Certains des « mythes » évoqués ne le sont plus à qui a déjà étudié un peu l’Histoire, d’autres relèvent des résidus de la propagande d’avant et après la guerre, ou d’une vision un peu trop géocentrée. Manquent hélas deux ou trois gros mythes à la limite du complotisme, comme le piège de Pearl Harbor [1].

Je voudrais retenir ce qui suit (parmi la foule de croustillants détails et l’abondante bibliographie) :

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Mythe : les Britanniques étaient unanimement derrière Churchill

Winston Churchill (image domaine public via Wikimedia) Churchill, farouchement anti-hitlérien et écarté jusque 1939, ne fut rappelé à la tête de la Navy qu’au déclenchement de la guerre, quand il fallut montrer les dents face à Hitler.

L’effondrement de mai 1940 le porta au pouvoir. Les tentatives pour le renverser (démocratiquement au Parlement) ne manquèrent pas à l’époque où les défaites s’accumulaient, mais son charisme lui permit de garder le contrôle. Puis Hitler attaqua l’URSS, l’Amérique entra en guerre et la pression retomba.

Les élections de 1945 l’ont, de manière un peu ingrate, renvoyé dans ses foyers : les Britanniques voulaient reconstruire le pays plus à gauche.

Mythe : la défaite de 1940 était inéluctable

Les troupes françaises se sont souvent bien battues, le matériel aurait pu suffire face à une Wehrmacht pas si performante elle-même, la stratégie (purement défensive, avec de bonnes raisons) restait cohérente... au début.

Les vrais causes de la défaite : la doctrine périmée (les chars !), le commandement nullissime, les gros coups de chance et l’audace des Allemands. (Voir mon billet sur Comme des lions de Dominique Lormier.)

Mythe : les sous-marins allemands auraient pu changer le cours de la guerre

Churchill himself avait plus peur d’une rupture des approvisionnements à cause des sous-marins allemands que d’une invasion des Îles Britanniques. Si jusqu’en 1943 les pertes en bateaux ont été terribles, malgré les convois, la productivité américaine a permis de les remplacer.

De plus la marine allemande, défavorisée par rapport aux armées de terre et de l’air (en partie pour ne pas fâcher les Britanniques avant-guerre), a démarré la guerre sous-dimensionnée et finit rapidement obsolète. Un nouvel effort allemand trop tardif ne permit pas aux sous-marins XXI d’être prêts à temps.

Mythe : Hitler a devancé une attaque de Staline

La théorie a eu cours il y a quelques années, elle a été descendue ensuite : d’après certains indices dans les discours de Staline, ou de témoignages sur les positions soviétiques attaquées par les Allemands en juin 1941, certains ont prétendu que l’URSS était sur le point d’attaquer le Reich dans une guerre préventive.

Les indices semblent en fait ténus. Cela ne cadre pas avec la mentalité de Staline, son comportement dans les mois précédents (coopération maximale avec l’Allemagne, alors que les signes d’une attaque imminente se multipliaient), et la mentalité qu’il prêtait à Hitler, proche de la sienne : notamment il ne pouvait imaginer qu’Hitler serait assez bête pour ouvrir un second front, et en tout cas pas avant 1942. Si Staline avait l’intention d’intervenir, cela aurait été après qu’Allemands et Britanniques se soient épuisés.

Quant aux positions avancées : la stratégie soviétique en cas d’attaque consistait à contre-attaquer immédiatement, d’où le positionnement de troupes avancées, renforcées juste auparavant suite aux bruits de bottes.

Rappelons que le but ultime d’Hitler était la conquête de la Russie, l’idée de guerre préventive de sa part ne tient pas.

Mythe : Pearl Harbor, une victoire japonaise

USS Arizona en train de brûler après l’attaque de Pearl Harbor (domaine public via Wikimedia) À la limite de ses capacités logistiques, le Japon a infligé aux États-Unis à Hawaï une branlée plus morale que matérielle : les navires définitivement coulés étaient antédiluviens, aucun porte-avion n’a souffert, l’industrie américaine a vite couvert le reste des pertes.

Le raid, fruit de longues tractations à Tokyo, n’a pas été si bien préparé. Rappelons que le vrai objectif japonais était en Asie : prise des Philippines américaines et des possessions britanniques et néerlandaises. Pearl Harbor devait juste tétaniser l’Amérique, il l’a braquée.

