Les boucheries européennes oubliées

Les cours d’histoire n’enseignent plus trop les différentes guerres, et se concentrent sur la civilisation, ce qui en gros se comprend. Cependant, certains carnages qui valent bien les passages les plus saignants du XXè siècle tombent alors dans l’oubli collectif :

La Guerre de Trente Ans (1618-1648, en gros sous Louis XIII et Richelieu) démarre comme un conflit religieux entre États allemands. Elle dégénère entre deux camps dominés respectivement par la France et l’Autriche à l’échelle européenne - et presque en guerre mondiale à cause des Empires coloniaux. Cependant, le principal champ de bataille est le Saint Empire Romain Germanique.
Des peuples de nos jours aussi pacifiques que les Suédois, les Danois ou les Néerlandais participent joyeusement à cette boucherie où la Realpolitik règne en maître (avec par exemple le très catholique Richelieu s’alliant aux Suédois luthériens pour contrer l’Empereur Habsbourg catholique).
Le bilan est apocalyptique, certaines régions (dont l’Alsace) perdant la moitié de leur population à cause des pillages, disettes, combats, etc. On estime le total des victimes à trois ou quatre millions : pas mal vus les moyens de l’époque.
Accessoirement, cette guerre entérine le déclin de l’Espagne, l’indépendance des Pays-Bas, la montée en puissance de la France et de la future Prusse (Brandebourg) et autres innombrables conséquences politiques et économiques.

Les traités de Westhalie qui marquent la fin de la Guerre de Trente Ans marquent aussi la fin de la Guerre de Quatre-Vingt Ans, en gros la guerre d’indépendance des Pays-Bas par rapport à l’Espagne.

La Guerre de Sept Ans a aussi été comparée à une Guerre Mondiale par la variété des théâtres d’opération, notamment dans les colonies. Entre 1757 et 1763 (sous Louis XV donc), la France alliée à l’Autriche et la Russie affronte l’Angleterre et la Prusse. De nombreux États entrent en lice par la suite dans les combats où les civils ne sont pas épargnés (on est loin des « guerres en dentelles »). La France perd à cette occasion une bonne partie de son Empire colonial, Québec et comptoirs indiens compris.
Résultat : victoire anglaise par KO, accessoirement prussienne.

Trois fois Cent Ans

Les Français et les Anglais détiennent le record de durée d’un conflit, avec bien sûr la Guerre de Cent Ans qui en a duré cent seize (1337-1453).
Il est moins connu qu’il y a eu trois Guerres de Cent Ans !

La première Guerre de Cent Ans (1159-1299) oppose les Plantagenêt, rois d’Angleterre, mais encore culturellement français, principalement Henri II et ses fils Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, aux Capétiens en pleine conquête de leur royaume.
À l’origine, le roi de France Louis VII, respecté plus qu’obéi hors d’Île-de-France, commet la pire bourde du Moyen-Âge en répudiant son épouse, la duchesse d’Aquitaine Aliénor d’Aquitaine, trop frivole au goût de son pieux mari. L’union du trône et de l’Aquitaine (quasiment indépendante) avait pourtant été une superbe occasion pour les Capétiens d’étendre leur domaine au sud de la Loire.
La jeune duchesse se jette alors dans les bras du duc de Normandie Henri Plantagenêt, également comte du Maine, d’Anjou, et héritier du roi d’Angleterre (possession de la famille ducale normande depuis moins d’un siècle). Avec l’Aquitaine d’Aliénor, l’« Empire Plantagenêt » a tout pour dominer totalement la France.
Il faut un roi exceptionnel comme Philippe Auguste et une véritable guerre entre Aliénor et ses fils d’une part, et Henri II d’autre part, pour établir définitivement la domination capétienne. La paix définitive est signée par Saint Louis. Les Anglais restent cependant en France (Normandie, Guyenne).
Résultat : victoire française par KO.

La seconde Guerre de Cent Ans est la plus connue. Elle a comme origine des querelles de succession (voir l’histoire des « Rois Maudits »).
Deux vagues anglaises sont repoussées respectivement par Charles V et Du Guesclin, et Charles VII et Jeanne d’Arc.
Résultat : victoire française in extremis.

La troisième Guerre de Cent Ans désigne les affrontements perpétuels entre France et Angleterre entre 1688 et 1815 : les guerres de Louis XIV, celle de Sept Ans, la Guerre d’Indépendance américaine et les guerres napoléoniennes n’en sont que des épisodes. La dénomination est contestable et contestée.
Résultat : Victoire anglaise au finish par KO.

Pendant toutes ces guerres, l’Angleterre n’est quasiment jamais le champ de bataille, à part une expédition avortée du fils de Philippe Auguste.

Guerres civiles

La Guerre des Deux Roses est peu connue en France, mais c’est un chapitre capital de l’histoire du Royaume-Uni. Guerre civile entre les deux maisons royales (Lancastre et York) prétendant au trône d’Angleterre, elle est une des raisons de la victoire française à la fin de la Guerre de Cent Ans. Les Plantagenêt sont remplacés par les Tudor, la noblesse est décimée et perd du terrain face au monarque et aux marchands, portant un coup fatal au système féodal d’outre-Manche.

Cela semble surréaliste et pourtant cela s’est passé : une guerre civile en Suisse ! En 1847, la Guerre du Sonderbund dure quatre jours, entre catholiques et radicaux. La constitution de la Suisse en est issue.
Résultat : Victoire écrasante de l’État fédéral.

À suivre...