J’avais déjà parlé ici d’une œuvre mineure de Henneberg, le Sang des astres, mélange un peu daté de mythologie et de science-fiction un rien surannée.

N_Henneberg_La_Plaie.jpgPlus intéressant est la Plaie (1964), le meilleur livre de cette regrettée auteure française d’origine russe, et un des rares encore réédités (chez l’Atalante). Le côté mythologique presque absent est compensé par un manichéisme digne du Seigneur des Anneaux croisé avec la Guerre des Étoiles : il s’agit non moins que de la lutte entre les Nocturnes (ceux au pavillon noir qui massacrent pour le plaisir, bref le Mal), qui tiennent la Terre notamment, et les civilisations des astres libres, elles trop civilisées pour oser se battre. Des Terriens d’outre-espace devront donc mouiller la chemise. Et comme pendant au Mal absolu, les principaux personnages se comportent vite comme des anges voire des dieux.

On comprendra qu’il faut un certain lyrisme pour faire passer la pilule, et, cela tombe bien, c’est le registre d’Henneberg, dont le style flamboyant est parfaitement adapté. Tous plus ou moins mutants paranormaux ou métissés d’extra-terrestre, bref pas complètement humains, les malheureux héros fuient pour la plupart le sinistre chaos de la Terre qui agonise. Mais l’Enfer dantesque a plusieurs niveaux, et les personnages sont ballottés d’univers instables en planètes improbables, traversent des guerres intergalactiques qui ne les concernent pas, accumulent les deuils, et se paient le luxe de se trahir mutuellement pour des histoires de cœur.

Mutants aux pouvoirs incertains, extraterrestres dépressifs, frères ennemis, famille impériale décimée, prince noir déchu et princesse ressuscitée suicidaire, jeune soldat tête brûlée viré corsaire, amazone guerrière, batailles inexpiables et sièges interminables, repentirs et trahisons, gamins forcés de devenir trop tôt des adultes... la panoplie du grand space opera est complète. Si le final semble facile, il est dans la logique du livre. Comme musique de fond, prévoir Wagner, surtout pas John Williams.

La narration est complexe, suit plusieurs destins simultanément, et accumule les retours en arrière. Certaines références à la science-fiction populaire des années 50 feront tiquer l’amateur de crédibilité comme moi, et le vocabulaire notamment date parfois (ah, les « fulgurants » !), mais malgré cela la Plaie reste un de mes livres préférés, relus tous les lustres. À déconseiller aux plus jeunes toutefois.

N_Henneberg_Le_Dieu_foudroyé.jpgLa suite, le Dieu foudroyé (1976), lu tout récemment, m’a moins convaincu, l’action est plus confuse bien qu’il n’y ait plus la pléthore de figurants, et le bel élan des personnages du premier tome s’est brisé — et c’est d’ailleurs réellement leur principal problème. La tonalité est encore plus noire, bien que le danger du déferlement du Mal semble moins pressant. C’est peut-être ce dernier point qui rend le livre moins intéressant, ou j’en attendais trop.

(2016 : Voir le billet sur Nathalie Hennerberg, et le dossier que Galaxies lui avait consacré.)