Les experts japonais avaient eux-mêmes calculé que le Japon serait incapable de tenir face à l’industrie américaine, avec raison : en 1942 leurs nouveaux porte-avions n’étaient pas lancés que les États-Unis verrouillaient déjà le Pacifique. Sans même parler de ce projet impérial intrinsèquement débile finalement : pour conquérir la gigantesque Chine, le Japon a dû attaquer toutes les grandes puissances économiques et militaires de l’époque, tout en surveillant l’URSS.

Mythe : Rommel était un bon chef de guerre

Encore un que la propagande nazie a magnifié jusqu’à aujourd’hui. Admiré même par ses ennemis, Rommel semble avoir été au final un bon meneur d’hommes, aimé et soucieux de ses hommes, mais indiscipliné, écoutant peu ses officiers et alliés. En partie à cause de cela, il n’a pas brillé dans la direction d’armées de grande taille.

Longtemps chef de la garde d’Hitler, il lui a toujours été fidèle, jusqu’au putsch raté de juillet 1944.

Mythe : les cheminots ont collectivement été le fer de lance de la Résistance

Le mythe a été gonflé dès l’immédiat après-guerre. Les cheminots étaient idéologiquement plutôt de gauche, très mobiles, les premiers à constater le pillage allemand. Mais les actes de résistance semblent plus relever de l’initiative individuelle que de grands réseaux réels, et il y en a suffisamment pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en rajouter artificiellement.

Mythe : l’économie soviétique ne pouvait rivaliser avec celle du Reich

C’est difficile à croire : l’Allemagne hautement industrialisée a bien été économiquement et industriellement écrasée par l’URSS, sous-développée sur bien des points, amputée de la moitié de son territoire productif !

La brutalité du régime stalinien a très efficacement redirigé les ressources vers les industries de guerre, y compris en déplaçant 25 millions de personnes hors de portée des Allemands ! Les industries se concentrèrent sur quelques modèles en très grande série. Si le régime se libéralisa très légèrement, le peuple restait soumis a une pression infernale, la moindre absence pouvant être interprétée comme une désertion !

L’article minimise le poids de l’aide américaine : non négligeable, essentiellement civile, elle a surtout permis aux Soviétiques de compenser leurs points faibles (nourriture, camions, machines, métaux spéciaux...) pour se concentrer sur ce qu’ils pouvaient faire.

En face, l’Allemagne a toujours eu un problème de matières premières : l’URSS lui fournissait l’essentiel de nombreuses ressources avant 1941 ! Le problème de ressources touchait aussi les hommes, à cause de la mobilisation. Le Reich a tout de même réussi à augmenter sa production jusque 1944 malgré les bombardements anglo-américains, mais en mobilisant — bien trop tard ! — toute sa population, en pillant allègrement les territoires conquis, en réduisant des millions de personnes en esclavage. Par contre, la planification des ressources était erratique (voir plus loin les Wunderwaffen).

C’est un des leitmotivs du livre : l’Allemagne n’était pas dimensionnée pour mener une guerre longue. Les succès hitlériens sont déjà un petit miracle. Et elle n’aurait jamais pu gagner la Seconde Guerre Mondiale militairement et économiquement.

Mythes : Montgomery, un général surestimé

Montgomery (domaine public via Wikimedia)Le plus grand général anglais cherchait trop les caméras, était vaniteux et brouillé avec beaucoup de ses homologues américains, et favorisait les progressions lentes et sûres mais pas très médiatiques aux grandes et élégantes manœuvres. Il ne cherchait donc pas à encercler l’ennemi, parfois l’a laissé fuir. Sans goût pour théoriser, il n’a pas su repérer ses propres faiblesses.

Le chapitre le réhabilite en bonne partie : Montgomery a gagné tous ses combats face à la Wehrmacht, notamment parce qu’il ne cherchait pas à la singer. Il était adaptable à tous les terrains et toutes les unités. Il tenait à préserver le moral de ses hommes et à s’en faire comprendre. Son plus grand échec à la fin de la guerre (Market Garden) n’était justement pas dans son style habituel.

