Il ne faut pas…
Dans un texte informatisé :
- Ne pas utiliser les guillemets droits, si tentants sur la touche
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de votre clavier (hors contexte informatique pur où les conventions typographiques sont de la science-fiction).
Et si vous cédez à cette tentation, Pauline Morface conseille de les coller “comme ceci” afin qu’un logiciel comme Word ou Openoffice Writer sache corriger et déduire dans quel sens placer les guillemets français (ce qu’il ne peut pas deviner s’il y a des espaces).
- Ne pas utiliser des pis-aller du genre de
<< ceci >>
ou`` cela "
. Les systèmes actuels sont tous capables de respecter la typographie traditionnelle, profitons-en.
- Ne pas s’étonner si les guillemets anglais ouvrants et fermants s’affichent de manière identique dans certaines polices de caractères ; cela arrive mais on a bien deux caractères différents.
- Ne pas généraliser ce qui précède à toutes les variantes locales des langues concernées : français canadiens, suisses franco- ou germanophones… ont leurs variantes subtiles (voir les articles en références).
Pourquoi ?
Ça sert
Il est si pratique d’utiliser les guillemets droits si accessibles…
Comme il serait si pratique d’abandonner la moitié dé raigles degra mèr ait deux laicer lait jeans écrire côme il leu désir.
Je parie que le dernier segment de la phrase ci-dessus a nécessité trois fois plus d’attention pour être lu que la première partie, même pour un réfractaire à l’orthographe officielle. Tout est affaire de lisibilité et de convention. On peut en changer (et pratiquer par exemple le « langage SMS », apprendre l’espagnol ou la langue des signes) mais l’adaptation est longue. Chaque groupe humain avec sa langue propre instaure de fait des conventions, dont le non-respect réduit la vitesse de compréhension. Les conventions typographiques en font partie. Ce n’est certes pas la partie la plus importante, je suis d’accord, mais c’est une partie d’un tout.
Lisibilité
Continuons sur la lisibilité. Dans ces exemples piqués à J.-D. Rondinet et O. Randier, cherchez le plus immédiatement compréhensible :
« Attention ! »
«Attention!»
“Attention!”
Notre cerveau fonctionne en reconnaissant les mots à leur forme plutôt qu’en déchiffrant lettre à lettre ; les espaces et les guillemets larges sont donc une belle invention. L’exemple suivant est encore pire :
L‘“apostrophe dactylo” est à proscrire.
L’« apostrophe dactylo » est à proscrire.
Identité
Ces détails typographiques font également partie de l’identité même d’une langue, et celle-ci est aussi une masse de petits détails. En français on dit « table » pour désigner un certain meuble, on ne décline pas les noms mais on conjugue assez bizarrement, on rajoute des cédilles à certains c, et on utilise des guillemets bien visibles. Il serait possible d’écrire β à la place de ss comme les Allemands, mais ça n’est pas la tradition.
Ces conventions changent suivant les pays pour de simples raisons d’inertie et de maintien de règles préexistantes, pour continuer à lire aisément les textes existants, mais aussi pour la lisibilité. Celles sur les guillemets français, l’espace avant les ponctuations doubles… sont liées en partie à la présence fréquente d’apostrophes chez nous. Notre longueur moyenne de mots est aussi intermédiaire entre l’anglais et l’allemand, je ne sais en quoi cela joue sur l’existence d’espaces insécables.
Enfin, ce genre de petit détail fait le charme et l’identité d’une civilisation - et accessoirement permet de repérer les gens instruits et consciencieux :-)
On rejoint la bataille pour l’orthographe. Si certains allègements sont possibles, tailler dans la logique de la langue et ce qui en fait une partie du charme est dangereux - y compris et surtout quand on cherche là à adapter la langue à des contraintes techniques, qui soit ont déjà disparu, soit le pourraient avec un minimum d’effort. Mais le plus grand danger est encore la simple ignorance.
