans l'armée française pendant la première guerre mondiale. En 1931, un livre le fait condamner à 5 ans de déportation dans les îles Lipari. Correspondant de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale, il décrit ce qu'il a vu dans les images baroques, atroces et somptueuses de KAPUTT. LA PEAU paraît en 1949. (...)
La suite élogieuse est bien sûr à lire sur Quoide9.
Ma liste à moi que j'aimeuh beaucoup
www.egroups.fr/group/Quoi...
(critiques ciné, théâtre, livres, musique, expos, restos...)
@ +
Cécile
3 De Pasismple - 25/04/2011, 21:39
Je partage l'enthousisame concernant ce livre et l'oeuvre de Curzio Malaparte, mais en ce qui concerne sa biographie preque toutes les quatrièmes de couvertures ne font que reprendre des mythes construits par lui. S'il fut bien un "héros" de la première guerre mondiale (engagé volontaire dans l'armée française à seize ans en trichant sur l'âge, décoré de la croix de guerre,) il a été compagnon de route de Mussolini avant de rompre avec et en, gardant une certaine indépendance. Il a triché sur les raisons de son exil à Capri et sur bien d'autres points. (Voir la très belle étude de Maurizio Serra qui fait le point : Malaparte, vies et légendes, Grasset 2011). C'est le droit de tout écrivain (Malraux par exemple) de tailler sa statue, l'oeuvre telle qu'elle est aujourd'hui reste la plus belle de l'Italie moderne, la plus originale également par la forme.