Mythe : Les Waffen-SS étaient des soldats d’élite

Glorifiés jusqu’à l’absurde par la propagande allemande, les hommes en noir fascinent encore. D’abord police politique, les SS militarisés hors de la Wehrmacht étaient certes fanatisés mais sans expérience ni tradition militaire. Si l’audace a parfois été payante, leur manque de professionnalisme leur coûta cher au début de la guerre.

L’instruction progressant et l’expérience venant, et pourvus à présent de blindés, les SS atteignirent leur apogée en 1943. Puis leur effectif continuant de monter, la qualité des recrues baissa. (J’ai connu un Allemand, lycéen pendant la guerre, qui a eu le « choix » entre s’engager volontairement dans la Wehrmacht, ou finir d’office dans les Waffen SS.)

Mythe : la Seconde Guerre Mondiale, une affaire d’hommes

Ce chapitre rappelle le rôle des femmes dans la guerre : combattantes (surtout chez les Russes), auxiliaires (partout), victimes des bombes (partout), victimes de viols des armées en campagnes (partout même si les Allemandes ont payé le prix fort face à l’Armée Rouge), résistantes, collaboratrices, victimes de l’épuration (avec toute la symbolique de l’homme vaincu cherchant à restaurer son autorité sur la coupable de collaboration horizontale, comme si c’était le plus grave des crimes), victimes des énormes déplacements de population, victimes des génocides, elles assumaient toutes les tâches civiles à la place des hommes partis au combat, y compris les villes à déblayer.

Une note sur le Japon : les Japonaises, écartées de la conduite de la guerre, semblaient plus pacifiques, et l'égalité accordée par l’occupant américain visait à pacifier ainsi le Japon d’après-guerre.

Mythe : l’armée italienne était mauvaise

L’Italie n’a pas brillé pendant la Seconde Guerre Mondiale : incapable d’envahir les Alpes en 1940 alors que les Français se faisaient écraser par la Wehrmacht, incapable d’envahir la Grèce, incapable de tenir la Lybie, appelant chaque fois la Wehrmacht à l’aide, hâchée menu sur le front russe...

Équipement médiocre, motivation nulle, ravitaillement catastrophique, commandement minable (à commencer par Mussolini) : après la pitié vient presque la sympathie pour le soldat de base.

L’article rappelle quelques pages sombres de massacres, souvent à base raciste. Mais la brutalité nazie ne pénétra pas profondément dans l’armée italienne, limitant ou condamnant les excès. Certains combats en Afrique du Nord firent honneur au soldat italien.

Conclusion : après guerre, pour ancrer l’Italie dans le camp démocratique, on a masqué les excès et fait de l’Italien un humaniste incapable de se battre pour le mal. L’armée italienne n’était pas si nulle, faisant ce qu’elle pouvait avec ce qu’elle avait.

Mythe : Le Pacifique, théâtre secondaire

Au contraire ! Benoist Bihan rappelle que le Pacifique mettait en contact la moitié de la population mondiale, un territoire énorme et tous les grands Empires coloniaux, les États-Unis, l’URSS, le Japon. Ce dernier pouvait menacer l’Australie et intervenir dans l‘Océan Indien via le Pacifique.

La bataille pour l’Asie est bien l’autre face de la Seconde Guerre Mondiale. Il y a eu un impact sur les opérations en Europe, par exemple sur la disponibilité des troupes australiennes ou des navires britanniques en 1942 (perte de Singapour, de la Malaisie, menace sur l’Australie...).

Les Américains prévoyaient d’ailleurs plutôt cette guerre-là (création du corps des Marines), et le matériel prévu (barges de débarquement, bombardiers...) a aussi servi en Europe. Ils n’ont pas donné tout de suite la priorité à l’Europe dans leur stratégie.

Staline aussi craignait le Japon. Le cynique pacte germano-soviétique avec Hitler servait en partie à se garantir d’un deuxième front pendant que Joukov repoussait les Japonais. Cette défaite amena le Japon à se retourner contre les Britanniques et Américains. L’attaque soviétique de 1945 sonna la capitulation.

Quant à la doctrine d’après-guerre, elle a hérité de bien des choses de la guerre du Pacifique, du rôle des porte-avions à la bombe atomique. Et toute la géopolitique de la région est encore marquée par les suites de cette guerre.

