Terminerai-je cette chronique avant la fin du mois ? Vous le savez déjà, le suspens n’existe que pour moi au moment où je rédige ces lignes.

Résumé : un bon cru.

Comme d’habitude, les italiques sont des commentaires personnels ajoutés à un résumé sélectif qui tente la fidélité aux articles originaux.

Le bloc-note de Didier Nordon

Les liseuses électroniques abolissent enfin une discrimination : les livres pourront enfin avoir un nombre de pages impair.

Ne votez pas, jugez !

C’est de saison : l’article reprend une proposition de système de scrutin par jugement simultané de tous les candidats, qui n’a pas les inconvénients du système actuel ni les inconvénients du système de Condorcet, par exemple.

J’en ferai un billet séparé.

Science, énergie & élections

Un article de Benjamin Dessus de l’association Global Chance s’insurge contre la manière dont l’énergie nucléaire est présentée dans la campagne :

  • tout d’abord l’électricité ne représente qu’une petite partie de l’énergie dépensée en France ;
  • c’est d’abord la réduction de la demande qui permettra de ne pas émettre trop de CO₂ : les économies d’électricité potentielles sont énormes : isolation, eau chaude solaire, appareils sobres...

Le nucléaire a un coût difficile à estimer mais la Cour des Comptes fournit des chiffres.

En résumé, sortir du nucléaire vers 2031 est possible, avec un kilowattheure 20% plus cher mais une facture 25% moins élevée !

Science & politiques de sécurité (& donc élections)

Le sociologue Sebastian Roché nous donne un résumé de nombreuses études sur l’efficacité des diverses politiques de sécurité appliquées un peu partout en Occident :

L’alourdissement des peines est contre-productif, et cela inclut le jugement de mineurs en tant que majeurs : une longue détention rend plus compliquée la réinsertion.

La « police communautaire » (chez nous : la défunte « police de proximité ») vise à améliorer les liens avec la population, s’impliquer dans la prévention… mais aussi à comprendre les délits et à les prévenir : le résultat est surtout visible sur les incivilités et désordres, mais aussi (modestement) sur la délinquance de rue (vols…) ; bref c’est une piste prometteuse.

La « police analytique » est une méthode : analyser comment des méfaits se déroulent, imaginer et diffuser des contre-mesures parfois simples ; apparemment efficace, elle n’est utilisée en France qu’au coup par coup. L’auteur regrette que la France préfère la « gestion verticale », centrée sur l’après-délit, les chiffres de résolution… au lieu de la police analyitique notamment.
(Prévenir plutôt que guérir, ça ne date pourtant pas d’hier…)

La vidéosurveillance a un intérêt réel dans les lieux clos, typiquement les parkings, mais pas ailleurs, et n’est en rien la solution miracle prônée par certains.
(Surtout par les vendeurs de caméras je pense, et ceux qui veulent économiser des postes de policiers. Je n’ai toujours pas compris comment une caméra pouvait protéger d’un délit.)

Il existe des méthodes « cognitivo-comportementales » visent à corriger les biais cognitifs des délinquants (prendre une simple remarque comme une provocation par exemple, ou rechercher uniquement les satisfactions immédiates, ou se voir tout le temps comme une victime). Les résultats sont spectaculaires (-30 à -50% de récidive).
(Oui mais ces psys qui causent avec des jeunes, ça doit coûter plus d’argent sur le court terme que les laisser croupir en prison…)

Science & politique de santé (& élections)

Les deux auteurs sont des médecins. En résumé, leur étude clame que jusqu’ici seule la régulation par des mécanismes de marché a été mise en place en France, sans succès : réduction du nombre de médecins, tarification à l’acte (inadaptée pour les pathologies difficiles), développement des cliniques privées. De plus les missions de service public comme la prévention, les urgences, la formation des internes... sont limitées.

Les auteurs réclament le retour au remboursement à 80% et s’opposent à une franchise modulée selon les revenus : ce serait encore reporter le problème sur les mutuelles et réserver la solidarité à 100% aux plus pauvres, et « une solidarité pour les pauvres se transforme très vite en solidarité au rabais ! ». Ils demandent des règles draconiennes pour autoriser le remboursement d’un médicament, qui doit être efficace (donc : 80% de remboursement, ou 0), et de favoriser les génériques (pas si utilisés que ça en France).

Ou encore : une taxe sur la publicité de médicaments vers le corps médical doit financer la formation continue des médecins. Il y aurait 25% d’actes injustifiés (25 % !!!) : les économies potentielles et l’enjeu éthique sont flagrants.

Pour le financement, ils en appellent à Philippe Séguin, qui voulait soumettre les stocks-options aux cotisations sociales (3 milliards) ; et à la hausse automatique des recettes pour combler tout déficit et ne pas reporter la dette sur les générations futures (avec intérêts).

Au final… ils proposent le système en place en Alsace-Moselle : plus cher (1,5% du salaire contre 0,75%), mais remboursant mieux… et bénéficiaire !

