Quatre (Mise à jour du 27 mai 2007) CINQ ! tomes de pur plaisir, compilation des petits articles que le prolifique Bruno Léandri a publié dans Fluide Glacial. Léandri fait partie de la moitié que j’adore de ce magazine (je ne supporte pas l’autre moitié). Il est un de mes maîtres à penser et comme moi s’intéresse aux choses les plus absconses ou futiles, ou peut rester des heures à contempler une carte d’un pays qui n’existe pas ou tellement loin et isolé que c’est tout comme.

Le présent Blog Éclectique ne pouvait pas ne pas évoquer ce monument à la gloire de l’éclectisme et de la recherche du Savoir, dans les domaines les plus triviaux, parfois sérieux, et rédigé avec beaucoup d’humour. Je le relis en gros tous les deux ans.

Chaque article traite d’un sujet capital sous forme de mini-enquête (en général sérieuse) ou de compilation d’anecdotes sur un même sujet. En vrac et de manière arbitraire, citons :

  • les rois fous (Charles VI, Ivan le Terrible et quelques autres moins connus comme le doux Christian VII de Danemark) ;
  • les rois de pacotille (roi de Patagonie, de Corse, empereur du Sahara ou des États—Unis…), plus ou moins givrés ;
  • la sociologie aux toilettes, ou celle dans les manifs, ou des mendiants du métro ;
  • l’évolution de la poussette à travers les décennies, ou du guichet à travers les mois ;
  • les micro-arnaques, les techniques des camelots, les farces et attrapes ;
  • les vraies escroqueries si bien faites qu’on en reste admiratif (arnaque à la paire…) ;
  • les contes et légendes du code pénal ;
  • les modes, aussi bien dans les cours de récré (hula hoop, fausses totoches, scoubidous, yoyo…) que dans le langage ;
  • les réflexes acquis stupides (compter en francs, les réflexes qui reviennent des années après…), les micro-pathologies énervantes, les micro-paranoias ;
  • les rumeurs et mythes modernes genre chaînes de la fortune et bac obtenu à la septième tentative (on dirait aujourd’hui «légendes urbaines») ;
  • les bases, échecs et dérives de la poliorcétique ;
  • l’histoire chaotique du char d’assaut, ou du cuirassé ;
  • les guerres idiotes ;
  • Sigmaringen, en Allemagne, où se réfugia le gouvernement de Vichy sous la protection nazie à la fin de la guerre, dans une ambiance très glauque ;
  • les passages bizarres (interdits au moins de 18 ans) dans l’œuvre de Léautaud, et le lien avec certains personnages de Sigmaringen ;
  • les passages censurés pour outrage aux bonnes mœurs de documents essentiels de l’Affaire Dreyfus ;
  • les lois tacites, non écrites mais à respecter impérativement en société, et leur (absence de) justification éventuelle, et les traditions stupides ;
  • les lois bafouées sans que personne ne dise rien, et autres choses pas logiques ;
  • les délires du droit d’auteur (et ce n’est que le début) ;
  • les paniques ;
  • les méthodes pour dormir ;
  • les gaffes à ne pas faire, et les gaffes historiques ;
  • les mots historiques (dont certains si beaux qu’on ne cherchera pas à vérifier) ;
  • les noms propres, les mots piège ;
  • le fonctionnement du service des colis perdus de la Poste, avec quelques anecdotes croustillantes (et une désillusion sur le relatif manque d’opiniâtreté des agents de ce service à résoudre un casse-tête pour faire arriver le courrier) ;
  • les objets piégés du quotidien (emballages indestructibles, casseroles avec effet théière garanti, ouvre-boîtes piégés…) ;
  • le bestiaire des drapeaux nationaux et ses excentriques ;
  • les aberrations frontalières : les enclaves espagnoles en France, les enclaves de départements français dans un autre, l’île franco-espagnole de la Conférence, l’hôtel construit sur la frontière franco-suisse, le village franco-allemand de Scheibenhard… ;
  • les pays invraisemblables (souvent des îles sans assez de population pour même ouvrir une ambassade dans chaque pays du monde) ;
  • les tristes histoires des conquérants des deux pôles ou de montagnes morts en chemin ou au retour ;
  • l’application de la Loi de Murphy aux tentatives françaises de découverte de l’épave du Titanic ;
  • les endroits exceptionnels : le bled le plus chaud (34°C de moyenne à Dallol en Éthiopie), le plus froid (-36°C de moyenne à Oïmiaken en Sibérie), les endroits des records (147°C d’écarts entre les deux records, entre Antarctique et Lybie), le plus pluvieux, le plus sec, le plus au sud, le plus au nord (et ce n’est pas le Cap nord), les lieux cultes (plusieurs au Père Lachaise), les lieux paumés et les confettis de l’empire colonial français, les lieux oubliés… ;
  • les cas exceptionnels dans divers domaines (ornithorynque, Alsace, nombres, mots…) ;
  • les mystères qui n’en sont plus (notamment le Triangle des Bermudes) ;
  • les erreurs dans les films (cheveux longs sur des SS, canon napoléonien sans recul) ;
  • la face cachée des scientifiques et autres personnages connus (Newton était infect, Chasles un naïf, Tycho Brahé un tyran mégalo, Gutenberg un fou de procès, Walt Disney un facho fini ; Picasso manqua d’envoyer Apollinaire en taule, Karl Marx fit un enfant à sa bonne…), ou inconnus (Léopold Mozart, le frère maudit du Commandant Cousteau…), et leur fin parfois pathétique (Georges Méliès forain, le suicide d’Alan Turing, héros cryptologue de la Seconde Guerre Mondiale et un des fondateurs de l’informatique…) ;
  • les raccourcis saisissants de l’histoire (le chauffeur de Sir Arthur Conan Doyle, les liens entre Bakounine et Wagner…), et les changements qui n’ont tenu qu’à un fil (la ferme de Waterloo, la prise d’un exemplaire d’Enigma, la ligne Oder-Neisse…) ;
  • les impostures scientifiques (l’homme de Piltdown, le mensonge d’Yves de Kerguelen sur son île, le rayon N…) et les recherches à la con (mouvement perpétuel, nombres premiers) ;
  • les grands projets qui ont échoué lamentablement (l’aérotrain, la TVHD des années 80, le moteur rotatif…) ;
  • la peu regrettée nombrilologie ;
  • les tristes histoires de bateaux aux fins moins glorieuses et finalement plus tragiques que le Titanic (dont l’apocalyptique Great Eastern qui a tué des passagers quasiment à chaque voyage) ;
  • les allumés de l’art, les serial killers ;
  • les codes secrets ;
  • etc., etc., etc.