Mythe : le débarquement de Provence, une opération inutile

Le débarquement de Provence d’août 1944, militairement un succès de troupes essentiellement françaises (du moins de l’Empire français), a été masqué par le Débarquement de Normandie (déjà largement réussi à ce moment). Sa gestation a été le fruit de dissensions stratégiques entre Français brûlant d’en découdre chez eux, Américains voulant prendre les Allemands en tenaille, et Anglais soucieux de terminer la reconquête de l’Italie pour foncer ensuite sur Vienne (à la rencontre des Rouges).

Indéniablement un théâtre secondaire, le front sud a accéléré la Libération et redonné confiance et crédibilité aux Français.

Mythe : le soldat américain ne sait pas se battre

La légende vient de tous les côtés et des deux camps : les Américains ont gagné par leur industrie et leur puissance de feu, pas par la qualité de leurs soldats. Si l’opinion d’Hitler était entachée de racisme, un fait subsiste : le baptême du feu en Afrique du Nord face à Rommel a été cruel.

Les soldats au feu n’ont pas flanché, se sont peu rendus, ont encaissé de grandes pertes. Mais l’armée américaine vient de très loin : elle est constituée à 99% de conscrits, citoyens en arme, non fanatisés (d’où une tendance plus relax qui leur sera reprochée ailleurs), sans aucun professionnalisme ou expérience, qu’il faut former. Les rares divisions d’infanterie d’avant-guerre ou la garde nationale ne suffisent pas.

Vue la puissance qu’émane l’Amérique, il semble étonnant que son infanterie 1944 souffrait d’un problème continu de renouvellement des effectifs et surtout des cadres, avec des effets pervers : maintien des unités en opération en permanence, arrivée des nouveaux au compte-gouttes avec une intégration difficile, retrait des soldats expérimentés pour en faire des instructeurs si nécessaires...

Cette armée n’avait pas vraiment de capacité d’anticipation (elle fondait effectivement tout sur la puissance de feu) et se cassait parfois les dents sur des difficultés inattendues (combats de rue...). Mais alors elle apprenait vite, très vite. Le partage d’expérience était constant et rapide. Le GI n’était pas censé être une brute stupide ou surhumaine, l’initiative était encouragée et se glissait dans mille détails, jusqu’à la coopération interarmes. En 1945 les soldats américains étaient d’efficaces éléments d’une machine redoutable.

Mythe : l’armée française en Italie, un sacrifice inutile

Il est peu connu que les armées françaises, fusion entre FFL et ancienne armée d’Afrique vichyssoise, ont participé à la lente progression alliée le long de l’Italie. Si les Américains commandaient, les Français jouèrent là un rôle important et encaissèrent de sévères pertes — mais pour quel intérêt, puisque ce front était inutile ?

Sur ce dernier point, la discussion dure toujours, mais en 1943 les Alliés n’avaient guère d’autre cible possible que l’Italie, et Churchill visait alors plutôt les Balkans que la Normandie. Les Français se devaient d’y participer, et là ils reconstruisirent une armée et lui rendirent sa crédibilité. Ainsi le débarquement de Provence fut essentiellement français, et la place de la France à la table des vainqueurs devenait plus crédible.

Mythe : les bombardements aériens ont vaincu l’Allemagne

Cologne 1945 (domaine public, via Wikimedia) Les Anglo-Saxons rasèrent l’Allemagne, au point que certains assimilent cela à un crime de guerre. Le Britannique Bomber Harris pensait, comme beaucoup avant guerre (et les nazis les premiers, cf Varsovie, Rotterdam, Coventry), que les bombardements de population seraient suffisants pour casser le moral allemand. Les Américains visaient plus les cibles industrielles. En tout cas le bilan fut terrible.

Moralement, les bombes furent aussi contre-productives que celles du Blitz : les Allemands encaissèrent, et la propagande nazie exploita le sujet à fond. L’industrie se dispersa et s’enterra. La production militaire ne stoppa pas, loin de là, augmentant fortement jusque 1944 ! (''Voir aussi ce qu’en disait Destremau à partir des analyses communications de l'époque

L’impact fut tout de même réel : la dispersion rendit le système d’autant plus fragile que les nœuds de communication furent touches, le déblaiement des villes mobilisa des travailleurs. Les pénuries diverses augmentèrent (par exemple les pétroles roumains, nécessaires au Reich, furent attaqués). Toute l’infrastructure du Reich fut touchée. Et indirectement, ce front aérien mobilisa canons de DCA, munitions, avions qui auraient été utiles à l’est. Et finalement les Alliés choisirent les bombardiers comme appâts pour casser les reins à la Luftwaffe.