Soyons optimiste : les traitements de texte notamment ont inculqué (consciemment ou pas) plus de notions de typographie au commun des mortels que bien des cours du genre de celui que vous lisez.
6 réactions
1 De David Latapie - 28/07/2006, 00:53
Il y a aussi quelques rares invariants scientifiques
- blog.empyree.org/?1910-ca...
- blog.empyree.org/?115-l-i...
Pour l’eszet, je ne suis pas certain du tout que carnaßier soit correct. Ce n’est pas une question de tradition, me semble-t-il, c’est véritablement incorrect. À moins bien sûr d’un argument pour le contraire…
2 De Le webmestre - 30/07/2006, 21:58
Pour le ß, c’était une idée comme ça. On a bien des caractères (glyphes ? est-ce le bon terme ?) comme la ligature entre s et t, ou le & qui remplaçait très souvent le « et » dans les livres du XVIIIè siècle.
3 De David Latapie - 31/07/2006, 02:41
Glyphes et caractères sont différents. C'est même une différence fondamentale pour bien comprendre la typographie, surtout informatique. Si ça vous parle : structure/présentation (un peu comme HTML/CSS).
Glyphe = apparence (A Α)
Caractère = sens (caractère latin a majuscule, caractère grec alpha majuscule)
De nombreux caractères ont un glyphe (masculin malgré le e final) identique, mais ils restent bien sûr de sens différents. Les polices concatènent souvent plusieurs caractères dans un seul glyphes, du coup (et il n’y a rien de crade à le faire). Ceci pose cependant un problème de sécurité : EBAY.com, ΕΒΑΥ.com
Tout comme un glyphe peut recouvrir plusieurs caractères [,(virgule) ‚ (www.fileformat.info/info/... un caractère peut avoir plusieurs glyphes : petites capitales et chiffres elzéviriens (blog.empyree.org/?1656-ch... Même sens, présentation différence.
Plus d’informations :
- caractère/glyphe blog.empyree.org/?310-b-b...
- sécurité blog.empyree.org/?2038-de...
4 De David Latapie - 31/07/2006, 02:59
Oubli :
il y a deux types de ligatures :
- les ligatures esthétiques, comme st ��? fl ff ffi ffl (st, fi, fl, ff, ffi, ffl) qui sont des glyphes
- les ligatures « sémantiques », comme œ et æ, qui ont un sens (la pertinence du sens est un autre débat) et sont donc des caractères. Attention, ne pas confondre des ligatures-ci avec des digrammes (ai, eu, qu…)
Les catégories ne sont pas étanches, comme le montre le cas de l’esperluette, historiquement une ligature esthétique (donc un glyphe) du latin "et" et depuis devenu un caractère. On peut en dire autant du eszett allemand (ß) ou du s long (ſ) aujourd’hui tombé en désuétude. Dans ce dernier cas, les choses se compliquent avec le esh (ʃ) utilisé en phonétique ([ʃa] pour chat) et le symbole mathématique de la somme (Ʃ) qui est un s long par son caractère mais un sigma (Σ) par son glyphe ! Effectuez d’ailleurs une recherche sur cette page fr.wikipedia.org/w/index.... vous allez voir que des caractères d’apparence très différente sont également reconnus.
Plus d’informations : fr.wikipedia.org/wiki/Lig...
5 De culturel - 12/12/2007, 09:45
coucou, article très intéessant :) je me demandais ce ue tu voulais indiquer dans cettde précision : 'ce qu'il ne peut pas deviner s'il y a des espaces' ... A+
6 De Moi - 04/12/2019, 15:27
Il n’y a que moi que ça dérange, le trait d’union dans « Enfin, ce genre de petit détail fait le charme et l’identité d’une civilisation - et accessoirement permet de repérer les gens instruits et consciencieux :-) » à la place du tiret ?
Assez ironique, non ?
On pourait même pousser le vice jusqu'à souhaiter un « 🙂 » à la place du « :-) », non ?
😉