La supériorité numérique allemande

Évoquons tout de suite une des principales causes de la défaite : l’Allemagne de 1940 a deux fois plus d’habitants que la France. La Belgique et l’armée terrestre anglaise ne peuvent compenser cet énorme écart. Le réarmement allemand, bien que parti de plus bas, est plus ancien que celui des Alliés. Il n’est pas besoin de chercher plus loin une des raisons de la supériorité allemande.

Et contrairement à 1914-18, il n’y a pas de deuxième front russe, et les Américains ne sont pas encore là.

La percée allemande des Ardennes

Bataille de France mai 1940 (image domaine public du Department Of Defense américain, via Wikipedia

Le plan de von Manstein est simple : attirer l’élite de l’armée française au nord, en Belgique, comme si les Allemands voulaient répéter le plan Schlieffen de 1914, attaquer avec les panzerdivisions au travers des Ardennes, et foncer sur la Somme par un gigantesque « coup de faux ». L’avancée de l’infanterie pour « nettoyer » derrière les chars ne doit pas limiter l’avance de ceux-ci.

Le plan fonctionne au-delà de l’espérance du haut-commandement, qui tente même (vainement !) de retenir l’avancée rapide de ses blindés dont les lignes de ravitaillement s’allongent.

L’endroit où attaquent les Allemands, sur la Meuse vers Sedan, est le point faible du dispositif français, entre la ligne Maginot (trop fournie, elle !) et le gros des troupes envoyé au nord. Là se trouvent des troupes insuffisantes, essentiellement des unités de réserves... alors qu’il s’agit du pivot de l’offensive alliée en Belgique ! Les trois divisions cuirassées de réserve que Gamelin avait pourtant judicieusement placées à Amiens sont dispersées dès le début des combats... Pour couronner le tout, le général de cette zone, Huntzinger, a plus l’expérience des bureaux et des salons que du front.

Lormier reprend une analyse de Raymond Cartier : pour Gamelin, il y a deux batailles, celle en Belgique, et celle sur la ligne Maginot. Le centre lui semble une zone neutre peu importante.

Le fait que la Ligne Maginot n’a pas été prolongée devant ces Ardennes réputées infranchissables par des chars est connu. J’ai entendu ici ou là que les Français ne voulaient pas vexer les Belges, mais Lormier donne une autre explication : le manque d’argent ! Pourtant, même incomplète, la Ligne a quand même « bu » les crédits qui auraient pu aller ailleurs (chars, DCA, aviation...).

L’erreur française est en partie compréhensible : les Ardennes sont difficilement franchissables, et la vallée de la Meuse est encaissée. Encore eût-il fallu poser des mines antichars, défendre sérieusement le massif ardennais, et prendre aussi au sérieux les menaces qui s’annoncent sur le secteur (Lormier ne parle pas trop de la faillite du renseignement).

Sur la Meuse, le combat est inégal : sept divisions de panzers (2000 chars), trois d’infanterie motorisées, trente d’infanterie, contre... sept divisions d’infanterie de niveau médiocre, sans fortifications sérieuses, sans DCA, et peu de chars. La Luftwaffe se concentre également sur la Meuse, ce qui permet d’éviter une longue préparation d’artillerie, et traumatise littéralement les troupes françaises.

Lormier calcule que les fronts étaient beaucoup trop étendus pour les unités présentes (j’ai appris qu’une division n’est bonne à défendre correctement que cinq ou six kilomètres de front).

Cependant, les Allemands qui franchisent la Meuse en canot pneumatique, même couverts par leurs artillerie, laissent de lourdes pertes. Les Ardennes sont réellement très dangereuses à franchir.

La Somme et l’Aisne

Les Allemands atteignent la côte atlantique à Abbeville, et la contre-attaque de de Gaulle ne va pas bien loin. Les Anglais rembarquent à Dunkerque, et les Allemands sont maîtres du nord de la France. Ils se tournent vers le sud, mais franchir la Somme et l’Aisne vers Paris ne sera pas une partie de plaisir, même si les Allemands dominent par trois contre un.

Le front de la Somme résiste bien, avec des pertes terribles des deux côtés. Lormier cite un épisode où la division de Rommel vient difficilement à bout d’une division de Sénégalais, qui vont jusqu’à recourir à l’arme blanche dans des batailles de rues. Certains, prisonniers, seront sommairement exécutés, au mépris des « lois de la guerre », conséquence de la propagande raciste nazie.

Les Allemands ne passent la Somme et l’Aisne que grâce à leur supériorité matérielle, après huit jours de combats. Un passage délectable des carnets du général allemand Halder : « Guderian piétine encore (...) il a plusieurs divisions françaises en face de lui. Parmi ces divisions, il y en a au moins trois que Guderian prétendait avoir détruites la veille... ».

À suivre...