Conclusion : il fallut des troupes terrestres pour faire plier l’Allemagne. Les bombes ne suffirent pas, mais firent très mal.

Mythe : les kamikazes sont morts pour rien

Jeter des avions neufs et des pilotes, élites de la nation, contre des ennemis, avec un taux de réussite faible et 100% de pertes semble totalement hallucinant. Le commandement japonais, désespéré, l’a pourtant fait : l’optique n’était plus que d’affermir la volonté de sacrifice du peuple, et de faire assez peur à l’inéluctable vainqueur pour qu’il consente à une paix aux conditions japonaises.

L’impact sur les opérations fut faible même si les kamikazes infligèrent une très grosse part des pertes navales américaines des derniers mois de la guerre. Les marins américains développèrent vite une peur panique des kamikazes.

Indirectement, les Américains purent se sentir d’autant plus légitimés à déclencher le feu nucléaire, puis MacArthur à modérer les conditions d’occupation (voir plus bas pour l’effet réel) — et à maintenir l’Empereur pour éviter « 100 millions de kamikazes ».

Mythe : la France a contribué à la victoire des Alliés

En résumé : militairement et directement, non. Les unités françaises (en Italie puis en Provence, en Allemagne...), équipées par les Américains, ont fourni un appoint parfois très utile mais dont les Anglo-Saxons auraient pu se passer. La propagande alliée et le besoin de symboles ont amplifié leur rôle. Les Résistants favorisèrent évidemment le Débarquement et la Libération, notamment pour le renseignement, comme guides, éclaireurs, ponctuellement comme auxiliaires.

Mais les insurrections des maquis dans tout le pays ont été réduites avec relativement peu de troupes par les Allemands, et le harcèlement en 1944 ne semble pas avoir été si efficace (et les civils ont subi les représailles). La France ne s’est pas libérée seule, la Résistance a bouché le vide (notamment dans le sud-ouest) après la retraite allemande.

Cependant l’Empire français fut utile comme source de matières premières (Afrique) ou bases logistiques (Nouvelle-Calédonie).

Mythe : les armes miracles allemandes auraient pu tout changer

Les nazis (voire les Allemands dans leur ensemble...) avaient une fascination pour la technologie plus que pour les quantités ou le ratio coût/efficacité à l’américaine ou à la soviétique. Bref, une sorte de pendant technologique à la « valeur supérieure du soldat allemand », qui devait permettre de vaincre sans l’avantage du nombre.

Les armes miracles (Wunderwaffen) ou armes de représailles (Vergeltungwaffen) furent exceptionnellement un succès (fusil d’assaut StG 44). Parfois l’impact n'était que psychologique : V1 et V2 n’emportaient que peu de bombes, de manière imprécise, à un coût final exorbitant. Même le bombardier capable d’attaquer New York n’aurait infligé aucun dégât sérieux aux Alliés.

Messerschmitt Me 262A, National Museum of the USAF, Dayton (domaine public via Wikipedia) La course au gigantisme inutile fit également rage (char Maus). La réalisation péchait : si un appareil était utilisable, il n’était pas forcément assez fiable et endurant pour changer les choses (par exemple le fameux Me-262 à réaction). Ou l’industrialisation fut beaucoup trop tardive et hâtive (sous-marins XXI).

La planification allemande erratique, non centralisée, née des conflits entre baronnies et empires industriels, la fascination pour la technologie, mobilisèrent des ressources monstrueuses au dépens des industries classiques. Les armes allemandes ne furent jamais autant efficaces qu’en optimisant l’existant à partir d’un besoin de terrain (cas typique : les radios et les jerrycans pour les tanks en 1940). En face les Alliés n’étaient pas inertes, apprirent à dévier les V1 ou les bombes téléguidées, et amélioraient aussi leur matériel.