Pour finir : le système est encore à réformer de fond en comble. Prise en compte de trois types de médecines différents (maladies bénignes, graves, chroniques), coordination, réforme des modes de rémunération des généralistes, centres de santé, formation des médecins (en communication, psychologie, pédagogie ; stages…), rénovation du secteur psychiatrique, accent sur la prévention et pas que sur les soins, « démocratie sanitaire » et contrôle, etc.

« Vaste programme… »

En route vers Mars

Les deux auteurs travaillent pour la NASA et proposent un programme spatial avant tout flexible, capable de s’adapter aux évolutions technologies et budgétaires. En fait, l’argent est la première contrainte pour la NASA avant la technique ou la balistique spatiale...

Au lieu de foncer directement sur Mars, la technique des petits pas viserait plutôt à explorer des astéroïdes de plus en plus gros et de plus en plus éloignés, où se poser est facile. Il y en a de nombreux intéressants selon les fenêtres de tir budgétaires. Une fois les lunes de Mars atteintes et explorées, on pourrait envisager de se poser sur la planète, ce qui est l’opération la plus complexe.

Les vaisseaux à propulsion ionique, lente mais régulière, sont peu coûteux (critère finalement majeur). Pour éviter que les astronautes restent trop longtemps dans l’espace, il suffirait de prépositionner sur le chemin des fusées classiques arrivées, elles aussi, par propulsion ionique : résultat environ -50% en masse au décollage, et autant en coût.

De même, le vaisseau spatial (réutilisable) serait monté en orbite terrestre haute par propulsion ionique (lentement), les astronautes le rejoignant avec une fusée classique au dernier moment.

Un encart du CNES parle des réacteurs nucléaires, thermiques ou électriques, comme une option pour réduire les temps de trajet.

Le retour de la punaise de lit

Depuis des millénaires, la punaise de lit se nourrit de sang humain la nuit, et heureusement elle ne transmet pas de maladie. Éradiquée en Occident au XXè siècle, grâce au DDT notamment, elle s’en rit depuis longtemps, et fait un retour en force grâce au chauffage central et aux échanges inter- et intranationaux !

S’en débarrasser est une plaie, entre autre grâce à sa capacité à jeûner des mois et à se disperser. Nettoyage à fond, congélation, chauffage à 50°, insecticides spécifiques et rémanents… les outils sont nombreux mais pas parfaits. De nouvelles armes pourraient se baser sur leur mode de reproduction « traumatique » (le mâle transperce la femelle, et parfois se trompe de cible), que l’on pourrait manipuler à coup de phéromones par exemple. Le temps presse, la résistance aux insecticides se développe...

Divers

  • Dans son « Point de vue », Pierre-Henri Gouyon nous alerte sur la dernière loi sur les semences : en vue de mieux contrôler et tracer les cultures, le ressemage des graines par les agriculteurs est interdit, sauf paiement d’une taxe à l’industriel semencier. Une objection majeure : certes la centralisation et l’industrialisation des semences ont permis de gros gains de productivité, mais cette loi interdit la « sélection participative » entre agriculteurs, misant sur la sélection naturelle.

    (Consternant. Le parallèle avec l’informatique ou le domaine des médias est flagrant : quelques groupes veulent totalement dominer un domaine où la coopération dans un léger bazar est à long terme bien plus riche et productive… pour la société, pas les grands groupes.)
  • Nos souvenirs ne sont pas immuables : ils évoluent avec le temps et les répétitions. Hors quelques événements frappant précis (au cadre, lui, reconstruit), la plupart des souvenirs se confondent dans un savoir plus général et générique (prendre le train…). Or les souvenirs sont le fondement de l’identité. Comment un petit enfant construit-il son identité avec un système de mémorisation immature ? Comment les pathologies atteignant l’identité (schizophrénie…) atteignent-elles les souvenirs ?
  • La savane centre-africaine serait l’œuvre de l’homme : 1000 ans avant Jésus-Christ, la migration des Bantous, agriculteurs qui possédaient la technologie du fer, aurait provoqué un défrichement important, l’érosion des sols puis la disparition de pans entiers de la forêt africaine.
  • Donner des acides gras (oméga 3) aux femmes enceintes réduirait l’incidence de l’eczéma et des allergies aux œufs après la naissance.
    (L’impact de notre alimentation sur notre santé me fascinera toujours.)
  • La rubrique d’histoire des sciences parle de l’abaque de Gilbert d’Aurillac : ce moine astronome et mathématicien, devenu le pape de l’An Mil Sylvestre II, avait tenté d’introduire les chiffres arabes qu’il avait appris en Espagne à l’aide d’une abaque, sans zéro ni numération de position. Son utilisation nous semble assez absconse, mais cela restait un progrès : la division n’était pas possible avec les abaques de l’époque ! On ne sait pourquoi Gilbert n’a pas directement proposé le calcul écrit permis par la numération de position et le zéro (peur d’être accusé de sorcellerie ?). Le système actuel s’est répandu comme une traînée de poudre deux siècles plus tard.
    (Deux siècles perdus. Sur le sujet, voir mon résumé du pavé de Georges Ifrah L’histoire universelle des chiffres.)