J’y ai notamment trouvé les réponses aux questions existentielles suivantes (je mets les réponses en note) :

  • Pourquoi ne doit-on pas parler de corde dans un théâtre ? [1]
  • Pourquoi vaut-il mieux parfois reconnaître qu’on a volé un objet précieux alors qu’on l’a acheté de bonne foi des années auparavant ?[2]
  • Pourquoi les tankistes japonais ont-ils souffert lors de l’invasion de la Mandchourie en 1931 ?[3]
  • Quel a été le maréchal le plus incompétent de l’Histoire de France ?[4]
  • Y a-t-il des morceaux du territoire français non cartographiés ?[5]
  • Quelle est la bourgade la plus isolée au monde ?[6]
  • Quel est l’hymne national le plus court du monde ?[7]
  • Quel est le lien entre Sartre et des homards ?[8]
  • Le cloporte n’est pas un insecte ; mais alors, qu’est-ce ?[9]
  • Quelle marque française très connue avait pour logo une croie gammée ?[10]
  • Quel pays européen peu connu pour son impérialisme a envahi par inadvertance son voisin dans les années 90 ?[11]
  • À qui doit-on payer des droits pour publier une photo nocturne de la Tour Eiffel ?[12]
  • Comment s’appellent les rois en exercice en France ?[13]
  • Quel milliardaire américain a déraillé de son train miniature géant et failli tuer plusieurs membres de sa maisonnée ?[14].
  • Quel est l’endroit que visitait l’empereur Hiro Hito quand il s’exclama « Il semble que cet endroit ait été considérablement endommagé » ?[15]
  • Pourquoi les œufs français sont-ils bruns alors qu’ailleurs ils sont blancs ?[16]
  • Quelle est la dernière unité à cheval de l’armée française ?[17]

Olivier Abélard a également une critique de l’Encyclopédie du Dérisoire.

(10 Août 2007) Le tome 5 est du même tonneau !

Notes

[1] Les techniciens étaient souvent d’anciens marins pour qui le mot corde était réservé à celle pour pendre quelqu’un.

[2] Le vol est un délit prescrit après quelques années ; le recel dure tout le temps de la possession de l’objet.

[3] Par un curieux hasard, l’écartement des galets du char correspondait exactement à l’écart entre les sillons des champs locaux ; les cahots étaient insupportables.

[4] Bazaine. Ses seules victoires l’ont été en Algérie ; sa reddition à Metz pendant la guerre de 1870 lui vaudra une condamnation à mort, plus tard commuée.

[5] Oui, aux îles Crozet, territoire français paumé non loin de l’Antarctique et des Kerguelen, la carte comporte un blanc et un pudique “Nuages” en légendes.

[6] Tristan da Cunha au milieu de l’Atlantique. Le plus proche cinéma est en Afrique du Sud à 2500 km.

[7] Le japonais.

[8] L’écrivain a un temps goûté à la drogue par curiosité, a pris une dose un peu forte, et se croyait environné de crustacés.

[9] Un crustacé, le seul terrestre.

[10] Lesieur. Aucun rapport avec les nazis bien sûr, juste une même inspiration (la svastika hindoue).

[11] La Suisse. Des manœuvres ont par erreur débordé sur le petit Liechtenstein.

[12] À l’éclairagiste.

[13] Tomasi Kulimoetoke II (roi d’Uvéa), Soane Patita Maituku (d’Alo), Visesio Moeliku (de Sigave). Ces territoires font partie des territoires bien français de Wallis-et-Futuna ; deux d’entre eux ont été récemment reçus à Paris d’ailleurs.

[14] Walt Disney

[15] Hiroshima juste après la guerre.

[16] Les Français veulent des œufs bruns, c’est comme ça.

[17] La Garde républicaine.