L’article conclut que le matériel allemand, malgré certains points forts, était en 1945 inférieur à celui des Alliés. Mais la propagande nazie intensive autour des armes miracle continue jusqu’à nos jours. Aucune arme ne suffit à gagner une guerre.

Mythe : L’Allemagne a perdu à cause de Hitler

En résumé : non. Le Führer a eu sa part de décisions catastrophiques, mais Benoist Bihan argumente :

  • l’Allemagne nazie ne pouvait pas vraiment mener la guerre autrement qu’à la manière d’Hitler (à supposer que le but ultime soit l’extension du Lebensraum à l’est, ou alors ce n’aurait pas été l’Allemagne nazie et il n’y aurait pas eu cette guerre) ;
  • beaucoup de facteurs internes expliquent l’échec allemand malgré Hitler (par exemple la fascination pour la technologie évoquée ci-dessus, le manque de centralisation, le manque de matières premières, une pensée militaire bloquée à Napoléon et la recherche de la bataille décisive, un suicidaire et aveugle mépris pour l’Armée Rouge...) ;
  • les Alliés ont participé très activement à abattre l’Allemagne qui ne s’est pas effondrée de l’intérieur.

Au final, les Allemands n’avaient aucune chance de battre la Seconde Guerre Mondiale (en gros : eux contre le reste du monde) sur le long terme.

Mythe : le Japon a capitulé à cause d’Hiroshima

Hiroshima et Nagasaki n’ont pas changé grand-chose pour les dirigeants japonais, dans un pays déjà réduit en cendres avant même les largages atomiques.

Bombes d’Hiroshima et Nagasaki (domaine public via Wikimedia) Le 9 août 1945 (le jour de Nagasaki) l’URSS honora la promesse faite aux États-Unis, rompit sa neutralité avec le Japon, et une Armée Rouge au faîte de sa puissance se rua sur la Mandchourie. L’armée japonaise, affaiblie par les prélèvements pour les autres fronts et doctrinalement dépassée, fut proprement pulvérisée. D’autres attaques soviétiques ailleurs suivirent.

À ce moment, les derniers espoirs japonais d’une reddition à leurs conditions (maintien de l’Empereur, pas d’occupation...) s’effondrèrent : perte de l’intermédiaire potentiel avec les Occidentaux, fin de l’espoir de tirer parti de la division entre Américains et Russes, ouverture d’un nouveau front, perte d’une région industrielle majeure, prise en tenaille et possibilité d’un blocus complet du Japon, perspective d’une occupation communiste (horreur !).

Les discussions autour de l’Empereur restent mal connues mais son fameux discours aux Japonais réécrivait déjà le passé en invoquant la puissance de l’atome : il fallait bien trouver une excuse à cette peu honorable capitulation. Les Américains n’ont pas démenti par la suite, aussi bien par égocentrisme que par nécessité de minimiser le rôle des Soviétiques : la Guerre Froide se réchauffa diablement vite en Asie.

Mythe : Churchill, Roosevelt et Staline se sont partagé le monde à Yalta

Les accords de Yalta (février 1945) devaient au contraire poser les bases de la reconstruction d’un monde pacifique et démocratique, avec notamment la création de l’ONU. Les Américains ont par la suite accusé les Soviétiques de ne pas les avoir respectés (en empêchant l’apparition de démocraties dans leur zone d’influence notamment). Les Français, vexés de ne pas avoir été invités, en rajoutèrent dans la légende du « partage du monde ».

Au moment des accords la situation était déjà gelée, l’Armée Rouge ayant pris le contrôle de l’essentiel de l’Europe de l’Est. Roosevelt avait besoin de la promesse soviétique d’entrer en guerre contre le Japon et espérait sans trop d’illusions intégrer l’URSS pacifiquement au nouvel ordre mondial. Staline ne voulait pas brusquer Roosevelt pourvu que sa main-mise sur l’Europe de l’Est soit acquise. Churchill commençait à vouloir résister à Staline.

L’ONU, la guerre contre le Japon furent actés. Staline promit des élections en Pologne. Des choses restèrent en suspens, notamment le sort de l’Allemagne : sa division n’a pas été actée à Yalta. Si les Occidentaux se sont résignés à la réalité d’une influence soviétique sur tout l’Europe de l’Est, ils n’imaginaient pas à quel point elle serait exclusive.