Les barouds d’honneur

Le front percé, l’armée française, décimée, ne peut plus tenir, alors que les Allemands ont encore de nombreuses réserves. Paris est déclaré « ville ouverte » et les envahisseurs ne rencontrent plus de résistance organisée.

Mais les îlots de résistance sont nombreux, même après que Pétain annonce demander un armistice le 17 juin et que beaucoup de soldats considèrent alors la guerre finie et perdue. Lormier s’étend longuement sur le cas des « cadets de Saumur », menés par quelques officiers au sens du devoir digne d’un kamikaze japonais[1] dont beaucoup se font tuer pour ralentir la progression allemande ; cela coûte la vie également à nombre de civils.

Une partie de cette résistance se base sur la croyance que retarder la Wehrmacht permet à l’armée française de se replier en bon ordre sur la Loire ou ailleurs. Or, le 18 juin, cette armée n’existe plus en tant qu’organisation, et le gouvernement de Pétain a jeté l’éponge.

Les combats, désespérés, continuent encore le 22 juin quand l’armistice tombe.

La ligne Maginot

La ligne Maginot fait parfaitement ce pour quoi elle a été conçue : tenir. La grande majorité des ouvrages résistent jusqu’à l’armistice, voire après.

Les Allemands ne lancent l’attaque contre la ligne que vers le 14 juin, quand Paris est tombé et que la victoire semble déjà imminente. Mais en Sarre, les divisions du Reich se cassent les dents sur les fortifications.

Les derniers ouvrages se rendent le 7 juillet — deux semaines après l’armistice ! Les troupes refusent en effet de se considérer comme vaincues et donc de partir prisonnières en stalag. Ce qui remettrait en cause l’armistice pour les Allemands.

Une partie peu connue est la « course à la Suisse » : les troupes de von Runstedt veulent isoler les troupes françaises de l’Est, certains Français réussissent cependant à rejoindre le havre helvétique pour éviter l’emprisonnement.

Les Alpes

Mussolini veut participer à la curée et lance ses troupes sur les Alpes le 10 juin. Elles ne vont pas loin. Le fantastique rempart naturel des Alpes est complété par des fortifications qui font un massacre des pauvres Italiens mal équipés et mal nourris[2]. Le reste se joue entre fantassins.

Il est peu connu que les Allemands sont arrivés jusqu’à Chambéry et Grenoble, et que les divisions blindées se sont fait parfois massacrer par l’artillerie de montagne, mais aussi par des troupes coloniales ou alpines.

Le matériel

Les chars

C’est bien connu, les Français n’avaient pas suivi les conseils de de Gaulle (entre autres) mais Guderian, si. Les chars allemands regroupés en Panzerdivisionen autonomes, avec DCA, infanterie motorisée, génie... peuvent écrabouiller les chars français dispersés pour beaucoup au milieu de l’infanterie, et beaucoup trop statiques.

Des détails font tragiquement la différence. Lormier rapporte notamment :

  • La radio sert à coordonner les mouvements des chars... dans la Wehrmacht ! Ce qui donne des « tactiques de meute » meurtrières, même contre des chars plus puissants. Les Français sont condamnés pour beaucoup aux fanions.

    Pour Lormier, « ce n’est pas le manque de chars qui handicape l’armée française en 1940, c’est l’absence de transmissions. » À Abbeville par exemple, le commandement ne se rend pas compte du succès et ne sait pas l’exploiter !
  • Le système français de ravitaillement en essence est archaïque, à base de camions spécialisés devant alimenter les chars très gourmands en carburant. Le système allemand se base sur des stocks de jerricans, que les camions déposent avant de repartir sur-le-champ, ce qui accélère les rotations. Et ces jerricans peuvent être emportés par les chars eux-mêmes pour des percées de cent kilomètres...
  • Les tankistes français doivent tous changer de place entre l’observation et le tir sur l’objectif ! La cadence de tir est donc au mieux médiocre...

Les chars français, du moins les modernes, ne sont pourtant pas mauvais. Les B1 bis notamment font des ravages, surtout lors des opérations « coup de poing » qui tiennent compte de leur faible autonomie. Lormier rapporte plusieurs cas de chars couverts de dizaines d’impacts de canons allemands et roulant encore, ou de véritables boucheries de panzers légers opérées par quelques chars français.

Hélas, les B1 bis sont trop peu nombreux, la majorité des blindés français sont plus légers et possèdent des canons moins puissants. Si le blindage est globalement un atout des Français, les carences en mobilité sont fatales.

En résumé, les Allemands ont misé sur la mobilité et accessoirement le blindage dans le cadre du Blitzkrieg, alors que les Français, dans la perspective d’une nouvelle guerre de position, ont parié sur le blindage et complètement oublié la mobilité.

La grande et la petite artillerie

Lormier fait le même constat pour l’artillerie que pour les chars : puissante... mais peu mobile. Les Allemands, eux, n’utilisent plus les chevaux pour déplacer leurs canons ! De plus, ils savent mieux coordonner leur artillerie avec les mouvements des chars. Et cette artillerie est souvent fatale aux chars lourds français.

Les canons antichars français sont bons, mais rares.

Quant à l’armement personnel du soldat français, il est moins moderne que celui de l’allemand (le grand-père de Lormier avait un fusil datant de 1870 !), et moins standardisé au niveau des munitions.

Les avions : « Le ciel n’était pas vide »

La DCA française est indigente, c’est une des raisons de la supériorité écrasante de la Luftwaffe, et c’est cet appui aérien qui fait la différence dans bien des cas. Lormier cite le tragique exemple du pont de Gaulier (167 avions abattus par la DCA allemande en un jour pour ce seul objectif !). Les combats aériens sont nombreux, chaque camp (Anglais, Allemands, Français) perd des centaines d’appareils.

La supériorité numérique allemande est de toute manière écrasante, et concentrée sur le front, alors que l’aviation française est répartie sur le territoire. Les chasseurs français dans le nord se battent donc à un contre dix. La plupart des bombardiers sont détruits. Mais quelques bombes tombent sur Berlin même.

« Le ciel n’était pas vide » clame Lormier, mais les combats aériens ont souvent lieu trop haut pour que les soldats français voient leur propre chasse alors que les Stukas les bombardent. (Et mon grand-père se souvient aussi surtout des Stukas pendant l’Exode...)

Là aussi, l’action des Français ne sert qu’à retardement : avec les 1400 avions perdus en France, la Luftwaffe aurait peut-être triomphé de la Royal Air Force peu après pendant la Bataille d’Angleterre (même si Hitler n’avait probablement pas l’intention de débarquer, des bombardements plus nombreux auraient-ils fini par amener les Britanniques à la paix ?)...

À suivre...

Notes

[1] Logique suicidaire sans utilité que je n’arriverai jamais à intégrer. C’est une autre époque, presque une autre civilisation.

[2] Rappelons qu’à part la guerre d’Éthiopie en 1935-36, l’Italie n’a jamais été fichue de gagner une bataille de toute la Seconde Guerre Mondiale.